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Le rôle du brevet d’invention dans la lutte contre la contrefaçon

Le rôle du brevet d’invention dans  la lutte contre la contrefaçon

  

Pr LATIFA ELCADI : Enseignant Chercheur

Faculté Polydisciplinaire- UCD -EL Jadida

 

 

Le brevet d’invention et la lutte contre la contrefaçon.

                                                                                                                Pr LATIFA ELCADI

                                                                                                              Enseignant-Chercheur – FPJ

L’article 27 de la Déclaration Universelle des droits de l’Homme de 1948 déclare : «  chacun a droit à la protection de toute production scientifique, littéraire, ou artistique dont il est l’auteur ». Dans ce contexte, tout inventeur de procédé ou de produit a le droit d’en tirer profit économique, d’entrer dans la jouissance de ses fonds d’investissement de recherche. La “propriété intellectuelle” désigne les créations de l’esprit, à savoir les inventions, les œuvres littéraires et artistiques et les symboles, noms, images et dessins et modèles utilisés dans le commerce. La propriété intellectuelle se divise en deux grandes branches distinctes: la propriété industrielle, qui comprend les brevets d’invention, les marques, les dessins et modèles industriels ; et les droits d’auteur, qui se rapportent aux œuvres littéraires et artistiques telles que romans, poèmes et pièces de théâtre,…

Aujourd’hui, tous les pays assistent à un développement accru des échanges dans tous les domaines ; le capital immatériel a naturellement suivi ce mouvement. En effet, l’innovation et la recherche sont d’une  importance considérable dans la mesure où elles assurent un rayonnement international, lui-même nécessaire à l’attrait des investissements. Elles constituent aussi les clés de réussite des entreprises au niveau international et leur permettent d’affronter la concurrence. A cet égard,  la circulation des idées et  des créations intellectuelles est devenue ces dernières années, de plus en plus intense, ce qui nécessite  leur protection. C’est ce que l’on appelle la protection de la propriété intellectuelle.

Domaine complexe, la propriété industrielle  et commerciale est  aussi  une étape indispensable dans le processus d’innovation car, contrairement à la propriété littéraire et artistique, elle nécessite le dépôt de brevets, de marques, de dessins et modèles. La protection de la propriété industrielle joue, par conséquent, un rôle incontestable dans le développement économique et  l’investissement en ce sens qu’elle permet de protéger les inventions,  contre la contrefaçon et le piratage. De ce fait, la propriété industrielle et commerciale constitue un important potentiel de développement. Les opérateurs économiques nationaux doivent absolument en prendre conscience  dans leur stratégie de croissance en vue d’optimiser leurs moyens et permettre la valorisation et la création de richesses.

Acteur intégré à l’économie mondiale, le  Maroc dispose  de secteurs d’activité compétitifs capables  de relever les défis de la mondialisation. Ce positionnement de notre pays s’est  accompagné par une ouverture à l’international caractérisée par la signature de nombreux accords multilatéraux dans le cadre du GATT et de l’OMC, par des accords  de libre échange (notamment  avec les USA) et par le statut avancé accordé par l’Union Européenne. Cette situation avantageuse a permis d’ancrer davantage le Maroc dans le processus de globalisation. Sur le plan international,  le Maroc est considéré comme l’un des  pays  précurseurs  dans le  domaine de  la protection de la propriété industrielle. Son dispositif juridique en la matière  est assez ancien. Il s’agit, en effet, du  dahir du 23 juin 1916 relatif à la protection de la propriété industrielle, la loi du 4 octobre 1938 relative à la protection de la propriété industrielle dans la zone de Tanger et le dahir du 14 août 1940 relatif à la délivrance des brevets d’invention intéressant la défense nationale.

Ceci étant, notre propos n’est évidemment pas d’examiner tous les aspects de la propriété industrielle mais de mettre en exergue la portée juridique  du brevet d’invention et ses enjeux économiques notamment en matière de lutte contre la contrefaçon.

Aussi, l’objet de ce papier est de présenter les éléments essentiels du système marocain des brevets, et examiner les textes législatifs et réglementaires y afférents (Première Partie). D’un autre côté, nous examinerons les différents enjeux de ce mode de protection de la propriété industrielle  en particulier le volet relatif à la  lutte contre la contrefaçon. (Deuxième  Partie).

  • Le brevet d’invention : instrument de protection du capital immatériel de l’entreprise

Dans un environnement de plus en plus concurrentiel et mondialisé, le brevet d’invention   renforce la valeur d’une entreprise et accroit son rayonnement. En effet,  plus qu’un indicateur de performance, le brevet d’invention constitue un élément précieux du patrimoine immatériel de l’entreprise qui peut être valorisé et transmis.  D’un autre côté, la réussite et la pérennité d’une entreprise sont tributaires pour une large part de sa capacité à imaginer de nouveaux produits et surtout  à les protéger. La notion de “patrimoine immatériel” est aujourd’hui couramment utilisée pour désigner l’ensemble des éléments incorporels dont la possession est susceptible d’apporter à une entreprise un avantage économique sur son marché.

Le brevet d’invention  est un instrument juridique  qui  joue donc bien là un rôle essentiel, non seulement comme moyen défensif mais aussi comme outil de gestion des ressources de l’entreprise. Le brevet d’invention et à travers lui, le Droit de manière générale est incontestablement un outil de gestion[1], de régulation et d’organisation de l’entreprise[2].

Il en résulte que l’entreprise pourra engranger des bénéfices énormes en profitant des avantages offerts par le Droit  de la protection de la propriété intellectuelle.

Dans un contexte international marqué par  les  rivalités économiques exacerbées,  la propriété intellectuelle peut être considérée comme un véritable  Droit de la création et est devenu l’instrument juridique du capital  immatériel, et une composante essentielle de la stratégie des États et des entreprises.

La place du brevet d’invention est primordiale dans l’économie  d’aujourd’hui. Elle implique la mise en place d’un dispositif juridique performant susceptible  d’assurer son efficacité et surtout sa protection. En outre, le brevet d’invention peut être perçu   aussi bien d’un point de vue juridique que commercial en raison  de son  intérêt économique  pour son détenteur.

 Mais avant d’examiner les textes nationaux et internationaux, il importe tout d’abord  de définir le brevet d’invention.

A- La notion juridique de brevet d’invention:

Le brevet d’invention est un titre de propriété délivré par une administration compétente en l’occurrence l’Office Marocain de Propriété Industrielle et Commerciale (OMPIC). Il ne peut pas être attribué automatiquement dans la mesure où son obtention est soumise à une procédure spéciale avec un certain nombre de conditions à remplir. C’est une caractéristique des droits de la propriété industrielle qui ne sont accordés que moyennant l’accomplissement d’un acte juridique sous la forme du dépôt auprès d’une autorité administrative d’une demande d’attribution de la protection, par opposition aux droits de la propriété littéraire et artistique appelés aujourd’hui droits d’auteur, qui naissent par l’effet de la loi, du seul fait juridique de la création ou de la réalisation de la prestation considérée[3].

Le brevet d’invention confère à son titulaire un monopole d’exploitation temporaire sur un territoire restreint. Cette exclusivité constitue, en quelque sorte,  une limite à la liberté du commerce et de l’industrie ce qui explique la réglementation minutieuse du domaine du brevet et des droits de la propriété intellectuelle d’une façon générale. Un brevet d’invention est toujours accompagné d’une description de l’invention brevetée et d’un certain nombre de revendications: la description doit permettre à l’homme du métier de réaliser l’invention et les revendications définissent la portée de la protection[4].
L’acquisition d’un brevet n’est pas une obligation légale, elle ne constitue pas une condition pour l’exploitation d’une invention[5]car un brevet n’est pas un droit de faire mais un droit donné à empêcher les autres de faire[6]. Les brevets d’invention et les autres droits de la propriété industrielle peuvent faire l’objet de plusieurs applications.  Leur objet est toujours une chose incorporelle (invention, apparence d’un produit, signe distinctif de produit ou service déterminé)[7] et ils peuvent être, à titre exceptionnel intégrés dans un fonds de commerce[8]. Le brevet d’invention peut donc  être défini comme  un droit exclusif accordant à son titulaire un monopole temporaire sur l’exploitation de l’invention protégée. Ce monopole s’analyse en un droit de propriété incorporel  et permet à son titulaire d’interdire à tout tiers pendant la durée de la protection (20 ans en principe) toute utilisation de celle-ci sans son consentement. Après 20 ans, l’invention «tombe dans le domaine public».  Le document est publié, donc accessible au public, et il comporte une description suffisamment précise de l’invention pour que celle-ci puisse être «reproduite par un homme de l’art».

On peut donc dire que  le brevet vise  à réduire le secret, moyen alternatif de protection à la disposition des inventeurs.  Il apparaît cependant que le secret reste le mode préféré de protection dans le cas des innovations de procédés (auxquelles les concurrents n’ont pas d’accès direct), le brevet étant plus utilisé pour les innovations de produits.

Le brevet d’invention est aussi un contrat par lequel l’inventeur s’oblige à divulguer le secret de son invention au public. En contrepartie, l’Etat s’oblige  à lui conférer un droit exclusif d’exploitation pour une durée déterminée  pendant laquelle ce dernier bénéficie d’une protection spéciale à l’égard des tiers.  Le brevet propose en conséquence un compromis : le monopole est limité dans la durée et le brevet est accordé en contrepartie de la divulgation de l’invention.  Il s’agit donc d’un mécanisme juridique  qui assure l’encouragement, l’appui et la sécurité à la recherche et l’innovation.

En principe, de par la protection qu’il procure, le brevet favorise l’innovation et l’investissement, en permettant à l’inventeur de retirer des avantages économiques et financiers pendant une durée déterminée de 20ans.

En effet, l’inventeur peut parfois ne pas exploiter lui-même son brevet. Dans ce cas, il peut soit se dessaisir en pleine propriété de son brevet par une cession, soit autoriser les tiers à exploiter le brevet pour une durée déterminée par une concession de licence[9]. Il s’agit donc d’un monopole temporaire et exclusif d’exploitation de l’invention.

L’étude du cadre juridique général du brevet d’invention implique d’examiner d’une part  les principaux textes nationaux et internationaux en la matière, et d’autre part les conditions nécessaires de la brevetabilité.

  • Cadre législatif et réglementaire

Le cadre juridique et réglementaire est composé des principaux textes nationaux et internationaux qui régissent le brevet d’invention.

1-Au niveau international

Dés le 19ème siècle,  avec la multiplication des nouvelles inventions s’est aussi posé le problème délicat de leur protection contre le copiage et le piratage.   C’est ainsi que  la Convention de Paris du 20 mars 1883 a mis en place un cadre  juridique de base avec la  création de   l’Union pour la protection de la Propriété Industrielle. Toutefois, c’est le Traité de Coopération en matière de brevets et la Convention de Marrakech qui ont fondé un dispositif juridique moderne et harmonieux en matière de brevets d’invention. En effet, le Traité de coopération en matière de brevets (PCT : Patent Cooperation Treaty) a été  adopté par la Convention de Washington le 13 juin 1970. Il est entré en vigueur en 1978. Il a crée l’Union internationale de coopération en matière de brevets, gérée par l’Organisation Mondiale de la Propriété Industrielle (OMPI). Ce texte a été modifié en 1979, 1984 et 2001.

Ce texte offre aux inventeurs et aux industriels la possibilité d’obtenir la protection des brevets à l’échelon international. En effet, par le dépôt d’une seule demande « internationale » de brevet selon le système instauré par le PCT, l’inventeur peut obtenir l’effet de dépôts nationaux réguliers dans plusieurs ou la totalité des pays contractants du PCT. Cette disposition présente un intérêt certain dans la mesure où avant l’instauration du PCT, le seul moyen d’obtenir la protection d’une invention dans plusieurs pays consistait à déposer des demandes distinctes dans chacun d’eux. Ces demandes étaient traitées indépendamment les unes des autres. Il en résultait une répétition des opérations de dépôt et d’examen dans chaque pays. D’un autre côté, ce texte  permet l’examen de forme de la demande  internationale par un seul office des brevets considéré comme l’office récepteur. Depuis l’adhésion du Maroc au PCT le 8 octobre 1999, l’OMPIC agit en tant qu’office récepteur.

Le 2éme texte international est constitué par  L’Accord[10] sur les Aspects des droits de  propriété intellectuelle qui touchent au commerce (ADPIC). Il fait partie de la panoplie des textes signés à Marrakech en avril 1994. C’est un accord multilatéral qui vise à intégrer les droits  de propriété intellectuelle dans le système du commerce international. Il impose aux Etats  membres d’organiser la protection des brevets selon des normes minimales. Ces normes doivent être conformes aux principales conventions de l’OMPI, de la convention de Paris sur la protection de la propriété industrielle et de la Convention de Berne sur la protection des œuvres littéraires et artistiques. D’un autre côté, pour assurer une protection efficace des droits de propriété intellectuelle, l’Accord a prévu des dispositions contre le piratage et la contrefaçon.

  • Au niveau national

Au Maroc, la protection de la  propriété industrielle  est réglementée  par la Loi 17-97 du 15 février 2000. Cette loi est entrée en vigueur six mois après la publication de son décret[11] d’application n° 2-00-368 (7 juin 2004), lui-même complété et modifié par le décret n° 2-05-1485 (20 février 2006). Elle abroge toutes les dispositions législatives antérieures relatives à la propriété industrielle.

L’intérêt de la loi 17-95 est capital dans la mesure où elle a permis de mettre fin à la dualité des lois applicables sur le territoire marocain. Cette loi intervient aussi dans un contexte particulier marqué par une ouverture de plus en plus grande de l’économie marocaine sur le plan international, et notamment la signature de l’accord[12] de libre échange avec les USA, et qui comporte un important volet relatif à la propriété industrielle.

La loi 17-97 a été  modifiée et complétée par la loi 31-05 adoptée le 14 décembre 2005[13].

Cette  importante évolution législative visait à répondre aux exigences  du Traité sur le droit des marques de l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle et de  l’Accord de libre-échange signé avec les Etats-Unis en mars 2004.

  La loi 17-97 du  15 février 2000 relative à la protection de la propriété industrielle confère au détenteur d’un enregistrement national ou international d’un droit, l’exclusivité de jouissance et d’utilisation dudit droit sur tout le territoire national. Il s’agit en l’occurrence des « Brevets d’invention » (c’est le cas des créations techniques), des « dessins et modèles industriels » (consistant en des créations ornementales) et des « signes distinctifs » qui couvrent tant les « marques » que les « noms commerciaux », les « appellations d’origine » etc.….

Cette loi a permis la modernisation de l’arsenal juridique marocain en matière de protection de la propriété industrielle  en le mettant en conformité avec les standards internationaux. Elle a aussi mis à la disposition des  opérateurs économiques d’un cadre juridique moderne et des procédures claires de protection de leurs titres  de propriété industrielle.

La loi 31-05, quant à elle, a été adoptée le 14 décembre 2005, un an après l’entrée en vigueur de la loi 17-97. Les amendements apportés par la loi 31-05 visent d’une part à suivre la cadence des réformes mondiales dans le domaine de la propriété industrielle et d’autre part arrimer le Maroc aux différents pays avec lesquels il a signé des accords de libre échange notamment les USA. Ces amendements concernent en particulier l’assouplissement de la procédure de dépôt de titres de propriété industrielle à travers le dépôt électronique des demandes d’enregistrement des marques. Cette disposition a été prise pour se conformer aux dispositions de l’accord de libre échange avec les USA et à celles du Traité sur le droit des marques (TLT) adopté à Genève le 27 octobre 1994. Un second amendement concerne    les marques sonores et olfactives désormais protégées au Maroc.

-A côté de ces textes, il y a  lieu de citer  la loi 13-99 du 15 février 2000 portant création de l’Office Marocain de la Propriété Industrielle et Commerciale (OMPIC).   L’OMPIC est un établissement public doté de la personnalité morale et de l’autonomie financière. Il est soumis à la tutelle de l’Etat et au contrôle financier applicable aux établissements publics. Il a été institué par la loi[14] 13-99 du 15 février 2000. Parmi les missions qui lui sont dévolues, il y a notamment la tenue des registres nationaux de propriété industrielle et l’inscription de tous les actes affectant la propriété des titres  de propriété industrielle. En effet, l’OMPIC joue un rôle de premier plan dans la promotion des brevets d’invention à travers un certain nombre d’actions de sensibilisation. Dans ce contexte,  l’OMPIC  apparait  comme  un vecteur d’accompagnement  et un interlocuteur indispensable et efficace  qui agit en amont, par la sensibilisation et la promotion, qui offre des services adaptés répondant aux besoins des clients.   Il  intervient aussi en aval du processus, en s’assurant de la valorisation et du respect des droits protégés.

Ceci étant, pour obtenir un brevet d’invention, l’invention doit répondre à un certain nombre de conditions de brevetabilité.

  • Les conditions de brevetabilité

Pour être brevetable, une invention, doit satisfaire un certain nombre de conditions de fond et de forme.

  • 1- Les conditions de fond

L’article 22 de la loi 17-97 du 15 février 2000 relatif à la protection de la propriété industrielle définit ces conditions de fond  en stipulant clairement que «  est brevetable toute invention nouvelle, impliquant une activité inventive et susceptible d’application industrielle ». En effet, il résulte de cet article que trois conditions sont nécessaires pour qu’une invention puisse être brevetée : l’exigence d’invention, la nouveauté,  et l’utilité industrielle.   Le législateur marocain n’a pas défini  de manière  claire et précise  la notion d’invention, il a  seulement  indiqué certaines créations qui ne constituent pas des inventions au sens de l’article 22. L’invention peut donc consister en la création d’un nouvel objet (par exemple une molécule, une machine) ou en l`amélioration d’un objet ou un procédé industriel existant. Dans tous les cas, l’invention doit  être  le fruit de l’activité créative de l’Homme et le résultat d’une recherche scientifique, et  d’un effort intellectuel.

  • Ensuite, selon l’article 26, une invention est considérée comme nouvelle si elle n’est pas comprise dans «  l’état de la technique industrielle ». La nouveauté d’une invention signifie son ignorance de la part du « public ». Ce dernier étant défini comme toute personne autre que le déposant qui n’est pas tenu au secret à propos des informations qu’elle reçoit[15]. L’état de la technique est constitué par tout ce qui a été rendu accessible au public par une description orale ou écrite, un usage ou tout autre moyen avant la date du dépôt de la demande de brevet au Maroc ou d’une demande déposée à l’étranger et dont la priorité est valablement revendiquée.
  • Enfin, l’article 28 de la loi n° 17-97 de février 2000, telle que modifiée et complétée par la loi n° 31-05 de décembre 2005, considère une invention comme étant susceptible d’application industrielle lorsqu’elle présente une utilité spécifique, substantielle et crédible. En d’autres termes, il ne suffit pas que l’objet de l’invention puisse être fabriqué industriellement, il doit en plus présenter un intérêt substantiel et crédible. Cela signifie que l’utilité et l’intérêt d’une invention doivent être connus au moment du dépôt de la demande de brevet.

n Par ailleurs, et en ce qui concerne les  objets brevetables, l’article 21 de la loi n° 17.97 de février 2000 précise que l’invention peut porter sur des produits, sur des procédés et sur toute application nouvelle ou une combinaison de moyens connus pour parvenir  à un résultat inconnu par rapport à l’état de la technique, de même que sur des compositions et  produits pharmaceutiques,  ou remèdes de toute espèce y compris les procédés et appareils servant à leur obtention.

Par ailleurs,  l’article 23 donne la liste des éléments qui  ne sont pas considérés comme des inventions, à savoir:

  1. a) les découvertes ainsi que les théories scientifiques et les méthodes mathématiques ;
  2. b) les créations esthétiques ;
  3. c) les plans, principes et méthodes dans l’exercice d’activités intellectuelles en matière de jeu ou dans le domaine des activités économiques, ainsi que les programmes d’ordinateurs ;
  4. d) les présentations d’informations.

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 L’article 24, quant à lui, précise  les inventions non brevetables. Il s’agit d’une part, des  inventions dont la publication ou la mise en œuvre serait contraire à l’ordre public ou aux bonnes mœurs, et d’autre part, les obtentions végétales qui sont soumises aux dispositions de la loi n° 9-94 sur la protection des obtentions végétales.

Cette signification a été adoptée par l’Accord sur les ADPIC – art. 27 – et celui de l

  • Les conditions de forme et la procédure de délivrance du brevet d’invention.

Les conditions de forme comprennent certaines démarches et formalités effectuées auprès de l’OMPIC. Cet organisme  est chargé d’examiner la demande de dépôt du brevet quant à la forme. A  cet égard, on peut distinguer deux étapes: la première  porte sur l’examen des formalités de la recevabilité de la demande. La seconde  porte sur la décision finale de l’OMPIC. En effet, au moment du dépôt de la demande, l’OMPIC peut déclarer irrecevable tout dossier qui ne répond  pas aux   conditions exigées par  l’article 31 de la loi n° 17-97 de février 2000, complété par l’article 4 du décret d’application  du 7 juin 2004[16]. Il s’agit  notamment  de la  non-présentation de la demande de brevet conformément aux exigences prévues à l’article 4 du décret et du  non-paiement des droits exigibles.

Les articles 4 et 5 du décret d’application de juin 2004 citent le contenu de la demande de brevet et les pièces à fournir dans un délai de trois mois à compter de la date de dépôt si le dossier est alors incomplet.

Par ailleurs, l’OMPIC doit s’assurer du respect des conditions définies par l’article 37 de la loi  de février 2000. En effet, selon cet article, la demande de brevet ne doit  pas contenir  des éléments ou des dessins contraires à l’ordre public ou aux bonnes mœurs, des déclarations dénigrantes relatives à des produits ou procédés de tiers ou  d’éléments manifestement étrangers à la description de l’invention. En outre, la demande  ne doit  comporter ni restrictions, ni conditions, ni réserves.

Cela étant, l’article 5 du décret d’application de juin 2004 énumère les pièces à joindre à la demande de brevet d’invention ou de certificat d’addition, qui sont  la description de l’invention ; une ou plusieurs revendications ; l’abrégé du contenu technique de l’invention…

La deuxième étape consiste dans la  décision finale de l’OMPIC. Après la recevabilité de la demande de dépôt du brevet, l’OMPIC est alors compétent pour examiner le dossier et procéder à son enregistrement.

En conséquence, pour obtenir un brevet d’invention, l’article 31 de la loi 17-97de février 2000 exige le dépôt d’un dossier de demande de brevet auprès de l’OMPIC. Selon les pays, cette demande peut être examinée uniquement quant à la forme, en vérifiant alors le seul respect des dispositions administratives relatives à la forme de la demande de brevet (système à simple enregistrement) ; ou bien subir également un examen quant au fond, pour vérifier si les critères de brevetabilité sont satisfaits (système à examen préalable).

Au Maroc, le  législateur   avec la loi 17-97de février 2000 a au début,  adopté le premier mode de vérification dans la mesure où le brevet est délivré dès que la demande remplit les conditions de forme exigées par la loi. C’est ainsi que la loi 23-13[17]  du 21 novembre 2014   habilite l’OMPIC à examiner les brevets d’invention quant au fond.  Ce nouveau texte constitue un progrès important car avant la loi 23-13  les prérogatives de l’OMPIC se limitaient à  la délivrance des brevets d’invention sans examen de fond. La loi 23-13 prévoit également un système de certification des cabinets de conseil spécialisés dans la protection industrielle. Elle prévoit de  référencer les conseillers disposant des compétences techniques nécessaires à l’accompagnement des inventeurs dans leurs démarches pour le dépôt de leurs brevets

Par ailleurs, le dispositif juridique marocain s’est renforcé par un nouvel accord entre l’OMPIC et   l’Office Européen des Brevets (OEB[18]). Cet  accord  permet de valider des brevets examinés par cet office. En effet, lorsqu’une procédure de validation a été effectuée à l’OMPIC, ces brevets sont soumis à la législation nationale. En fait, l’accord de validation avec l’OEB se limite à un aspect procédural qui permet un meilleur contrôle des critères de brevetabilité pour obtenir des brevets solides, et ce quelque soit le secteur d’activité y compris le secteur des médicaments. Cette nouvelle législation renforce le système national de la propriété industrielle, particulièrement la qualité des brevets d’invention, et verrouille les critères de brevetabilité des inventions.

Avec ce nouvel accord, le Maroc s’intègre dans le système européen de protection de la propriété industrielle via l’Office européen des brevets.  En effet,  l’accord signé entre l’OEB et l’OMPIC) permet d’instituer un système de validation des brevets d’invention européens au Maroc. Le dispositif est  appliqué depuis  mars 2015. Auparavant, le dépôt d’un brevet d’invention n’offrait pas toutes les protections juridiques dans toutes les régions du monde. Désormais, en déposant leurs brevets  auprès de l’OEB, les inventeurs européens pourront désigner le Maroc parmi les pays assurant la protection de leurs inventions dans les mêmes conditions que dans leur pays d’origine. Les brevets européens bénéficieront, désormais, du même standard de protection que les nationaux et seront soumis à la législation nationale.

Grâce  à ce système, la sécurité juridique des brevets délivrés par l’OEB et validés au Maroc va contribuer au renforcement de  la valeur du système marocain des brevets et rendra le Maroc plus attractif pour les investisseurs internationaux.

Ceci dit, le brevet d’invention offre d’importantes opportunités économiques et d’investissements ce qui en fait un outil inestimable pour la valorisation du potentiel de l’entreprise et notamment dans le domaine  de la  lutte contre la contrefaçon.

  • Enjeux économiques et juridiques du brevet d’invention : la lutte contre la contrefaçon

Le brevet d’invention peut être considéré, à juste titre comme un instrument de  défense contre la contrefaçon et l’imitation,  étant entendu que l’objet du brevet est de protéger le travail de l’inventeur que ce soit une entreprise, un institut de recherche ou un particulier.

En effet, la contrefaçon peut être définie comme une violation d’un droit de propriété industrielle. L’article 201 alinéa 1er de la loi n° 17-97 telle que modifiée et complétée par la loi n° 23-13 relative à la protection de la propriété industrielle dispose que « Toute atteinte portée aux droits du propriétaire d’un brevet d’invention, d’un schéma de configuration (topographie) de circuits intégrés, d’un dessin ou modèle industriel enregistré, d’une marque de fabrique, de commerce ou de service enregistrée, d’une indication géographique enregistrée ou d’une appellation d’origine enregistrée (…) constitue une contrefaçon ».

La contrefaçon est donc un acte de délinquance économique dans le sens que c’est une atteinte aux droits de propriété industrielle alors que le piratage est notamment une atteinte aux droits d’auteur et droits voisins. Actuellement,  le phénomène de la contrefaçon prend  de l’ampleur dans le monde et n’épargne aucun pays ni aucun produit. Le marché mondial de la contrefaçon touche aujourd’hui tous les domaines d’activité, dont les médicaments. La contrefaçon est même  considérée comme étant une activité criminelle aussi complexe et sophistiquée que le trafic de drogues.

Le Maroc n’a pas été à l’abri de ce phénomène qui pénalise de larges secteurs d’activités.    Les entreprises et les consommateurs sont touchés par la contrefaçon, notamment  de marques et modèles industriels. Les produits les plus touchés son: les appareillages électriques d’installation ; les pièces automobiles ; les vêtements et chaussures de sport ; les produits cosmétiques, les détergent ;… Cette situation pose évidemment le problème du danger sur la santé et la sécurité des consommateurs car la contrefaçon ne respecte pas les normes de fabrication et de sécurité.

C’est ainsi qu’un dispositif juridique contraignant et un cadre institutionnel approprié ont été mis en place pour une meilleure lutte contre ce phénomène d’ampleur mondiale.

C’est aussi  dans ce contexte, qu’intervient la création du Comité National pour la Propriété Industrielle et Anti-Contrefaçon (CONPIAC)  et que certaines mesures légales et institutionnelles ont été adoptées pour lutter contre ce phénomène.

  • Le rôle du CONPIAC

 La création du CONPIAC  en avril 2008 vient consacrer la volonté des pouvoirs publics et du secteur privé pour lutter conjointement contre la contrefaçon en raison de ses effets néfastes sur l’économie et l’emploi. Son objectif est de renforcer la coopération et la coordination entre les différents intervenants afin de s’attaquer plus efficacement et sur le long terme au problème de la contrefaçon au Maroc.

 Cette structure de concertation entre les acteurs du  secteur privé et du secteur  public s’inspire du Comité National Anti-Contrefaçon (CNAC) français. Elle a été créée à l’initiative du ministère de l’Industrie, du Commerce et des Nouvelles Technologies (qui en assure la présidence) et de la Confédération générale des entreprises du Maroc (CGEM).

 Ses principales  missions consistent dans  la sensibilisation des consommateurs, industriels et entreprises aux dispositions législatives et réglementaires, la formation du personnel des autorités concernées, le renforcement du cadre législatif et réglementaire et l’évaluation des incidences économiques de la contrefaçon…Le CONPIAC  est présidé par le ministère de l’Industrie, du Commerce et des Nouvelles technologies. Il regroupe des représentants des secteurs public et privé et comprend deux groupes de travail. Le premier concerne les acteurs du secteur public, dont le secrétariat est assuré par l’OMPIC, et un autre relatif au secteur privé piloté par la CGEM.

En mettant en place ce nouvel organisme et surtout en associant le secteur privé aux efforts de lutte contre la contrefaçon, le Maroc démontre sa disposition à déployer tous les efforts nécessaires pour y arriver. C’est ainsi que  plusieurs mesures  ont été adoptées pour, sinon éradiquer ce fléau du moins en atténuer les conséquences désastreuses.

  • Les principales mesures de lutte anti-contrefaçon

Depuis de nombreuses  années, le Maroc a mis en place un dispositif réglementaire et institutionnel en vue de protéger la propriété industrielle contre la contrefaçon. C’est ainsi que la loi sur les brevets d’invention n’a cessé de faire l’objet de nombreuses réformes tendant à la moderniser et à la mettre à niveau des normes internationales en la matière.

En effet,  l’alignement de la législation  marocaine de  protection des inventions et des marques sur les standards internationaux vise à attirer des investissements à forte valeur ajoutée et à lutter contre la contrefaçon qui mine le tissu industriel.

Selon l’étude[19] sur l’impact économique de la contrefaçon au Maroc réalisée en 2012 par le Comité National pour la Propriété Industrielle et Anti- Contrefaçon (CONPIAC), la contrefaçon sur le marché marocain est estimée entre 6 et 12 milliards de dirhams, soit 0,7 à 1,3 du PIB. Elle génère une perte fiscale annuelle de près d’un milliard de dirhams et près de 30.000 emplois détruits. Les principaux secteurs économiques touchés par la contrefaçon sont le textile, le cuir, l’électrique, les pièces de rechange automobile et les cosmétiques. Les principales régions affectées sont celles de Casablanca, Tanger-Tétouan, Oujda-Nador et Agadir. C’est donc  un contexte qui n’est guère  favorable à l’implantation de nouvelles unités industrielles, notamment étrangères.

S’agissant des moyens de lutte  contre ce problème, la législation marocaine comporte des mesures de prévention et de répression. En matière de prévention,  une entreprise peut protéger ses créations et innovations auprès de l’OMPIC à travers le système d’enregistrement des marques (10 ans renouvelables indéfiniment), brevets d’invention (20 ans), dessins et modèles industriels (5 ans renouvelables 2 fois) prévu par la loi n° 17-97 telle que modifiée et complétée par la loi n° 23-13.
D’un autre côté,  les entreprises envisageant d’exporter leurs produits ou services à l’étranger, peuvent étendre la protection de leur brevet d’invention, marque ou dessin et modèle industriel dans les pays destinataires.

Les moyens de répression peuvent être envisagés sur le plan pénal. En effet, le législateur marocain a réservé une place de choix au volet relatif à la protection de la propriété industrielle. C’est ainsi que la loi 17/97 a consacré le  titre VIII, (articles 201 et suivants) à l’action en contrefaçon. D’autres actions sont prévues telles que  l’action en nullité, (art. 85 à 88) l’action en concurrence déloyale ou du parasitisme (art. 184 et 185 de la loi n° 17/97.

L’action en contrefaçon est étroitement liée à la plupart des droits de la propriété industrielle (art. 1 et 201 de la loi n° 17/97). En fait,  le législateur a distingué  entre deux actes incriminés, l’imitation et la contrefaçon pour  la marque. En revanche, s’agissant  du brevet, la loi s’est contentée de sanctionner la contrefaçon. Par ailleurs, quand un tiers commet  une atteinte au droit du brevet, c’est-à-dire lorsqu’il effectue un acte couvert par le brevet sans autorisation du titulaire et sans qu’une exception ou une limitation ne soit applicable, le titulaire du brevet peut le poursuivre en justice pour contrefaçon. En effet, la loi a prévu une action en justice en civil et en pénal contre toute transgression de la loi sur la propriété industrielle. En cas de contrefaçon avérée, le coupable  s’expose à des sanctions telles que : l’interdiction de poursuivre les actes de contrefaçon; le versement  des dommages et intérêts; la confiscation ou la destruction des objets concernés.

Conclusion

Si autrefois  le droit de la propriété intellectuelle pouvait être considéré  comme  un instrument de protection juridique  de l’ensemble du patrimoine technique et commercial de l’entreprise, il n’en va plus de même aujourd’hui.

A l’heure où l’on considère le capital immatériel comme  un élément indispensable  de la performance de l’entreprise,  on ne peut que constater, paradoxalement  l’incapacité du droit de la propriété intellectuelle à fournir des outils juridiques efficaces pour la protection  et la valorisation de l’ensemble de ces actifs incorporels notamment dans un pays comme le Maroc où la contrefaçon frappe des secteurs entiers de son économie et met en danger un grand nombre d’entreprises. La propriété intellectuelle peut être efficace dans les domaines technologiques traditionnels et pour protéger les signes extérieurs de l’entrepris, elle rencontre, toutefois, de grandes  difficultés à appréhender les nouveaux domaines technologiques.

En conséquence,  si le droit de la propriété intellectuelle apparaît bien dans ses différentes composantes comme l’outil juridique principal de protection   des innovations et des créateurs, il n’a plus ni la possibilité ni la vocation à pouvoir assurer aux entreprises  une protection exclusive et efficiente  de l’ensemble des dimensions de leur patrimoine immatériel.

[1]   Revue Française de Gestion, Numéro Spécial “Le droit : un nouvel outil de gestion” ; n° 81, nov- déc 1990.

[2] Jean Paillusseau, “Le droit est aussi une science d’organisation”, Revue Trimestrielle de Droit Commercial 1989, n° 42, pp. 1 et s.).

[3] J. PASSA «Droit de la propriété industrielle » LGDJ 2006 page 2.

[4] P. ROUBIER «Valeurs des droits de propriété industrielle » Litec,  2006 page 46.

[5] J. SCHMIDT-SZALEWSKI « Droit de la propriété industrielle » 4ème édition Dalloz 1999 page 4.

[6] P. ROUBIER «Valeurs des droits de propriété industrielle » Litec, page 53.

[7] J. PASSA, (2006) Droit de la propriété industrielle  LGDJ  page 15

[8] M. OUHANNOU  (2008) Droit commercial fondamental  page 144.

[9] Nakhli  M. (2004) Droit des Affaires, Les activités de l’entreprise, T1 CDMAE, p188.

[10] Annexe 1C de l’accord instituant l’OMC signé à Marrakech en Avril 1994.

[11] Bulletin Officiel N° 5221 du 17 juin 2004.

[12] Cet accord a été signé le 15 juin 2004.

[13] Cette nouvelle loi a été promulguée par le dahir n° 1-05-190 le 14 Février 2006 et  publiée le 2 mars 2006  (BO n° 5400).

[14] Bulletin Officiel n°4778 du 16 mars 2000.

[15] J. SCHMIDT-SZALEWSKI ;   Droit de la propriété industrielle, 4ème édition, 1999 ; Dalloz  page 10.

[16] Le décret d’application n° 2-00-368 (7 juin 2004), lui-même complété et modifié par le décret n° 2-05-1485 du 20 février 2006, BO n° : 5400  du  02/03/2006.

[17]  Loi n° 23-13 modifiant et complétant la loi n° 17-97 relative à la protection de la propriété industrielle promulguée par le Dahir nº 1.14.188 du 21 novembre 2014.

[18] Créé en 1977, ayant son siège à Munich, l’Office européen des brevets regroupe 38 pays et 2 pays associés dont  le Maroc.

[19] Guide des procédures de prévention et de répression de la contrefaçon, mai 2014.

 

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