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RENTABILITE BANCAIRE CONCEPT ET FACTEURS D’INFLUENCE

RENTABILITE BANCAIRE CONCEPT ET FACTEURS D’INFLUENCE

BOUTGAYOUT Mariem

Dans un contexte marqué par un ralentissement de l’évolution de la distribution de crédit résultant du tassement de l’économie, et à quelques mois de l’entrée sur le marché bancaire marocain des banques dites « Islamiques », la rentabilité des banques devient plus que jamais une priorité absolue notamment à cause de la baisse des taux d’intérêt et le faible taux de bancarisation. Cette course acharnée à l’amélioration de la rentabilité bancaire ne s’est pas opérée sans conséquence, le prix à payer étant un coût du risque en inquiétante augmentation.

La problématique de la rentabilité soulève un écho très important dans le milieu bancaire, surtout pour les banques qui sont confrontés à une dégradation préoccupante de la rentabilité ces vingt dernières années. Ceci est de nature à pousser les banques à reconcevoir leur stratégie et peut-être privilégier la sélection de la clientèle sur la base de la rentabilité, idée qui rencontrait des réticences de la part des Banquiers-décideurs. Cette reconception de la notion de rentabilité est dictée par le mouvement de déréglementation qu’a connu le secteur bancaire dans les années 80-90. Les modifications de l’environnement concurrentiel dans lequel opèrent les banquiers avaient pour conséquence de fortes pressions sur la rentabilité du secteur financier, banque comprise, la déréglementation  s’est manifestée par la ruée des nouveaux acteurs vers les segments les plus rentables de l’activité financière tels que les crédits, assurances, clientèle haut de gamme etc…

Résultat, une concurrence exacerbée du secteur bancaire faisant baisser la rentabilité , ce qui représente un obstacle pour la compétitivité mais aussi du respect des contraintes de réglementation prudentielle ce qui a poussé les banques à chercher de nouveaux canaux et imaginer de nouveaux produits aptes à élargir leur part de marchés surtout sur le plan de Banque de détail. Dans ce cadre et cet environnement, il conviendrait tout d’abord de détailler la notion de la rentabilité dans son volet théorique et terminologique, pour enchainer par la suite avec les méthodes d’appréciation de la rentabilité tout en répondant aux interrogations ci-après ;

  1. CONCEPT ET MESURE DE RENTABILITE BANCAIRE

Le terme Rentabilité vient du mot RENTE désignant un revenu stable. Une action est dite rentable lorsque les résultats obtenus sont supérieurs aux moyens qui on été mis en œuvre pour produire ces résultats, c’est-à-dire qu’il y a surplus généré.  La rentabilité d’une entreprise est un outil de mesure de performance qui intéresse le banquier, le manager, l’actionnaire et même le salarié, car de cette rentabilité découlent leurs revenus, elle permet d’orienter les décisions et les comportements de toute entreprise. LITTRE[1], dans son édition de 1987 définit la rentabilité comme la différence entre la valeur de ce qui est produit et le coût de ce qui est dépensé pour produire. ELIE COHEN[2] quant à lui, la définit comme l’aptitude d’une entreprise à sécréter un bénéfice.

La rentabilité est une notion rationnelle, tout investissement ou capitaux engagés ne sont évalués et jugés que sur la base de leur rentabilité[3].

Dans le vocabulaire financier, la rentabilité est définie comme la capacité d’un montant donné de capital à engendrer un certain niveau de revenu, cette définition consiste à comparer l’évaluation des actifs avec leur capacité à dégager des flux.

Autre définition apportée par l’OCDE, consiste à déterminer la rentabilité comme un rapport entre une mesure quelconque des profits et la définition la plus appropriée du capital mis en œuvre pour engendrer ces profits.

La recherche du profit passe nécessairement par l’obligation de satisfaire le client. L’objectif du Marketing n’est pas de satisfaire le client mais plutôt de rendre ses activités rentables. La satisfaction du client n’est qu’un détour et un moyen au service de la recherche du profit. Certains auteurs (Lindon , Lendrevie, LEVY)[4] en élargissant les champs d’application du marketing, parlaient de réalisation d’objectifs sans précisions. Ce qui laisse entendre que le profit n’est qu’un objectif parmi d’autres. Cet objectif de rentabilité peut

être mesuré par l’excédent des recettes sur les dépenses. Cette approche est celle utilisée par les spécialistes de la stratégie de l’entreprise qui considèrent que les décisions stratégiques mettent en jeu plusieurs objectifs : la croissance, la sécurité et la rentabilité (Martinet)[5].

Concrètement, la rentabilité de l’entreprise est mesurée en tenant compte d’une part de son Résultat Net ou sa Capacité d’Autofinancement et d’autre part les capitaux investis, ainsi la rentabilité est obtenue par :

On peut également retrouver d’autres mesures de rentabilité :

La rentabilité peut donc se résumer à la notion de création de la valeur. La recherche de la rentabilité étant un objectif en soi mais aussi un moyen pour atteindre d’autres objectifs tels que la croissance, l’indépendance financière … Une entreprise non rentable ne pourra pas se développer, une entreprise qui se développe est une entreprise qui gagne en parts de marchés

Nous pouvons constater l’existence d’une certaine diversité de la mesure et de l terminologie de rentabilité. De ce fait, la distinction entre la rentabilité financière et la rentabilité économique s’impose, en premier lieu, pour essayer, ensuite d’établir s’il y a lieu les points communs de mesure de ces deux catégories de rentabilité. Nous constatons alors des divergences importantes entre les différents auteurs qui ont essayé de conceptualiser la rentabilité aussi bien sur le plan terminologique que sur le plan d’outil de mesure. La divergence se manifeste particulièrement au niveau du contenu de la notion de résultat , paramètre de mesure fondamentale et dans la manière de calculer les capitaux investis, autre paramètre de calcul

Certains auteurs[7] avance l’existence de quatre ratios de rentabilité économique et deux ratios de rentabilité financière. D’autres,[8] préconisent la mesure de la rentabilité à travers une appréciation du compte d’Exploitation Général (CEG) et du Produit Net bancaire (PNB) .

Si la part de marché, élément de la performance de la banque, composante  importante dans la réalisation de la rentabilité par la compression des coûts ou la politique d’orientation client permet à la firme bancaire de développer les segments les plus rentables, la politique de prix (la facturation des différents services bancaires) constitue un autre élément important dans l’amélioration.

La plupart des auteurs considèrent que la réalisation du profit et de la rentabilité à long et moyen terme sont les conséquences d’une politique de prix. Par la marge dégagée, le prix détermine la rentabilité. Ainsi, la fixation des prix permet soit la maximisation des profits soit la maximisation des ventes. La faible marge unitaire peut être compensée par le volume important des quantités vendues afin de maximiser les profits et par voie de conséquence, la rentabilité

  1. LES DIFFERENTES APPROCHES D’ANALYSE DE RENTABILITE

L’analyse de la rentabilité a été développée par certain auteurs dont S. DE COUSSERGUES[9] dans le cadre de l’analyse de la productivité. Cette analyse repose sur le principe de l’identification de la rentabilité de chaque produit bancaire

La mesure de la rentabilité par produit est un outil très ancien d’évaluation de la performance. Toutefois Rouach et Naulleau[10] affirment que la détermination de la rentabilité par produit reste un moyen privilégié d’affiner la stratégie de l’entreprise

Dans le secteur bancaire, la fidélisation du client constitue un facteur déterminant dans la rentabilité, il faut s’intéresser aux clients pour le profit qu’ils rapportent. Le coût du service peut varier d’un client à l’autre. Certains petits clients peuvent être rentables car ils exigent des coûts de services très faibles d’où un taux de marge important. Les banques ont d’ailleurs compris depuis quelques temps l’importance d’une telle réflexion et ont commencé à prêter plus d’attention aux petits clients

La mesure de la rentabilité doit avoir comme objectif de développer une stratégie permettant à l’entreprise de bien se placer dans son secteur. La performance permettant ainsi à l’entreprise de maintenir sa profitabilité sinon de la développer. Pour le faire, il faut déterminer des moyens précis permettant d’améliorer les performances d’un produit, d’une catégorie de clientèle ou d‘un segment. Dans le secteur bancaire c’est la notion de « vente longue » qui doit être prise en compte dans l’analyse et l’évaluation des performances de banques

Le système comptable spécifique aux banques est un système particulier appelé plan de comptabilité bancaire. De ce plan, se dégagent des indicateurs d’analyse spécifiques au secteur bancaire. De même que le compte de résultat de la banque présente des caractéristiques spécifiques au secteur.

On peut distinguer quatre soldes intermédiaires qui constituent les principaux indicateurs

Le PNB correspond à la valeur ajoutée de l’établissement de crédit et il a vocation à financer les frais généraux et les risques, l’accroissement du PNB peut être la conséquence d’augmentation des taux d’intérêt on parle ainsi de l’effet prix ou d’augmentation des encours, dans ce cas il s’agit de l’effet volume.

Les frais généraux se composent des charges de personnel, impôts et taxes, charges générales d’exploitation. Cette marge se dégage de l’activité courante de la Banque

L’analyse basée sur le PNB [12]

Pour mieux saisir l’impact du PNB sur la rentabilité de la firme bancaire, il convient de subdiviser l’activité bancaire en deux grandes sous-activités

L’analyse basée sur le RBE

Le résultat brut a toujours été apprécié en fonction des frais généraux dans tous les secteurs économiques, notamment dans le secteur bancaire où ils constituent le coût de fonctionnement, en particulier, les charges du personnel et les dépenses relatives aux activités d’informatique

L’analyse basée sur le RNE

La décision d’intégrer les provisions dans la détermination du Résultat des banques a changé totalement l’approche comptable. En effet, avant instauration des ratios prudentiels comme indicateur fondamental de mesure de performance des banques, ces dernières ne procédaient pas à la constitution de provision sur les créances douteuses, cette décision résulte de la montée de risque de crédit.

L’analyse au niveau du Résultat global

La rentabilité doit être appréciée par le rapport entre Bénéfice Net sur Total Bilan. Les établissements de crédit ne travaillent uniquement avec leur fonds propres mais aussi avec les fonds en provenance du public ; dépôts clients ou primes d’assurances … c’est pourquoi la rentabilité se mesure par rapport au total bilan

Il faut signaler par ailleurs que l’analyse globale des banques ne dépend pas uniquement des paramètres internes, mais il y a d’autres facteurs exogènes qui affectent positivement ou négativement la rentabilité bancaire. Le taux moyen du marché monétaire TMM constitue un facteur déterminant de la rentabilité alors qu’il est imposé par les autorités monétaires centrales, en l’occurrence la Banque Centrale.

L’analyse par centre de profit[13] présente l’avantage de dégager la marge par branche d’activité et cibler ainsi l’effort en management, en fonction de performance des sous activités en consolidant les produits rentables et abandonnant les produits ne dégageant pas une marge positive.

L’analyse de la rentabilité de l’agence fait référence au mouvement des capitaux collectés et prêtés par cette agence, celle-ci est supposée céder ses excédents au siège et emprunter auprès de ce dernier le besoin en trésorerie. En appliquant un taux pour valoriser les déficits et les excédents, l’agence peut dégager un solde positif ou négatif qui va servir pour déterminer la rentabilité

Quant aux frais généraux, ils ne doivent pas être traités par l’approche de « full cost » mais plutôt en tant qu’indicateurs de gestion parmi d’autres

Actuellement, et dans un souci de réduction des coûts et de maitrise des charges, les banques s’orientent vers une automatisation accrue des réseaux des agences. Selon le Crédit Suisse une opération en libre service automatique sur un GAB intelligent coûte 3 à 5 fois moins cher qu’une opération effectuée par un exploitant au guichet. Toujours dans la même optique d’une meilleure gestion qualitative et en vue d’alléger ou comprimer les charges, certaines banques ont opté pour la sous-traitance par l’approche d’externalisation des activités.

L’externalisation consiste à confier à un prestataire externe une activité toutefois réalisée par la banque. Cette opération doit générer un transfert de personnel et d’équipement vers le prestataire, il s’agit d’activité de support et non pas de cœur de métier. Certes l’externalisation génère des avantages pour la banque mais elle est accompagner de risques aussi dont le risque de défaillance du prestataire ou risque de perte de l’information confidentielle.

En conclusion, la Banque se trouve désormais confrontée à la contrainte de la recherche d’une amélioration de sa rentabilité qui s’est restreinte du fait d’une part des contraintes réglementaires imposées par les institutions de tutelle telle que la Banque centrale réduisant les marges de manœuvre en terme de prise de risque et d’autre part,  la concurrence acharnée qui sévit dans le secteur bancaire pour grignoter des parts de marché via une baisse des taux débiteurs en particuliers.

Cette quête à l’amélioration de la rentabilité de la Banque passe d’une part par la maitrise et la réduction des coûts, à travers notamment une automatisation accrue des activités et services bancaires, en réalisant des économies d’échelle, en développant des systèmes d’informations permettant une identification et une appréciation précise de la rentabilité par segment et par client, et il n’est pas exclu d’assister dans l’avenir dans cette optique de réduction de charges, d’assister à un mouvement de fusion absorption dans le secteur.

D’autre part, l’internationalisation, c’est à dire, l’extension de la présence des Banques dans de nouveaux pays, notamment les pays en voie de développement qui représentent un énorme potentiel d’expansion. C’est d’ailleurs ce qu’on constate actuellement au niveau des grandes Banques marocaines qui ont choisi cette voie (BANQUE POPULAIRE, ATTIJARIWAFA BANK, BMCE BANK OF AFRICA) à travers l’acquisition de Banques déjà existantes localement ou en ouvrant carrément de nouvelles filiales.

Enfin, le dernier axe d’action concerne la diversification de l’activité bancaire. Ce processus a déjà été amorcé dans le marché marocain via ce qu’on appelle conventionnellement la Banque Conventionnelle, celle-ci propose des activités non bancaires telles que l’assurance, les services informatiques, l’immobilier … et ce aux côtés d’activités traditionnelles de la Banques. Ce choix permet de capitaliser sur la force de vente et le réseau déjà établi et répondant aux critères de la clientèle cible.

BIBLIOGRAPHIE 

BENTHAMI ASMAE, le contrôle de gestion dans les banques marocaines : principes, missions et outils, édition Edgal Print, 2011

CHARREAUX Gérard, Gestion financière, DECF épreuve n° 4, Manuel, 6ème édition, 2000

DE COUSSERGUES S. Gestion de la banque, édition DUNOD, 7ème édition, 2013

ELIE COHEN, Analyse Financière, Economica, 6ème édition juillet 2006

LINDON DENIS, JACQUES LENDREVIE, JULIEN LEVY, MERCATOR, Théories et nouvelles pratiques du Marketing,  DUNOD, 9ème édition 2009

Dictionnaire LITTRE 1880 réédité par Encyclopédia Britannica Chicago 1987

MARTINET A.C. Stratégie, éd ECONOMICA, 2004

Michel Lallement, « Max Weber, la théorie économique et les apories de la rationalisation économique », Les Cahiers du Centre de Recherches Historiques [En ligne], 34 | 2004, mis en ligne le 05 septembre 2008, consulté le 28 MAI 2016. URL : http://ccrh.revues.org/212 ; DOI : 10.4000/ccrh.212

Norme Comptable NC21 relative à la présentation des états financiers des établissements bancaires, http://www.procomptable.com/normes/NC21.pdf, consulté le 29 Mai 2016

ROUACH Michel et NAULLEAU GERARD, Le contrôle de gestion bancaire et direction financier Ed Revu-Banque, 6ème édition, 2012

ZVI BODIE et ROBERT MERTON et Co-auteur CHRISTOPHE THIBIERGE, FINANCE, 3ème édition, PEARSON, Janvier 2011

BOUTGAYOUT Mariem

Doctorante En Economie Appliquée

Université Mohamed V –RABAT-

Faculté des Sciences Juridiques, Economiques et Sociales –SALE-

          CEDOC – FSJES – SALE-

[1] Dictionnaire LITTRE 1880 réédité par Encyclopédia Britannica Chicago 1987, tome 19 , p. 215

[2] ELIE COHEN, Analyse Financière, Economica, 6ème édition juillet 2006,  p. 235

[3] Michel Lallement, « Max Weber, la théorie économique et les apories de la rationalisation économique », Les Cahiers du Centre de Recherches Historiques [En ligne], 34 | 2004, mis en ligne le 05 septembre 2008, consulté le 28 MAI 2016. URL : http://ccrh.revues.org/212 ; DOI : 10.4000/ccrh.212

[4] LINDON DENIS, JACQUES LENDREVIE, JULIEN LEVY, MERCATOR, Théories et nouvelles pratiques du Marketing,  DUNOD, 9ème édition 2009 p 274

[5] MARTINET A.C. Stratégie, éd ECONOMICA, 2004, p. 75

[6] CHARREAUX Gérard, Gestion financière, DECF épreuve n° 4, Manuel, 6ème édition, 2000, P. 243

[7] ZVI BODIE et ROBERT MERTON et Co-auteur CHRISTOPHE THIBIERGE, FINANCE, 3ème édition, PEARSON, Janvier 2011, page 92

[8] BENTHAMI ASMAE, le contrôle de gestion dans les banques marocaines : principes, missions et outils, édition Edgal Print, 2011, p. 59

[9] DE COUSSERGUES S. Gestion de la banque, édition DUNOD, 7ème édition, 2013 ; p 137

[10] ROUACH Michel et NAULLEAU GERARD, Le contrôle de gestion bancaire et direction financier Ed Revu-Banque, 6ème édition, 2012 ; p 211 /212

[11] Norme Comptable NC21 relative à la présentation des états financiers des établissements bancaires, http://www.procomptable.com/normes/NC21.pdf, consulté le 29 Mai 2016

[12] DE COUSSERGUES S. Gestion de la banque, édition DUNOD, 7ème édition, 2013, p. 138

[13] ROUACH Michel et NAULLEAU GERARD, Le contrôle de gestion bancaire et direction financier Ed Revu-Banque, 6ème édition, 2012, Page 119

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