Introduction
I : condition d’admission des transactions sur le marché
- Condition de liquidité
- Condition de négociabilité
II : moyen de sécurisation du marché
- Une volonté affichée de maîtrise du risque de contrepartie
- Standardisation et garantie des transactions
Conclusion
Les marchés réglementés[1] sont des marchés qui font l’objet d’une reconnaissance officielle et sont soumis au contrôle de l’autorité de marché. Il s’agit de marchés « concentrés, en ce sens que toutes les offres d’achat et de vente doivent être apportées sur les marchés qui en assurent la confrontation en vue de dégager un prix unique »[2]. Ils garantissent ainsi les intervenants de l’application uniforme d’un ensemble de règles impératives dont la vocation est d’assurer le respect des principes du droit des marchés financiers, que ce soit lors de la négociation de transactions sur instruments financiers ou leur dénouement, et notamment la sécurité des transactions.
Dès lors au caractère règlementé du marché, correspond un caractère prédéfini, normalisé du contenu du produit financier au comptant ou à terme[3], de sorte que la liberté contractuelle des parties est reléguée au derniers rang, ne laissant perdurer que la possibilité de déterminer la quantité ainsi que le prix[4] de la transaction. Cette uniformisation, prédétermination du contenu des contrats conclus sur le marché financier en niant leurs différences pour les faire correspondre à un modèle unique : taille, montant, échéance, prix d’exercice et conditions de livraison correspond à la standardisation des transactions financières qui apparait selon certains auteurs comme un rouage nécessaire au bon fonctionnement des marchés financiers organisés. Néanmoins, celle-ci introduit la question de savoir en quoi la standardisation des produits financiers est-elle nécessaire sur les marchés financiers ? Comment cette normalisation contribue-elle à garantir la liquidité des opérations aux investisseurs, leur négociabilité ainsi que la sécurité des marchés ?
Le marché financier règlementé apparait comme un segment organisé de la place financière qui voit en la standardisation non seulement une condition d’admission des opérations mais aussi et surtout une condition de sa sécurisation.
I : condition d’admission des transactions sur le marché
Le marché financier est un lieu ou les instruments financiers sont négociés en masse[5] de sorte que la standardisation des instruments financiers est nécessaire afin de garantir la liquidité des opérations et permettre un meilleur échange de ces produits financiers.
- Condition de liquidité
Pour pouvoir intervenir dans un marché financier, il est nécessaire d’avoir accès à une liquidité suffisante.[6] Celle-ci reflète la facilité avec laquelle un produit financier peut être échangé contre du numéraire sans perte de valeur[7], elle est également définit comme la possibilité d’entrer et de sortir du marché a tout instant a un prix raisonnable ou encore lorsque ce même marché est en mesure de permettre un grand nombre de transactions en un temps minimal, constituant ainsi, un critère essentiel d’attractivité des utilisateurs. Sans la standardisation des transactions, cette qualité reconnue aux marché réglementés serait inenvisageable.
En effet, un contrat à terme standardisé n’est pas un contrat négocié de gré à gré avec une contrepartie bien identifiée. Il se rapprocherait plutôt de l’idée d’un contrat négocié dans un système de règlement livraison, entre deux donneurs d’ordres qui agiraient par intermédiaires interposés, a même de garantir la rapidité, la sécurité dans le dénouement de l’opération ainsi que l’anonymat des parties; et le seul moyen d’y aboutir est la standardisation. En d’autres termes, il serait impossible de garantir la rapidité des transactions ainsi que leur liquidité si les parties devaient individuellement négocier les termes de leurs engagements.
Ainsi, par exemple en droit français, la standardisation des contrats financiers s’effectue non seulement par type de produits, mais également par maturité, taille et conditions de règlement.
C’est sous la forme d’instructions, et sous le contrôle de l’Autorité des Marchés Financiers, que les entreprises de marché établissent le règlement particulier de chaque contrat financier. Chaque type de contrat fait l’objet d’une fiche qui en définit les caractéristiques essentielles, c’est-à-dire principalement la nature du sous-jacent, l’unité de transaction, la date d’échéance et les modalités d’exécution. Seuls sont laissés à l’appréciation des parties, le nombre de lots et le prix.
De cette standardisation naît également la négociabilité des contrats financiers.
- Condition de négociabilité
La négociabilité des valeurs mobilières signifie leur transmissibilité selon un mode simplifié sans formalités[8]. Dans le cas des contrats financiers, elle signifie que le donneur d’ordre peut se libérer de son contrat a n’importe quel moment et sans l’accord de son cocontractant généralement par la conclusion d’un contrat en sens inverse[9]
Pour assurer cette fonction de négociabilité, la normalisation des contrats financiers semble encore une fois nécessaire, et pour cause, en passant un contrat à terme, le vendeur s’engage à livrer un produit sur une échéance donnée, et inversement, l’acheteur s’engage à en prendre livraison et à le payer au prix négocié ai moment de la conclusion du contrat.
Néanmoins, peu de contrat a terme se dénouent par livraison physique de l’actif sous-jacent. Les parties agissent sur les marchés a terme pour des raisons de spéculation ou de couvertures, elles ne trouvent aucun intérêt à recevoir la livraison physique de l’objet et préfèreront donc, se défère de leur contrat par la conclusion d’un autre contrat financier qui leur permettra de prendre une position inverse a la position initiale
La standardisation du contrat à terme permet de faciliter leur négociabilité et donc leur transfert. C’est-à-dire l’opportunité offerte aux parties de se désengager a tout instant.
Indéniablement, les contrats à terme standardisés n’offrent pas la même flexibilité que les contrats négocié de gré a gré, néanmoins, les avantages de liquidité et de négociabilité qu’ils offrent intervenants sur les marchés boursiers compensent largement cet inconvénient puisqu’ils permettent aux parties de se désengager unilatéralement et a n’importe quel moment. Ce ci dit, cette standardisation a également pour avantage d’assurer la sécurité du marché ainsi que la garantie de bonne fin des opérations qui y sont nouées.
II : moyen de sécurisation du marché
La standardisation se révèle, en outre, indispensable en ce qu’elle permet d’assurer la sécurité du marché. En normalisant les caractéristiques des instruments financiers diffusés auprès des investisseurs, la standardisation semble en effet de nature à éviter l’échange d’instruments peu fiables.
Ainsi, la standardisation est, pour l’investisseur, un gage de la fiabilité de l’instrument financier qu’il acquiert et, partant, un moyen d’assurer la sécurité du marché
- Une volonté affichée de maîtrise du risque de contrepartie
Les opérations conclues sur le marché boursier sont souvent complexes et nécessitent donc l’application de règles protectrices des incertitudes du marché. Ces règles doivent être non seulement précises et détaillées mais également présenter un ensemble de garanties qui facilitent leur usage et rassurent les investisseurs. La standardisation des transactions sur le marché à terme constitue une de ces règles qui visent à réguler le risque de contrepartie, définit comme le risque de contrepartie est le risque que dans un contrat financier ou dans le cadre d’un instrument financier, le débiteur se refuse à honorer tout ou partie de son engagement ou soit dans l’impossibilité de le faire, en d’autres termes, il s’agit de « l’incapacité des particuliers a rembourser »[10]. Dans le second cas il s’agit du risque de liquidité, s’il s’agit d’un retard éventuel de paiement du débiteur qui ne dispose pas à temps des fonds, et du risque de solvabilité s’il s’agit d’une défaillance du débiteur qui ne peut pas trouver les fonds.
En conséquence, et afin de pallier à cette défaillance, les intervenants sur les marchés boursiers doivent être en mesure de disposer a tout moment des garanties nécessaires au dénouement de leurs positions. C’est ainsi que la standardisation semble encore une fois être la solution. En effet, grâce a la normalisation, les instruments financiers circulant sur le marché boursiers sont identiques, fongibles et interchangeables et donc a même de pallier tout défaut de la part de l’une des parties a la transaction, puisque les contrats seront homogènes[11], identiques dans une même catégorie et contiendront toutes les clauses usuelles sensées protéger les investisseurs.
- Standardisation et garantie des transactions
Par opposition au marché de gré à gré ou les parties contractent librement les clauses de leur engagement en souscrivant des contrats « sur-mesure », négocié bilatéralement et répondant aux attentes des co-contractants[12], les parties au contrat a terme règlementé concluent leurs engagements en se soumettant à une normalisation imposée par les règles de marché.
Cette uniformisation[13] des pratiques s’appuie principalement sur l’existence d’une chambre de compensation[14] considérée comme la contrepartie unique de l’ensemble des acheteurs et des vendeurs[15]. La Chambre est considérée par la loi sur les marchés a terme comme « contrepartie du membre compensateur et devient titulaire des droits et obligations résultant de la transaction enregistrée »[16]. Elle s’interpose entre les deux opérateurs en prenant une position opposée à tous les avis qui lui sont rapportés : elle se porte alors « vendeur » face aux acheteurs et « acheteur » face aux vendeurs. De ce fait, elle « garantit la bonne fin des transactions qu’elle a enregistrées »[17] et en cas de défaillance de l’un des intervenants, la chambre de compensation remplit les obligations de la parties défaillantes en ses lieux et places en veillant a fournir les titres recherchés. C’est précisément à ce niveau que la standardisation des contrats financiers se révèle être un atout au sein de ces marchés, puisque c’est grâce a cette normalisation que la chambre de compensation assure la garantie des transactions ainsi que l’efficacité des opérations de compensation. En effet, les contrats étant fongibles, la chambre de compensation peut les substituer, ce qui serait inenvisageable pour elle si les contrats étaient négociés par les parties selon des clauses qu’ils auraient librement établis.
L’intervention de la chambre de compensation sur les marchés a terme a donc pour corollaire de mutualiser le risque tout en renforçant la sécurité des transactions réalisées sur le marché a terme et cet objectif ne peut être poursuivie sans la standardisation des opérations financières
Conclusion
Depuis l’avènement des marchés boursiers on constate qu’il existe une tendance très nette à la standardisation de nouveaux outils financiers[18]. Cette dernière semble inéluctable non seulement pour faciliter la négociation des instruments financiers de manière à ce que chaque intervenants soit sur de retrouver les mêmes caractéristiques quelque soit l’émetteur, mais aussi et surtout afin de faciliter le dénouement des opérations, pour assurer la sécurité des opérations financières mais également pour garantir l’attractivité du marché. Malgré tout, et en dépit de son importance pour tout marché financier, il n’en demeure pas moins, que cette « stratégie » que constitue la standardisation ne manque pas comme le fait remarqué un auteur de « dissimuler des enjeux de pouvoirs »[19], qui a des fins de considération prudentielle, il serait judicieux de limiter par une intervention réglementaire et ce tant pour le marché que pour les utilisateurs[20]. De plus, et bien qu’il soit inéluctable que la standardisation des opérations constitue a l’ère de la mondialisation des place boursières un atout compétitif pour les marchés permettant a un opérateur de trouver une contrepartie quel que soit le marché, toutefois, un trop grande standardisation des opérations ne constituerait-elle pas en fin de compte un obstacle a la liberté contractuelle ?
Bibliographie
Thèses :
Charlie BOBILLIER : la liberté contractuelle a l’épreuve du droit des marchés financier, sous la direction d’Yves REINHARD-LYON : Université Jean Moulin 2015
Khadija MEJDAOUI : marchés a terme dérivés et organisés d’instruments financiers : étude juridique, thèse de doctorat en droit privé, Paris 1, 1994
Laurent COTRET : « La négociabilité des instruments financiers » Thèse pour le Doctorat en Droit, Université de Reims Champagne-Ardenne
Alban PALSEUR : Participation a l’étude de la qualification juridique des produits dérivés de crédit en droit français, thèse pour l’obtention du doctorat en droit 2011, Université Jean Moulin, Lyon 3
Articles :
- FAVERO: la standardisation contractuelle, enjeu de pouvoir entre les parties et de compétition entre les systèmes juridiques, Revue Trimestrielle de Droit Com, 2003 p 429
- FAVERO: Pour un nouveau contrat nommé : “le contrat d’échange de risques”, La Semaine Juridique Entreprise et Affaires n° 42, 21 Octobre 2010
- SCHMIDT: marchés réglementés et opérations hors marché, Petites affiches, 10 janvier 1996 n° 5, P. 21
- ADRIAN et H-S SHIN: liquidité et contagion financière, revue de la stabilité financière, février 2008, numéro spécial liquidité n°11 p1
Ch. NOYER : Produits dérivés-innovation financière et stabilité, revue de la stabilité financière n°14, Juillet 2010 banque de France
Rapport :
Produits Dérivés : Paris Europlace, groupe de travail présidé par M. Jean François LEPETIT, Juin 2010
Textes de Lois
Loi 42-12 sur les marchés a terme
[1] Ex. en France MATIF, MONEP pour les opérations a terme
[2] D. SCHMIDT : marchés réglementés et opérations hors marché, Petites affiches, 10 janvier 1996 n° 5, P. 21
[3] Kh. MEJDAOUI : marchés à terme dérivés et organisés d’instruments financiers : étude juridique, thèse de doctorat en droit privé, Paris 1, 1994, para 832 p 269
[4] Il convient tout de même de préciser que le prix résulte d’une confrontation libre des ordres d’achat et de vente
[5] Ch. BOBILLIER : la liberté contractuelle a l’épreuve du droit des marchés financier, sous la direction d’Yves REINHARD-LYON : Université Jean Moulin 2015
[6] Produits Dérivés : Paris Europlace, groupe de travail présidé par M. Jean François LEPETIT, Juin 2010
[7] T. ADRIAN et H-S SHIN : liquidité et contagion financière, revue de la stabilité financière, février 2008, numéro spécial liquidité n°11 p1
[8] Laurent COTRET : « La négociabilité des instruments financiers » Thèse pour le Doctorat en Droit, Université de Reims Champagne-Ardenne, p 23 para 26
[9] Pour plus de détail quant a la technique de dénouement des contrats financiers voir, Sébastien PRAICHEUX : instruments financiers a terme, répertoire de droit des sociétés, para 112
[10] M. FAVERO : Pour un nouveau contrat nommé : “le contrat d’échange de risques” La Semaine Juridique Entreprise et Affaires n° 42, 21 Octobre 2010
[11] M. FAVERO : la standardisation contractuelle, enjeu de pouvoir entre les parties et de compétition entre les systèmes juridiques, Revue Trimestrielle de Droit Com, 2003 p 429
[12] Ch. NOYER : Produits dérivés-innovation financière et stabilité, revue de la stabilité financière n°14, Juillet 2010 banque de France
[13] Produits Dérivés : Paris Europlace, groupe de travail présidé par M. Jean François LEPETIT, Juin 2010, p 9
[14] Cette organe nécessaire a la bonne marche des marchés a terme est réglementé par la loi 42-12 qui y consacre un Chapitre II « De la compensation »
[15] Il convient de préciser que la qualification de l’interposition de la chambre de compensation dans les opérations financières a soulevé de nombreux débats doctrinaux.
[16] Article 33 alinéa 1er de la loi 42-12
[17] Article 34 de la loi 42-12 sur les marchés a terme
[18] A. PALSEUR : Participation a l’étude de la qualification juridique des produits dérivés de crédit en droit français, thèse pour l’obtention du doctorat en droit 2011, Université Jean Moulin, Lyon 3
[19] M. FAVERO : la standardisation contractuelle, enjeu de pouvoir entre les parties et de compétition entre les systèmes juridiques, Revue Trimestrielle de Droit Com, 2003 p 429
[20] Kh. MEJDAOUI : marchés à terme dérivés et organisés d’instruments financiers : étude juridique, thèse de doctorat en droit privé, Paris 1, 1994, para 834 p269