DROIT DE L’EAU ET FISCALITE LOCALE AU MAROC, QUELLE ADAPTATION ?

Droit de l’eau et fiscalité locale au Maroc,

quelle adaptation ?

 

 

Ahmed Boutoumilate

Doctorant en Droit public, FSJES-Souissi

Université Mohamed V- Rabat

 

 

 

Résumé

L’imagination des fiscalistes n’a pas de limite dit-on, et l’eau n’a pas échappé au champ des impositions supportées par les contribuables notamment en matière de fiscalité locale. C’est dans ce cadre que la présente étude a pour objectif d’analyser la relation entre le Droit de l’eau et la fiscalité locale au Maroc.

A cet, effet les lois régissant ces domaines (la loi no 36-15 relative à l’eau et la loi no 47-06 relative à la fiscalité des collectivités locales) seront assimilées à deux systèmes distincts avec l’hypothèse que l’un d’eux devrait s’adapter aux nouveautés de l’autre. L’approche systémique ainsi adoptée trouve son bien-fondé dans la complexité des domaines étudiés au regard de leurs aspects historiques, structurels et fonctionnels.

Citée 18 fois dans la loi n° 47-06, l’eau n’est appréhendée comme base imposable qu’à travers une seule taxe: la taxe sur les eaux minérales et de table (TEMT). Celle-ci, qui fut crée par la loi n° 30-89 relative à la fiscalité locale et de leurs groupements, se fondait sur les dispositions du dahir du 12 joumada II 1370 (20 mars 1951) abrogé par la loi no 10-95 sur l’eau elle-même remplacée par la loi no 36-15.

Notons que la TEMT bénéficiant aux communes s’additionne à la redevance instituée par la loi n° 36-15 au profit des agences des bassins hydrauliques. Bien que la taxe et la redevance précitées concernent la même matière imposable, l’une et l’autre se distinguent aussi bien au niveau de leurs finalités que des moyens pour y parvenir. En outre, la TEMT en plus de constituer, d’après les rapports de la cour des comptes, une ressource fiscale non négligeable  pour certaines communes rurales (exemple de la commune d’Oulmès), elle permet de renforcer l’intérêt de ces collectivités publiques pour la gestion des ressources hydrauliques de leurs territoires. D’ailleurs, c’est dans ce sens que la loi n° 36-15 a exigé la représentation des conseils de région, de la préfecture ou province et des conseils communaux concernés au sein des commissions préfectorales et provinciales de l’eau.

Etant assise sur chaque litre ou fraction de litre des eaux minérales et de tables devant être livrées à la consommation sous forme de bouteilles, la TEMT constituerait un inhibiteur pour l’exploitation massive des ressources hydraulique. Cependant avec un tarif de 0,10 Dh fixé par la loi n° 47-06, l’impact de la décision fiscale de la commune concernée sur la gestion de ces ressources hydrauliques reste limité du fait qu’elle est dans l’incapacité de réajuster ledit tarif à l’instar des autres taxes communales qu’elle gère.

Pour adapter la loi n° 47-06 à l’esprit de la loi n° 36-15, deux voies sont à explorer : d’une part celle de la préservation des sources des eaux minérales ou de table en élargissant l’assiette de la TEMT et/ou en augmentant le tarif avec la mise en place d’une fourchette et d’autre part celle de la préservation des intérêts des exploitants de ces sources en les taxant sur le chiffre d’affaire réalisé au lieu du volume de leur production.

Mots clés : Fiscalité locale, Taxes locales, Eaux minérales, Eaux de table .

 

 

 

Introduction

L’imagination des fiscalistes n’a pas de limite dit-on, et l’eau n’a pas échappé au champ des impositions supportées par les contribuables notamment en matière de fiscalité locale au Maroc. C’est dans ce cadre que la présente étude a pour objectif d’analyser la relation entre le Droit de l’eau et la fiscalité locale en mettant en exergue la dynamique d’adaptation qui anime respectivement la loi no 47-06 relative à la fiscalité des collectivités locales promulguée par le dahir no 1-07-195 du 19 kaada 1428 (30 novembre 2007) et la loi no 36-15 relative à l’eau promulguée par le dahir no 1-16-113 du 6 kaada 1437 (10 août 2016) par rapport à leur environnement juridique.

A cet, effet les deux lois précitées seront assimilées à deux systèmes distincts avec l’hypothèse que l’un d’eux devrait s’adapter aux exigences de l’autre. L’approche systémique ainsi adoptée trouverait son bien-fondé dans la complexité des domaines étudiés au regard de leurs aspects historiques, structurels et fonctionnels. Par ailleurs, les deux systèmes sont appréhendés par une recherche juridique opératoire dont l’ambition serait principalement de rationaliser la technique juridique relative au dispositif fiscal local.

Le sujet ainsi proposé exige du chercheur en sciences juridiques une approche interdisciplinaire afin de ne pas s’enfermer dans son savoir parcellaire selon l’expression d’Edgar Morin (Morin, 2003). Il en découle, que la théorie de droit ainsi que la sociologie juridique et la science politique sont à mobiliser avec les apports des sciences économiques et sociales pour traiter les différentes facettes du thème à aborder selon une approche plurielle.

En recourant à la systémique, la relation d’adaptation à analyser n’est pas envisagée dans une perspective Kelsenienne (Kelsen, 1962) selon laquelle le lien qui s’établit entre normes juridiques serait une relation hiérarchique qualifiant les unes de normes supérieures et les autres de normes inférieures. En effet, les normes en question étant d’un même niveau hiérarchique, l’adaptation, à mettre en œuvre, découlerait de l’interaction ayant lieu d’une part entre lesdits systèmes et d’autre part entre ces derniers et leur environnement.

Une fois que nous aurons déterminé les tenants et aboutissants de ladite interaction en identifiant le système à adapter par rapport à l’autre (I), nous tenterons ensuite d’explorer quelques pistes qui permettrait la mise en œuvre de cette adaptation (II).

  1. Droit de l’eau et fiscalité locale, les termes de l’adaptation

Faisant partie de l’ordonnancement juridique en vigueur au Maroc, les législations portant sur des domaines différents devraient concourir à réaliser les objectifs auxquels aspire le pays. Cette règle de conduite que devrait observer le législateur marocain serait valable pour les législations relatives à l’Eau et à la fiscalité locale. Or, étant réformées dans des contextes spécifiques (A), ces législations présentent des risques

  1. Droit de l’eau et fiscalité locale, les contextes d’entrée en vigueur

L’élaboration de la loi n° 47-06 s’est inscrite dans le cadre des réformes visant à consolider le processus irréversible de la décentralisation qu’a connu le Maroc depuis son indépendance. Ces réformes ont mis en œuvre un nouveau régime juridique pour les communes (la loi n° 78-00 portant charte communale) ainsi que pour les préfectures et provinces (la loi n° 79-00) quelques années après l’adoption de la loi relative aux régions (loi n° 47-96).

L’entrée en vigueur de la loi n° 47-06, le premier janvier 2008, est venue appuyer la volonté de l’Etat de garantir aux collectivités territoriales des ressources fiscales propres à coté des transferts opérés sur le Budget Général. Il fallait donc améliorer le rendement en élargissant l’assiette des taxes locales notamment celles qui bénéficient aux communes qu’elles soient urbaines ou rurales[1].

A cet effet, le domaine de l’urbanisme fut fortement investi par les réformateurs du dispositif fiscal local en raison de la croissance urbaine qu’a connu le pays dont le recensement de la population a montré que, « le nombre de citadins est passé de 16.463.634 en 2004 à 20.432.439 en 2014, ce qui représente un taux d’accroissement démographique annuel moyen de 2,2% au cours de la période intercensitaire 2004-2014 contre 2,1% au cours de la période intercensitaire 1994-2004 » (HCP, 2014).

Face à cette croissance urbaine, le financement des équipements et des infrastructures constitue un défi majeur pour les collectivités territoriales auxquelles il incombe de les réaliser et en réponse à une demande sociale de plus en plus exigeante aussi bien d’un point de vue quantitatif que qualitatif. C’est dans ce cadre que la fiscalité locale s’est appuyée sur la captation d’une partie des plus-values foncières générées afin de permettre aux communes concernées de la réinvestir dans les équipements urbains et services publics locaux.

Si les communes « rurales », qui représentent la majorité des collectivités territoriales[2], ont aussi bénéficié de la dynamique urbaine en disposant de la capacité à percevoir la taxe sur les opérations de construction, elles ont continué à profiter de certaines recettes financières résultant de l’exploitation de leurs ressources naturelles à l’instar de la vente des produits forestiers et de la taxe sur les eaux minérales et de table (TEMT).

Ainsi, la fiscalité locale crée à travers la TEMT[3] un lien de cause à effet entre l’exploitation d’une catégorie de ressources hydrauliques, en l’occurrence les eaux minérales et de table, et la perception d’une ressource financière propre visant à pallier la faiblesse du potentiel fiscal dont souffrent les communes notamment à caractère rural.

Cette équation, au cœur de laquelle l’exploitation de l’eau minérale et de table sert de moyen de financement du développement territorial, se complique davantage en prenant en considération les préoccupations environnementales et les dispositions juridiques régissant le domaine de l’eau en général et celui de sa vente en particulier.

En plus de cette dimension économique, la problématique soulevée a manifestement un aspect politique. En effet, malgré que la taxation des activités économiques soit une voie privilégiée pour la couverture à moindre coût des besoins de financement de la commune, elle risque de ne pas être appréciée par les élus locaux voulant maintenir leur popularité et fidéliser une part de leur électorat. Ainsi, l’enjeu électoral influencerait la décision de l’acteur politique et l’obligerait à limiter le recours à l’imposition de l’exploitation des ressources hydrauliques.

Il y a lieu de signaler que le contexte de renforcement de la décentralisation et de la croissance urbaine est différent de celui qui a amené une décennie après à reformer la législation relative à l’eau. A cet égard, la note de présentation de la loi n° 36-15 portant cette réforme avait relevé que « la loi sur l’eau du fait de ses faiblesses n’est plus adaptée aux mutations qu’a connu le secteur de l’eau suite à l’évolution du contexte socioéconomique du Maroc, à la promulgation de la constitution du 31 juillet 2011 et à la publication de la loi cadre n° 99.12 portant charte nationale de l’environnement et du développement durable dont l’article 7 prévoit l’actualisation de la législation de l’eau dans le but de l’adapter aux exigences du développement durable et aux effets conjugués de la désertification et des changements climatiques ».

Le contexte amenant l’adoption de la loi no 36-15 s’inscrit dans une logique de rationalisation de l’exploitation des ressources hydrauliques face au stress hydrique qui menace le pays. Dans le même ordre d’idées, le conseil économique et social (CES) avait constaté avant l’adoption de la loi no 36-15 que : « l’eau constitue une ressource naturelle incontournable, un enjeu mondial et une situation à risque pour la majorité des pays. Les activités socio-économiques en dépendent ; quand elle est contrôlée, elle pourrait être synonyme de pérennité et de progrès. Au Maroc, l’eau est caractérisée par une hétérogénéité pluviométrique spatiale, une irrégularité temporelle et une forte vulnérabilité aussi bien aux changements climatiques qu’aux méfaits des activités de l’Homme (prélèvements, rejets de polluants…) » (CES, 2014).

Les enjeux liés à l’accès à l’Eau ont amené en 2011 à inscrire celui-ci dans le texte constitutionnel. En effet, l’article 31 de la Constitution de 2011 promulguée par le dahir no 1-11-91 du 27 chaabane 1432 (29 juillet 2011) consacre le droit à tous les citoyens d’accéder à l’eau et à un environnement sain et à un développement durable et par conséquent L’Etat, les organismes publics et les collectivités territoriales doivent œuvrer pour la mobilisation de tous les moyens disponibles pour faciliter l’égal accès des citoyennes et citoyens aux conditions leur permettant de jouir dudit droit.

Bien que les enjeux soulevés par l’Eau dans notre pays soient présents aussi à l’entrée en vigueur de la loi n° 47-06 que lors de l’adoption de la loi no 36-15, l’appréhension par les pouvoirs publics de ces enjeux est différente entre les deux moments. Cette différentiation qui est plus visible en comparant la loi no 36-15 et la loi no 10-95 qu’elle a abrogée peut s’illustrer par la responsabilisation accrue des acteurs et l’aggravation des sanctions.

Tenant compte de ce qui précède, il est à supposer que la taxation de l’eau serait porteuse dans le contexte actuel d’une préoccupation environnementale et qu’en s’adaptant aux dispositions de la loi n° 36-15 pourrait intégrer une fonction autre que celle d’assurer le financement des dépenses des collectivités publiques. d’incohérence qui justifieraient la nécessité de leur adaptation (B).

 

 

  1. Droit de l’eau et fiscalité locale, les Justification d’adaptation

L’eau étant le dénominateur commun entre les deux systèmes auxquels s’intéresse cette étude, il est à préciser qu’elle est citée 18 fois dans plusieurs articles de la loi n° 47-06 mais qu’elle n’est appréhendée comme bien imposable que dans l’article 78 au sujet de la TEMT.

Ainsi, pour la fiscalité locale, l’eau n’est taxable que lorsqu’elle est sous forme d’eau minérale et de table. En notant que, l’article 78 précitée définit les eaux minérales et de table objet de la TEMT comme étant les eaux de sources ou de puits telles qu’elles sont réglementées par la législation en vigueur relative à leur exploitation et à leur vente.

La législation à laquelle renvoie cet article n’est autre que la loi n° 36-15 dont l’article 3 donne les définitions suivantes :

  • L’eau minérale naturelle est une eau qui sourde de nappes souterraines par des sources et des émergences naturelles ou qui est captée à partir de forages ou puits, et qui dispose d’une composition chimique naturellement constante et ne nécessite aucun traitement chimique pour la rendre potable;
  • Les eaux de source sont des eaux naturelles qui sourdent de nappes souterraines et ne nécessitant aucun traitement chimique pour devenir potable ;
  • Les eaux de table  sont des eaux provenant des réseaux publics d’approvisionnement en eau potable ou les eaux rendues potable.

En comparant les termes par lesquels les deux systèmes désignent les eaux minérales et de table, l’observateur peut constater que la TEMT concerne uniquement des eaux de source ou de puits et que les eaux provenant des réseaux publics d’approvisionnement, bien qu’elles peuvent devenir des eaux de table, échappent à la taxation en étant hors du champ d’imposition.

L’incohérence entre l’intitulé de la TEMT et son champ d’imposition découlerait de l’utilisation de l’expression « eaux de sources ou de puits ». Cette expression qu’on ne rencontre ni dans la loi n° 36-15 ni dans la loi n° 10-95 qu’elle a abrogé, serait empruntée au dahir en date du 20 mars 1951 (12 joumada II 1370) portant réglementation de l’exploitation et de la vente des eaux minérales naturelles et des eaux dites « de source » ou « de table » originaires de la zone française de Notre Empire et de la vente des eaux minérales importées.

Il est à noter que la TEMT a été crée initialement par la loi n° 30-89 relative à la fiscalité locale et de leurs groupements, en se fondant sur les dispositions du dahir du 20 mars 1953 précité. La loi n° 47-06 aurait donc repris les mêmes dispositions sans y apporter de grands changements ; ce qui expliquerait la survivance de certaines expressions relevant d’un autre contexte juridique.

Au regard du principe de la hiérarchie des normes juridiques, la loi n°47-06 et la loi n° 36-15 se trouvent au même niveau. Ainsi, l’adaptation à mener ne peut découler de l’effet de normes supérieures sur des normes inférieures selon la conception Kelsenienne mais plutôt en se basant sur le caractère spécial de l’un des deux systèmes par rapport au domaine de l’eau.

En effet, bien que les deux systèmes aient en dénominateur commun des dispositions en relation avec l’eau, c’est la loi n° 36-15 qui présente le caractère spécial et prime par conséquent en ce domaine. D’ailleurs, la loi n° 47-06 a confirmé cette place privilégiée en renvoyant à la législation en vigueur lorsqu’il est question de la taxation des eaux minérales et de table.

A cet égard, les normes juridiques relevant de la loi n° 36-15 et portant sur l’assiette de la TEMT, reconfigurent les règles à observer aussi bien par l’administration fiscale que par les contribuables. Ainsi, en matière de répression, la loi n° 36-15 considère comme étant un délit, les faits suivants :

  • Détenir en vue de la vente, de mettre en vente ou de vendre sous le nom d’ « eau minérale naturelle », d’ « eau de table » une eau dont l’exploitation, la mise en vente et la vente ne sont pas autorisées ;
  • Détenir en vue de la vente, de mettre en vente ou de vendre sous une dénomination applicable aux eaux naturellement gazeuses, eaux gazéifiées ou dont la teneur en gaz a été renforcée, si cette addition ou ce renforcement n’est pas autorisé et mentionné expressément sur toutes les formes de conditionnement mises à la dispositions du public ;
  • Détenir en vue de la vente, de mettre en vente ou de vendre sciemment sous un nom déterminé une eau n’ayant pas l’origine indiquée ;
  • Indiquer sur les récipients une composition différente de celle que présente l’eau qu’ils contiennent ;
  • Mettre en vente ou de vendre une eau non exempte de germes pathogènes ou impropres à la consommation ;
  • Indiquer sur les récipients que l’eau qu’ils contiennent est stérilisé alors qu’il contient des germes vivants ;
  • User, sur les papiers de commerce, factures, catalogues, prospectus, affiches, annonces et tout autre moyen de publicité, de toute indication ou signe susceptible de créer dans l’esprit du consommateur une confusion sur la nature, le volume, la qualité ou l’origine des eaux ;
  • Détenir en vue de la vente, de mettre en vente ou de vendre de l’eau minérale naturelle dans des récipients pouvant altérer la qualité de cette eau ;
  • Ne pas indiquer sur le produit la date de mise en vente et de préemption.

Compte tenu de ce qui précède, la distinction entre le licite et l’illicite dans ce domaine révèle les nouvelles réalités auxquelles la taxation des eaux minérales et de table est confrontée. En restant sur des notions et concepts d’un temps révolu les normes juridiques portant sur la TEMT sont appelées à s’adapter et à prendre en considération les différents types d’eaux susceptibles de faire partie de la matière imposable de ladite taxe.

L’adaptation peut même aller au-delà en mettant en œuvre le principe « pollueur – payeur » qui constitue l’un des principes sur lequel se base la loi n° 36-15. En effet, la vente des eaux minérales et de table est accompagnée de la production d’une quantité importante de bouteilles dont le caractère énergivore et l’impact sur l’environnement sont décriés par plusieurs voies. La mise en œuvre d’une fiscalité locale environnementale serait dans ce cas une concrétisation de l’article 30 de la loi cadre n° 99-12 portant charte nationale de l’environnement et du développement durable promulguée par la dahir n° 1-14-09 du 4 joumada I 1435 (6 mars 2014) disposant qu’il : « est institué un système de fiscalité environnementale composé de taxes écologiques et de redevances imposées aux activités caractérisées par un niveau élevé de pollution et de consommation des ressources naturelles ».

 

 

  1. Droit de l’eau et fiscalité locale, les pistes d’adaptation

Dans son article 78, la loi n° 47-06 dispose que les biens imposables par la TEMT sont : « les eaux de sources ou de puits telles qu’elles sont réglementées par la législation en vigueur relative à leur exploitation et à leur vente ». Ce renvoi, qui établit une relation entre le droit de l’eau et la fiscalité locale en matière de taxation des eaux minérales et de table constitue le point d’appui à nos investigations pour explorer les pistes d’adaptation à mener.

  1. Une adaptation au service de la protection des ressources en eau

Pour la TEMT, les personnes imposables sont les entreprises exploitant les sources d’eaux minérales ou de table, devant être livrées à la consommation sous forme de bouteilles. En visant cette catégorie de contribuables, il est possible d’émettre l’hypothèse que le législateur a voulu préserver ces sources d’eaux contre une surexploitation mettant en danger leur durabilité.

Il est à noter que le marché des eaux en bouteilles au Maroc a connu ces dernières années une évolution importante avec une consommation dépassant 1,2 millions de m3 soit le double de celle réalisée en 2010. En 2016, ce marché a engendré 2.2 milliards de Dh répartie comme suit : Eaux minérales d’Oulmès (72,65%), Coca Cola (3,4%), Brasserie du Maroc (3,16%) et Al Karama (1,43%) (Douieb, 2018).

En supposant que l’homme a besoin de boire 1,5 l par jour, la quantité des eaux en bouteilles consommée annuellement au Maroc serait équivalente à ce que boirait durant une année plus de 2 millions d’habitants. Cette comparaison illustre l’importance de l’assiette sur laquelle se base la TEMT bien que les recettes ne bénéficient finalement qu’aux quelques communes où a lieu l’exploitation.

L’existence d’une corrélation entre l’expansion du marché des eaux embouteillées et la croissance des recettes générées par la TEMT ne semble pas attester un effet inhibiteur de cette taxe sur l’activité des exploitants. On pourrait même soutenir l’hypothèse inverse en affirmant que les dispositions actuelles relatives à la TEMT favorisent une exploitation massive des ressources en eaux.

En effet, en fixant le taux de la TEMT à 0,10 dirham par litre ou fraction de litre des eaux minérales et de tables devant être livrées à la consommation sous forme de bouteilles, le législateur n’a pas permis aux communes concernées de jouer l’outil fiscal afin de réguler l’exploitation massive des sources d’eaux en question.

Certes, la loi n° 47-06 a obligé les exploitants à déposer, avant le premier avril de chaque année, une déclaration auprès du régisseur communal comportant le nombre de litres ou fraction de litres d’eaux minérales et de table devant être livrées à la consommation sous forme de bouteilles, mais cette disposition ne signifie nullement l’existence d’un quelconque droit de regard. D’ailleurs, la cour des comptes a relevé le laxisme des communes à mettre en œuvre le contrôle qu’implique le caractère déclaratif  de la TEMT.

A cet égard, il serait opportun d’adopter l’esprit de la loi relative à l’eau qui pose le principe de paiement aussi bien en matière d’exploitation qu’en matière de pollution, en mettant l’outil fiscal au service de ces deux préoccupations.

Notons que la TEMT bénéficiant aux communes s’additionne à la redevance instituée par la loi n° 36-15 au profit des agences des bassins hydrauliques. Bien que la taxe et la redevance précitées concernent la même matière imposable, l’une et l’autre se distinguent aussi bien au niveau de leurs finalités que des moyens pour y parvenir.

En outre, la TEMT en plus de constituer, d’après la cour des comptes (CC, 2015), une ressource fiscale non négligeable  pour certaines communes rurales (exemple de la commune d’Oulmès), elle permet à notre sens de renforcer l’intérêt de ces collectivités publiques pour la gestion des ressources hydrauliques de leurs territoires. D’ailleurs, c’est dans ce sens que la loi n° 36-15 a exigé la représentation des conseils de région, de la préfecture ou province et des conseils communaux concernés au sein des commissions préfectorales et provinciales de l’eau.

Etant assise sur chaque litre ou fraction de litre des eaux minérales et de tables devant être livrées à la consommation sous forme de bouteilles, la TEMT constituerait un inhibiteur pour l’exploitation massive des ressources hydraulique. Cependant avec un tarif de 0,10 Dh fixé par la loi n° 47-06, l’impact de la décision fiscale de la commune concernée sur la gestion de ces ressources hydrauliques reste limité du fait qu’elle est dans l’incapacité de réajuster ledit tarif à l’instar des autres taxes communales qu’elle gère.

Pour adapter la loi n° 47-06 à l’esprit de la loi n° 36-15, deux voies sont à explorer : d’une part celle de la préservation des sources des eaux minérales ou de table en élargissant l’assiette de la TEMT et/ou en augmentant le tarif avec la mise en place d’une fourchette et d’autre part celle de la préservation des intérêts des exploitants de ces sources en les taxant sur le chiffre d’affaire réalisé au lieu du volume de leur production.

Bien que le principal acteur du secteur affiche actuellement la baisse de son chiffre d’affaire suite à une conjoncture particulière[4], le secteur semble présenter depuis quelques années une croissance soutenue grâce à une politique publicitaire vantant les bienfaits de la consommation de ces eaux sur la santé.

Quel que soit la piste empruntée pour allier les différentes préoccupations précitées, le choix à opérer devrait être au service de la régionalisation avancée afin de donner à la fiscalité locale son rôle à jouer dans la concrétisation de ce chantier.

  1. Une adaptation au service de la régionalisation avancée

La commission consultative de la régionalisation (CCR) avait noté dans le 3ème livre de son rapport, le rôle à jouer par la fiscalité locale au profit des communes. Guidée par le discours royal du 3 janvier 2010, cette commission s’est attelée à la question délicate des ressources fiscales des collectivités territoriales dans le cadre de la recherche des moyens nécessaires au développement intégré.

Pour dépasser l’étroitesse de la matière imposable en fiscalité locale, « la CCR considère qu’il est primordial de procéder à la revalorisation et la diversification des bases d’imposition » (CCR, 2011, p.125). A cet effet, ladite commission a proposé de s’inspirer des expériences étrangères où des « taxes vertes » ont été institués au profit des régions qui leur permettant d’une part de disposer de ressources substantielles et d’autres part d’exercer leurs compétences en matière de résorption des déficits constatés dans le domaine environnemental. En outre, la CCR pour appuyer ses propos a rapporté que le département ministériel en charge de l’environnement avait proposé la création d’un fonds national de protection de l’environnement dont l’essentiel des ressources proviendront des taxes et redevances à forte dimension environnementale se rapportant à trois domaines : l’air, l’eau et le sol (CCR, 2011, p.125).

Compte tenu de ce qui précède, la TEMT devrait revenir aux régions, vu les compétences que celles-ci exercent en matière d’environnement et de protection des ressources hydrauliques. En ce qui concerne la gestion de cette taxe, il est à noter que pour l’ensemble des taxes locales, la CCR avait recommandé que la détermination et le contrôle de l’assiette, la liquidation et le recouvrement soient confiés contractuellement aux services spécialisés de l’Etat, contre une rémunération qui prend en considération les moyens financiers des collectivités territoriales et la charge de travail pour ces services (CCR, 2011, p.128).

Actuellement la TEMT continue à bénéficier uniquement aux communes « ex-rurales » notamment la commune d’oulmès dont la consultation des comptes administratifs pour les exercices 2009 à 2011, a révèlé une prédominance de la part de cette taxe dans les recettes générées par la fiscalité locale avec un taux qui représente 97% contre 2% pour la taxe professionnelle et 1% pour les autres taxes et redevances.

Dans le cas de la commune d’oulmès, la Cour des comptes (CC) avait noté dans son rapport réalisé au titre de l’année 2006 ceci: «  bien que la commune dispose de ressources financières importantes (23 millions de Dhs au titre des recettes de la taxe sur les eaux minérales réalisées en 2004) et réalise des excédents importants (plus de 80 millions de Dhs pour la même année), le déficit en équipements d’infrastructure (voirie, espaces verts et équipements de proximité) demeure important » (CC, 2007, p.177).

Sachant que le volume des eaux embouteillées est actuellement de 1,2 milliards de litres et que le taux de la TEMT est de 0,10 Dirhams, cette taxe pourrait générer 120 millions de Dirhams soit un peu plus que 1%  des recettes de la fiscalité locale réalisées en 2017 et qui sont évaluées à 11 167 millions de Dirhams selon des calculs basés sur les données du Bulletin mensuel des finances locales (TGR, 2018).

Que la TEMT soit affectée aux régions ou continue à bénéficier aux communes, la politique visant à améliorer son rendement gagnerait en efficacité en agissant sur les éléments suivants :

  • Revoir à la hausse le taux de la taxe demeuré fixé à 0.10 Dh depuis 1990;
  • Instaurer la fourchette à l’instar d’autres taxes locales ;
  • Revoir l’affectation du produit de la taxe en établissant une clé de répartition entre régions et communes abritant les sources d’eaux embouteillées ;
  • Elargir l’assiette de la taxe en intégrant toutes les formes d’eaux commercialisées.

Notons que la TEMT supportée par les exploitants des sources d’eaux s’additionne à la redevance instituée par la loi n° 36-15 au profit des agences des bassins hydrauliques[5]. Bien que la taxe et la redevance précitées concernent la même matière imposable, l’une et l’autre se distinguent aussi bien au niveau de leurs finalités que des moyens pour y parvenir. A cet égard, il est à se demander si les deux systèmes étudiés concourent à réaliser en cohérence les objectifs du développement territorial et de la préservation des ressources hydrauliques en rappelant que la loi n° 36-15 exige la représentation des conseils de région, de la préfecture ou province et des conseils communaux concernés au sein des commissions préfectorales et provinciales de l’eau.

Cependant si l’amélioration de marge de manœuvre financière passerait par une meilleure exploitation du potentiel fiscal local, cette voie pourrait engendrer des effets sur le tissu économique concerné. En effet, l’aggravation de la pression fiscale, engendre une réduction du revenu qui se traduit par une baisse d’investissement de la part des entreprises. C’est ainsi, qu’on retrouve le risque qu’illustre l’adage « « Trop d’impôts, tue l’impôt ! » attribué à l’économiste américain Arthur LAFFER selon lequel « la recette fiscale croît avec le taux de l’impôt jusqu’à un certain seuil, puis décroît au fur et à mesure que le taux de l’impôt augmente » (SILEM & ALBERTINI, 2006, p.214).

Sous un autre angle, étant assise sur chaque litre ou fraction de litre des eaux minérales et de tables devant être livrées à la consommation sous forme de bouteilles, la TEMT constituerait un inhibiteur pour l’exploitation massive des ressources hydraulique. Cependant avec un tarif faible de 0,10 Dh, l’impact de la décision fiscale de la collectivité territoriale concernée sur la gestion de ces ressources hydrauliques reste limité du fait qu’elle est dans l’incapacité de réajuster ledit tarif à l’instar d’autres taxes locales.

Pour adapter la loi n° 47-06 à l’esprit de la loi n° 36-15, deux voies sont à explorer : d’une part celle de la préservation des sources des eaux minérales et de table en élargissant l’assiette de la TEMT et/ou en augmentant le tarif avec la mise en place d’une fourchette et d’autre part celle de la préservation des intérêts des exploitants de ces sources en les taxant sur le chiffre d’affaire réalisé au lieu du volume de leur production.

L’amélioration du rendement fiscal ne peut suffire à lui seul pour améliorer la situation financière des collectivités territoriales. En effet, à quoi bon recouvrer un dirham supplémentaire si de l’autre côté on en gaspille plus. Ainsi la pérennité des modalités assurant cette amélioration dépend en dernière analyse, de  l’instauration d’une politique globale de gestion des finances locales couvrant aussi bien le recouvrement des recettes que l’exécution des dépenses.

Placer ainsi la problématique dans un cadre plus large permet d’éviter une vision tronquée et remet en question le rôle assigné à la fiscalité locale. Le Maroc a-t-il besoin d’une fiscalité locale neutre vis-à-vis des équilibres macroéconomiques dont la charge reviendrait seulement au marché et des préoccupations environnementales incombant à l’Etat? Ou a-t-il besoin au contraire d’une fiscalité locale permettant d’assurer une régulation meilleure ?

Les réponses à ces questions nécessitent un débat national qui permet d’arrêter les orientations stratégiques et assumer les choix politiques qui en découlent. Aussi, le contexte actuel de mondialisation et d’ouverture, appelle à une adaptation du système fiscal local de manière à assurer la compétitivité de l’économie marocaine et lui permettre une meilleure exploitation des opportunités offertes.

En guise de conclusion la recherche menée a permis de mettre en exergue les interactions entre le droit de l’eau et la fiscalité locale en se focalisant sur la taxation des eaux minérales et de tables. Bien que les résultats obtenus ne concernent que le secteur des eaux embouteillées, la démarche adoptée pourrait être appliquée aux taxes locales, appréhendant l’eau autrement ou intéressant d’autres secteurs, afin d’apporter l’éclairage nécessaire aux problématiques que pose chacune d’elles. La réflexion que suscite le projet de réforme de la fiscalité locale en cours de préparation gagnerait certainement de la profondeur en creusant davantage les pistes identifiées par cette recherche.

Commission Consultative de la Régionalisation. (2011). Rapport sur la régionalisation avancée/Livre III : la régionalisation avancée au service du développement éco. & social, Repéré à http://www.regionalisationavancee.ma

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Constitution de 2011 promulguée par le dahir no 1-11-91 du 27 chaabane 1432 (29 juillet 2011), B.O. no 5964 bis du 30 juillet 2011, p.1902.

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Loi no 47-06 relative à la fiscalité des collectivités locales Promulguée par le dahir no 1-07-195 du 19 kaada 1428 (30 novembre 2007), B.O. no 5584 du 6 décembre 2007, p.1260 ;

Loi no 36-15 relative à l’eau promulguée par le dahir no 1-16-113 du 6 kaada 1437 (10 août 2016), B.O. no 6505 du 6 octobre 2016, p.1482 ;

Loi cadre n° 99-12 portant charte nationale de l’environnement et du développement durable promulguée par la dahir n° 1-14-09 du 4 joumada I 1435 (6 mars 2014), B.O. n° 6240 du 29 mars 2014, p.2496 ;

Loi organique no 113.14 relative aux communes promulguée par le dahir no 1-15-85 du 20 ramadan 1436 (7 juillet 2015), B.O. no 6440 du 18 février 2016, p.260 ;

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SILEM, A et ALBERTINI, J-M. (2006). Lexique de l’économie. (9ème éd). Paris : Dalloz.

Trésorerie Général du Royaume. (2018). Bulletin Mensuel des Fiances Locales du décembre 2017. Repéré à https://www.tgr.gov.ma /wps/wcm/connect/2a6d556b-a773-4958-8273 4f4b061e584a/BMSFL+D%C3%A9cembre+2017.pdf?MOD=AJPERES&CACHEID=2a6d556b-a773-4958-8273-4f4b061e584a.

[1] La distinction entre communes urbaines et rurales a été abandonnée suite à l’entrée en vigueur de la loi organique no 113.14 relative aux communes.

[2] En 2008, le Maroc comptait 16 régions, 13 Préfectures, 49 Provinces, 210 Communes urbaines et 1283 Communes rurales (DGCL, 2009).

[3] Périmètre territorial de la TEMT : Communes rurales et urbaines; Son champ d’application : Eaux minérales ou de table, devant être livrées à la consommation sous forme de bouteilles; Personnes imposables : Entreprises exploitant les sources d’eaux minérales ou de table, devant être livrées à la consommation sous forme de bouteilles; Sa base imposable : chaque litre ou fraction de litre des eaux minérales et de tables devant être livrées à la consommation sous forme de bouteilles; Son tarif : 0,10 dirham par litre ou fraction de litre des eaux minérales et de tables devant être livrées à la consommation sous forme de bouteilles; Répartition du produit :100% au profit de la commune concernée.

[4] Selon un communiqué de presse de la société « Les eaux minérales d’oulmès » en date du 30 juin 2018, la société aurait connu une baisse de 18% de son chiffre d’affaire suite au boycott dont fut objet son produit phare « Sidi Ali ».

[5] Selon le conseil économique et social, les redevances versées aux agences de basins hydrauliques  par les différents usagers de l’eau sont de 0.02 DH/m3 pour l’eau d’irrigation, 0.04 DH/m3 pour l’eau potable, 0.02 DH/m3 pour l’eau industrielle et 0.02 DH/KWH pour l’hydro-électricité. (CES, 2014, p.44)

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