« La coopération Maroc-Afrique subsaharienne comme modèle de coopération sud-sud »
Nom et prénom : CHARRAT Sara.
Etablissement d’attache : Université Mohammed V, faculté des sciences Juridiques, Economiques et Sociales Souissi.
Laboratoire : Sciences Juridiques et politiques.
Filière : La régulation des échanges internationaux et le commerce extérieur du Maroc.
Résumé de l’article en français :
La coopération entre le Maroc et l’Afrique subsaharienne se présente comme une coopération sud-sud multidimensionnelle aux volets multiples, des volets qui représentent des perspectives d’évolution à fort potentiel, cette coopération qui a connu une longue histoire et qui s’est renforcée depuis l’année 2000, connait aujourd’hui une grande dynamique, mais aussi rencontre plusieurs défis. Cet article consistera à examiner les atouts, les opportunités et les contraintes de la coopération du Maroc avec l’Afrique subsaharienne à travers l’approche de la coopération sud-sud, on va essayer de voir alors les domaines touchés par cette coopération sous ses formes bilatérale et multilatérale, et essayer de détecter les opportunités de ces relations et les différents défis à relever.
Mots-clés : Maroc, Afrique subsaharienne, coopération sud-sud, opportunités, contraintes.
Résumé en anglais:
The cooperation between Morocco and the countries of the Sub-Saharan Africa is a south-south cooperation, which is multidimensional and concerns different areas, areas that represent a prospect of an evolution with a strong potential, this cooperation that has known a long history and has been boosted since 2000, knows today a big dynamic, but also faces many challenges. This article will try to examine assets, opportunities and problems that this cooperation has been facing through the approach of South-South Cooperation, we’re going to consider the different areas of this cooperation in its bilateral and multilateral forms, and try to spot the opportunities and problems of these relations.
Key words: Morocco, Sub-Saharan Africa, South-South Cooperation, opportunities, challenges.
Introduction :
L’Afrique se trouve dans un contexte de plus en plus marqué par les limites des relations Nord/Sud, relations marquées par leurs caractères profondément asymétriques et ne profitant qu’à une seule partie : c’est-à-dire aux pays développés. Les Etats africains depuis leur accession à l’indépendance il y a plus de 50 ans, bien qu’ayant maintenus des relations de toutes sortes avec les anciennes métropoles n’ont pas su tirer avantages ou profits de celles-ci… Face à cette réalité, la promotion de la coopération sud/sud est de plus en plus mise en avant.[1] C’est dans ce cadre que s’inscrit la coopération entre le Maroc et l’Afrique subsaharienne. « L’Afrique doit faire confiance à l’Afrique[2]» ! Ces propos témoignent bien de la place que le Maroc compte désormais réserver en matière économique et commerciale à l’Afrique qui connait un regain de croissance économique de plus en plus importante ces dernières années.
Durant la dernière décennie, le Maroc a opté en particulier pour le renforcement de ses liens économiques avec l’Afrique subsaharienne à travers la négociation et la conclusion de plusieurs accords commerciaux de type classique ou à caractère préférentiel avec plusieurs pays africains.[3] En effet « entre 1956 et 1999, 515 accords avaient été signés, alors que depuis 2000, il y en a eu 949, c’est-à-dire près du double »[4].
Le Maroc a historiquement appuyé avec force et détermination le processus d’unité et de décolonisation de plusieurs pays d’Afrique. Il a été l’un des pays fondateurs de l’Organisation pour l’Unité Africaine (OUA)[5]. Mais, le fait d’avoir quitté cette organisation et de ne pas être membre de la nouvelle organisation continentale, n’a pas été pour le Maroc un handicap pour la conduite d’une politique africaine ouverte et dynamique.[6] Le retour à l’organisation régionale va sûrement donner une nouvelle lueur à ces relations.
La coopération entre le Maroc et l’Afrique subsaharienne est porteuse de plusieurs opportunités et multidimensionnelle car elle touche l’économie, la sécurité, la formation et l’emploie, la culture, mais plusieurs défis entravent le bon déroulement de cette coopération. Les axes de ce travail concernent ces points évoqués et s’articulent autour d’une question centrale à savoir : Dans quelle mesure la coopération Maroc Afrique-Subsaharienne représente un modèle réussi de coopération sud-sud ?
A travers cette problématique cet article va contribuer à la recherche dans le domaine de la coopération sud-sud et va avoir comme objectifs : d’examiner les atouts, les opportunités et les contraintes de la coopération du Maroc avec l’Afrique subsaharienne, on va essayer de voir alors les domaines touchés par cette coopération sous ses formes bilatérale et multilatérale, et essayer de détecter les opportunités de ces relations et les différents défis à relever.
Pour faire cela on va suivre le plan suivant :
Plan :
Introduction.
- Le concept de la coopération sud-sud « en Afrique » :
1.1. Le cadre d’aide traditionnelle au développement Nord-Sud :
1.2. Emergence de la coopération Sud-Sud :
- Les approches bilatérale et multilatérale de la coopération économique et commerciale Maroc-Afrique Subsaharienne :
2.1. L’approche bilatérale :
2.2. L’approche multilatérale :
- Les autres domaines de coopération Maroc-Afrique Subsaharienne :
3.1. La coopération sécuritaire :
3.2. La coopération dans le domaine de la formation et de l’emploi et dans le domaine religieux :
- 4. Les Défis qui entravent la coopération Maroc-Afrique Subsaharienne :
4.1. Concernant la coopération économique et commerciale :
4.2. Concernant la coopération sécuritaire :
Conclusion.
Bibliographie.
- Le concept de la coopération sud-sud
1.1. Le cadre d’aide traditionnelle au développement Nord-Sud :
Le cadre d’aide traditionnelle au développement Nord-Sud reposait principalement sur les pays industrialisés qui fournissaient une aide aux pays en développement pour les aider à respecter leurs objectifs de développement. Les relations entre le donneur et le receveur étaient caractérisées comme inégales et paternalistes. En outre, l’aide traditionnelle au développement a été utilisée comme outils pour favoriser les intérêts géopolitiques et économiques des pays du Nord. Ces caractéristiques et beaucoup d’autres de l’aide traditionnelle Nord-Sud ont conduit à ce que l’hémisphère sud recherche des approches de développement alternatif.
La coopération Sud-Sud a donc émergé dans les années cinquante dans le contexte de la lutte commune des anciennes colonies pour l’indépendance et dans le contexte de développement authentique.
Au cours des dernières décennies, il y a eu une augmentation notable de la coopération entre les pays du sud. Ils s’engagent à un dialogue actif diplomatique, à des forums et des centres de partage des connaissances, des formations politiques ou économiques régionales ou mondiales, et la coopération au développement. Ces activités entre les pays du sud sont désignées collectivement par la coopération Sud-Sud (CSS). Ce qui manque encore est cependant un consensus international sur la définition de travail et les paramètres qui constituent la CSS. La difficulté est de différencier le concept de la myriade d’activités de coopération dans lesquelles les pays du sud participants sont engagés telles que le commerce, les accords économiques, les coalitions politiques, la coopération au développement et les investissements étrangers. La CSS présente des changements positifs dans les relations entre donateurs et bénéficiaires, dans les modalités et les approches en matière de développement, et dans la diversité des acteurs de développement. Ceci représente une opportunité pour les pays du Sud, de créer des espaces alternatifs pour poursuivre leur trajectoire de développement, en dehors des notions hégémoniques de développement prescrites par les institutions occidentales telles que celle de la BrettonWoods.
1.2. Emergence de la coopération Sud-Sud.
Le document final de Nairobi de la Conférence de Haut niveau des Nations Unies sur la coopération Sud-Sud la définit comme : une entreprise commune de peuples et pays du Sud, née d’expériences et de sympathies partagées, fondée sur des objectifs communs et sur la solidarité et régie, entre autres, par les principes de la souveraineté et de l’appropriation nationales, en l’absence de toute condition.[7]
Les pays de l’Afrique subsaharienne sont pour la plupart en phase en construction et pour certains en phase de reconstruction post conflit. C’est le cas par exemple de la Côte d’Ivoire qui sort de plus de 10 années de conflit qui a dévasté l’économie du pays. C’est aussi le cas du Mali qui a vu son économie chuté après près de 2 années de crises. Pour ces pays en phase de reconstruction post conflit, leur besoin en termes d’investissements est plus que jamais vital, Outre l’investissement, l’expertise, le savoir-faire et la technologie sont aussi les besoins de l’Afrique subsaharienne dans leur projet de développement économique et de reconstruction post conflit.
Pour satisfaire ces besoins, le Maroc constitue au regard de ses performances économiques, de la stabilité de ses institutions politiques et de son expertise avérée dans plusieurs domaines à savoir banque, assurance, transport, énergie, télécom etc…. un partenaire idéal pour la plupart de ces Etat surtout en phase post conflit. La coopération avec le Maroc dans tous ses domaines permettront sans doute aux Etats subsahariens de relever de nombreux défis pour leur développement économique et social. Outre cet aspect, la coopération Maroc Afrique subsaharienne parait plus équilibrée que celle asymétrique qu’entretien le contient et les pays du Nord. Le Maroc ne cesse de plaider et de soutenir la question de développement dans les pays du sud. C’est ainsi que lors de sa Présidence du groupe des 77 et la Chine, en 2003, le Maroc a réaffirmé son engagement en faveur de la coopération sud-sud, notamment en faveur des pays de l’Afrique subsaharienne. C’est dans ce sens que le Maroc a organisé en 2007 à Rabat en partenariat avec le Programme des Nations pour le Développement (PNUD), la première Conférence africaine sur le développement. Cette Conférence a eu pour mérite de répondre à l’ambition du Maroc de promouvoir un développement humain à travers le renforcement de la coopération sud-sud et la mise en œuvre des engagements pris dans divers forums internationaux, notamment ceux liés aux Objectifs du Millénaires pour le Développement[8] (OMD)[9].
La coopération Maroc-Afrique Subsaharienne touche plusieurs domaines, l’un des domaines les plus cruciaux est celui lié aux échanges économiques, représentant un levier important de cette coopération.
- Les approches bilatérale et multilatérale de la coopération économique et commerciale Maroc-Afrique Subsaharienne
2.1. L’approche bilatérale
La coopération économique et commerciale bilatérale a toujours constitué un levier d’action important de la stratégie du Maroc à l’égard de l’Afrique subsaharienne. Le Maroc a développé dès les années 60, un important maillage d’accords de coopération bilatéraux avec ces pays, via la formulation d’un cadre réglementaire approprié.
Le Maroc a signé un ensemble d’accords bilatéraux avec des pays d’Afrique subsaharienne portant sur le volet commercial et sur l’investissement. Ces derniers prennent la forme d’accords commerciaux, d’accords de promotion et de protection des investissements (APPI), d’accords de non double imposition ou de convention d’établissement.
2.1.1. Types d’accords bilatéraux
On peut en relever deux types d’accords bilatéraux entre le Maroc et les pays d’Afrique subsaharienne
- Accords commerciaux :
Il s’a.git de trois types d’accords : les conventions classiques fondées sur la clause de la nation la plus favorisée (NPF)[10] ; les conventions commerciales de type préférentiel[11] ainsi que l’accord relatif au système global de préférences commerciales.[12]
- Accords relatifs à l’investissement :
Le Maroc a signé plusieurs accords relatifs à l’investissement avec les pays africains. Toutefois, seuls sont entrés en vigueur, les accords de promotion et de protection réciproque des investissements (APPI) conclus avec le Gabon, la Mauritanie et le Soudan ainsi que l’accord de non double imposition signé avec le Sénégal. Dans ce sillage, l’expansion des entreprises marocaines en Afrique subsaharienne reste freinée par le retard dans la mise en œuvre des accords conclus.
2.1.2. Etat des relations commerciales et d’investissement entre le Maroc et l’Afrique-Subsaharienne :
Sur la période 2003-2013, le montant global des échanges commerciaux du Maroc avec le continent africain a augmenté en 2013, représentant environ 6,4% de la valeur totale des échanges extérieurs du Maroc contre 4,6% en 2003. Sur la même période, les exportations du Maroc vers le continent africain ont progressé de 16% représentant 8,8% des exportations totales du Maroc contre 4,2% en 2003.Elles sont constituées essentiellement d’alimentation, boissons et tabacs (28% en 2013),de demi-produits (23%), de produits finis d’équipement industriel (17%), de produits finis de consommation (16%) et d’énergie et lubrifiants (12%). De leur côté, les importations ont augmenté de 12% en moyenne annuelle, soit une part de 5,2% du total des importations du Maroc contre 4,8% en 2003. Leur structure montre le poids important des achats de produits énergétiques (60% en 2013), suivis des demi produits (13%) et de produits alimentaires, boissons et tabacs (13%). Cependant, la plus grande partie des échanges commerciaux du Maroc avec le continent africain s’effectue avec les pays de l’Afrique du Nord (60% en 2013), notamment l’Algérie (35%), alors que les échanges avec l’Afrique subsaharienne n’ont représenté que 40% en 2013. Néanmoins, les échanges commerciaux avec l’Afrique subsaharienne ont enregistré une hausse notable durant la dernière décennie pour atteindre 14,4 milliards dirhams en 2013 contre 4,7 milliards de dirhams en 2003, soit un rythme de croissance annuel moyen de 12%. Concernant les investissements, ils représentent 85% du total des flux des IDE sortants vers le continent et 51% du total des IDE marocains à l’étranger entre 2003 et 2013.Le Maroc est présent en Afrique subsaharienne, à travers des investissements directs dans 14 pays dont le Soudan, l’Île Maurice, la Mauritanie, et onze pays de l’Afrique de l’Ouest et d’Afrique Centrale, dont la Guinée, le Nigéria, la R.D. du Congo et 8 pays appartenant à la Zone Franc, notamment le Sénégal, le Mali, le Burkina Faso, la Côte d’Ivoire, le Cameroun, la République Centrafricaine, le Gabon et le Congo Brazzaville. Les investissements en Afrique subsaharienne portent sur un ensemble diversifié de secteurs mais demeurent l’apanage d’un cercle restreint d’investisseurs, principalement Maroc Télécom, Attijariwafa Bank, BMCE Bank, la BCP, Managem, la RAM et Ynna Holding.[13]
La majorité des accords conclus par le Maroc ont été signés essentiellement avec deux régions, en Afrique subsaharienne, à savoir l’Afrique de l’Ouest et l’Afrique centrale. En effet, au sein de ces deux régions des pays comme le Sénégal, le Gabon, la Guinée, le Mali, le Burkina Faso ou le Congo bénéficient d’un intérêt particulier. Par conséquent, la présence de ses principaux partenaires dans des groupements économiques sous régionaux a amené le Maroc à élargir ses zones de présences économiques via son adhésion à des groupements sous régionaux ou via la négociation de nouveaux accords commerciaux et d’investissement.
2.2. L’approche multilatérale :
Plusieurs groupements économiques et politiques structurant l’intégration régionale en Afrique Subsaharienne sont très avancés dans leur intégration. Pour assurer une présence économique continentale, la Maroc se rapproche de plus en plus de ces groupements. Nous pouvons citer l’Union Economique et Monétaire Ouest Africaine (UEMOA)[14], la (CEDEAO)[15] (Communauté des Etats de l’Afrique de l’Ouest) dont le Maroc est devenu membre, la (CEMAC)[16] Communauté des Economique et Monétaire de l’Afrique Centrale, la (CEN-SAD)[17] (La communauté des Etats sahélo-sahariens) dont le Maroc est membre depuis 2001, et d’autres.[18]
On peut dire que le cas le plus important aujourd’hui des relations du Maroc avec les groupements sous-régionaux en Afrique est celui concernant la CEDEAO, en effet Le royaume a demandé son intégration à la CEDEAO. Des liens institutionnels ont été noués depuis 2000 avec 24 visites dans onze des quinze pays membres. Le Maroc a fait sa demande d’adhésion après avoir intégré l’Union Africaine et le 24 février dernier, une lettre a été envoyée à la présidence de la CEDEAO pour passer du statut d’observateur à celui de membre à part entière. La décision a été prise les 5-6 juin 2017 à Monrovia d’un accueil de principe dont il reste à définir les modalités juridiques. Cette intégration permet au Maroc de contourner l’échec de l’UMA[19] et d’institutionnaliser son ancrage au Sahel et en Afrique de l’Ouest. Cependant, de nombreuses dispositions juridiques doivent être prises pour rendre cette décision effective ; tandis que plusieurs dossiers devront être réglés, notamment monétaires et commerciaux avec la mise en place d’un Tarif extérieur commun (TEC) pour un marché de 350 millions de consommateurs réels ou potentiels. La CEDEAO deviendrait avec le Maroc la 16e puissance économique mondiale.[20]
Aussi le cas de l’UEMOA est important, qui constitue depuis longtemps une zone monétaire unique et qui a, en outre, institué une union douanière au début de l’année 2000. Pour le Maroc, l’entrée en vigueur du tarif extérieur commun a créé un vide juridique ; parallèlement, il doit faire face depuis quelques années à une convergence et à une harmonisation économiques renforcées de la part des pays membres. Ainsi, un projet d’accord de commerce et d’investissement avec l’Union Economique et Monétaire Ouest Africaine, paraphé en 2008, devrait être signé prochainement. Cet accord se substitue aux accords commerciaux bilatéraux, entre temps, caducs, entre le Maroc et la plupart des huit pays membres, et qui prévoit la réduction partielle des droits de douane et l’abolition des barrières non-tarifaires. De plus, les deux parties s’engagent à encourager les opérateurs économiques à des investissements réciproques. Cependant, la ratification de l’accord n’a pas encore eu lieu et les informations sont contradictoires en ce qui concerne le règlement intérimaire. Du Côté marocains, certains souhaitent parvenir à un libre-échange total, tandis que parmi les opérateurs économiques de l’UEMOA, certains craignent des conséquences graves pour le développement économique de l’union en raison de la forte perte de protection de leurs industries et des potentialités restreintes d’exportation.[21]
Mais malgré tout, l’aboutissement d’un tel accord, malgré le statut quo qui caractérise l’évolution de ce dossier, devrait promouvoir les investissements entre les deux parties. Aussi, le Maroc souhaite signer le même type d’accord avec la Commission économique et Monétaire de l’Afrique Centrale (CEMAC) qui regroupe six pays, à savoir : le Cameroun, la Centrafrique, le Congo, le Gabon, la Guinée équatoriale et le Tchad.[22]
Mise à part la coopération économique, d’autres domaines sont touchés par la coopération Maroc-Afrique Subsaharienne.
- Les autres domaines de coopération Maroc-Afrique Subsaharienne :
3.1. La coopération sécuritaire :
Compte tenu de l’importance de la paix et de la sécurité comme préalables à tout développement, le Maroc a contribué à la consolidation de la paix et la stabilité sur le continent africain et a apporté son soutien aux initiatives des Nations Unies pour la restauration de la paix et de la sécurité, en mettant, depuis 1960 des contingents militaires à la disposition des Opérations de Maintien de la Paix (OMP) des Nations Unies au Congo (Shaba), en Somalie et en Angola. Aujourd’hui, le Maroc est classé au 18ème rang dans la liste des pays qui fournissent des contingents, avec un total de 1559 soldats déployés dans deux OMP en Afrique : Opération des Nations Unies en Côte d’Ivoire (ONUCI), et la Mission les Nations Unies pour la Stabilisation de la République Démocratique du Congo (MONUSCO). Le Maroc a récemment déployé une Unité de Garde auprès du Bureau des Nations Unies en République Centrafricaine.
Le Maroc demeure convaincu que l’approche régionale et sous régionale constitue le niveau le plus pertinent pour le règlement efficace des conflits en Afrique. Dans ce sens, les organisations sous régionales peuvent être considérées comme la clé de voûte pour la réussite des actions visant l’éradication des menaces et défis auxquels le Continent fait face. Le Maroc s’est également engagé dans un processus de rapprochement avec les organisations sous régionales africaines telles que la Communauté Économique des États de l’Afrique de l’Ouest
(CEDEAO) et la Communauté des États Sahélo- Sahariens (CEN-SAD), qui jouent pleinement leur rôle aux côtés des partenaires africains et internationaux pour l’instauration d’une stabilité durable en Afrique. La promotion de la coopération Sud-Sud à l’appui de consolidation de la paix dans les pays africains visés est un pilier de la stratégie du Maroc. Le Maroc a toujours entretenu des rapports séculaires et profonds avec ses voisins d’Afrique subsaharienne.
Alors que l’Algérie représente le pays d’origine et l’ancien centre de l’action d’Al-Qaida au Maghreb Islamique (AQMI), c’est la Libye qui est devenue le nouveau bastion d’Al-Qaida. La Mauritanie a toujours couru le risque d’être «contaminée» par l’extrémisme religieux et est aujourd’hui une base arrière stratégique importante pour les extrémistes. Le Mali représentait un « projet pilote » pour AQMI.L’état malien était en même temps impliqué dans les négociations avec les ravisseurs et les extrémistes ainsi que parfois embourbé avec les structures criminelles dans le paiement de rançons. Au Nigéria par contre, la guérilla d’origine des extrémistes s’est transformée en une guerre civile dans laquelle l’organisation terroriste islamique Boko Haram a conclu une véritable alliance pour la terreur avec le groupe Al-Murabitun (précédemment appelé Mujao).
Le Royaume du Maroc serait alors, particulièrement exposé au risque de mesures islamistes de représailles et abriterait entretemps des cellules extrémistes indésirables.[23] Dans ce cadre le Maroc coopère étroitement pour l’avancement des buts de Partenariat Transsaharien Contre le terrorisme, un programme du gouvernement américain qui est multidimensionnel et de long terme dont l’objectif est de battre les organisations terroristes.
Ce programme facilite la coopération entre pan-sahel et les Etats du Maghreb pour la lutte contre le terrorisme.[24]
3.2. La coopération dans le domaine de la formation et de l’emploi et dans le domaine religieux
Le Maroc se positionne comme une terre d’accueil pour la jeunesse africaine, et participe de ce fait au développement des ressources humaines continentales tout en renforçant son lien avec les différents pays africains. Aujourd’hui, les établissements supérieur au Maroc accueillent jusqu’à 6500 boursiers issus de 42 pays africains. Depuis 1990, plus de 15.000 étudiants ont été formés au Maroc. L’Agence Marocaine de Coopération Internationale (AMCI) offre près de 3000 bourses pour des étudiants africains de troisième cycle ou dans les grandes écoles. Si certains retournent dans leurs pays après la fin de leurs études, d’autres s’installent au Maroc pour intégrer la sphère professionnelle et y résident. Ceci est valable dans les deux sens, car plusieurs marocains qui poursuivent leurs études en Afrique, s’y installent éventuellement par la suite. Selon l’Agence Marocaine de Coopération Internationale (AMCI) : « … le Maroc a triplé ces cinq dernières années le nombre d’étudiants étrangers sur son sol, soit 7500 étudiants dont 68% sont constitués d’Africains provenant d’une quarantaine de pays du continent. Il est à noter qu’en 2008, plus de 85% de ces étudiants africains ont bénéficié d’une bourse accordée par le Royaume », il est nécessaire que le Maroc et l’Afrique fassent preuve d’une meilleure coopération en termes de formation et d’emploi qui pourrait être appuyée par l’AMCI et consolidée en une assistance technique se basant sur l’échange d’experts et de ressources humaines. Un tel flux migratoire participe à un échange culturel ainsi qu’à un rapprochement entre le Maroc et le reste des pays africains[25].
Le Maroc noue aussi des relations religieuses avec les Etats africains surtout ceux de l’Afrique de l’Ouest, on peut prendre le cas du Mali, A l’occasion de l’intronisation du Président Malien Ibrahim Boubacar Keïta, le Souverain Marocain Mohammed VI et le Président Malien ont signé le 20 septembre 2013 un Protocole d’accord sur la formation des imams qui a permis la mise en place du programme de formation de 500 imams sur une durée de deux ans.
100 imâms ont déjà commencé leur formation sur deux ans dans la capitale marocaine de Rabat. 400 imâms supplémentaires suivront sur une période de six ans.
Le Ministère des Habous décrit la formation comme étant la contribution du Maroc à la reconstruction et au renforcement de l’état malien contre l’extrémisme religieux ainsi que la contribution à la paix, la stabilité et le développement de la région. On insiste d’autre part sur les liens religieux et culturels étroits qui existent entre les deux états, qui reposent sur un Islam sunnite malékite commun influencé également par le soufisme. Cette démarche de coopération religieuse avec le Mali servira de modèle à suivre notamment dans les relations de coopération islamique avec le Niger, la Guinée ainsi qu’avec d’autres pays africains.[26]
Malgré les opportunités que présente la coopération entre le Maroc et l’Afrique Subsaharienne plusieurs défis subsistent toujours.
- Les Défis qui entravent la coopération Maroc-Afrique Subsaharienne :
4.1. Concernant la coopération économique et commerciale :
Malgré leur nette progression sur la dernière décennie, les échanges commerciaux du Maroc avec les pays africains reproduisent les mêmes faiblesses qui caractérisent les relations commerciales entre les pays du Sud, car malgré les progrès substantiels réalisés, les politiques commerciales de l’Afrique subsaharienne restent relativement protectionnistes. Les pays africains ont en commun une tradition de forte emprise de l’Etat sur l’économie, cohérente avec le modèle de développement autocentré qu’ils avaient généralement adopté. Selon le FMI, les régimes commerciaux en Afrique restent plus restrictifs que ceux d’autres régions. Les droits de douane, variable la plus couramment utilisée pour mesurer le degré de restriction des échanges, sont plus élevés (20% en moyenne) en Afrique que partout ailleurs.
Les mesures non-tarifaires, comme les certificats d’importation, les contrôles qualité imposés parfois aux importations de manière discriminatoire et la multiplicité des régimes fiscaux entre les pays, sont de nature à augmenter les coûts de transaction afférents aux échanges extérieurs, avec un effet négatif sur la compétitivité des industries nationales et sur le volume des échanges. Outre les facteurs non-tarifaires, des problèmes structurels liés notamment à l’infrastructure des transports limitent l’expansion des relations commerciales entre le Maroc et ses partenaires africains.
L’absence quasi totale de lignes directes de transport terrestre ou maritime, génère des surcoûts et limite incontestablement la compétitivité-prix des produits échangés.[27]
4.2. Concernant la coopération sécuritaire :
Sur le plan sécuritaire, le Maghreb et l’Afrique Subsaharienne sont confrontés à des risques majeurs qui menacent la stabilité dans leur voisinage immédiat. La menace terroriste continue d’être alimentée par la persistance de l’instabilité au Sahel et dans certains pays d’Afrique de l’Est. La porosité des frontières au Sahel favorise le développement de toutes les formes de criminalité et de trafics illicites, sous l’égide d’AQMI. Ce mouvement tire profit de l’instabilité qui règne dans la région, surtout depuis la chute du régime de Kadhafi, qui s’est accompagnée d’un afflux important d’armes, suite au retour des milices qui ont combattu en Libye.[28] Malgré l’ampleur du risque terroriste auquel est exposé le continent africain, plusieurs entraves subsistent devant une meilleure coopération sécuritaire Maroc-Afrique.
Le spécialiste du Mali, Serge Daniel cite parmi les raisons de l’expansion d’Al-Qaïda au Maghreb islamique que l’Algérie « Freine toute avancée dans la lutte ». L’investissement algérien en termes de coopération contre l’AQMI n’est pas proportionnel à ses capacités. Comme l’explique Serge Daniel, l’Algérie continue à refuser l’interférence de la part du Maroc ou des occidentaux, même si le Maroc est un Etat clé dans le combat contre l’AQMI notamment pour le savoir-faire marocain en terme de lutte contre Al-Qaïda qui a démontré au travers de sa coopération avec l’Europe et l’Amérique du Nord.[29]
Ces différents défis et d’autres doivent être enlevés pour atteindre les objectifs de la coopération entre le Maroc et l’Afrique Subsaharienne.
Conclusion :
On a vu lors de ce travail comment la coopération Maroc-Afrique Subsaharienne regorge de plusieurs opportunités, mais aussi comme les différents modèles de coopération sud-sud que connait le monde, elle rencontre plusieurs défis.
Comme réponse à la problématique, on a constaté que les relations entre le Maroc et l’Afrique Subsaharienne sont très importantes avec l’Afrique de l’Ouest par rapport aux autres régions de l’Afrique Subsaharienne, chose qui va sûrement se renforcer avec l’adhésion du Maroc à la CEDEAO, qui représente un groupement très important dans la région, aussi les tournées royales dans les régions de l’Afrique de l’Est (le Rwanda, la Tanzanie, L’Ethiopie, le Madagascar, le Soudan du Sud), vont certainement donner une nouvelle lueur aux relations avec cette région.
Même si la limite bibliographique relative au retour du Maroc à l’Union Africaine, lors du 28ème sommet qui a eu lieu le 30 et 31 Janvier 2017 à Adis Abeba, ne nous a pas permis de bien cerner les différentes perspectives d’évolution de la coopération du Maroc en Afrique, mais on est sur que ce retour va accélérer les négociations avec les différents Etats africains dans plusieurs domaines, et va sans doute servir cette coopération sud-sud, dans ce cadre on peut poser une nouvelle problématique à savoir : Dans quelle mesure le retour du Maroc à l’Union Africaine va contribuer à la promotion de cette coopération sud-sud?
Bibliographie :
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- Hugon,P : (2017) « Le retour du Maroc au sein de l’Union Africaine et son adhésion à la CEDEAO : Quelles conséquences pour les ensembles régionaux », l’Institut de Relations Internationales et Stratégiques : publié le 22 juin 2017 consulté le 28 aout 2017 sur le site suivant : « iris-France.org».
- Barre, A, (2010) Colloque sous le thème « La coopération Maroco-Africaine », relations Université Mohammed V-Souissi, Institut des Etudes Africaines Rabat, « Les entre le Maroc et les pays d’Afrique Subsaharienne : Des enjeux politiques aux défis du développement »
- Mouline, M, T. (2014) Institut Français des Relations Internationales (IFRI). Le Maghreb face aux nouveaux enjeux mondiaux,
- Adenauer Stiftung, K: (2014) « La sécurité du Sahel après la crise du Mali : Quels enjeux et défis pour les pays régionaux et internationaux », Séminaire international organisé le 28 Mars 2014 à Rabat, N° 04 /2014.
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[1] Revue Maroco-Espagnole de droit international et de relations internationales, 2015 ; « nouvelle offensive diplomatique du Maroc en Afrique Subsaharienne : Quel regard ? », Pierre AFOUDA ADIMI.www.catedras.uca.es, p : 119.
[2] Ses propos sont ceux du Roi du Maroc Mohammed IV lors du Forum économique Ivoiro- Marocain à Abidjan en Côte d’Ivoire, février 2014.
[3] Ibid. 119.
[4] Discours royal lors du 28éme sommet de l’Union Africaine.
[5] Annuaire Marocain de la stratégie et des relations internationales, 2012, « Le Maroc et l’Espace Africain : Une coopération sud-sud », Mounia SLIGHOUA, Edition l’Harmattan, p : 101.
[6] Colloque sous le thème « La coopération Maroco-Africaine », 2010, Université Mohammed V-Souissi, Institut des Etudes Africaines Rabat, « Les relations entre le Maroc et les pays d’Afrique Subsaharienne : Des enjeux politiques aux défis du développement », Abdelaziz Barre.
[7] IBON INTERNATIONAL : «Premier livre d’IBON sur La coopération sud-sud », 2015, « www.ibonintenational.org ».
[8] Pierre Afouda Adimi, op.cit., p. 121.
[9] OMD : Objectifs du Millénaires pour le Développement, Les huit objectifs du Millénaire pour le développement (OMD) ont formés un plan approuvé par tous les pays du monde et par toutes les grandes institutions mondiales de développement. Ils ont galvanisés des efforts sans précédent pour répondre aux besoins des plus pauvres dans le monde et se sont expirés vers la fin de 2015. Pour leur succéder, l’ONU a travaillé avec les gouvernements, la société civile et les différents partenaires pour exploiter la dynamique dégagée par les OMD et élaborer un programme ambitieux pour l’après-2015 : Transformer notre monde : le Programme de développement durable à l’horizon 2030. Il s’articule autour de 17 objectifs mondiaux pour le développement durable.
[10] (NPF) : Le Maroc a conclu avec les pays de l’Afrique subsaharienne 14 accords commerciaux bilatéraux de type nation la plus favorisée (NPF), dont 8 pays d’Afrique de l’Ouest et 6 pays d’Afrique Centrale.
[11] Le Maroc a conclu des accords commerciaux et tarifaires avec certains pays de l’Afrique subsaharienne (Guinée, Sénégal, Tchad) qui prévoient l’octroi de préférences tarifaires réciproques pour certains produits.
[12] Le système global de préférences commerciales (SGPC), instrument institué en 1988 pour promouvoir la coopération Sud-Sud et encourager les échanges entre pays en développement, accorde aux pays signataires, mutuellement, des préférences tarifaires sur une base réciproque. Le Maroc a accédé au SGPC en 1998. Il a signé le protocole d’accession le 14 février 1997. Sur les 48 pays signataires, 33 sont africains.
[13] Directions des Etudes et des Prévisions financières, Ministère marocain de l’économie et des Finances, 2014, « Relations Maroc-Afrique Subsaharienne : l’ambition d’une nouvelle frontières ». www.finances.gov.ma.
[14] UEMOA : regroupe huit pays à savoir : Bénin, Burkina Faso, Côte d’Ivoire, Guinée Bissau, Mali, Niger, Sénégal, Togo.
[15] CEDEAO : regroupe 15 pays à savoir : Benin, Burkina Faso, Cabo Verde, Côte d’Ivoire, Gambie, Ghana, Guinée, Guinée Bissau, Liberia, Mali, Niger, Sénégal, Nigeria, Sierra Leone, Togo.
[16] CEMAC : regroupe six pays à savoir : Cameroun, République centrafricaine, République du Congo, Gabon, Guinée Equatoriale, Tchad.
[17]CEN-SAD : regroupe 28 pays à savoir : Bénin, Burkina Faso, République Centrafricaine, Comores, Côte d’Ivoire, Djibouti, Egypte, Erythrée, Gambie, Ghana, Guinée, Guinée Bissau, Kenya, Liberia, Libye, Mali, Maroc, Mauritanie, Niger, Nigéria, Sao Tomé-et-Principe, Sénégal, Sierra Leone, Somalie, Soudan, Tchad, Togo, Tunisie.
[18] Tendances Economiques, Hiver 2010, 2011, « Le Maroc mise sur l’Afrique Subsaharienne », Machrafi Mustapha, www.iemed.org. p : 64.
[19] UMA : l’Union Maghreb Arabe : groupement qui regroupe 5 pays à savoir : Maroc, Algérie, Tunisie, Libye, Mauritanie.
[20] Hugon Philippe : « Le retour du Maroc au sein de l’Union Africaine et son adhésion à la CEDEAO : Quelles conséquences pour les ensembles régionaux », l’Iris « www.iris-fance.org » : publié le 22 juin 2017.
[21]Laurence MARFAING et Steffen WIPPEL, Les relations transsahariennes à l’époque contemporaine : un espace en constante mutation, Edition Karthala, 2004, p. 37-38.
[22] Machrafi Mustapha, « Le Maroc mise sur l’Afrique subsaharienne », op.cit, p : 66
[23] Konrad Adenauer Stiftung : « La sécurité du Sahel après la crise du Mali : Quels enjeux et défis pour les pays régionaux et internationaux », Séminaire international organisé le 28 Mars 2014 à Rabat, N° 04 /2014.
[24] Mounia Slighoua, op.cit.,p. 104.
[25]Ibid., p.110.
[26] Konrad Adenauer Stiftung : « La sécurité du Sahel après la crise du Mali : Quels enjeux et défis pour les pays régionaux et internationaux », Séminaire international organisé le 28 Mars 2014 à Rabat, N° 04 /2014.
[27] Directions des Etudes et des Prévisions financières. Op.cit., p.14.
[28] Institut Français des Relations Internationales (IFRI).2014. Le Maghreb face aux nouveaux enjeux mondiaux, Mohammed Tawfik Mouline.
[29] Mounia Slighoua. Op.cit. p.104-105.