Investissements directs étrangers et croissance économique : cas du Maroc

Investissements directs étrangers et croissance économique : cas du Maroc

 Jamal SEKALI

Université Mohammed V – Rabat, FSJES de Salé. Maroc

  1. Introduction 

Auparavant, l’investissement direct étranger (IDE) était regardé avec beaucoup de méfiance par la majorité des pays en développement. Il était considéré comme une menace de la souveraineté nationale, et les firmes multinationales étaient soupçonnées de réduire le bienêtre social par la manipulation des transferts des prix et de diminuer les opportunités des investisseurs locaux[1].

        Maintenant, les IDE sont de plus en plus sollicités aussi bien par les pays développés que par les pays en développement et ne sont plus considérés comme un facteur de dominance, mais plutôt comme un canal majeur de transfert de technologies et d’innovation[2].

       Aujourd’hui, l’investissement direct étranger représente également, pour certains pays, une solution efficace aux problèmes difficiles de financement d’une croissance durable et un financement non générateur de dette. Donc il s’est fortement imposé en tant qu’alternative à l’endettement extérieur qui a entrainé des problèmes pour plusieurs pays en développement.        Par ailleurs, les IDE ont connu un essor important dû à certains facteurs tels que la vague des privatisations[3], l’ouverture commerciale et financière et l’amélioration du climat des affaires dans les pays d’accueil.

          Au Maroc, l’accueil des investissements directs étrangers était et demeure une priorité majeure pour le décollage et la création d’une dynamique de développement économique dans le pays. Par ailleurs, l’économie marocaine a toujours été considérée parmi les économies les plus libérales et les plus ouvertes au niveau de la région du Nord d’Afrique et du Moyen Orient. Elle est celle dont les structures productives, commerciales et financières sont les plus conduites par l’initiative privée et les plus exposées aux marchés étrangers.

De ce fait, le Maroc connait, depuis quelques années, une augmentation vertigineuse des flux des investissements étrangers, bénéficiant d’un climat de stabilité politique et économique, l’approfondissement des réformes et des incitations à l’investissement. Ces facteurs, entre autres, ont fait du Royaume, aujourd’hui, une destination incontournable et préférée des investisseurs étrangers. 

          A cet égard, nombreux sont les travaux de certains auteurs et organismes internationaux qui estiment que les flux de capitaux vers les pays en développement sont un moyen efficace pour stimuler la croissance économique[4]. Selon ces auteurs, ces flux constituent des fonds additionnels mis à la disposition des économies locales. Ils favorisent l’accroissement des niveaux d’investissement et par conséquent de la croissance économique.

         A côté de cette vague de théories et pensées qui mettent en relief les effets positifs des IDE sur la croissance certains penseurs persistent à démontrer le contraire. Ainsi, certains trouvent que les capitaux des IDE n’a aucun effet sur la croissance économique.

         L’objectif de notre article est l’étude du lien entre les flux de capitaux des IDE vers l’économie marocaine et la croissance économique. La majorité des études qui ont porté sur les IDE et l’attraction des capitaux vers le Maroc les ont traités de façon générale, tout en négligeant d’analyser l’impact réel de ces investissements directs étrangers sur la croissance économique marocaine.

         A partir de tous cela, la problématique dont traite le présent article a pour objet d’étude de la relation qui peut être exister entre l’investissement direct étranger et le comportement de la croissance économique, autrement dit, l’investissement direct étranger contribue-t-il à l’amélioration de la croissance économique au Maroc ?

     Le reste du document est organisé comme suit : La section 2 présente l’évolution des IDE au Maroc. La section 3 présente les données, la méthodologie. La section 4 traite des résultats.

La section 5 est réservée pour la discussion de nos résultats.

  •  Les flux des IDE au Maroc

Au Maroc, et avant 1990[5], les entrés des investissements directs étrangers étaient relativement faibles. Ils constituent un phénomène relativement récent qui a pris de l’ampleur durant les deux dernières décennies.

       D’après une simple analyse des flux d’IDE au Maroc montre que ces derniers ont connu une forte évolution, passant de 165 Millions de dollars en 1990 à 2836 Millions de dollars en 2012, soit environ une multiplication par dix-sept. Il faut noter que les meilleures performances des IDE s’expliquent principalement par les opérations importantes de privatisation. L’évolution des IDE entrant au Maroc semble être expliquée en grande partie par les opérations de privatisation. Sur les 10,7 milliards de dollars d’IDE pour la période 1993-2003, 6,4 milliards de dollars proviennent des opérations de privatisation[6].

     Graphique n°1 : Flux d’IDE entrant au Maroc (1970-2013) (Millions de dollars) 

Source : établi d’après les données de la CNUCED

         Comme l’indique le graphique, la forte croissance des flux d’IDE est un phénomène relativement récent pour le Maroc. L’évolution des IDE reflète leur volatilité et dépendance des opérations de privatisation.

       Le programme de privatisation a été stoppé de septembre 1998 à mi-1999 en raison de la révision de la loi de privatisation. C’est la raison pour laquelle, entre 1998 et 2000, les recettes de la privatisation, et par conséquent les flux d’IDE se sont fortement réduits.

L’augmentation du flux entrant des IDE a eu un impact significatif sur le stock des IDE au Maroc. De 1990 à 2012 le stock d’IDE a considérablement augmenté, passant de 3,01 milliards de dollars à 48,1 milliards de dollars en 2012.

Graphique n°2 : Stock des IDE au Maroc (1980-2012) (Millions de dollars)

                                                      Source : établi d’après les données de la CNUCED 

Cette évolution, remarquable des flux et stock des capitaux étrangers, a été permise par la volonté du Maroc d’intégrer dans l’économie mondiale.

  • Performance du Maroc par rapport aux pays voisins

      Pendant la dernière décennie, l’Afrique n’a cessé d’attirer les capitaux étrangers. Cependant, c’est l’Afrique du Nord qui accapare la part du lion dans les IDE à destination de l’Afrique. L’Egypte, le Maroc, l’Algérie, et la Tunisie ont été les hôtes des IDE les plus conséquents.

    En 2012[7], pour la deuxième année consécutive, les flux des investissements directs étrangers au Maroc ont dépassé les 25 milliards de DH, ce qui a positionné le Maroc au premier rang parmi les pays de l’Afrique du nord pour ce qui est des entrées IDE, avec un montant de 2,836 milliards de $US contre 2,568 milliards de $US en 2011, soit une évolution de + 10,44%.       Cette performance est expliquée essentiellement aux efforts déployés par les pouvoirs publics pour améliorer le climat des affaires et pour une grande partie à la politique de privatisation.

    De son côté, l’Egypte a attiré un volume d’investissement de 2,8 milliards de dollars après un désinvestissement net de 0,5 milliard de $US l’année précédente. Cette évolution positive révèle bien la reprise des IDE en Egypte après les troubles sociaux vécues en 2011. 

Graphique n°3 : flux d’IDE par pays hôte en Afrique du Nord (1980-2012), (M de dollars)

Source: établie d’après les données de la CNUCED

     Comparativement aux pays de l’Afrique du Nord, le Maroc a enregistré un rythme de croissance annuel moyen des investissements directs étrangers de l’ordre de 0,22% entre 2007 et 2012 contre 3,5% pour la Tunisie. Pourtant, les flux d’IDE en Egypte et en Algérie ont régressé avec un taux annuel moyen de 24,7% et de 2,2% respectivement.

Il y a lieu de signaler que les flux des IDE au Maroc ont représenté 24,66des flux IDE à destination de l’Afrique du Nord en 2012 et 6% des IDE à destination du continent Africain.      En 2013, le Maroc a attiré 3,36 milliards de dollars d’IDE contre 2,79 en 2012, soit une augmentation de 23%.  C’est le secteur manufacturier qui attire le plus d’investisseurs étrangers. Les autres secteurs attractifs incluent l’immobilier, l’agro-alimentaire et les infrastructures.

       Le Maroc a bénéficié d’une solide croissance de ses IDE en 2013, malgré une dynamique d’investissement ralentie en Afrique du Nord, du fait des tensions politiques et sociales persistantes. L’Egypte qui conserve la place de premier récepteur d’IDE en Afrique du Nord avec 5,55 milliards de dollars en 2013. Le Maroc se classe second, suivi par, l’Algérie et la Tunisie[8].

Tableau n°4 : Flux IDE dans les pays de l’Afrique du nord entre 2007 et 2013 en (millions $ US)

                    Source : Rapport 2014 sur l’investissement dans le monde, CNUCED  

  •  Les investissements directs étrangers par pays d’origine

     Comme dans les autres pays du Maghreb, l’Europe reste la première source d’investissements étrangers au Maroc. Les principaux pays sources d’investissements pour le Maroc sont la France qui occupe la première place, suivie des Emirats Arabes unis et des Etats-Unis puis Espagne.

Il convient néanmoins de relativiser ces chiffres, étant donné que les sociétés françaises et espagnoles ont participé de manière active dans les opérations de privatisation engagées par l’Etat marocain. Les principaux investissements français au Maroc se sont concentrés dans le secteur des services (télécommunications).

       En 2012, la répartition des investissements directs étrangers par pays d’origine laisse apparaître une présence des trois pays du Golf dans le top 10 des investisseurs au Marocain si qu’une prédominance des investissements européens avec une part de 49%, suivis des investissements des pays arabes (31%), des pays américains (8%) et des autres pays (12%). 

On remarque qu’au titre de l’année 2012, la grande partie des IDE sont en provenance de la France avec une part de 39%, suivi des Emirats Arabes unis puis des Etats-Unis dont les parts sont évaluées à 25% et à 5%.  

      Les IDE provenant de la France ont affiché une hausse de 48% en 2012 en comparaison avec l’année 2011.  En ce qui concerne les IDE d’origine Emirats Arabes unis et Etats unis, ils ont évolué de 79,5% et de 45,5% respectivement. Quant aux IDE provenant de l’Arabie saoudite, de l’Espagne et de la Suisse, ils ont accusé une baisse à la fin de l’année 2012 en comparaison avec l’an dernier[9].

Tableau n°5 : Répartition des IDE par pays au Maroc 2007-2012 (En Millions de DH)

 200720082009201020112012
France14 273,910 545,6  12 958,320 491,98 546,812 600
Espagne6 108,42 616,11 542,01 897,61 546,01 300
Suisse1 325,21 660,61 023,61 533,41 197,11 100
Grande Bretagne2 576,31 214,1988,01 023,91 183,6800
Etats-Unis1 543,7837,8734,0633,81 126,41 600
Emirats Arabes unis3 809,64 716,01 150,82 611,64 471,07 900
Pays bas504,1188,5208,5566,6572,81 000
Arabie Saoudite636,7510,5258,7584,91 595,01 200
Autres 7481,17343,76385,85734,7 4 400
Total37 959,027 963,025 249,735 068,325 627,831 900

Source : office des changes

 En 2012, les IDE français ont représenté 39,49 % des flux d’IDE au Maroc. La France reste le premier pays investisseur au Maroc.

Il convient d’énoncer qu’à partir de 2009, les Emirats Arabes Unis sont devenues le deuxième investisseur au Maroc, avec un intérêt  pour les secteurs de l’Energie et des Mines, de l’Industrie et de l’Immobilier[10].

Il faut noter que, La période 2007-2011 a connu l’émergence des pays du Golfe en termes de recettes des IDE. Ces dernières sont passées de 16,9% en 2007 à 27,4% en 2011.

Graphique n°4: Les principaux pays source d’investissements au Maroc en 2012

Source: élaboré d’après les données de l’Office des changes

  • Présentation de l’étude économétrique
  • Présentation des variables

Tableau n°6: Sources et définition des variables

variableDéfinition et constructionSource
PIB réel par habitant  (Yt)Logarithme du PIB réel par   habitant  Ministre de L’Économie et des
Les investissements directs étrangers Flux entrants des IDE en millions de dirhams Office des changes 
Le taux d’ouverture commerciale  (TOC)(Exportation + Importation)/PIBMinistre de l’Économie et des Finances
Consommation publique (Con)La dépense de consommation finale des administrations publiquesBase en ligne de la Banque   Mondiale  
Capital humain (KH)Le taux brut d’inscription à l’enseignement secondaireBase en ligne de la Banque   Mondiale
Le taux d’inflation (TIF)  L’indice des prix à la consommation   Ministre de L’Économie et des Finances
Le taux d’investissement national (TIV)(FBCF+∆S)/PIBMinistre de L’Économie et des Finances
 Stock d’IDE entrant (IDE stock)la valeur de la part des capitaux et des réservesLa base de données du CNUCED, UNCTADstat.
  • Spécification générale du modèle

        Dans cette partie, nous allons traiter économétriquement la relation entre les flux de capitaux des IDE et la croissance économique. Dans le cadre de notre étude, nous allons introduire différents indicateurs relatifs aux flux de capitaux des IDE dans une régression expliquant la croissance économique. Le modèle de croissance retenu s’inscrit dans le cadre théorique des modèles de croissance endogène. Dans ces modèles, la croissance de long terme est déterminée par les politiques gouvernementales et d’autres facteurs. Les premiers modèles ont élargi la notion de capital pour introduire le capital humain (Romer 1986, Lucas 1988). Barro (1990,1991) a introduit la consommation publique dans ces modèles de croissance endogène. Pour étudier l’impact de l’entrée des flux de capitaux des IDE sur la croissance économique, nous allons adopter un modèle standard (1.1). Ce modèle s’inspire des modèles utilisés par Barro (1997) et inclut certaines variables de contrôle qui ont tendance à affecter la croissance. Ces variables comportent l’investissement et le capital humain, en plus d’autres variables de contrôle. Cette partie aura, donc, pour but d’évaluer empiriquement l’impact de la libéralisation des flux des IDE sur la croissance économique. Le modèle de croissance de base est:  PIBt = αi + β1KHt + β2IDEt + β3TOCt+ β4TIVt + β5TIFt + β6 Cont+ εt    (1.1)   

  •   Présentation des résultats 
  • Application du test de stationnarité

                                Tableau n°7 : Résultats du test ADF en niveau

 Test en niveau 
VariableSans tendance et avec Constante(INTERCEPT)  Avec tendance et constante (TREND and INTERCEPT)Sans tendance et sans constante(NONE)
 Valeur de test ADFT tabuléValeur critique à 5%Valeur de test ADFT tabuléValeur critique à 5%Valeur de test ADFT tabul éValeur critique à 5%
Yt1.230002  -2,93-2.96041-0.032301-3,50-3.562882  1.961624-1,95-1.952066  
TOC-3.349800-2,93-2.954021-3.219785-3,50-3.552973-0.137603  -1,95-1.951332
TIV-0.761826-2,93-2.954021   -1.550675  -3,50 -3.552973  0.707649-1,95 -1.951332
TIF -2.847855-2,932.954021-4.622522  -3,50-3.552973   -2.506419  -1,95-1.951687
KH0.117308  -2,93-2.954021  -0.647363-3,50-3.552973-1.735755-1,95-1.951687  
CONP-1.277495-2,93-2.954021-0.683566-3,50 -3.552973-0.433146  -1,95-1.951332  
IDE (Stock)  2.043571  -2,93 -2.954021   -0.843984  -3,50 -3.552973  3.933112  -1,95-1.951332  
IDE (Entrées)0.283556-2,93-2.957110-2.139672-3,50-3.5577591.414177-1,95-1.951687

 

 Puisque toutes les variables sont non stationnaires en niveau, on passe à des tests sur les variables transformées en différence première, les résultats sont fournis par le tableau suivant : 

Tableau n°8 : Résultats du test ADF en différence première

Test en différence première
VariableSans tendance et avec Constante(INTERCEPT)Avec tendance et constante (TREND and INTERCEPT)Sans tendance et sans Constante(NONE)
 Valeur de test ADFT tabuléValeur critique à 5%Valeur de test ADFT tabuléValeur critique à 5%Valeur de test ADFT tabuléValeur critique à 5%
Yt-2.987031

-2,93-2.957110

-4.356392

-3,50-3.562882

-2.718601

-1,95-1.951687

TOC-7.618350

-2,93-2.957110

-3.373902

-3,50-3.574244

-7.748912-1,95-1.951687

TIV-4.691731

-2,93-2.957110

-4.810051

-3,50-3.557759

-4.779348

-1,95-1.951687

TIF12.09498-2,93-2.957110

-12.17779

-3,50-3.557759





-11.89000-1,95-1.951687

KH-3.263329-2,93-2.957110-3.508819-3,50-3.557759-2.192235-1,95-1.951687
CONP-4.333942

-2,93-2.957110

-4.543559

-3,50-3.557759

-4.405681

-1,95-1.951687

IDE (Stock)2.043571

-2,93-2.954021

-0.843984

-3,50-3.552973

3.933112

-1,95-1.951332

IDE (Entrées)-14.72340

-2,93-2.957110

-14.90105

-3,50-3.557759

-14.13315

-1,95-1.951687

Source : calculs effectués sur les données à partir du logiciel EViews 5.0

  • Interprétation :

          La comparaison des valeurs du test ADF aux valeurs du T-tabulé (statistique de Mackinnon) montre qu’au seuil de 5% toutes les variables sont stationnaires en différence première, ce qui permet d’accepter l’hypothèse alternative H1 d’absence d’une racine unitaire, c’est-à-dire les variables sont stationnaires. Donc, toutes les variables deviennent ainsi intégrer de même ordre I(1), donc elles peuvent être cointégrées.

  •  Application du test de cointégration

 Résultats d’estimation par les MCO du modèle de long terme :

                           Dependent Variable: YT                                                                     

                           Method: Least Squares                                                                      

                           Included observations: 34                                                                   

Variable    Coefficient                    Std. Error                  t-Statistic      Prob.     
TIV  0.731931  0.334009                2.191350    0.0369
TOC-0.0719120.371941-0.1933430.8481
TIF-0.1402550.067155-2.0885320.0460
KH1.8117480.2443727.4139020.0000
COP-0.4420730.135481-3.2629910.0029
C  5.902060  0.210175  28.08159  0.0000  
R-squared  0.950164      Mean depende nt var  5.200122
Adjusted R-squared0.941265     S.D. dependent var0.325552
S.E. of regression0.078899     Akaike info criterion-2.082523
Sum squared resid0.174299     Schwarz criterion-1.813165
Log likelihood41.40289     F-statistic106.7688
Durbin-Watson stat0.692596     Prob(F-statistic)0.000000

                               Source : résultats Eviews

  • Résultat et discussion 

Dans un premier lieu, nous présentons les résultats basiques relatifs aux coefficients associés aux différentes variables de contrôle utilisées. Dans un second lieu, nous nous intéressons aux résultats relatifs aux investissements directs étrangers.

ü Résultat divers

  • Le taux d’investissement

Le coefficient relatif à la formation brute de capital fixe est positif et significatif pour notre estimation. Ce résultat est très attendu et surtout indispensable étant donné que le rôle joué par le niveau d’investissement pour stimuler la croissance est confirmé. L’investissement exerce un double effet : un effet sur l’offre et un effet sur la demande. D’un côté, l’investissement permet un accroissement au niveau de l’offre en augmentant les capacités de production et en améliorant la productivité du capital par l’intégration de nouvelles technologies. D’un autre côté, l’investissement engendre un accroissement au niveau de la demande par le biais du multiplicateur keynésien basé sur un effet revenu. En effet, le gain de productivité engendré par les investissements se répercute sur les salaires à la hausse et sur les prix à la baisse stimulant ainsi la demande.

  • Le capital humain

La production nécessite aussi bien des machines que de la main d’œuvre. Tout comme le capital physique, le capital humain conduit à l’accroissement de la production. Le capital humain joue un rôle aussi important dans la production que le capital physique (Mankiw et al. 1992). Cette idée a été défendue préalablement par Becker (1964) selon lequel l’amélioration du niveau éducatif permet aux individus d’être plus productif et donc générer plus de revenus. Quant à Romer (2000), il met en évidence l’importance des chercheurs et des ingénieurs dans l’innovation et la recherche de nouveaux procédés technologiques[11]. Dans le but de stimuler la croissance, l’auteur propose de rendre les études scientifiques et les études d’ingénierie plus attrayantes et ce essentiellement à travers l’accroissement du nombre de bourses et à travers la modernisation du système d’éducation et des institutions. Avec son approche, Romer rejoint Nelson et Phelps (1966) pour qui le rôle de l’éducation ne consiste pas seulement à améliorer la productivité du travail mais également à concevoir de nouveaux procédés de fabrication et à améliorer la capacité d’adoption des nouvelles technologies.

Dans nos résultats économétriques, le signe du coefficient associé au capital humain est positif et fortement significatif pour notre pays.

  • Consommation publique

Le coefficient associé à la consommation publique est négatif et significatif pour notre estimation. Ce résultat est conforme aux différents résultats des études économétriques menées pour déterminer la relation entre la consommation publique et la croissance. Tanzi et Zee (1997) ont trouvé que d’une manière générale, la consommation publique (hors éducation et défense[12]) est négativement corrélée avec la croissance. 

Barro (1997) trouve que les dépenses publiques n’améliorent guère la productivité. De ce fait, un plus grand volume de dépenses publiques non productives et de la fiscalité qui leur est associée réduit le taux de croissance pour une valeur de départ donnée du PIB; ce qui signifie qu’une administration importante nuit à la croissance économique. Ce constat est confirmé par Barro et Sala-i-Martin (1995) dans leurs hypothèses relatives aux distorsions introduites dans l’économie à cause de l’intervention du gouvernement.

Cette relation négative entre les dépenses de l’Etat et la croissance économique est expliquée par le fait que les dépenses publiques sont financées, en partie, par les impôts, ceci peut entraver une allocation efficiente des ressources et par conséquent réduire la croissance économique.

  • Inflation

Notre résultat prouve que l’inflation a un effet négatif et significatif sur la croissance. Nos résultats sont conformes à ceux de Barro. En effet, les résultats de Barro (1997) ont montré l’existence d’une relation inverse entre le taux de croissance du PIB et le taux d’inflation.

Afin d’étudier l’impact de l’inflation sur la croissance économique, l’auteur introduit l’inflation comme variable explicative à côté d’autres variables de contrôle. En effet, une inflation élevée peut introduire des distorsions dans les choix d’investissements productifs en défavorisant les investissements à long terme (Berthélemy et Varoudakis 1998) ; ce qui va avoir un effet négatif sur la croissance économique.

Fischer (1993) indique que l’inflation est un indicateur qui reflète la capacité du gouvernement à gérer l’économie. Un taux d’inflation élevé non justifié révèle un gouvernement qui a perdu le contrôle de l’économie. Cette situation va affecter négativement l’investissement et par conséquence la croissance économique.

  • L’ouverture commerciale

       L’ouverture commerciale apparait avec un signe négatif non significatif pour la régression. Ce résultat est très attendue et surtout indispensable étant donné que la balance commerciale a toujours présenté un déficit structurel durant toute l’histoire du commerce extérieur du Maroc. Quel que soit le marché, la balance commerciale enregistre des déficits chroniques.

ü Les investissements directs étrangers

Tableau n°9 : résultats de l’estimation des paramètres du modèle

VariableCoefficientStd. Errort-StatisticProb
IDE (entrées)0.2090870.0557473.7506310.0009
IDE (stock)0.4739430.1010904.6883280.0001

       Concernant les résultats relatifs aux IDE, nous retrouvons le résultat de la relation entre les IDE et la croissance économique marocaine est positive. Le signe du coefficient associé au IDE est positif et significatif pour l’étude. Une augmentation de 1 point des IDE (en % PIB) engendre une augmentation de 0,20 point de la croissance.

L’effet du stock d’IDE entrants sur la croissance économique est positif et significatif

(Tableau 15). Une augmentation de 1 point du stock des IDE (en % PIB) engendre une augmentation de 0,47 point de la croissance. Le stock d’IDE représente un stock de capital productif disponible dans l’économie. Le stock de capital productif devrait avoir un effet positif sur la croissance économique.

1. Application du modèle à correction d’erreur : Étude de l’impact à court terme

Tableau n° 10 : Résultat de l’estimation du MCE

VariableCoefficientStd. Errort-StatisticProb.  
D (IDE entrées)0.0145890.0138221.0554550.3017
D (IDE stock)0.0400940.0860570.4658980.6455

Source : résultats Eviews5.0

  • Interprétation et analyse des résultats :

      À partir de ce traitement effectué par le logiciel EViews 5.0, on constate que le coefficient de la force de rappel vers l’équilibre θ = -0.216174 est négative et significativement différent de 0 au seuil de 5 % (son test de student est supérieur à 1,96 en valeur absolue). Il existe donc un mécanisme à correction d’erreur. Le modèle à correction d’erreur est donc validé. 

      De plus, θ qui représente la vitesse à lesquels tous déséquilibres entre les niveaux désirés et effectifs du PIB réel par tête est résorbé dans l’année qui suit tout choc. θ = -0.216174 : signifie que l’on arrive à ajuster 21,6174% du déséquilibre entre les niveaux désirés et effectifs du PIB réel par tête. . Ainsi les chocs sur le taux du PIB réel par tête au Maroc se corrigent à 21,6174% par l’effet de ‘’ feed-back ’’ c’est-à-dire un choc constaté au cours d’une année est entièrement résorbé à la fin d’une année.

Les différents tests effectués au niveau de ce modèle ont été concluants. En effet le R² ajusté= 0.938258, la statistique de Fisher est égale à 61.78605 ce qui permet de dire que le modèle reste globalement significatif.

        La comparaison des résultats obtenus à court terme avec de long terme, on constate que les entrées des investissements directs étrangers à un impact positif et non significatif sur la variation du PIB réel par habitant, cette résultat est inférieure à celle réalisée dans l’équation de long terme. Donc, on peut dire que l’élasticité de court terme des investissements directs étrangers est aussi inférieure à celle de long terme, et la même chose pour la variable stock des IDE.

         Finalement, on peut conclure que l’investissement direct étranger a un impact positif et non significatif de court terme sur la croissance économique.

        Après la détermination et l’analyse des relations de long terme et de court terme entre la croissance économique et les IDE, on passe à étudier le sens de causalité entre la sphère réelle et la sphère financière, et pour mieux saisir la place de ces variables comme déterminants de la croissance, il est nécessaire de compléter ce travail économétrique par un test de causalité, au sens de Granger, existante entre la variable des IDE et la variable réelle.

  • Conclusion 

     En ce qui concerne l’impact des investissements directs étrangers sur la croissance économique au Maroc, nous avons mené notre propre étude économétrique. L’objectif était d’apprécier l’influence de l’entrée des IDE sur le comportement de la croissance. Cette étude économétrique à nécessite la mobilisation de plusieurs tests économétriques visant à respecter la méthodologie en la matière et à avoir des résultats valables.

    La théorie économique est assez partagée sur l’effet des flux de capitaux des IDE sur la croissance économique, de même pour les études économétriques. Il y a des études qui trouvent un effet positif des flux de capitaux et d’autres un effet négatif. 

     Dans notre étude on est arrivé généralement à un lien positif et significatif entre l’IDE et la croissance économique. Le résultat le plus important est associé à l’indicateur de stock dont l’effet est positif sur la croissance économique marocaine. Les stocks sont de meilleures mesures de la présence réelle de l’investissement direct étranger dans une économie. Avec les flux, les effets sont positifs. Les effets positifs sont associés généralement à une augmentation de l’investissement domestique. 

    Ensuite, le test de causalité de Granger montre un lien positif et significatif entre l’investissement direct étranger et la croissance économique avec une direction de causalité qui va en général de la l’investissement direct étranger vers la croissance économique et non l’inverse. 

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[2] Alfaro, L. (2003), “Foreign direct investment and growth. Does the sector matter?”. Harvard University,Harvard Business School, Working Paper.

[3] Ministère des Finance et de la privatisation, Direction des Entreprises Publiques et de la Privatisation : « Impact de la Privatisation sur l’Investissement au Maroc », juin 2007

[4] Alfaro, L., Chanda, A., Kalemli-Ozcan, S., Sayek, S. (2010), “ Does foreign direct investment promote growth? Exploring the role of financial markets on linkages”. Journal of Development Economics 91(2), 242-256.

[5] La direction des études et des prévisions financières, Ministère des finances, « Bilan des investissements directs étrangers dans le monde et au Maroc en 2004 », mars 2005

[6] CNUCED : « rapport de l’investissement dans le monde », 2007

[7] Ministère des Affaires Economique et Générales : « Investissements Directs Etrangers dans le Monde Et Au Maroc », Octobre 2013

[8] CNUCED : « rapport de l’investissement dans le monde », 2014

[9] CNUCED : « rapport de l’investissement dans le monde », 2015

[10] Ministère de l’Energie et des Mines, de l’Eau et de l’Environnement : « Bilan des investissements dans le secteur de l’énergie et des mines », 2013

[11] Les travaux empiriques de Barro, R (2001) montrent l’importance de la contribution de l’éducation à la croissance économique.

[12] Les dépenses en éducation et en défense sont considérées comme investissements publics plutôt que consommation publique. Ces dépenses sont susceptibles d’affecter la productivité du secteur privé, et donc l’investissement privé (Barro 1991).

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