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? Le contribuable de bonne foi : quelles garanties

La méfiance réciproque qui règne entre l’administration fiscale et ses usagers ne date pas d’hier, elle est l’héritage du passé[1]. Un passé marqué par un système fiscal empreint d’opacité et de complexité où les contribuables ne disposaient pas de garanties suffisantes pour sauvegarder leurs droits. Ce passé révolu n’a pas manqué de laisser son empreinte dans les esprits des contribuables. Raison pour laquelle le législateur fiscal a pris conscience de la nécessité de donner à la notion de bonne foi plus d’intérêt pour qu’elle puisse jouer pleinement de sa fonction de protection.

A cet effet, et afin de garantir une certaine sécurité au contribuable en matière fiscale, le législateur marocain a apporté des modifications profondes au système fiscal.  Ces modifications ont constitué l’aboutissement d’un long processus qui a permis de mettre en place un système moderne, cohérent surtout qui réserve aux contribuables des garanties plus importantes que celles qui lui étaient accordées par le passé.

Parmi ces garanties, on retrouve la présomption de bonne foi. Ainsi, l’étude de la notion de bonne foi constitue un préalable nécessaire à l’identification du contribuable de bonne foi : « La bonne foi se présume toujours, tant que le contraire n’est pas prouvé[2] »

Il s’agit là d’un principe général qui peut concerner l’ensemble des branches de droit. Appliquer ce principe en droit fiscal suffirait à reconnaître, au profit du contribuable, une présomption de bonne foi. D’autant plus que le législateur marocain, à l’instar de son homologue français, n’a pas défini la notion de bonne foi.

C’est vrai que le législateur marocain a amélioré son dispositif fiscal pour donner au contribuable marocain plus de droit et de garantie, toutefois, cette protection légale reste largement imparfaite. Cette situation apparait tant devant l’administration fiscale (Première partie), que devant le juge en raison de la difficulté de la preuve de la bonne foi (Deuxième partie).

Première partie : La notion de bonne foi face à l’administration fiscale

Le pouvoir de contrôle et de sanction dont dispose l’administration fiscale ne s’applique pas seulement au contribuable de mauvaise foi ou désobéissant mais à tout contribuable, fût-il de bonne foi.  Ce pouvoir de sanction et de contrôle peut également constituer une garantie au profit des contribuables honnêtes, dans la mesure où il amène à une égalité de traitement des contribuables devant l’administration fiscale.

Toutefois, la réalité démontre que les contribuables de bonne foi éprouvent le besoin de se protéger de ces pouvoirs puisqu’une telle protection semble quasi inexistante, car la notion de bonne foi apparaît assez souvent comme un élément neutre, et ce, aussi bien au niveau du pouvoir de contrôle de l’administration fiscale (Sous-section I), qu’au niveau de son pouvoir de sanction (sous-section2).

A : Pouvoir de contrôle

 Dans le cadre du système fiscal marocain qui repose sur le principe déclaratif[3] , où la bonne foi du contribuable est toujours  présumée[4], les déclarations souscrites sont réputées sincères jusqu’à preuve du contraire.

En contrepartie, le législateur accorde des prérogatives à l’administration fiscale, lors du contrôle fiscal (A), pour vérifier la sincérité et la régularité des déclarations souscrites par le contribuable. Dans ce cadre, le contrôle fiscal intervient comme étant  le pouvoir dévolu à l’administration de réparer les éventuelles omissions, insuffisances ou erreurs commises par les contribuables[5].

Donc, l’objectif fondamental assigné au contrôle est d’assurer une application exacte de la loi fiscale par les contribuables, et ce en rapprochant les documents et les informations en possession de l’administration fiscale à ceux détenus par le contribuable[6].

Par ailleurs, l’application des procédures de contrôle par l’administration fiscale peut dévoiler des dissimulations, insuffisances, omissions commises par les contribuables.  A cet effet, un droit de reprise est accordé  à l’administration fiscale en vue de réparer les erreurs et omissions décelées  à l’occasion de ce contrôle (B).

  1. Le droit de contrôle accordé à l’administration fiscale

Le premier objectif du contrôle fiscal est de détecter et corriger les erreurs, les inexactitudes et les omissions commises de bonne foi et sans intention frauduleuse de la part du contribuable[7] et de s’assurer que ces derniers accomplissent convenablement leurs obligations.

Toutefois, le vérificateur ne peut entamer le contrôle sans que le contribuable en ait été préalablement informé par le biais d’un avis de vérification[8].

En effet, l’obligation d’aviser le contribuable avant de commencer la vérification prévue par l’article 212 du CGI a également étéconfirmée par la cour de cassation dans son arrêt numéro 1206/2, dossier administratif numéro 3532/4/2/13 en date de 18/12/14.

Cet avis de vérification qui constitue plus au moins une garantie au contribuable (de bonne ou mauvaise foi), lui permet  de se préparer et d’organiser le déroulement de contrôle.

En France et en Tunisie, une vérification inattendue est légalement possible, mais elle n’est pratiquée que dans des cas exceptionnels et sous l’autorisation du juge. Au Maroc, ce type de contrôle n’est pas admis par les dispositions en vigueur.

L’avis de vérification est adressé soit par lettre recommandée avec accusé de réception, soit par remise en mains propres contre certificat de remise.

Dans l’objectif d’amélioration des rapports administration fiscale-contribuables et à l’instar de ce qui est pratiqué en France, la réforme fiscale actuelle  a imposé à l’administration fiscale de joindre à l’avis de vérification, un imprimé intitulé la charte du contribuable résumant les droits et les garanties dont dispose ce dernier durant le contrôle.

Cependant, il convient de préciser que le législateur marocain ne distingue pas entre les erreurs intentionnelles et les erreurs non intentionnelles. Cette absence de distinction semble se justifier par l’objectif immédiat du contrôle fiscal, c’est-à-dire, l’élimination  de tous les obstacles à l’application normale de la loi fiscale.

  1. Le droit de reprise

 Dans l’exercice de son droit de contrôle, l’administration fiscale est limitée par l’effet de prescription[9], qui constitue la limite du droit de reprise[10] dont elle est dévolue. Ainsi, le droit de réparation des erreurs, omissions ou insuffisances, est fixé au 31 décembre de la quatrième année, suivant celle au titre de laquelle l’impôt est dû[11], sauf pour les situations prévues par la loi ou en présence d’éléments  interruptifs de cette prescription.[12]

Ce délai peut être dépassé selon les cas suivants :

– Au cas où des déficits ou des crédits de taxes ont été imputés sur les exercices à vérifier, le délai de reprise est ainsi étendu aux quatre derniers exercices prescrits. Toutefois, les éventuels redressements ou rappels de taxes afférents à cette période prescrite ne peuvent excéder les montants des déficits ou crédits de taxes imputés sur les résultats des exercices non prescrits[13].

Ainsi, les redressements constatés au titre des exercices prescrits viendront en diminution des déficits ou crédits ou taxes imputés sur les exercices non prescrits dans la limite de leur annulation.

Toutefois, en ce qui concerne les déficits ou les fractions de déficits correspondant à des amortissements régulièrement constatés, aucune limitation de délai de report n’est prévue.

– Au cas où, la vérification d’un exercice non prescrit laisse apparaître des provisions irrégulièrement constituées, leur réintégration est constatée quelle que soit la date de leurs constitutions, et rattachées à l’exercice au titre duquel a été constituée. Si, toutefois, cet exercice est prescrit, elles seront rapportées au premier exercice de la période non prescrite[14].

– Dans le cas d’une cessation totale d’activité d’une entreprise suivie de liquidation, aucune prescription ne puisse être opposée à la vérification de comptabilité effectuée après la clôture des opérations de liquidation[15].

– Dans le cas où la retenue à la source et le paiement des intérêts perçus, au titre des dépôts en dirham effectués par des personnes non résidentes auprès des établissements de crédit, n’ont pas été réalisés, l’administration dispose du droit de contrôler l’origine desdits dépôts. Toutefois, le droit de réparer ne peut s’exercer au-delà du 31 décembre de la quatrième année suivant celle au cours de laquelle les sommes dues devaient être versées.[16]

B : Pouvoir de sanction

Pour réprimer le défaut de déclaration et le paiement tardif de l’impôt, le législateur marocain a prévu des sanctions à appliquer au  contribuable qui n’a pas respecté ses obligations fiscales[17].

Néanmoins, ce pouvoir essentiel susceptible de garantir l’égalité du traitement devant l’impôt et de freiner le recours à la fraude fiscale, ne risque-t-il pas de mettre en péril la nécessaire protection du contribuable de bonne foi ?

En effet, le législateur marocain  ne conçoit les sanctions fiscales que sous l’angle des infractions matérielles, c’est-à-dire, que la simple constatation matérielle de l’infraction est suffisante pour entraîner l’application des sanctions sans avoir à rechercher si le contribuable et de bonne ou de mauvaise foi.

C’est ainsi quel’application  des sanctions fiscales par la DGI est basée sur des considérations relatives à l’appréciation du comportement du contribuable.

En conséquence, les sanctions prévues par le dispositif fiscal seront elles appliquées sans tenir compte de la bonne  ou la mauvaise foi ou ajustées en fonction du comportement du contribuable (cas de paiement spontané de l’impôt en dehors du délai légal  (A) ou après l’intervention de l’administration fiscale (B).

  1. Les sanctions applicables en cas de paiement spontané de l’impôt

Selon les dispositions de l’article 184 du CGI, des majorations de 5%,15% et20% sont applicables en cas de retard de dépôt des déclarations, lorsque l’impôt est acquitté spontanément et sans l’intervention de l’administration fiscale.

Le taux de la majoration est ajusté en fonction du retard constaté dans le dépôt des déclarations oule paiement des droits qui en découlent.

Le retard constaté constitue ainsi l’élément déterminant dans le choix du taux de la majoration à appliquer, la bonne ou la mauvaise foi du contribuable ne sont prises en considération que dans des situations particulières.

Ce même article prévoit l’application d’une pénalité de retard aux taux de 15 % en cas de dépôt spontané des déclarations, actes et conventions et de paiement de l’impôt y afférent après l’expiration des délais légaux et avant l’intervention des services du contrôle fiscal.

Apres intervention des services et en cas d’imposition d’office pour défaut de dépôt de déclaration, déclaration incomplète ou insuffisante, c’est le taux de 20% qui est appliqué.

D’autant plus, l’article 208 du CGI  prévoit une pénalité de 10% et une majoration de 5 % pour le premier mois de retard et une pénalité de 0,50% par mois ou fraction de mois supplémentaire pour le paiement tardif des impôts, droits et taxes. Cette pénalité et majoration sont applicables au montant :

– des versements effectués spontanément, en totalité ou en partie, en dehors du délai prescrit, pour la période écoulée entre la date d’exigibilité de l’impôt et celle du paiement ;

– des impositions émises par voie de rôle ou d’ordre de recettes pour la période écoulée entre la date d’exigibilité de l’impôt et celle du paiement ;

– des impositions émises par voie de rôle ou d’état de produit, pour la période écoulée entre la date d’exigibilité de l’impôt et celle de l’émission du rôle ou de l’état de produit.

Toutefois, les majorations prévues au présent article ne s’appliquent pas pour la période située au-delà de 12 mois écoulés entre la date de l’introduction du recours du contribuable devant la CLT prévue à l’article 225 et devant la commission nationale de recours fiscale prévue à l’article 226 du code général des impôts.

Pour le recouvrement du rôle ou de l’état de produit, il est appliqué une majoration de 0,50 % par mois ou fraction de mois de retard écoulé entre le premier du mois qui suit celui de la date d’émission du rôle ou de l’état de produit et celle du paiement de l’impôt.

Les sanctions applicables après l’intervention de l’administration fiscale

En vertu des dispositions de l’article 186 du CGI, une majoration de 15% est applicable, après intervention de l’administration fiscale,  en cas de rectification du résultat bénéficiaire ou du chiffre d’affaires d’un exercice comptable, en cas de rectification d’un résultat déficitaire, tant que le déficit n’est pas résorbé,  à toute omission, insuffisance ou minoration de recettes ou d’opérations taxables, toute déduction abusive, toute manœuvre tendant à obtenir indûment le bénéfice d’exonération ou de remboursement et aux insuffisances de prix ou d’évaluation constatées dans les actes et conventions, en application de l’article 220.

Cette majoration de 15 % est calculée sur le montant des droits correspondant à cette rectification et de toute réintégration affectant le résultat déficitaire.

L’appréciation de la mauvaise foi du contribuable est laissée à l’administration fiscale qui dispose d’un pouvoir discrétionnaire. Cependant, le législateur marocain a prévu expressément un taux de majoration de 100% en cas de preuve de la mauvaise foi du contribuableou en cas de dissimulation [18] et cette majoration de 100% est applicable avec un minimum de mille (1.000) dirhams, sans préjudice de l’application des pénalités et  majorations prévues par l’article 208 du CGI.

Deuxième partie: La complexité de la preuve de la bonne foi en matière juridictionnelle

Les contentieux fiscaux occupent une grande place dans les litiges soumis à la justice administrative tant en qualité qu’en quantité[19]. Les affaires de recours pour contentieux fiscaux relèvent du tribunal administratif, prévu par la loi contre les abus de pouvoir de la part de l’administration. Les juges administratifs et les juges des référés sont les plus concernés par ce sujet (A).

Cependant et même avec la présence des personnes qualifiées pour trancher les litiges entre les contribuables et l’administration fiscale en se basant sur la loi fiscale, le contribuable trouve des difficultés pour prouver sa bonne foi au niveau du tribunal administratif (B).

  1. Le rôle du juge administratif et le juge des référés

La procédure devant le juge administratif en matière fiscale est réglementée par le code de procédure civile, sous réserve de l’application des dispositions du code général des impôts pour trancher les litiges entre le contribuable et l’administration fiscale (a), d’autant plus et en cas d’urgence le contribuable peut saisir le juge de référé pour statuer très rapidement et suspendre provisoirement  la procédure de recouvrement forcé de l’impôt (b).

  1. Le rôle du juge administratif

Le juge administratif intervient lorsque le contribuable est lésé dans ses droits. Il s’assure du bienfondé de l’imposition, c’est-à-dire qu’elle a été établie conformément aux dispositions des textes législatifs et réglementaires en vigueur

Il a la possibilité de réduire le montant de l’imposition contestée ou l’annuler.

De ce fait, on constate que le rôle du juge administratif n’est pas de défendre le contribuable contre l’excès de pouvoir de l’administration, mais il s’assure que l’imposition a été établieconformément à la loi fiscale qui est la seule loi garante  d’une répartition équitable des charges publiques.

Donc, afin de préserver la sécurité du contribuable et à cause du caractère exorbitant du droit fiscal l’interprétation du texte devrait être stricte, cette règle d’interprétation est le corollaire du principe de légalité.

Les implications d’une interprétation stricte sont au nombre de trois :

– Ne pas distinguer là où la loi ne distingue pas.

– Les termes doivent être pris dans leur signification fiscale.

– Et les dispositions dérogatoires doivent être interprétées strictement[20].

La décision du juge fiscal est prévisible et censée assurer totalement la sécurité juridique du contribuable. Ceci est souvent vrai, sauf pour le cas de norme nouvelle, trop complexe et ambiguë, dont l’interprétation ne sera pas homogène d’un juge à un autre. Ce qui engendre, par voie de conséquence, des décisions différentes pour des cas d’espèces similaires. Cette incertitude provoquée favorise certes, l’insécurité juridique des destinataires de ladite norme. [21]

Malgré l’indépendance totale de l’interprétation du juge de celle de l’administration fiscale, il se trouve parfois, astreint à l’appliquer dans le cas où cette interprétation est favorable au contribuable qui l’a invoquée en cours d’instance.

  1. Le rôle du Juge de référé

Le contribuable peut demander au président du tribunal administratif en qualité de juge de référé la suspension du recouvrement de l’imposition exigible[22]. Il a la possibilité de prononcer cette suspension à la double condition: d’une part qu’il y ait un doute sérieux sur la régularité de la procédure ou sur l’exactitude de l’imposition et d’autre part que l’urgence justifie la mesure de suspension demandée par le contribuable concerné.

En effet, la cour de cassation  aconfirmé, dans un arrêt en date de 13/10/16, numéro 580/2, dossier administratif 684/4/1/15, la compétence du juge de référé. Ce dernier ne peut intervenir qu’en cas d’urgence et des difficultés survenues lors de l’exécution d’un jugement ou d’un titre exécutoire.

La procédure des référés en matière fiscale permet au contribuable de saisir le juge des référés dès la mise en recouvrement de l’imposition. Elle lui confère l’avantage de demander la suspension d’une imposition contestée[23].

On peut qualifier cette procédure comme un avantage qui réserve un traitement accéléré à une demande en justice quinécessite d’agir avec le maximum de célérité.

C’est ainsi que pour saisir le juge de référé, le contribuable doit remplir deux conditions : qu’il y ait un doute sérieux au niveau de la procédure et qu’il y ait urgence.

 La condition d’urgence est remplie si le contribuable justifie que la mesure de recouvrement risque d’entraîner  pour lui, à court terme, des conséquences graves. Pour le vérifier, le juge des référés peut apprécier la gravité des conséquences que pourrait entraîner l’obligation de payer sans délai l’imposition en égard aux capacités du contribuable à payer la somme qui lui est demandée.

B : la difficulté de la preuve de la bonne foi

Comme on l’a susmentionné, le système d’imposition marocaine est un système déclaratif. Il se base sur le dépôt spontané, par le contribuable, de ses déclarations fiscales[24].

Ce système permet au contribuable de bénéficier d’une présomption d’exactitude[25]. Ce principe offre au contribuable une garantie en matière de preuve de la bonne foi. En effet, en matière de contentieux entre le contribuable et l’administration fiscale, il ne lui appartiendrait pas d’apporter  la preuve de la matière imposable, donc, la charge de la preuve incombera à l’administration fiscale.  En revanche, le contribuable en défaut, perd le bénéfice de la présomption d’exactitude[26]. De ce fait, l’administration fiscale n’est plus tenue de prouver la mauvaise foi du contribuable, même si elle dispose des moyens qui lui facilitent de prouver la bonne ou la mauvaise foi de ce dernier.

Donc, on constate que la preuve de la droiture du contribuable incombe tantôt à l’intéressé et tantôt à l’administration fiscale.

Cependant, la preuve de la bonne foi établie par le contribuable s’avère difficile à apporter, cette difficulté peut être soulevée aussi bien au niveau de la charge de la preuve (a), qu’au niveau de l’administration de la preuve (b

  1. Au niveau de la charge de la preuve

Pour mieux effectuer sa mission de contrôle  et de vérification, le législateur  marocain a déchargé l’administration fiscale du fardeau de la preuve sauf :

En cas de défaut de présentation d’une comptabilité tenue conformément aux dispositions de l’article 145 ; d’absence des inventaires ; la dissimulation d’achats ou de ventes dont la preuve est établie par l’administration; les erreurs, omissions ou inexactitudes graves et répétées, constatées dans la comptabilisation des opérations ;l’absence de pièces justificatives privant la comptabilité de toute valeur probante ; la non-comptabilisation d’opérations effectuées par le contribuable ;et en cas decomptabilisation d’opérations fictives. Ainsi c’est le contribuable, fût –il de bonne foi qui la supporte.[27]

Cette situation est évidente au niveau des mécanismes de la taxation d’office.

La taxation d’office :La taxation d’office est la possibilité légale offerte à l’administration fiscale pour amener les contribuables à respecter leurs obligations fiscales en matière de déclaration, elle est  prévue lorsque le contribuable :

–           Ne produit pas certaines déclarations ou actes.

–           Produits des actes ou déclarations incomplets.

–           N’effectue pas ou ne verse pas au Trésor les retenues à la source dont il est  responsable.

–           Ou refuse de présenter les documents en cas de vérification.[28]

D’une manière générale, l’imposition d’office est considérée comme une sanction pour défaut de déclaration ou pour déclaration incomplète ne renfermant pas tous les renseignements servant au recouvrement de l’impôt, il produit des conséquences sur le terrain de la preuve puisqu’il renverse la charge de la preuve au dépend du contribuable de bonne foi[29]. De ce fait, le contribuable perd le bénéfice de la présomption d’exactitude de sa déclaration et il sera tenu d’apporter la preuve de la sincérité des éléments déclarés, d’autant plus, sa charge se trouve alourdie puisqu’il doit saisir le juge pour combattre la décision de l’administration de l’imposer[30] et d’apporter les preuves de la sincérité de sa déclaration.

  1. Au niveau de l’administration de la preuve

Le contribuable même s’il est de bonne foi, n’est toujours pas en mesure de le prouver. De ce fait, et pour mieux se protéger contre l’administration fiscale il se trouve dans l’obligation de préserver les pièces et documents comptables pour des périodes assez longues.

De prime abord, il convient de savoir que le contribuable marocain est soumis à l’obligation de conservation des documents comptables, cette obligation est prévue par l’article 211 du CGI qui dispose que : «Les contribuables  ainsi que les personnes physiques ou morales chargés d’opérer la retenue de l’impôt à la source sont tenus de conserver pendant dix (10) ans au lieu où ils sont imposés, les doubles des factures de vente ou des tickets de caisse, les pièces justificatives des dépenses et des investissements, ainsi que les documents comptables nécessaires au contrôle fiscal, notamment les livres sur lesquels les opérations ont été enregistrées, le grand livre, le livre d’inventaire, les inventaires détaillés s’ils ne sont pas recopiés intégralement sur ce livre, le livre-journal et les fiches des clients et des fournisseurs, ainsi que tout autre document prévu par la législation ou la réglementation en vigueur. » [31]

Or, l’écoulement du temps pour une période assez longue peut entraîner la disparition des preuves.

Mais en cas de perte des documents comptables durant le délai de dix ans, le contribuable est obligé d’informer l’administration fiscale par lettre recommandée avec accusé de réception, dans les 15 jours suivant la date où  il a constaté ladite perte[32].

Toutefois,  cette longueur de délai bénéficie au contribuable en luiaccordant de la possibilité dese rattraper et réparer ses erreurs, inexactitudes et omissions en matière de déclaration ou de paiement.

Par ailleurs, l’ampleur de cette obligation se trouve réduit compte tenu des délais de prescription qui interdit à l’administration d’agir en dehors de ces délais et confèrent, par conséquent, une garantie de taille au contribuable de bonne foi.

En définitive, il convient de souligner que les efforts réalisés par le législateur marocain en matière fiscale, précisément en tout ce qui concerne la protection des intérêts et des droits du contribuable de bonne foi sont le signe d’une volonté de développement et de civisme fiscal (catégorisation…).

Cependant, ces garanties offertes au redevable de bonne foi restent limitées et ne le protègent pas suffisamment contre le pouvoir exorbitant de l’administration fiscale. Cette dernière a la possibilité de faire supporter ces créances aux ayants droit du contribuable ou à toutes les personnes auprès desquelles le contribuable a élu domicile fiscal avec leurs accords. D’autant plus, elle peut recourir à d’autres procédures spéciales tel que l’avis à tiers détenteur qui est une voie d’exécution forcée de recouvrement des créances publiques.

Ces limites, réduisent sensiblement le progrès réalisé en matière de protection des intérêts du contribuable de bonne foi dans la mesure où ce dernier se heurte souvent à des difficultés de preuve chaque fois qu’il cherche à démontrer sa bonne foi.

[1]Méfiance réciproque qui subsiste entre les contribuables et l’administration et qui setraduit notamment dans les difficultés qu’ils rencontrent lorsqu’ils cherchent à obtenir uneprise de position de l’administration. Rapport Fouquet, page 4

[2] Article 477 du Dahir Des obligations et des contrats

[3] Articles 55, 107, 109 et 148 du CGI

[4] V. la charte du contribuable marocaine.

[6] V. article 210 du CGI

[7]La performance du contrôle fiscal au maroc, Ikram Gheriss, Page 18

[8]«  …En cas  de vérification de comptabilité par l’administration au titre d’un impôt ou taxe déterminé, il est notifié au contribuable un avis de vérification, dans les formes prévues à l’article 219 ci-dessous, au moins (15) quinze jours avant la date fixée pour le contrôle…», article 212 du CGI

[9]” إن التقادم في المجال الضريبي لا يقوم على قرينة الوفاء و لإنما يقوم على أساس عدم إرهاق الملزم و إثقال كاهله بتراكم الديون  عليه و ليس في القانون ما يمنع التمسك بتقادم الضرائب المطالب بها رغم المنازعة في الالتزام بها و الامتناع عن دفعها.”

Arrêt de la cour de cassation en date de 17/07/14, numéro 905/1 ; dossier administratif numéro 1223/4/1/12.

[10]Droit de l’administration fiscale de réparer, pendant un certain les erreurs ou les fraudes commises par les contribuables

[11] V. Article 232 du CGI

[12] Lettre de relance, lettre de redressement…., V. article 232 du CGI

[13]  V. Article 232 du CGI

[14] V. Article 10 du CGI

[15] V. Article 221 du CGI

[16] V. Article 233 du CGI

[17]V. Article 191 du CGI

[18] « …. Le taux de la majoration de 15% précitée est porté à 100% :

1°- quand la mauvaise foi du contribuable est établie ;

2°- en cas de dissimulation…. » Article 186 du  CGI

[19] Tribunal administratif Un litige sur 2 porte sur les impôts,  http://www.leconomiste.com/article/tribunal-administratif-brun-litige-sur-2-porte-sur-les-impots

[20]Frédéric Douet  « Contribution à l’étude de la sécurité juridique en droit fiscal interne français » : page 160

[21]Mariem Dhouib «La sécurité juridique du contribuable dans le droit fiscal tunisien » http://www.memoireonline.com/11/07/679/m_securite-juridique-contribuable-droit-fiscal-tunisien10.html

[22]Cour Suprême,  Arrêt n° 1150 du 10 Juillet 1997  Dossier administratif numéro : 483/5/1/1997, et Arrêt n° 107 du 26 Octobre 2000  Dossier administratif numéro : 1407/4/1/2000.

[23] Karim Sidi Ahmed, « Droits fondamentaux du contribuable et procédures fiscales : Etude comparative, Tome2 – les droits d’origine procédurale du contribuable », page : 100.

[24]À souscrire obligatoirement par le contribuable et à adresser à l’administration fiscale pour la plupart des impôts. Peut faire l’objet d’un contrôle fiscal.
Exemple : toute personne imposable au titre de l’IR doit déclarer ses revenus et gains de toute sorte perçus au cours de l’année écoulée.http://www.omnidico.com/definition/declaration-fiscale,114.html

[25]«Les déclarations et les documents comptables déposés ou présentés à  l’administration fiscale sont présumés exacts et réguliers. », Page 7 de la charte du contribuable marocaine.

[26] « 4- Garantie de respect de la charge de la preuve

La charge de la preuve dépend des trois (3) situations suivantes :

1• ….

2• si la comptabilité présente des irrégularités graves, la charge de la preuve incombe au contribuable ;

3• si la comptabilité est inexistante ou n’a pas été mise à la disposition de l’administration, la charge de la preuve incombe au contribuable. »

[27]La cour de cassation dans son arrêt en date de 08/08/16, numéro 490/2, dossier administratif 4053/4/2/15, a précisé que les documents qui doivent être présentés par le contribuable sont ceux liés à sa comptabilité.

“إن المقصود بالوثائق ……هي تلك المتعلقة بمحاسبة الخاضع للضرية.”

[28] http://www.banque-info.com/lexique-bancaire/t/taxation-d-office

[29]Noureddine Bensouda,Michel Bouvier«Analyse de la décision fiscale au Maroc », page : 377

[30] http://droit-finances.commentcamarche.net/contents/impot-controle-contentieux/imp2224-verification-de-comptabilite.php3

[31]l’article 65 du Code des Droits et Procédures Fiscaux Tunisien « le contribuable taxé d’office ne peut obtenir la décharge ou la réduction de l’impôt porté à sa charge qu’en apportant la preuve de la sincérité de ses déclarations, de ses ressources réelles ou du caractère exagéré de son imposition ».

[32]« …En cas de perte des documents comptables pour quelque cause que ce soit, les contribuables doivent en informer l’inspecteur des impôts, selon le cas, de leur domicile fiscal, de leur siège social ou de leur principal établissement, par lettre recommandée avec accusé de réception, dans les quinze (15) jours suivant la date à laquelle ils ont constaté ladite perte.  » Article 211 du CGI.

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