Langue française et communication aux écoles d’ingénieurs marocaines : quel enseignement pour quelle finalité ?

Langue française et communication aux écoles d’ingénieurs marocaines : quel enseignement pour quelle finalité ?

Auteur : Hanaa ISMAILI

Appartenance institutionnelle : Faculté des Sciences de l’Education, Rabat

Adresse : 5, Rue Koweït, Résidence Moharram, Appartement 13, Rabat.

Courriel : [email protected]

Résumé :

Les écoles d’ingénieurs marocaines doivent perpétuellement œuvrer pour maintenir leur réputation de centre de formation d’excellence. En effet, leurs conditions d’accès et la qualité de la formation technique qu’elles dispensent poussent les bacheliers les plus méritants à se surpasser, en classes préparatoires, pour y décrocher une place. Toutefois, s’il n’y a plus de doute sur leur capacité à former des ingénieurs maitrisant parfaitement leur domaine de spécialité, la question se pose sur leur capacité à former de futurs cadres en entreprises, capables de communiquer aussi bien avec des clients qu’avec des fournisseurs et en mesure de gérer des équipes. Les matières de langues et de communication représentent l’espace le mieux approprié pour développer ces qualités chez les élèves ingénieurs. Ce travail porte sur l’enseignement des matières de langue et de communication au sein d’une école d’ingénieurs en particulier, l’INPT. L’objectif est de connaitre et d’évaluer les programmes, les méthodes et les outils utilisés pour mesurer leur efficacité, afin d’entamer une réflexion sur les curricula, prenant en considération les spécificités et les contraintes liées à la formation dans une école d’ingénieurs.

Summary

Moroccan engineering schools must continuously work to maintain their reputation as training centers of excellence. As a matter of fact, their access conditions and the quality of their technical training drive the most meritorious high-school graduates to surpass themselves in preparatory classes in order to earn their seats in those schools. There is no doubt about the ability of these engineering schools to train engineers who perfectly master their area of expertise, however, the question still arises about their ability to train future company executives, capable of communicating with customers as well as with suppliers and able to manage teams. Language and communication subjects would provide the most appropriate space to nurture these qualities in engineering students. This work will therefore focus on the teaching of language and communication subjects in an engineering school, in particular the National Institute for Postal and Telecommunication Studies (Institut National des Postes et Télécommunications, INPT).  The purpose is to know and evaluate the programs, the methods and the tools used in order to measure their effectiveness and to initiate a reflection on the curricula, taking into account the specificities and the constraints related to the training in an engineering school.

Mots-clés : Pédagogie universitaire, formation des ingénieurs en matière de langue, communication orale, communication écrite, pédagogie active

Introduction :

            Depuis plus d’une dizaine d’années, le Maroc essaie d’attirer les grandes entreprises multinationales, à travers la création de « zones offshore », offrant des avantages fiscaux très intéressants[1]. Cette stratégie commence à porter ses fruits, puisque, depuis 2006, date de création de la première plateforme offshore, « Casanearshore », plusieurs autres ont suivi, avec plus ou moins de succès.

Mais, si les avantages fiscaux sont un facteur important pour attirer les grandes structures internationales, il n’est, toutefois, pas suffisant pour les maintenir dans le Royaume. En effet, ces entreprises ont également besoin de ressources humaines qualifiées, composées de main d’œuvre, mais aussi de cadres et managers. Dans l’objectif de répondre à cette demande, l’Etat a mis en place une Stratégie de Formation Professionnelle, menée par l’Office de la Formation Professionnelle et de la Promotion de Travail[2], dans la perspective de préparer des ressources humaines qualifiées, susceptibles d’accompagner les entreprises dans leur développement au Maroc.

Cette stratégie qui garantit, relativement, la mise à disposition d’une main d’œuvre qualifiée, ne met pas l’accent sur la formation des cadres issus des grandes écoles de commerce et d’ingénierie.

Dans cet article, nous allons nous intéresser aux lauréats des écoles d’ingénieurs, en tant que futurs cadres de multinationales et vérifier dans quelle mesure leur formation leur permettrait d’assurer leurs fonctions dans leurs postes de gestion. Ce qui nous intéresse particulièrement, c’est de savoir si leur formation les a dotés des qualités personnelles et communicationnelles indispensables à la réussite de leurs missions (notamment communiquer efficacement avec des clients, collaborateurs et partenaires, manager une équipe, etc.). Pour ce faire, nous avons choisi de nous intéresser à une grande école d’ingénieurs en particulier et de vérifier, à travers une enquête, si la formation qui y est dispensée permet de doter ses lauréats des compétences communicationnelles (en langue française) et des qualités personnelles nécessaires à l’exercice de leurs futures missions.

Pour ce faire, nous allons, dans un premier temps, procéder à un tour d’horizon des différentes stratégies d’enseignement de la langue française et de la communication adoptées par les écoles d’ingénieurs durant les vingt dernières années. Ensuite, nous nous intéresserons spécifiquement au cas de l’Institut Nationale des Postes et des Télécommunication de Rabat, en présentant cet établissement et en révélant les résultats de l’enquête. Enfin, nous formulerons des recommandations à l’issue de l’interprétation des résultats de ladite enquête.

Enseignement du français dans les écoles d’ingénieurs : modèles expérimentés

Depuis le début des années 90, de nouveaux modèles de l’enseignement de la langue française font leur entrée dans les établissements publics marocains d’ingénierie. La première expérience est celle du « français fonctionnel » mise en place avec la collaboration de l’Institut Français. Son objectif est de : « fournir à l’apprenant des outils linguistiques et méthodologiques (prises de notes en cours, prise de parole en public, lecture de documents scientifiques, rédaction de rapport de stage et de mémoire de fin d’études…) lui permettant d’acquérir des compétences afin de mieux suivre des cours de spécialité » (Aoudry, 2004, p. 30).

Sévèrement critiquée par les didacticiens, même bien avant sa mise en pratique au Maroc, car la jugeant trop ambiguë, cette approche fut rapidement abandonnée, « car centrée sur des hypothèses linguistiques qui ne mènent pas nécessairement aux objectifs escomptés »[3].

En 2009, une ingénierie pédagogique, lancée dans le cadre du plan d’urgence de l’éducation, a eu pour objectif d’établir un programme de cours de langue en mesure de répondre aux besoins des étudiants. Cette ingénierie a abouti à la mise en place d’un dispositif composé d’un test de positionnement en ligne, permettant de déterminer le niveau de maitrise de la langue de chaque étudiant, de l’élaboration d’un manuel « Cap Université », avec différentes versions adaptées à chaque filière et des cycles de formation des enseignants.

Le plan d’urgence qui a mobilisé un budget important (une estimation à plus de 43 milliards de dirham) a été un échec, car : « La phase de préparation de ce programme a été marquée par l’absence de maîtrise des besoins et le manque d’une vision d’ensemble sur la mise en œuvre de la réforme»[4]. Il a donc été abandonné, tout comme le dispositif d’ingénierie pédagogique.

Le FOU (Français sur objectifs universitaires) est la dernière méthode adoptée par plusieurs établissements universitaires. Dérivé du FOS (Français sur objectifs spécifiques), son objectif est d’«assurer un enseignement/ apprentissage fonctionnel, dans une durée de temps limitée, permettant à un public étudiant non natif d’acquérir les compétences langagières lui permettant de poursuivre sa formation en français. » (CUQ, 2003, p 109).

Le FOU, comme le FOS, se caractérise, d’une part, par la courte durée réservée à l’action d’apprentissage et, d’autre part, par l’objectif de spécialisation, car les étudiants qui suivent ces formations sont souvent voués à intégrer un cursus de formation scientifique (études de médecine, de biologie, etc.), mais il se distingue par un objectif supplémentaire qu’il doit permettre d’acquérir aux apprenants : il s’agit de la compétence universitaire, c’est-à-dire, l’ensemble des habiletés, des savoir-faire qui aideront l’étudiant à acquérir le savoir universitaire et à le réemployer. Cette compétence s’articule autour de quatre composantes[5] :

  • La composante langagière : il s’agit de capacités grammaticales, lexicales et syntaxiques permettant à l’étudiant de comprendre les cours, d’interagir en classe, de répondre aux évaluations, etc. 
  • La composante méthodologique : ce sont les outils qui permettent à l’étudiant de comprendre et de produire un contenu académique. Par exemple, les techniques de prise de note, de synthèse, de rédaction de rapport de stage, de mémoire, etc.
  • La composante disciplinaire : elle est liée à la discipline de spécialité. Elle rejoint la composante langagière, mais il s’agit surtout de la maitrise de la terminologie du domaine, du technolecte.
  • La composante culturelle : qui fait référence aux aspects culturels qui peuvent interférer et faire obstacle au processus d’apprentissage.

Cette dernière composante nous semble importante dans le cadre du processus d’acquisition d’une langue autre que maternelle. Nous essaierons donc, dans le cadre de notre enquête, de vérifier si l’enseignement dispensé aux élèves ingénieurs tient véritablement compte de ladite composante.

Ces différentes expériences ont en commun le fait qu’elles se sont fixé toutes pour objectif de faciliter aux étudiants la transition entre un enseignement scientifique et technique dispensé en arabe au niveau fondamental et un enseignement de ces matières en langue française à l’université. Le focus est mis surtout sur l’apprentissage d’un technolecte spécifique à la branche de spécialité et sur quelques outils méthodologiques et communicationnels permettant aux élèves ingénieurs de réaliser leurs travaux, tels que les exposés, les rapports de stages, les travaux de synthèse, etc. en marginalisant les compétences linguistiques et communicationnelles nécessaires à l’épanouissement en milieu professionnel.

L’Institut National des Postes et des Télécommunications en quelques chiffres

Pour développer une idée plus claire sur les pratiques didactiques et méthodologiques en classe de langue et communication au sein des écoles d’ingénieurs, nous avons jugé nécessaire de réaliser une enquête auprès des professeurs, des étudiants et des responsables pédagogiques de ces établissements. Dans cet article, nous allons nous intéresser aux résultats d’une école d’ingénieurs en particulier, il s’agit de l’Institut Nationale des Postes et des Télécommunications. Cet établissement a été fondé en 1961, dans l’objectif de former des cadres dans le domaine des postes, des télécommunications et de l’audiovisuel. Le cycle ingénieur a été introduit à partir de 1991. La 24ème promotion des lauréats de l’école compte 2400 ingénieurs. D’après une enquête réalisée par l’institut, 78% des lauréats de l’année 2015-2016 ont réussi à décrocher un poste dans les trois mois suivant leur sortie de l’école[6].

Enseignement de la langue française et de la communication à l’INPT : Programme et pratiques pédagogiques adoptés

La matière ayant pour objet l’enseignement de la langue française et de la communication à l’INPT s’intitule « Techniques d’Expression et de Communication ». Cette matière est programmée tout au long des 5 premiers semestres du cycle de formation, à raison de 16 heures par semestre, conformément au Cahier des Normes Pédagogiques Nationales du cycle ingénieur. Les groupes classes se composent, généralement de 30 à 50 étudiants. Selon les professeurs de la matière, le taux d’absentéisme est relativement assez faible, ce qui pourrait signifier un certain intérêt pour la matière.

Concernant le programme des cours, le premier semestre est focalisé sur la communication orale. L’objectif étant de mettre l’étudiant suffisamment en confiance pour pouvoir prendre la parole en public et le doter d’outils méthodologiques lui permettant d’effectuer les travaux demandés lors de sa formation. Ainsi, le programme comprend des cours d’écoute active, de prises de notes, de communication orale, de prise de parole et d’initiation à l’exposé.

Les cours du deuxième semestre ont pour objectif de préparer les élèves ingénieurs à leur premier stage en entreprise et à la rédaction de leur rapport de stage, en les initiant, entre autres, à la méthodologie de recherche, à l’argumentation et à la rédaction du rapport.

Les troisième et quatrième semestres visent le développement de compétences linguistiques et communicationnelles plus avancées. L’objectif est de permettre aux futurs lauréats de développer un discours oral et écrit plus approprié dans les différentes situations de communication professionnelles. Il s’agit donc d’approfondir les outils d’argumentation et de persuasion, de s’intéresser au débat, de revoir les techniques de l’exposé, mais également de toucher à des thématiques relevant du développement personnel, comme la gestion du trac, la gestion du temps et la confiance en soi.

Durant le cinquième et dernier semestre, l’enjeu principal consiste à préparer les étudiants à leur future vie professionnelle et à la recherche d’emploi. Les cours sont donc orientés vers la préparation du dossier de candidature (CV, lettre de motivation, demande d’emploi), l’entretien et le bilan personnel. Parallèlement, le travail sur les volets de développement personnel, telles que la confiance en soi se poursuivent, par le biais des travaux d’ateliers et de simulations.

Ce programme est élaboré en concertation avec les professeurs de la matière et est, généralement, modifié tous les 5 ans, si besoin est.

L’enseignement est, selon le responsable pédagogique, dispensé selon la méthode participative, alliant cours théoriques, ateliers pratiques et simulations. Les professeurs sont, toutefois, libres d’adapter le contenu, selon le niveau des étudiants et les attentes de chaque groupe, et de choisir les méthodes, outils et supports pédagogiques et didactiques qu’ils jugeront les plus adéquats.

Les professeurs de la matière sont majoritairement vacataires. En effet, il y a trois professeurs permanents ayant, au moins, 5 ans d’ancienneté au sein de l’école, et le reste de l’équipe est composé d’enseignants vacataires dont le nombre varie selon le besoin. Les enseignants vacataires doivent avoir, au minimum, un Bac+5 dans une spécialité proche du domaine enseigné. Une expérience professionnelle dans l’enseignement est généralement exigée. Néanmoins, on a recours, en cas de besoin, à des profils débutants, pour pallier le manque de professeurs.

Les professeurs ne bénéficient d’aucune formation, ni d’intégration, ni continue, même lorsqu’ils sont débutants dans le domaine. Se pose, par conséquent, des questions sur le suivi qualitatif de l’enseignement dispensé concernant cette matière, d’autant plus qu’il n’y a aucun accompagnement ni aucune vérification du contenu et de la méthodologie adoptés par les professeurs de la part des établissements universitaires.

Enquête sur l’enseignement du français à l’INPT

Pour mener notre enquête sur le contenu et les méthodes d’enseignement  du français à l’INPT, nous avons opté pour la diffusion de questionnaires et pour la réalisation d’entretiens.

Un premier questionnaire a été diffusé auprès de l’ensemble des enseignants permanents de l’institut (envoyé par email). Nous avons également eu des entretiens avec le responsable du module, ainsi qu’un autre professeur permanent.

Deux autres questionnaires en ligne ont été adressés aux étudiants de première année et à ceux de dernière année. Nous avons utilisé les réseaux sociaux et les pages communautaires de l’institut pour atteindre cette cible. Nous avons reçu 162 réponses de la part des étudiants de première année et 76 de la part de ceux qui sont en dernière année.

Résultats de l’enquête auprès des enseignants :

Les résultats de cette enquête révèlent que, pour les professeurs, le niveau des étudiants, à leur arrivée à l’établissement, reste assez hétérogène (certains ont un très bon niveau, quand d’autres éprouvent énormément de difficultés à s’exprimer et à se faire comprendre). Toutefois, ils s’accordent à penser que le niveau général des étudiants permet la compréhension des cours.

En ce qui concerne la pertinence du programme, les enseignants sont convaincus que celui-ci est en adéquation avec les besoins futurs des élèves ingénieurs. Ils pensent également qu’il permet l’acquisition de compétences communicationnelles (communication orale, principalement) et, qu’à l’issue de leur parcours, les lauréats sont dotés d’une plus grande aisance relationnelle. Néanmoins, les professeurs déplorent la persistance de problèmes linguistiques et rédactionnels, en fin de cursus.

Quant à la méthodologie employée, leur réponse est en cohérence avec celle apportée par le responsable du module. En effet, tous confirment que leur enseignement est basé sur une approche participative, mettant l’étudiant au centre de l’enseignement.

Résultats de l’enquête auprès des étudiants :

Les résultats de l’enquête menée auprès des étudiants montrent que 75% d’entre eux considèrent leur niveau en langue comme étant « bon » à « excellent » en début de cursus. Ce pourcentage augmente à 80% en fin de cursus. Par ailleurs, ils sont plus de la moitié à être convaincus de n’avoir aucune difficulté ni à comprendre, ni à s’exprimer en français.

Plus de 70% des élèves ingénieurs en début de formation déclarent mesurer l’importance de la matière « TEC »[7] dans la préparation au monde professionnel, mais près de la moitié d’entre eux souhaiterait que l’accent soit mis davantage sur l’acquisition du vocabulaire, plutôt que sur la communication orale.

60% des étudiants en fin de formation jugent qu’il y a eu une légère amélioration de leur niveau de langue qui concerne principalement la communication orale. Toutefois, 80% des étudiants jugent les cours de langue reçus en cycle d’ingénieurs peu efficaces, voire, inefficaces.

Observations et conclusions de l’enquête

Au cours de cette enquête menée auprès des différents intervenants dans le processus d’enseignement/ apprentissage de la langue française et de la communication à l’INPT, nous avons constaté les éléments suivants :

  • Les élèves ingénieurs n’ont pas conscience de la réalité de leur niveau de langue (jugé moyen à faible par les professeurs et plutôt bon par les étudiants)
  • Le nombre d’heures consacré au cours de TEC est jugé insuffisant, à la fois par les professeurs et par les étudiants.
  • Les professeurs jugent leurs cours efficaces, tandis que les étudiants ne ressentent qu’une légère amélioration après la formation.
  • Etudiants et professeurs regrettent le manque de cours dédiés à l’acquisition des compétences linguistiques (focalisation sur la communication, orale en particulier).

Par ailleurs, nous avons pu remarquer le manque d’encadrement et de formation, dont les enseignants sans expérience préalable ont besoin pour mener à bien leur mission d’enseignement. En effet, ces jeunes professeurs sont confrontés à un public d’élèves ingénieurs hétérogène et dont les attentes, les intérêts et les modes d’apprentissage diffèrent. Sans outillage pédagogique et didactique préalable, il est difficile de concevoir comment un enseignant novice et non formé aux sciences de l’éducation (comme c’est le cas de certains professeurs vacataires) peut réussir à atteindre les objectifs pédagogiques du cours de TEC, d’autant plus qu’il s’agit d’un cours où l’on vise à faire acquérir aux étudiants, non seulement un savoir et un savoir-faire, mais également un savoir-être facilitant, par la suite, leur insertion professionnelle. Ce manque de formation nous pousse également à nous demander dans quelle mesure la méthode de pédagogie active que le corps pédagogique déclare utiliser dans le cours de TEC et réellement applicable, surtout compte tenu du nombre important d’étudiants par groupe (entre 30 et 50), sachant que cette méthode met l’apprenant au centre de son enseignement est en fait un élément actif qui contribue à construire son apprentissage.

Recommandations

Le cours de TEC a, certes, comme objectif, de permettre aux étudiants d’acquérir les compétences communicationnelles leur permettant, dans un premier temps, de suivre leur formation en langue française dans les meilleures conditions, puis, dans un deuxième temps, de s’insérer dans la vie professionnelle, mais le cours doit également pallier les problèmes de langue française, liés à l’arabisation de l’enseignement fondamental et faciliter la transition vers un système d’enseignement supérieur dispensé en langue française. Toutefois, il parait difficile d’atteindre tous ces objectifs dans un volume horaire aussi limité (seize heures par semestre).

Nous estimons donc qu’il serait pertinent de prévoir, pour les étudiants intégrant la première année du cycle d’ingénieur, un test de positionnement de langue française, afin de détecter les étudiants ayant des lacunes linguistiques importantes (niveau A1 et A2 du CECRL[8]) et prévoir pour eux des cours intensifs de mise à niveau, avant le démarrage officiel des cours. Une telle démarche a déjà été entreprise par l’Institut Agronomique et Vétérinaire Hassan II à Rabat. Elle permet d’avoir des groupes-classes avec un minimum d’homogénéité, mais également, de ne pas mettre les étudiants à faible niveau linguistique en situation de difficulté devant leurs camarades. Ces cours, ayant lieu avant le démarrage officiel des cours, n’empiètent pas sur l’emploi du temps des étudiants qui, en cycle d’ingénieurs, peuvent se plaindre d’une surcharge de travail.

Nous pensons également qu’une formation d’intégration[9] est nécessaire pour les enseignants inexpérimentés ou n’ayant pas suivi de formation en sciences de l’éducation, en pédagogie universitaire et didactique des langues en particulier. Un accompagnement par les professeurs permanents et un suivi serait également à prévoir, afin de s’assurer de la bonne intégration de l’enseignant qui saura qu’il peut se référer à son « tuteur » en cas de besoin. Par ailleurs, il nous semble important de mettre en place une approche commune de l’enseignement, car, si le corps pédagogique est d’accord sur le fait que l’approche adoptée est « active » et « participative », il s’avère que les termes semblent surtout désigner le fait que les cours s’appuient beaucoup sur les exposés. Or, l’approche active ne se limite pas à cet exercice. Il est donc important de mettre en place un ensemble d’outils variés et adaptés au public de l’INPT afin d’améliorer l’acquisition de la langue française et les préparer à la vie active. Parmi ces outils, nous pouvons citer les mises en situations, les simulations, le travail en ateliers, les jeux de rôles, mais aussi l’analyse de documents authentiques et la réalisation de travaux sous forme de projets en groupes.

Il serait également intéressant de prendre contact avec les entreprises ayant le plus recours aux profils issus de l’INPT, afin de comprendre leurs besoins et de pouvoir adapter le contenu de la formation aux attentes de ces entreprises, puisque les témoignages recueillis par d’anciens lauréats laissent penser qu’ils éprouvent des difficultés communicationnelles dans leurs postes et regrettent de ne pas avoir pu profiter, dans leurs cours de TEC, d’un enseignement tenant compte de ces besoins futurs.

Conclusion

L’enseignement de la matière langue française et communication au sein des écoles d’ingénieurs aspire à répondre à des objectifs à la fois communicationnels, linguistiques, mais également à des objectifs de développement personnel. La multiplicité de la nature de ces objectifs rend la tâche encore plus difficile, si l’on considère aussi l’hétérogénéité des profils, d’un côté et, d’un autre côté, le manque de formation et d’accompagnement de certains professeurs, en particulier les débutants. Si les élèves ingénieurs réussissent à atteindre un niveau de compréhension et de production de la langue française leur permettant de poursuivre leurs études dans cette langue, cela reste insuffisant à l’insertion professionnelle.

Il serait donc temps d’établir un réel dialogue entre les écoles et les entreprises et impliquer davantage les différents acteurs de la formation (corps administratif, professoral et étudiants) à la fois dans la mise en place des curricula et dans le choix de l’approche pédagogique, tout en laissant aux enseignants la marge de liberté nécessaire pour adapter leurs supports et leur approche à chaque groupe d’étudiants, mais en assurant, toutefois, un accompagnement, surtout des enseignants débutants, afin de garantir le respect des objectifs du cours.

Références bibliographiques

Bibliographie

Cuq J-P.  (2003). Dictionnaire de didactique du français langue étrangère et seconde.  Paris, CLE International/ASDIFLE.

 Aoudry, S. (2004) In Haidar, M. (2012). L’enseignement du français à l’université marocaine : le cas de la filière ”Sciences de la Vie et Sciences de la Terre et de l’Univers. Education. Université Rennes 2, Université Ibn Tofail, Kénitra. P172.

Haidar, M. (2012). L’enseignement du français à l’université marocaine : le cas de la filière ”Sciences de la Vie et Sciences de la Terre et de l’Univers. Education. Université Rennes 2, Université Ibn Tofail, Kénitra.

Articles

Pierre Vermeren. “La formation des élites marocaines, miroir de la mondialisation?”. Le Télémaque. Philosophie, Education, Société, Presses universitaires de Caen 2011.

Rahma Bourqia, « Repenser et refonder l’école au Maroc : la Vision stratégique 2015-2030 », Revue internationale d’éducation de Sèvres [Online], 71 | 2016, Online since 01 April 2018, connection on 25 April 2019. URL : http://journals.openedition.org/ries/4551 ; DOI : 10.4000/ries.4551.

Lamia Boukhannouche, « Le français sur objectif universitaire », Amerika [En ligne], 7 | 2012, mis en ligne le 21 décembre 2012, consulté le 28 avril 2019. URL : http://journals.openedition.org/amerika/3437 ; DOI : 10.4000/amerika.3437

Hafida El Amrani, « Le statut du français écrit des nouveaux étudiants », Langage et société 2013/1 (n° 143), p. 53-64.DOI 10.3917/ls.143.0053.

Sitographie

www.finances.gov.ma

http://aujourdhui.ma/emploi/formation/78-des-laureats-de-linpt-recrutes-au-bout-de-trois-mois

www.csefrs.ma


[1] Loi 19-94 (dahir n°1-95-1 du 26 janvier 1995) relative aux zones franches d’exportation.

[2] www.finances.gov.ma

[3] Haidar, M. (2012). L’enseignement du français à l’université marocaine : le cas de la filière ”Sciences de la Vie et Sciences de la Terre et de l’Univers. Education. Université Rennes 2, Université Ibn Tofail, Kénitra.

[4] Déclaration faite par Driss JETTOU, premier président de la Cour des Comptes.

[5] Haidar, M. (2012). L’enseignement du français à l’université marocaine : le cas de la filière ”Sciences de la Vie et Sciences de la Terre et de l’Univers. Education. Université Rennes 2, Université Ibn Tofail, Kénitra.

[6] http://aujourdhui.ma/emploi/formation/78-des-laureats-de-linpt-recrutes-au-bout-de-trois-mois

[7] Techniques d’Expression et de Communication

[8] Centre Européen Commun de Référence pour les Langues.

[9] En gestion des ressources humaines, la formation d’intégration désigne le processus de formation des nouvelles recrues afin d’assurer leur bonne intégration et leur assimilation des nouvelles missions qui leur sont confiées.

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