Le nouveau paradigme de la communication politique au Maroc pour une gestion optimale de la crise sanitaire.

Le nouveau paradigme de la communication politique au Maroc pour une gestion optimale de la crise sanitaire.

The new paradigm of political communication in Morocco for optimal management of the health crisis.

Rabie Ferram

Docteur en Droit International Public et Sciences Politiques

Université Mohammed  –Rabat-

Faculté des Sciences Juridiques ,Economiques et Sociales-Salé-

Gmail :[email protected]

abstract

For optimal management of the health crisis due to Covid -19, political actors adopted a new pardigma of political communication for a significant mobilization of citizens.
To this end, recourse to a symbolic policy that goes hand in hand with public policies and barrier measures inevitably involves ad hoc communication strategies. Thus, the pragmatic approach makes it possible to make more efficient the statements made by political decision-makers who seek to as much as possible to challenge the citizen and order the actions to be undertaken in order to track down the spread of this pandemic.

key words: political communication, crisis management, pragmatism, mobilization, communication strategies.

       Introduction

         Si l’ampleur de la crise sanitaire due à la propagation de Covid-19 atteint son paroxysme, la communication des acteurs politiques n’en est pas en reste.

       En effet, les décideurs politiques  se voient acculés à adopter de nouvelles stratégies et mesures pour traquer l’évolution de la dangerosité de cette pandémie qui a concerné tous les secteurs de la vie en société.

       Compte tenu de ce nouveau constat, l’action politique change de forme et de fond pour répondre en urgence à cette nouvelle conjoncture. Et partant, les politiques publiques ont été modifiées et ajustées aux nouvelles revendications des citoyens tout en consacrant les principes de la démocratie.

      En amont, l’Etat marocain a mobilisé un dispositif autant symbolique que matériel dans le temps et l’espace afin de minimiser les répercussions de cette calamité internationale puisque la façon dont est gérée la crise impacte son déroulement jusqu’au moment où la situation ne peut plus empirer[1].

      Ainsi, il est crucial d’évaluer la congruité  de la communication politique à l’action entreprise par les politiciens et aux spécificités de cette  conjoncture particulière. Autrement dit, il est indispensable de s’interroger sur les procédés communicationnels adoptés par les acteurs politiques pour une gestion optimale de cette crise sanitaire.

     A priori, la politique symbolique adoptée par les décideurs politiques est en conformité avec les mesures adoptées par les autorités publiques marocaines pour contrecarrer cet implacable danger et il va de soi que la problématique des communications lors de cette situation de crise est indissociable de la dimension politique et de l’exercice du pouvoir[2].

         Pour vérifier cette relation indéfectible entre le symbolique et le factuel dans la gestion de cette crise , nous allons adopter l’approche pragmatique vu qu’elle concerne toutes les variables relatives à l’action politique allant de la composante communicationnelle pour déboucher sur la pratique politique dans le sens strict du terme.        

       En fait, nous allons étudier autant que faire se peut les différentes mesures prises par le pouvoir politique en fonction d’une focalisation communicationnelle qui doit jouer son rôle de mobilisation et de clarification de l’action politique adoptée.

Ⅰ-Ossature théorique

      Il est d’autant plus important de se référer à l’approche systémique[3] adoptée par David Easton dans le dessein d’analyser la communication politique dans des situations de crise puisqu’elle stipule une prise de vue de synthétique de variables qui entrent en jeu dans le  processus politique.

      A posteriori, chaque prestation  des acteurs politiques s’inscrit dans un ensemble qui se compose d’une entrée « in put » et d’une sortie « out put ».

      En effet, la conjoncture politique marquée par une crise sanitaire représente un élément générateur d’un processus au sein du champ politique qui doit faire fonctionner ses appareils afin d’y faire face, citons à titre d’exemple ; l’adoption d’une loi, les mesures exceptionnelles y compris une communication politique ad hoc. Cette dernière ne peut nullement faire fi des conditions dans lesquelles elle s’inscrit.

     De facto, selon la vision synthétique, la communication politique entreprend deux étapes ; la première s’inscrit dans le cadre institutionnel et ne concerne que les acteurs politiques et la structure politique qui leur est inhérente. Dans ce sens, le vote relatif à une loi ou l’adoption d’un décret de loi relatif à l’état d’urgence sanitaire[4] impliquent une communication institutionnelle en vue de déboucher sur des décisions politiques adéquates.

       La loi de finance rectificative qui est un cas de figure nécessitant une communication politique d’urgence prend en considération le changement qu’a connu la société .Ainsi, la priorité des items relatifs à la loi de finance initialese voient changés et restituer selon la nouvelle circonstance pour accorder une prééminence à la santé, l’éducation et la relance économique[5].

        Quant à la deuxième étape, elle se veut davantage  pragmatique pour répondre  aux attentes des citoyens à l’issu de cet état de crise sanitaire qui se répercute sur tous les domaines de la vie en société.

        Ainsi, les mesures prises sont traduites par une communication pragmatique[6] voire factuelle qui met en exergue l’appareillage juridique préétabli en amont par les autorités compétentes.

       Dans ce sens,  la préambule du conseil de gouvernement représente un aspect palpable de cette communication politique orientée vers le simple citoyen. De ce fait, le souci de se prémunir contre les méfaits de Covid-19 et de respecter l’état d’urgence sanitaire passe par un discours de proximité « Se laver les mains, rendre propre l’entourage, l’essuie avec l’eau de Javel[7] »

       De surcroît, la pragmatique de la communication politique dépend à la fois du pathos « s’il vous plaît » par l’interpellation des citoyens et le rappel quotidien des cas enregistrés. Et ce, par la tenue de la conférence quotidienne émise par le ministère de la Santé  afin d’informer les citoyens et de les mettre en veille contre l’évolution de l’état épidémiologique.

       En outre, les reformulations des décisions prises par le gouvernement font l’élément majeur de cet aspect pragmatique et surtout le sort de l’année scolaire qui a suscité l’intérêt de la société en général et des élèves en particulier. Le ministre de l’éducation nationale, de la formation professionnelle, de l’enseignement supérieur et de la recherche scientifique explique  le processus d’apprentissage et d’évaluation d’une manière à ce que chaque citoyen puisse comprendre «Il n’est pas question de décréter une année blanche dans les écoles à cause de la pandémie du nouveau coronavirus […] Les examens sont maintenus[…]la programmation restera tributaire de la date de la levée du confinement »[8]

ⅠⅠ-Actions politiques exceptionnelles

L’avènement d’une crise sanitaire de grande ampleur a poussé le pouvoir politique a adopté une panoplie de mesures adéquates pour empêcher le chaos.

     Dans cette voie, l’initiative royale représente une plate-forme assez tangible pour faire face à la propagation de ce virus en diminuant ses effets négatifs sur la société en générale et les personnes  en situation de précarité en particulier.

        En effet, l’évaluation des mesures prises par les autorités publiques représente un des thèmes principaux de l’agenda politique En fait,le  roi Mohammed VI veille à l’évaluation et au suivi de  la gestion de la propagation de la pandémie du Coronavirus en présidant une séance de travail  en présence en vue  « de s’informer auprès du ministre de la Santé au sujet des derniers développements de la situation sanitaire dans notre pays, de la capacité d’accueil des hôpitaux et des unités de santé dans les différentes régions du Royaume et des mesures prises pour satisfaire tous les besoins en termes de sécurité sanitaire, dont les produits de désinfection et les médicaments »[9].

        Cette réunion a permis de mettre en lumière l’état des lieux  des mesures adoptées par les autorités compétentes et surtout dans le secteur de la santé  publique afin de prévoir tous les actes nécessaires dans le dessein de subvenir aux besoins des citoyens dans ces exceptionnelles conjonctures. En outre, le fonds spécial pour la gestion de la pandémie de Covid -19 représente  une décision politique qui se base sur une perspective proactive étant donné le soutien qu’il octroie à tous les secteurs de la vie en société ; secteur informel, les entreprises en défaillance et l’élévation des capacités des services sanitaires[10].

       En outre, la gestion d’une éventuelle propagation intense de cette pandémie tisse un lien indélébile entre  la communication politique et les mesures adoptée .En fait, le discours du roi Mohammed Ⅵ a tracé la feuille de route des mesures phares pour épargner les citoyens des répercussions plus rudes de ce virus « Dans ce cadre, environ 120 milliards de dirhams seront injectés dans l’économie nationale, soit l’équivalent de 11% du PIB. Ce taux inscrit le Maroc parmi les pays les plus audacieux en matière de politique de relance économique post-crise »[11].

 A- Politiques publiques efficientes

       Le gouvernement marocain a décrété un ensemble de mesures pour amoindrir les effets néfastes de cette pandémie.

      En effet, l’adoption de l’Etat d’urgence sanitaire représente l’un des leviers phares de ces mesures qui a eu un effet très palpable sur la rémission du virus. A posteriori, le décret de loi 2.20.292 relatif à la déclaration de l’état d’urgence sanitaire a été adopté à l’unanimité par les membres du parlement.

     Les dispositifs de ce  décret-loi reflètent la volonté des autorités publiques d’intervenir pour préserver la sécurité des populations et du territoire national dans le respect des libertés et droits fondamentaux garantis à tous[12].Ainsi, il accorde une assise légale à l’intervention de l’autorité gouvernementale dans la mise en vigueur de l’état d’urgence en édictant ses dispositions spéciales à l’état d’urgence sanitaire et les modalités de son annonce.

     Par ailleurs, ayant égard à la nécessité de concrétiser cette volonté de faire face à cette pandémie ,l’annonce de l’état d’urgence sur l’ensemble du territoire national s’est tenue immédiatement tout en imposant des mesures plus restrictives en l’occurrence :

  • Interdiction aux personnes de quitter leurs lieux de résidence ;
  • Le déplacement de toute personne en dehors de son lieu de résidence ne pourrait avoir lieu que dans le cas d’extrême nécessité, en l’occurrence : le déplacement au travail, le déplacement pour l’achat des produits de première nécessité, pour les soins de santé et le déplacement pour des raisons familiales pour venir en aide à des personnes dans une situation difficile);
  • Interdiction de tout rassemblement, attroupement ou réunion d’un ensemble de personnes ;
  • Fermeture des centres commerciaux et tout établissement destiné à recevoir le public durant la période de l’état d’urgence sanitaire.[13]

      En aval, la concrétisation de ces mesures nécessite l’adhésion effective des citoyens et une médiation relais qui solidifient les actions politiques menée en leur octroyant une légitimité. Partant de ce constat, la communication  des acteurs politiques s’ajustent autant que cela est possible grâce à sa malléabilité qui lui permet de refléter les items de la nouvelle conjoncture.

       Ayant égard à l’importance de la mobilisation des citoyens pour battre ce virus, la communication politique renouvelle le contrat entre ses trois instances citoyenne, médiatique et politique.

B- Communication politique appropriée

     Pour une mobilisation citoyenne assez retentissante, la communication des acteurs politiques se focalise sur les stratégies de la communication de crise empruntée au Marketing, l’attendrissement du pathos et les valeurs humaines et universelles. Et ce, ayant égard à la place accordée  aux citoyens dans la gestion  de la chose publique qui s’est hissée davantage à l’aune de la promulgation de la Constitution de 2011 qui consacre la démocratie participative comme étant un élément sine qua non à la promotion de la démocratie.

        Cette nouvelle orientation vers l’implication du citoyen dans la prise de décision s’est concrétisée par une montée considérable de sa participation politique à la fois conventionnelle et non conventionnelle  d’où l’obligation de renouveler les approches communicationnelles pour se focaliser sur le côté pragmatique.

B-1-Stratégies de la communication de crise

       Il s’avère que le recours aux stratégies de la communication politique, dans le sens moderne du terme[14], devient un enjeu majeur pour sortir indemne ou du moins avec un strict minimum de dégâts. A cet effet, le reconnaissance et l’interpellation des sentiments  requièrent une place prépondérante dans les dires des acteurs politiques.

  • Reconnaissance

     La prise en conscience de la présence d’un danger menaçant la vie des citoyens ainsi que leur stabilité économique et sociale passe inéluctablement par une reconnaissance qui clame  haut et fort cet état d’urgence subit.

       Laquelle reconnaissance fait l’objet des discours officiels  énoncés par les acteurs politiques .Dans ce sillage ,le chef du gouvernement  a confirmé clairement la présence de COVID-19 tout en reconnaissant « que le virus Corona est une épidémie internationale et nous comptons plus de 143 milles cas à travers le monde et plus de 4000 ou5000 cas de décès et qu’il a des effets innombrables humains, sociaux et économiques sur le monde dont nous faisons partie. Nous qui sommes touchés par ce Virus[… ]et l’état épidémiologique au sein de notre Etat demeure encore au premier stade»[15].

     Ces propos ont été appuyés par le ministre de la Santé marocaine qui a montré l’ampleur de ce virus et le nombre de cas enregistrés à l’échelle nationale ; «  Le virus Covid_19 a créé un état épidémiologique qui diffère d’un pays à un autre si bien que la situation s’aggrave à l’échelle internationale.de là l’Organisation Mondiale de la Santé le considère comme une pandémie qui touche les pays du monde d’où la nécessité de s’intéresser aux pays européens et les pays voisins comme le Maroc. Concernant la situation épidémiologique au Maroc, nous avons enregistré 45 cas séparés sporadiquement sur les régions »[16].

      Ainsi,la reconnaissance de la présence effective de ce virus représente une étape crucial afin de confirmer la propagation d’un danger qui met en péril la sécurité des citoyens et de dévoiler les intentions des acteurs politiques dans la gestion de cette crise par le biais d’une feuille de route plus pragmatique qui s’adosse à une planification exhaustive .

      Par ailleurs, la reconnaissance ne peut se mettre sur des bases assez solides que si elle remet en cause la falsification de la vérité officielle contredisant les déclarations faites par les institutions compétentes.

      En fait, la communication des leaders politiques remet en question les fausses informations ou « fake news»[17] qui déforment les données relatives à la situation épidémiologique du Covid-19.

      C’est ainsi que le chef de l’exécutif  a déclaré lors de l’ouverture de la réunion hebdomadaire du Conseil du gouvernement[18] que « les informations inexactes sèment la panique et portent préjudice aux citoyens et à leurs intérêts, ainsi qu’à la continuité de leur travail et du service public”, ajoutant que le royaume dispose d’un “système national de surveillance et de contrôle et le ministère de la Santé demeure le seul interlocuteur autorisé à fournir des informations relatives à ce nouveau virus, en expansion dans le monde” étant donné que ce département dispose de “comités et de cellules spécialisés de suivi et de prise des dispositions nécessaires”.

  • Interpellation des sentiments

       Ayant égard à la demande pressante de susciter la mobilisation des citoyens leur persuasion se veut comme étant plus habilitée à toucher le côté affectif qui génère une réaction due aux messages subliminaux.

      Ainsi,la communication des acteurs politiques n’a épargné aucun effort pour mieux exciter les sentiments afin de mobiliser une partie importante de la société.

      Et partant, le recours aux procédés narratifs devient le pivot autour duquel tournent les autres procédés persuasifs. En fait, le recours au schéma narratif s’annonce plus probant étant donné son organisation qui permet d’ordonnancer les événements se rapportant à la situation épidémiologique au Maroc.

        En effet, les larmes du chef de gouvernement lors de son intervention à l’occasion des séances mensuelles représente un élément déclencheur des sentiments .Pour ce qui est de la psychologie de la masse, il s’ensuit que le leader porte les citoyens , grâce à un processus émotionnel, de reconnaître la dangerosité du Mal que représente ce virus .         

       Autrement dit, ces larmes s’avisent l’attendrissent les émotions des récepteurs en faisant appel à leur pathos par le biais de l’incarnation d’un nouveau profil qui émane culturellement de la société lors des situations lamentables. Ainsi, le bilan relativement lourd à la suite de la propagation du virus Covid-19 « jusqu’à ce matin , nous avons1746 cas confirmés et 120 décès ,et il est pour nous un jour de deuil»[19]  a suscité les émotion du chef du gouvernement dans le dessein d’émouvoir les sentiments des marocains.

       En outre, le recours à un lexique typiquement lié à une situation difficile est utilisé abondamment par les leaders politiques marocains en l’occurrence « calamité » et « deuil » qui décrit l’état des lieux de la propagation de ce virus. En revanche ,la proposition des solutions efficientes telles que la déclaration de l’état d’urgence sanitaire et les mesures de confinement sur tout le territoire marocain reflètent l’ethos des leaders capables de gérer les crises et de surmonter les problèmes qui perturbe la sérénité générale.

  • Activation d’un système de valeurs

         La communication des acteurs politique a déployé un ensemble de valeurs universelles pour une mobilisation autant ancrée qu’intensive des citoyens dans le contrôle  des éventuels effets de la pandémie.

       Les valeurs à la fois humaniste et citoyenne sont les deux facettes de la communication des acteurs politiques étant donné leurs aspects autant pragmatique qu’universel.

       Pour ce qui est des valeurs humanistes, la solidarité et la coopération des citoyens sont plus sollicitées par les acteurs politiques afin de mener à bien le confinement qui a des répercussions sur la société et surtout les familles les plus vulnérables. Ainsi, le chef du gouvernement appelle à « une coopération entre les responsables de l’Etat et les citoyens pour surmonter cet état de crise »[20] en vue  de faciliter la tâche des autorités publiques dans la mise en    vigueur du confinement et les autres mesures barrières.

      En outre, la contribution dans le fonds spécifiques pour faire face au Covid-19  est un acte de solidarité envers la patrie.

      La citoyenneté vertueuse requiert une place importante dans la prestation discursive des politiciens puisque « l’incarnation d’une sublime citoyenneté »[21]  contribue  à la rémission du taux de la contamination par le respect du devoir dû aux recommandations des institutions officielles et la jouissance des droits qui se manifeste par la préservation de la vie comme étant une nécessité absolue.

B-2- Média relais

        Les médias ont joué un rôle éminent dans la réception et la compréhension des messages politiques. En fait, pour ajuster la communication à la perception des citoyens deux procédés ont été adoptés ; une nouvelle posture des journalistes basée sur la proximité et une présence assez abondante des experts.

       En ce qui concerne les journalistes, leur fonction de rapporter uniquement l’information se voient élargie en fonction de la nature de cette conjoncture due au Covid-19.Etant donné la mise sur la mobilisation des citoyens, les acteurs médiatiques ont contribué au renforcement de la communication politique par le biais des explications relatives aux modalités de la mise en œuvre des mesures barrières décrétée par les autorités compétentes.

        Ainsi, plusieurs émissions ont été spécialement consacrées au Covid-19 afin de permettre au citoyen de mieux concevoir le discours officiel.

         De facto, l’émission quotidienne « les questions de corona » diffusée sur les antennes de la télévision adopte une communication de proximité pour accroître  le degré de la mobilisation .A cet égard, l’animateur utilise un langage courant et plus compréhensible par la majorité écrasante des marocains pour mettre  le point sur les différentes questions qui hantent le simple citoyen en réaction avec l’évolution de ce virus .

          En effet, il prodigue des conseils relatifs au respect des mesures barrières et contacte directement les citoyens pour sonder leur conception concernant les mesures adoptées et leurs impacts. En fait, une interaction sur antenne avec des citoyens de catégories différentes dévoile leurs soucis dus à la dangerosité de cette pandémie et débouche sur des étapes plus simples pour les surmonter « s’il vous plaît, restez chez vous !comme le montre cette vidéo , des personnes ne respectent pas la distanciation sociale »[22]

        De surcroît, les propos officiels ont été repris en dialecte marocain pour atteindre la représentation du simple citoyen et surtout quand ils s’appuient sur la concrétisation de leurs contenus .A cet égard, l’animateur, à titre d’appui, schématise le processus qui permet de bénéficier du soutien de l’Etat et qui passe inéluctablement par le dépôt des demandes relatives à la réception du soutien «via l’envoi du numéro de la couverture sociale du tuteur de la famille au numéro vert 1212 »[23]

          Cette posture nouvellement adoptée par les journalistes leur permet de remplir trois fonctions :

1-la fonction informative qui vise à informer  les citoyens des mesures adoptées par le gouvernement pour faire face au Covid -19 et ce d’une façon plus attractive.

2-La fonction explicative dont le dessein est de reformuler d’une manière plus simple  les données techniques relatives à la situation épidémiologique et les mesures à prendre pour y  faciliter l’adhésion des citoyens.

3-La fonction évaluative qui apprécie la réaction des citoyens suite aux décisions prises et surtout pour ce qui se rapporte au respect du confinement.

         Les médias appuient leurs couvertures de l’évolution de cette pandémie en  se réclamant de l’avis des experts comme étant un argument d’autorité plus fiables et convaincant. Et partant de là, le recours à la théorie de « two steep flow of communication »[24] prend une nouvelle forme en s’avisant à publiciser les leaders d’opinion. En effet, les médias modernes ont médiatisé le leader d’opinion afin qu’il puisse être davantage audible.

         En effet, les experts sont tant de spécialités différentes (santé, politique, économique etc…) qu’ils accordent une plus-value de crédibilité aux messages transmis. En l’occurrence, les professeurs, médecins et techniciens de santé donnent un nouvel aspect à la communication des acteurs politiques en expliquant les expressions politico-techniques (état d’urgence, distanciation, la loi de finance rectificative) qui obstruent une mobilisation de grande envergure.

         Dans ce sillage, les interrogations des citoyens ont été prises en considération par les experts afin qu’ils puissent être éclaircies. Les modalités relatives au soutien alloué aux personnes non inscrites à la Caisse Nationale de Sécurité Sociale atteignent leur paroxysme ce qui demande des explications plus pragmatiques et proches de l’entendement de citoyen « les mesures de soutien annoncées Vendredi passé par le comité de veille économique concernant toutes les catégories qui travaillent dans le secteur informel et qui a connu une rupture de leurs revenus à cause du confinement sanitaire. Ce soutien sera subventionné par le fonds spécifique pour faire face à cette pandémie qui a été créé le 15 Mars sous les directives de sa majesté le roi Mohammed Ⅵ »[25].

B-3-Retentissement de la communication politique

    Si la communication politique adoptée depuis l’avènement inopiné de Covid-19 se modifie, l’attitude des citoyens change en aval facilitant ainsi la maitrise de la situation épidémiologique par une approche participative.

     En effet, étant donné que le récepteur revêt une importance cruciale dans le schéma de communication[26], il en est de même pour le citoyen pendant cette période de crise où  la communication des décideurs politiques donne lieu à des réactions subséquentes.

      En fait, il est important de jauger le feed de back à l’issu du processus de mobilisation adopté par le gouvernement. De plus , il s’ensuit que les médias et plus précisément la télévision devient un espace publique où interagissent les opinions agrégées.

      Conséquemment, l’adhésion des citoyens aux politiques publiques adoptées à l’aune de la propagation de la pandémie et plus précisément les mesures de confinement peut s’être reflétée par leurs réactions immédiates et surtout sur les réseaux sociaux.

     Dans ce sens, les diverses réactions manifestées  par les citoyens[27]ont fait l’objet d’une prise en considération de la part des décideurs politiques et surtout à travers leur communication.

     En l’occurrence, les citoyens rapportent et s’indignent contre tous les actes qui ne respectent pas  les mesures prises par les autorités compétentes telles que la promiscuité abondante dans des places commerciaux soit à travers des vidéos

ou des messages postés sur les médias sociaux  poussant par la suite les décideurs politiques à accroître leur ton discursif et ménager des mesures barrières plus fermes.

    En outre, l’augmentation des réclamations concernant le rarissime des masques chirurgicaux ou la peur de l’absence potentielle de quelques denrées alimentaires du marché donne un élan au renouvellement de l’appareillage communicationnel en connivence avec l’attente des citoyens.

      Conclusion

       Grosso modo, la communication politique adoptée par les décideurs politiques marocains a pris une tournure spécifique selon la nouvelle conjoncture marquée par la propagation de Covid-19.En effet, il semble que le discours adopté a pris en considération les nouveaux enjeux de cette circonstance à savoir la mobilisation des citoyens et la maitrise de cette calamité.

         De là, une relation indéfectible s’est tissée entre le symbolique et la pratique puisque la prestation discursive officielle a déployé un ensemble de leviers capables de pousser les citoyens à s’engager pour faire face à ce dangereux ennemi.

        Dans ce sillage, la mise en scène discursive et l’interpellation des sentiments des citoyens ont constitué l’ossature de la communication politique qui s’est adossée sur la couverture médiatique afin de mieux approprier les dires politiques à l’entendement du simple citoyen.

        Cette double opération ;de la communication politico-politique à la communication politco-citoyenne, a permis d’accroître les chances de mobiliser une majorité écrasante des citoyens au respect de mesures prises.Et ce, en diffusant des valeurs universellement reconnues celles de l’humanisme et de la citoyenneté .

         La part prise des citoyens ont contribué à la redynamisation de la communication politique dans une approche systémique qui prend les nouvelles revendications des citoyens afin de les combler selon un processus interactif entre plusieurs intervenants et secteurs de la vie en société et débouchant sur des mesures plus adaptées et efficientes.


 

[1] Sophie Sauvagnargues ,Prise de décision en situation de crise: Recherche et innovations pour une formation optimale, ISTE Group, p.1 ,1 avr. 2019 .

[2] Danielle Maisonneuve, Catherine Saouter,

Communications en temps de crise,p.14, Presses de l’Université du Québec , Québec .1999.

[3] Denis Monière, Critique épistémologique de l’analyse systémique de David Easton: essai sur le rapport entre théorie et idéologie,p.32 , Éditions de l’Université d’Ottawa, 1976 .

[4] Décret n°2-20-293 du 24 mars 2020 relatif à l’annonce de l’état d’urgence sur l’ensemble du territoire national pour lutter contre le coronavirus-covid19 .

[5] Projet de loi de Finances rectificative n° 35-20 pour l’année budgétaire 2020. https://www.finances.gov.ma/Publication/db/2020/plfr35-20-fr.pdf

[6] Arnaud Mercier, La communication politique, p.130 ,NRS Editions, Paris,2008 .

[7] Le chef du gouvernement ,le conseil de gouvernement, Médi 1 tv, Jeudi 19 Mars 2020.

[8] Said Amzazi, invité sur 2M,vendredi 10 avril 2020,www.2M.ma.

[9] https://www.barlamane.com/fr/le-roi-preside-une-session-de-travail-consacree-a-la-crise-de-la-pandemie-du-coronavirus,le 17 Mars 2020.

[10] Pour rappel, le roi du Maroc a ordonné au gouvernement la création immédiate d’un fonds spécial dédié à la gestion de la pandémie de coronavirus. Celui-ci sera doté de 10 milliards de dirhams et devra financer « la prise en charge des dépenses de mise à niveau du dispositif médical, en termes d’infrastructures adaptées et de moyens supplémentaires à acquérir, dans l’urgence »,

[11] Le discours du roi Mohammed Ⅵ  à la Nation à l’occasion de la Fête du Trône , www.MAP.ma ,Mercredi 29 juillet 2020.

[12] Article 21 de la Constitution de 2011, Titre II. Libertés et droits fondamentaux.

[13] Bulletin Officiel n°6867 bis du 24 mars 2020.

[14] Il s’agit du recours aux stratégies de  la communication de crise adoptées par les entreprises pour la gestion des situations problèmes.

[15] Emission spéciale avec le chef du gouvernement marocain , Médi 1 TV.ma ,le 14 mars 2020.

[16] La déclaration du ministre de la Santé Marocaine,2M .ma,le 18/03/2020.

[17] Fadi Safieddine, Yasmin Ibrahim, Fake News in an Era of Social Media: Tracking Viral Contagion, Rowman & Littlefield, p .11 ,2020 – 163 pages

[18] Coronavirus : Le Chef du gouvernement met en garde contre les Fake news, LE MATIN.ma,le 27 février 2020.

[19] la séance mensuelle consacrée aux réponses apportées par le chef de gouvernement aux questions relatives à la politique générale, Al Aoula.ma,le 14 Avril 2020.

[20] Le chef du gouvernement, le conseil du gouvernement, le 27 Mars 2020 ,www. médi1 tv.ma.

[21] Op .cit, le 19 Mars 2020,

[22] Emission « Question corona » , sur 2M.ma, le 27 Mars 2020, www.2M.ma.

[23] Op cit, le 29 Mars 2020, www.2M.ma.

[24] Lohisse Jean , La communication: De la transmission à la relation, p .58  , Paris, De Boeck Supérieur, 26 août 2009 .

[25] Benchaâboun Mohamed, in Questions Corona,29 Mars 2020,www.2M.ma.

[26] Philippe Verhaegen,

Signe et communication,p .92 , Armando Editore , 11 mars 2010 .

[27] Le commentaire politique est la communication émise par le citoyen concernant la gestion des affaires publiques vu qu’elle n’est pas liée à une prise de décision directe mais elle influe sur les politiques publiques adoptées ultérieurement.

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