L’AFRIQUE ENTRE PUISSANCES ÉMERGENTES ET PUISSANCES TRADITIONNELLES : CONCURRENCE OU RIVALITÉ ?

L’AFRIQUE ENTRE PUISSANCES ÉMERGENTES ET PUISSANCES TRADITIONNELLES : CONCURRENCE OU RIVALITÉ ?

KHADIJA BOUTKHILI

Professeur, Faculté des Sciences Juridiques Economiques et Sociales -Salé-, Université Mohammed 5, Rabat, Maroc.

[email protected]

ADIL BADRI

Doctorant, Faculté des Sciences Juridiques Economiques et Sociales -Salé-, Université Mohammed 5, Rabat, Maroc.

[email protected]

RESUME 

L’économie mondiale a été façonnée par la mondialisation, ces dernières décennies, ce qui a donné naissance à de nouvelles puissances économiques (les BRICS).

L’émergence de ces nouvelles puissances sur la scène internationale constitue donc une tendance majeure de ce début du siècle et ses conséquences sur la redistribution du pouvoir mondial sont loin d’être circonscrites. Ce déploiement contribue à une revalorisation géoéconomique et géopolitique de l’Afrique qui, en retour, suscite un intérêt renouvelé des puissances industrielles (Europe, États Unis).

MOTS CLES : Afrique Subsaharienne, puissances traditionnelles, commerceinternational, investissements, BRICS.

AFRICA BETWEEN EMERGING AND TRADITIONAL POWERS: COMPETITION OR RIVALRY?

ABSTRACT

The world economy has been shaped by globalization in recent decades, giving rise to new economic powers (the BRICS).

The emergence of these new powers on the international scene is thus a major trend at the beginning of this century and its consequences on the redistribution of world power are far from circumscribed. This deployment is contributing to a geo-economic and geopolitical revaluation of Africa which, in turn, is arousing renewed interest from the industrial powers (Europe, United States).

KEY WORDS : Sub-Saharan Africa, traditional powers, international trade, investments, BRICS.

INTRODUCTION

L’économie mondiale connaît, depuis longtemps, des mutations profondes dans son mode de production, dans ses structures des échanges ainsi que dans l’émergence de nouveaux pôles de croissance.

Il faut souligner que l’Afrique se trouve à un moment crucial de son développement, les changements économiques et géopolitiques, survenus à l’échelle mondiale au cours de ces dernières décennies, ont accéléré lesrapports de forces traditionnelles dans le monde, marqués par l’émergence de nouvelles puissances.

En effet, le continent africain est devenu un enjeu géostratégique et géopolitique tant au niveau international qu’au niveau régional. Ce continent dense par ses ressources naturelles (biodiversité, forêts, hydrocarbures, mines, terres arables…) et ses ressources humaines (2 Milliards d’habitants d’ici 2050) ; est convoité, tant par les puissances traditionnelles (USA, France, Grande Bretagne etc.), que par les puissances dites émergentes (Brésil, Russie, Inde, Turquie, Malaisie, Mexique, etc.). Il constitue également un champ d’affrontement de ces dernières, qui, chacune essaye de maintenir sa place et son poids sur les marchés africains.

Avec l’émergence de ces nouvelles puissances sur la scène internationale, nous assistons donc à une redéfinition des règles de jeu. Les dites puissances apparaissent comme des acteurs influents sur la scène politique et économique mondiale, aussi sont-elles porteuses d’un potentiel de développement économique capable d’occasionner une transformation des rapports de force au niveau international.

La pénétration de ces pays émergents en Afrique, considérée jusque-là comme un domaine réservé aux puissances traditionnelles, a posé une série de questions notamment sur les enjeux des puissances internationales en Afrique : quels sont les enjeux concurrentiels que présente l’Afrique pour ces puissances ? Quelle est la stratégie empruntée par ces puissances pour conquérir ce continent ? Et en quoi les actions menées par les puissances émergentes se diffèrent-elles de celles déployées par les acteurs traditionnels ?

Ce sont des questions, parmi d’autres auxquelles le présent article essayera d’apporter des réponses.

  1. L’ESSOR DES PUISSANCES EN AFRIQUE

Depuis les temps modernes, le système international des puissances a constamment été fondé sur la politique de l’équilibre. Ce système a donné naissance à un ordre qui a fait prévaloir les intérêts des plus forts au détriment de celui des plus faibles dans le cadre des rapports soit de droit, soit de fait (Elouali Abdelhamid, 1993).

L’Afrique est incluse dans ce système mondial, elle a été longtemps un lieu de déploiement des puissances, au XIXème siècle les émissaires et diplomates des puissances européennes réunis en conclave à Berlin (1885) décidèrent unilatéralement du partage du continent. Par deux fois au cours du XXème siècle, l’Afrique fera objet de partage entre les puissances Occidentales (Guy Ernest Sanga, 2010). Les États colonisateurs l’on traité comme un territoire vide qu’ils ont partagé en fonction de leurs intérêts. L’Afrique demeure le champ de compétition entre les puissances quoique les occupations territoriales directes aient disparu.

  1. LE RETOUR PRAGMATIQUE DES PUISSANCES TRADITIONNELLES

Pour Philippe Hugon (2012), l’Afrique a longtemps joué un rôle de réservoir d’hommes et de richesses pour les économies conquérantes proches.

En fait, après la deuxième guerre mondiale, les puissances traditionnelles ont massivement investi dans les secteurs énergétiques et dans le développement des infrastructures de différents pays africains. Pendant la guerre froide, l’Afrique subsaharienne reste un « angle mort » dans la diplomatie américaine. Les États-Unis ont soutenu et financé plusieurs régimes afin de contrebalancer et contenir l’influence soviétique sur le continent, notamment en Angola ou dans la corne de l’Afrique. Ces derniers veillent surtout à garantir leur approvisionnement en pétrole et en métaux stratégiques, comme le cobalt du Congo Kinshasa (Roland Pourtier et autres, 2014). Les États-Unis ont laissé à leurs alliés, à l’instar de la France, le soin de lutter contre les mouvements d’inspiration communiste. Jusqu’à 1975, l’Afrique est restée, en grande partie, à l’écart de la confrontation entre l’Est et l’Ouest et dans la mouvance des États d’Europe occidentale. Or, durant la période 1975-1985, l’Afrique, victime des rivalités des grandes puissances, en proie aux famines, ravagée par des conflits armés, connaît une détresse plus profonde que celle du temps de la colonisation (Pierre Milza, 1996), et se voit reléguer au second plan par ces puissances. L’attention des autorités de ces derniers a été détournée par des préoccupations d’ordre interne.

Toutefois, la vision américaine change sous l’action conjuguée, de la fin de la guerre froide, de l’apartheid en 1994 de la nouvelle donne géopolitique, née des attentats de Nairobi et de Dar es-Salaam (en août1998), et pardessus, les attentats de New-York de 2001. La politique des États-Unis est redevenue active et elle se poursuit selon trois priorités :

  • La lutte contre le terrorisme ;
  • Le renforcement de la stratégie d’endiguement de l’islamisme par un programme d’assistance militaire ;
  • Le renforcement des échanges et des investissements pétroliers (les firmes américaines étant présentes dans le Somaliland, le sud Soudan, les pays sahéliens et le golfe de Guinée).

En 2000, sous la direction de l’ex-président américain Bill Clinton, une loi commerciale a été proposée auprès d’une quarantaine de pays d’Afrique au sud de Sahara : l’AGOA (American Growth and Opportunity Act). Cette loi vise à faciliter l’entrée des produits africains, sur le marché américain par le biais de mesures préférentielles et de contribuer ainsi au développement des économies locales. Ces dispositions offrent aux pays susceptibles d’en bénéficier, la possibilité d’exporter en franchise et sans contingentement près de six mille articles différents sur le premier marché de consommation du monde (Roland Pourtier, 2014).

En effet, ce programme a permis de renforcer le partenariat économique entre les États-Unis et certains pays africains qui ont bénéficié de ce programme, qui passe de l’aide au commerce «traide no aid».

La vision antiterroriste qui émerge dans la politique étrangère américaine va nécessairement renforcer le retour d’une approche géostratégique de l’Afrique. Force est de constater qu’il s’agit de rendre les États-Unis à nouveau attrayants afin de s’affirmer comme une référence à l’extérieur et, partant, convaincre moins par la force que par la persuasion, le reste du monde à coopérer.

De ce fait, la disparité de l’ordre bipolaire a contribué non seulement à lever le voile sur la complexité du monde mais à le complexifier davantage.

Cette détermination à se défaire des contraintes multilatérales s’explique également par la volonté de contenir l’émergence de puissances rivales et par le désir de sonner le glas d’une représentation dominante du système international, celle d’un monde bipolaire, marqué par une rivalité entre deux superpuissances nucléaires, engagées dans la domination et la structuration de l’espace idéologique respectif diamétralement opposé. Le monde issu de ces mutations est toujours en transition (Santander Sébastian, 2009).

  • LA STRATEGIE DES PUISSANCES EN AFRIQUE : SOFT POWER/HARD POWER

Les grands glissements dans les rapports de forces entre sociétés, pays, régions ou empires n’ont rien de nouveau dans les affaires mondiales, la seule certitude qu’on ait au sujet d’un rapport de force, c’est qu’il changera. De nouvelles puissances émergent, alors que celles en place, même les plus grandes, connaissent un déclin. La pure illustration est : la montée en puissance de la Chine, même si la présence de celle-ci sur le continent africain remonte au XVème siècle, le retour en force de la Russie et l’affirmation de l’Inde ou du Brésil dans les affaires internationales qui semblent augurer une transformation de l’état du monde et des rapports de force internationaux. Certains s’affirment comme prêteurs pour les puissances industrielles, investisseurs à l’étranger ou comme leaders dans les domaines clés du commerce mondial (énergie, agriculture, services, produits manufacturiers, textile).

L’Afrique fait l’objet de convoitise des puissances traditionnelles et émergentes, ces émergents qui sont en quête à la fois des ressources pour leur économie, de nouveaux marchés pour leurs produits, voire d’alliés pour la construction de leur statut de puissance.

L’Afrique est aussi un champ d’affrontement entre les puissances, qui jouent pour garder leur place sur l’échiquier mondial ainsi que sur le marché africain, afin de garantir leurs besoins en ressources naturelles. Avec ce jeu de forces, l’Afrique redevient un centre d’intérêt majeur dans les relations internationales contemporaines et un champ de compétition entre les puissances telles que la France ou la Chine, qui s’intéressent à des pays comme le Niger, l’un des principaux pays producteurs d’uranium à l’échelle mondiale mais l’un des plus pauvres, qui reste pourtant en dernière position du classement des pays selon leur indice de développement humain. Il est à signaler que le Niger est fortement convoité par les grandes puissances, pour ses ressources énergétiques et ses ressources minières (l’Uranium, l’Or, le Charbon et le Fer).

L’ouverture de l’Afrique à la concurrence internationale a rogné donc les anciennes puissances si bien que la Françafrique ne sera plus qu’une figure rhétorique de la France. L’Union européenne intervient en Afrique principalement par le partenariat, le multilatéralisme, la diplomatie de terrain et le soft power (Philippe Hugon, 2012) initié par Joseph Nye, pour qui « la puissance repose aussi bien sur la capacité de contraindre, sinon plus, sur la capacité d’attirer qu’elle ne repose sur la capacité de contraindre ».

Les relations de coopération et d’aide ont fortement évolué dans ce nouveau contexte géopolitique et géostratégique mondial. L’Afrique diversifie ses partenaires et accède à de nouveaux financements des pays émergents et pétroliers. Les relations d’influence et de pouvoir passent par les champs du commerce, de la finance, de la religion, des diasporas ou des ONG, et non seulement par le Hard Power des puissances et des interventions militaires.

Ces puissances émergentes s’imposent donc comme des acteurs incontournables en Afrique, en termes de commerce, d’investissement ou d’aide au développement. En fait, les pays émergents, spécialement la Chine, l’Inde, le Brésil, la Russie et l’Afrique du Sud ont profité de la mondialisation pour développer leurs échanges et attirer des investissements étrangers. Ils sont cependant loin d’être homogènes. La Chine, avec un PIB supérieur à 30% à celui des quatre autres pays réunis, elle demeure le géant du groupe « BRICS ». En produisant 15,4% de la richesse mondiale, elle est classée en tant que 2ème puissance économique mondiale. À sa puissance économique, s’ajoute une puissance commerciale (selon les statistiques de la banque mondiale, les exportations chinoises représentent 10,6% des exportations mondiales en 2013), une puissance financière (avec 2000 Milliards, le pays détient 90% des réserves de change des BRICS, soit un quart de réserves de change mondiale) et une puissance militaire.

Au niveau de l’Afrique, émanant de ses atouts économiques et financiers, la Chine développe une stratégie de soft power à travers différents acteurs, États, entreprises, réseaux de PME. La Chine pèse en 2011, environ 10% des relations commerciales et d’investissements en Afrique. Ses relations sont en forte croissance. L’essentiel de ses objectifs réside dans la sécurisation de ses besoins en ressources naturelles du sol (forêts, terres) et du sous- sol (mines et hydrocarbures) afin de jouer son rôle d’atelier du monde et d’asseoir sa puissance. Elle vise également une présence durable par les centres Confucius, les travaux d’infrastructures, la formation des Africains, la mise en place de dispositifs de recherche et les transferts de technologies appropriées et appropriables.

La Chine se pose en puissance régionale concurrentielle du pôle américain, se mondialise par son intégration à l’OMC et se régionalise par les réseaux de sa diaspora permettant l’extension de ses aires d’influence, par le bais des relations qui sont essentiellement économiques, fondées sur le principe gagnant /gagnant.

  1. LA PERCEE ECONOMIQUE DES EMERGENTS : DEFI POUR LES PUISSANCES TRADITIONNELLES

Force est de souligner que la présence des pays émergents en Afrique a suscité des débats du fait que cette présence en Afrique prend une acuité auprès des anciennes puissances européennes qui ont vu leurs intérêts économiques en train d’affaiblir sur le continent africain après avoir été importants.

  1. RELATION COMMERCIALE EN AFRIQUE : JEU D’ECHANGE ET RAPPORTS DE FORCE

Les besoins des puissances en ressources nécessaires pour assurer leur approvisionnement et pour alimenter leur croissance font de l’Afrique un champ de compétition. Elles sont toutes engagées dans la course aux produits de base, qu’il s’agisse du pétrole ou des minéraux riches en carbone pour la production énergétique, de matières premières dites dures telles que les métaux et les minerais pour la production industrielle ou de produits agricoles dits souples.

Le marché commercial africain est convoité aussi bien par les puissances émergentes que par les puissances traditionnelles. L’Union Européenne ( Désormais UE) est un relais partiel. En tant que bloc régional, l’UE conserve la part la plus large des échanges de l’Afrique selon les données de la direction des statistiques du FMI pour la période 2000 -2012. En dépit de ce constat, le commerce avec l’Asie a augmenté de 22% durant la même période contre 15 pour l’UE. (Voir figure n°1).

Figure 1 : les échanges commerciaux de l’Afrique avec les puissances traditionnelles en 2015

Source :Etabli par l’auteur

La présence des émergents en Afrique rattrape progressivement celle des occidentaux ; leur participation dans le commerce extérieur africain n’a cessé de croître ces dernières années au détriment de l’UE et des États-Unis. La Chine et l’Inde consomment respectivement désormais 12,5% et 4% des exportations africaines, ce qui représente 5% et 8% des importations de ces pays. Le développement des relations de l’Afrique avec la Chine a été particulièrement fructueux (Santander Sébastian, 2014).

La part des importations chinoises de minéraux et de carburant africains est passée de moins de 5% en 1995 à près de 25% en 2010. Aussi, la figure n° démontre que les exportations africaines de produits manufacturés, de matériaux bruts et de carburant pour le Groupe des Cinq (Brésil, Inde, Chine, Afrique du Sud et Russie) se sont également intensifiées (Fode Saliout Toure, 2014).

Figure 2 : Le commerce de l’Afrique avec les BRICS, 2001-2010 (en Milliards de dollars)

Source : Direction des statistiques du FMI

Les BRICS ont considérablement accru leur présence commerciale en pays en Afrique. Cette présence, qui s’est affirmée à un rythme rapide, aide l’Afrique à se repositionner sur l’échiquier économique international en renforçant ses partenariats stratégiques avec les pays qui enregistrent une forte croissance économique, au détriment des pays de l’OCDE et au profit de l’Est et du Sud.

La diversité des relations de l’Afrique est en pleine évolution (selon le Rapport de la BAD sur les perspectives économiques en Afrique, édition 2011). Si la Chine occupe le devant de la scène, les autres pays émergents pris ensemble, représentent une part plus importante des transactions, les trois principaux partenaires émergents du continent sont, par ordre d’importance ; la Chine, l’Inde et le Brésil.

En fait, le commerce avec les pays émergents qu’est considérablement développé durant les dernières années, s’avère très profitable à L’Afrique. En même temps qu’il a stimulé la croissance, il a provoqué une déformation de la structure géographique des échanges africains au détriment des pays de l’OCDE.

  • LES INVESTISSEMENTS EN AFRIQUE : UN CHAMP DE COMPETITION

Les IDE sont devenus une source d’investissement cruciale pour le continent et les pays africains richement dotés sont ceux qui en bénéficient avant tout. En 2013, ces derniers ont représenté 95% de l’augmentation des IDE vers l’Afrique, gonflés par une forte progression des flux entrants en Afrique du Sud (1,8 milliard de dollars, soit +39%) aussi une atténuation des investissements en Angola de 1,7 milliard (-61%). Trois pays, qui sont l’Algérie, la Namibie et le Nigeria ont enregistré une hausse des IDE supérieure à 500 millions de dollars chacun (les défis de l’Afrique, 2015).

Figure 3 : Évolution et perspectives 2030 de la consommation de pétrole de l’Afrique, du

Brésil, de la Chine et de l’Inde

Source : Energy Outlook de 2010 (AIE)

La motivation commune de cette ruée sur le continent africain est due à son pétrole qui attise les plus grandes convoitises (Tableau n° 1), en plus des produits agricoles, des minerais et des métaux rares ou précieux dont les puissances industrialisées ont besoin.

Tableau n° 1 : le volume des flux des IDE en Afrique en 2013

Afrique du SudNigériaMozambiqueMarocGhanaSoudan
6,4 millions $6,3 millions $4,7 millions $4,3 millions $3,3 millions $2,9 millions $

Source : Direction des statistiques du FMI – 2013

Les flux d’IDE vers l’Afrique se concentrent dans un nombre restreint de pays : en 2013, les six premiers pays bénéficiaires (qui représentent le 1/3 de la population du continent) ont reçu le même volume d’IDE que les autres pays africains.

Selon le Rapport sur les perspectives économiques en Afrique (2014), en 2012, les IDE en provenance des pays de l’OCDE ont poursuivi leur recul et ce, pour la 2ème année consécutive. À 15,7 milliards de Dollars ( désormais $) , ils sont inférieurs de moitié à leur niveau record de 2008 (34 milliards), juste avant l’éclatement de la crise financière mondiale. (Les 4 pays les plus investisseurs, à savoir le Royaume Uni, les États-Unis, l’Italie et la France, ont illustré ce recul). Le Royaume- Uni (7,4 Milliards $), les États-Unis (3,7 Milliards $), l’Italie (3,6 Milliards $) et la France (2 milliards $). Ensemble, les États-Unis, le Royaume-Uni et la France détenaient 64% du stock total d’IDE vers l’Afrique pour 2012, avec des niveaux respectifs de 61.4 ; 58.9 et 57.9 milliards de dollars.

Quant aux économies émergentes, comme l’analysait en détail l’édition 2011 des perspectives économiques en Afrique, elles s’imposent progressivement comme une source majeure d’investissement pour les pays africains. La part des BRICS dans le stock total d’IDE en Afrique est ainsi passée de 8% en 2009 à 12% en 2012 (67,7 milliards de $), ce qui confirme le déclin relatif des pays de l’OCDE.

Hors pays de l’OCDE, la Chine détient le plus gros stock d’IDE en Afrique, autour de 27,7 milliards de dollars, dont les 3 principaux partenaires sont l’Afrique du Sud, l’Angola et le Soudan ; tandis que le Nigéria est le premier partenaire commercial de l’Inde sur le continent. Les investissements de BRICS dans des projets nouveaux ont représenté pratiquement un quart des nouvelles opérations en 2012 (voir figure n° 4). La concurrence chinoise augmente progressivement et touche de plus en plus sensiblement l’investissement minier occidental. Il faut dire que les géants asiatiques agissent de manière empirique en Afrique.

Figure 4 : Les investissements des BRICS dans des projets en Afrique en % en 2012

Source : Ernest &Young, 2012

Quand l’investisseur occidental cherche à faire réussir son investissement et avoir des gains rapidement, dans un environnement sûr, ses concurrents asiatiques  sont  prêts  à  prendre  davantage  de  risques  dans  une perspective à long terme et avec des gains moindres et immédiats.

Comme le prouve l’ampleur des IDE destinés aux pays riches en ressources, la dotation en matière première continue de déterminer l’aptitude des pays africains à attirer des IDE, à cela s’ajoutent d’autres facteurs, tels l’émergence d’une classe moyenne toujours plus nombreuse, et la hausse du pouvoir d’achat, ce qui séduit les investisseurs en quête de nouveaux marchés.

De ce fait, les IDE en faveur du continent devraient continuer d’évoluer grâce à la prévision d’une croissance soutenue, et à la bonne tenue attendue des cours des ressources naturelles.

Des politiques macroéconomiques stables et l’évolution démographique,  pourraient, elles aussi, rejaillir favorablement sur le flux d’investissements entrants. La population africaine devrait doubler à l’horizon 2050 et s’urbaniser, et donc la part des citadins passe, selon les prévisions, de 40% en 2011 à 54 en 2050 (Rapport sur les perspectives économiques en Afrique, 2014).

Force est de souligner que le déploiement des émergents est en train d’occasionner une revalorisation économique et géopolitique de l’Afrique d’autant qu’il éveille la préoccupation, et partant, suscite un intérêt renouvelé des puissances traditionnelles pour l’Afrique.

La compétition entre les émergents et les puissances occidentales, au même titre que la rivalité entre eux, crée une situation particulière qui donne aux pays africains certains avantages politiques dans le sens où ils acquièrent une marge de pouvoir plus large dans les négociations avec les acteurs tiers par le biais du jeu de la concurrence. Plusieurs interrogations se posent à propos de l’impact de la collaboration entre émergents autour de l’Afrique et de la position concurrentielle qu’ils entretiennent avec les puissances occidentales sur les perspectives économiques et sur les bénéfices que retirent les pays africains de la montée en puissance de ces émergents en Afrique .

Pour que les pays africains puissent tirer avantage de cette nouvelle situation, encore doivent-ils se doter de stratégies cordonnées et cohérentes à l’endroit des émergents et de leurs actions respectives.

CONCLUSION

Il s’avère que la stratégie de l’Afrique vis-à-vis des puissances internationales (Anciennes et nouvelles) ne  saurait être définie que par les Africains. Les mesures, pour faire avancer dans les faits une Afrique indépendante, puissante, autosuffisante et politiquement intégrée, seront prises par les Africains eux même. Il incombe aux gouvernements des pays africains de veiller à ce que les termes de coopération soient clairement définis et équitables, d’harmoniser les politiques régionales et d’adopter une réponse intégrée et ciblée vis-à-vis des partenaires

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