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RELIGIEUSE DANS UN MONDE MULTIPOLAIRE : CAS DU MAROC-AFRIQUE SUBSAHARIENNE

RELIGIEUSE DANS UN MONDE MULTIPOLAIRE : CAS DU MAROC-AFRIQUE SUBSAHARIENNE

MOUSSA Sanogo

Étudiant chercheur

Cote d’ivoire

sanogo4356@gmail.com

          L’outil principal de cet article est de donner un aperçu de la diplomatie religieuse du Maroc depuis le début du troisième millénaire de notre ère.

Cependant, depuis la fin de la deuxième guerre mondiale jusqu’aujourd’hui, on peut distinguer trois périodes dans la diplomatie internationale :

De 1945 à 1989, la guerre froide entre les USA et l’URSS, a donné un monde bipolaire ; la diplomatie internationale est alors structurée par les rivalités entre le bloc capitaliste et le bloc communiste, cette bipolarisation des relations entre les nations ne laisse pas un grand champ de manœuvre pour la diplomatie religieuse de la paix.

Depuis la chute du mur de Berlin en 1989 et l’effondrement de l’URSS en 1991, un nouvel ordre mondial s’est mis en place. Donc, on a parlé de l’hégémonie américaine et d’un monde unipolaire.

Cependant, la fin de la guerre froide entre l’USA et l’URSS a été révélatrice pour les réseaux criminels, elle a connu la montée des questions religieuses et des mouvements islamistes marquées en Afrique par des nombreuses crises politiques et militaires internes.

En revanche, depuis le début du troisième millénaire, ils semble qu’on s’en va plutôt vers un monde multipolaire, la puissance américaine est remise de plus en plus en question et, de nouvelles puissances s’affirment partout à travers notre globe ; les radicaux et les terroristes s’affirment aujourd’hui, en Afrique comme une puissance régionale, le terrorisme est considéré comme la menace la plus importante non seulement pour la région mais aussi pour la religion, la dimension religieuse est devenue de plus importante dans la dynamique sécuritaire en Afrique subsaharienne ; d’où vient l’importance de la diplomatie religieuse dans le continent.

Si bien que, la religion joue un rôle dominant dans les conflits à travers le monde, en outre, cela s’est accentué avec l’apparition du radicalisme religieux qui se traduit depuis les attentats du 11 septembre 2001 le plus souvent, en des actes terroristes.

Cependant, l’insécurité se généralise de plus en plus avec le radicalisme religieux qui d’avantage, est indexé. La globalisation de la violence est réelle, l’Afrique et ses régions n’est pas en marge.

En Afrique occidentale, particulièrement au Mali, au Burkina Faso, au Niger et au Nigeria, les menaces des terroristes persistent, les interrelations entre l’insécurité et la religion sont de plus en plus évidentes. Le dernier massacre qui s’est produit au Mali contre la communauté Peulh en mars 2019, est d’une manière ou d’une autre lié à la personne du prédicateur Amadou Diallo, dit : KOUFA. Ce prêcheur d’origine ethnique peulh a la particularité de faire référence à la violence, appelant au djihad et à la pratique d’un islam strict qui laisserait peu de place à la coexistence pacifique.

Bien que la région du Nord de l’Afrique soit aussi affectée par cette vague de violence, des pays tels que le Maroc semble avoir pu maitriser la situation, du moins relativement, au regard de l’absence d’attaque terroriste au Maroc depuis 2011 et de la coexistence pacifique entre différents groupes ethniques et religieux dans le Royaume. Le royaume du Maroc présente effectivement la particularité d’être à la fois un pays où la religion d’Etat est l’Islam et où règne la paix.

Aujourd’hui, dans cette course vers la cohabitation pacifique et la coexistence, nombreux pays souhaitent bénéficier du modèle du Royaume. Voilà ce qui suscite l’engouement de comprendre l’approche marocaine de la religion et de la diplomatie religieuse.

Dans ce contexte d’harmonisation entre l’Etat et la religion au Royaume du Maroc, quelques interrogations méritent d’être posées, à savoir :

Quelle sont les références à l’islam dans l’outil principal de la diplomatie marocaine ? Quelle est la physionomie de la menace religieuse dans la région ? En fin, de quelle manière se manifeste la diplomatie religieuse du Royaume chérifien en Afrique subsaharienne ?

L’intérêt de ce type d’études attaché à la diplomatie religieuse en tant qu’acteur influent dans les relations internationales dans le contexte de l’émergence des études régionales et africaines et les changements successifs du système international causé par la lutte des grandes puissances qui requiert l’attention les chercheurs des universitaires et des spécialistes.

I. Les références à l’islam dans l’outil principal de la diplomatie marocaine (la Constitution marocaine 2011)

Le Maroc se dote le 29 juillet 2011 d’une nouvelle Constitution, cette nouvelle loi fondamentale se substitue à la Constitution proclamée le 13 septembre 1996. Ainsi, la sixième constitution marocaine devient l’actuelle norme juridique suprême du Royaume.

La particularité d’islam marocain réside dans la confusion de l’autorité politique et de l’autorité religieuse au sein de la constitution marocaine. En effet, le Roi du Maroc est à la fois chef de l’Etat et Commandeur des Croyants[1].

a.     Mécanismes constitutionnels de la liberté de religion, de
culte ou de croyance : un conflit constitutionnel

Étant dans un système de monarchie où le pouvoir se transmet de père en fils, la famille royale fait partie de la dynastie des Alaouites ; ce qui donne au roi une ascendance directe au prophète de l’Islam. Dès lors, le roi est, en plus de ses autres attributions constitutionnelles, le commandeur des croyants. La religion d’Etat est certes l’Islam même si d’autres religions coexistent telles que : le judaïsme et le christianisme[2], de faibles proportions[3].

La valeur juridique du préambule au niveau du texte confère au Roi une partie intégrante de la Constitution, tandis que la deuxième partie de la constitution énumère les divers droits et libertés civils, politiques, économiques, sociaux, culturels et environnementaux. Malgré l’adoption par la Constitution l’ensemble de ces principes, la pratique sur le terrain nécessite des efforts diligents, afin de concilier les principes, les universaux et les constantes.

L’affirmation explicite que le Maroc est un État islamique et que la religion islamique est au premier plan de l’identité marocaine d’une part, et l’accent sur le respect des exigences des droits de l’homme d’autre part. Si cette déclaration semble naturellement normale dans son dispositif, sa mise en œuvre nécessite une ferme volonté politique[4]. Dès lors, d’autres ont estimé que la nouvelle constitution, tout en reconnaissant une série de libertés, telles que la création de partis politiques et l’interdiction de les dissoudre par voie administrative, il a réduit l’exercice de leurs activités, affirmant au paragraphe 5 de l’article 7 ceci : «Ils ne peuvent avoir pour but de porter atteinte à la religion musulmane, au régime monarchique, aux principes constitutionnels, aux fondements démocratiques ou à l’unité nationale et l’intégrité territoriale du Royaume [5]». Ces expressions peuvent être considérées par un regard non approfondi comme confuses.

Il convient de noter que, la nouvelle Constitution en ce qui concerne le droit de constituer d’organisations de parti syndicales ou civiles, a souligné que tout cela devait être fait dans le cadre de la constitution et de la loi d’une part et conformément aux principes démocratiques de l’autre. Cela nous amène à nous interroger sur la signification de l’adoption de ces deux phrases et de leur répétition dans le corps de la Constitution : Est-ce une démocratie universelle et un droit inaliénable de l’État, ou une démocratie avec une particularité aux constantes proclamée dans la Constitution de 2011 ?

D’autre part, les règles les plus importantes imposées dans la Constitution de 2011, et qui sont liées aux droits et libertés et aux mécanismes de protection de celles-ci, consistent au principe : « L’islam est la religion de l’Etat, qui garantit à tous le libre exercice des cultes[6] ». Ainsi, le législateur a décidé de l’identité religieuse du royaume du Maroc et exclut tout tendance visant l’adoption d’un « État civil ou laïc ».

Cependant, dans un autre ordre d’idées, le Maroc adhère aux principes et aux droits proclamés par les conventions internationales, ainsi qu’à l’obligation constitutionnelle de protéger, promouvoir et contribuer au développement des droits de l’homme et du droit international humanitaire, en tenant compte de l’universalité et de l’indivisibilité de ces droits.

La problématique de l’applicabilité des garanties constitutionnelles et des droits et libertés politiques au Maroc

Malgré le brouillard idéologique qui recouvre l’analyse de la Constitution 2011,
la véritable problématique est l’applicabilité de ces droits, ce qui pose plusieurs difficultés de compréhensions. Dans l’article 175 de la Constitution marocaine, il est stipulé que « Aucune révision ne peut porter sur les dispositions relatives à la religion musulmane, sur la forme monarchique de l’Etat, sur le choix démocratique de la Nation ou sur les acquis en matière de libertés et de droits fondamentaux inscrits dans la présente Constitution[7] ».

Au travers des dispositions de cet article, il semble difficile de concilier la contradiction entre le contenu de la Constitution et son application dans les dispositions des lois qui la régissent. C’est ainsi que la Constitution portugaise se confère une rigidité absolue aux textes sur les droits et les libertés. Dans son chapitre 288, il est stipulé que la modification des textes ordinaires et des amendements à la
Constitution doit respecter les limites suivantes.

La Constitution marocaine de 2011 a prévu des droits et libertés qu’il est difficile de répertorier pleinement. Cependant, la mise en œuvre de ces droits et libertés nécessite beaucoup de travail pour établir ces principes constitutionnels, que ce soit par le biais d’institutions chargées de la protection des droits et des libertés ou par la sensibilisation des individus à l’importance de ces droits et à la manière de les exercer.

La problématique d’applicabilité des garanties constitutionnelles des droits et libertés politiques au Maroc exige non seulement leurs propres lois réglementaires ou ordinaires, mais également leur traduction dans la vie quotidienne des citoyens, ce qui soulève la question de l’utilité de la codification ou de la constitutionnalisation.

Peut-être que la réponse à ces problématiques est que le Maroc a protégé les droits et libertés, en tant que forme de contrat sociale entre l’Etat et la population, en raison de garantir entre le citoyen et les institutions officielles ; c’est peut-être, la raison pour laquelle le constitutionnaliste les a assurés dans la Constitution de 2011 en tant que garantie fondamentale pour la protection des citoyens. Le royaume du Maroc n’a pas emprunté le même chemin que d’autres pays tels que la France, et les circonstances régionales lors de la rédaction de cette constitution ont rendu nécessaire l’existence de tels droits et libertés.

b.    Les droits, libertés politiques et les garanties fondamentaux des citoyens.

Sur le plan théorique, il n’est pas possible de réconcilier l’État religieux avec l’État civil. Tous les efforts de conciliation de nos jours dans ce contexte, sont régis par des préoccupations stratégiques et politiques. Autrement, il ne serait pas difficile d’envisager une loi permettant la liberté de rompre publiquement le jeûne pendant la journée dans le mois de Ramadan ou la liberté d’homosexualité. Dans ce contexte, il faut également, souligner les discriminations en matière d’héritage, du fait qu’il n’y 
pas d’héritage entre un musulmans et un non musulman ou du fait qu’il y a inégalité entre hommes et femmes en matière d’héritage.

Si ces actes sont prohibés dans la religion musulmane ce n’est pas le cas dans les conventions internationales.

Tout compte fait, nous savons que ces conventions le permettent et les considèrent comme des libertés individuelles ; cependant, le Maroc a le droit de formuler une réserve sur certaines dispositions de ces chartes lors de la ratification, conformément aux dispositions de l’article 19 de la section 2 qui précise qu’ « Un Etat, au moment de signer, de ratifier, d’accepter, d’approuver un traité ou d’y adhérer, peut formuler une réserve, à moins :

  1. Que la réserve ne soit interdite par le traité ;
  2. Que le traité ne dispose que seules des réserves déterminées, parmi lesquelles ne figure pas la réserve en question, peuvent être faites ; ou
  3. Que, dans les cas autres que ceux visés aux alinéas a et b, la réserve ne soit incompatible avec l’objet et le but du traité[8] ».

Cela n’empêche toutefois pas le fait que, la Constitution marocaine ait consacré un ensemble de droits et libertés fondamentaux, notamment, en ce qui concerne l’égalité des droits et libertés et l’égalité devant la loi, de même que la liberté de pratiquer les affaires religieuses, le droit à l’information et d’autres droits et libertés, même s’ils ne sont pas encore réglementés par une loi organique voulue dans la constitution, elles restent acquises par l’individu et de la société marocaine.

Tout bien considéré, nous devrions accorder de l’importance à ce détail, car être en sécurité est un besoin naturel essentiel de l’homme et un droit qui lui est garanti non seulement par toutes les religions divines, mais aussi par les constitutions et traités internationaux ; Alors que, la dimension religieuse est bien sûr, très importante dans la dynamique sécuritaire en Afrique.

Dès lors, les efforts se multiplient afin d’éradiquer ce mal et, l’Etat marocain ne pouvant pas rester à la marge de cette interaction a aménagé des efforts considérables pour éradiquer le fléau de terrorisme religieux.

Aujourd’hui, dans cette lutte, nombreux pays subsahéliens et autre souhaitent bénéficier de modèle marocain de lutte contre la radicalisation. Voilà ce qui peut susciter l’engouement pour comprendre l’approche marocaine.

II. La nouvelle diplomatie religieuse du Royaume chérifien, un rempart contre l’insécurité en Afrique

Il ne suffit pas de dire que las méthodes traditionnelles de la diplomatie ont fait faillite en conduisant dans une impasse, dont, la solution est de l’abandonner si l’on veut instaurer une paix durable. Au contraire, comme le souligne M. Morgenthau, ces méthodes étaient plus ou moins bien adaptées à une époque, mais elles ne sont pas pour autant périmées bien que les conditions aient changé. La difficulté tient au fait que l’opinion publique a fait irruption sur la scène diplomatique[9].

En outre, la diplomatie religieuse du royaume chérifien devient comme une constante dans les relations entre le Maroc et l’Afrique subsaharienne, et des canaux comme le soufisme et autre restent privilégier dans la communication maroco-africaine.

Cependant, l’évolution récente de la diplomatie religieuse officielle du royaume du Maroc vers l’Afrique subsaharienne est passé du stade partenariat religieux conventionnel au stade de l’action institutionnelle et stratégique ; c’est la conséquence directe des mutations internationales et régionales dans le continent africain.

a.     L’aller et le grand retour du Maroc au sein l’union africaine

Le Maroc l’un des membres actifs dans la création de l’Organisation de l’Union africaine (OUA), a décidé en 1984 de quitter l’organisation de l’Union africain en guise de manifester sa protestation contre la décision contre l’unité territoriale du royaume malgré l’adoption du principe d’intangibilité des frontières.

En outre, l’absence du Maroc de l’Organisation de l’Union africaine est devenue l’un des obstacles les plus importants au renforcement des relations diplomatiques et religieuses entre le Maroc et les pays africains en général.

Par conséquent, il a existé d’autres préoccupations politiques urgentes au détriment d’autres domaines, en particulier de l’intérêt des affaires culturelles et religieuses. La diplomatie religieuse du royaume du Maroc a également, connu un ralentissement dans la coordination entre les parties prenantes et en raison de l’absence d’une vision stratégique visant à développer la diplomatie religieuse aux niveaux continental, en particulier les pays d’Afrique subsaharienne.

Le début des années quatre-vingt-dix, la diplomatie marocaine a connu un changement d’approche lié aux changements dans le système international suite à l’effondrement de l’URSS, et la présence hégémonique sans précédent des États-Unis dans la région, avec le désir de certaines puissances émergentes d’assumer des rôles de premier plan dans la région africaine, comme la Chine, Turquie, Iran et Afrique du Sud plus la concurrence géostratégique interne avec les pays voisins.

En janvier 2017, le Maroc effectue son grand retour politique en Afrique à travers trois vecteurs phares dont, le plus important est sa réadmission dans l’Union Africaine. Aussi, force est de constater que, son grand retour nous fait assister ainsi, à une diplomatie marocaine multidimensionnelle et plus offensive en Afrique subsaharienne.

En effet, ce retour au sein de l’Union africaine se réaliser suite à une absence de 33 années, dans un contexte mondial multipolaire caractérisé par la montée du terrorisme religieux et la prolifération des accords religieux en particulier et la croissance des multi partenariats dans les affaires culturelles en générale, enfin de réaliser une diplomatie Sud-Sud qui se situe dans la longue histoire du Maroc.

En d’autres termes, « la Vision africaine du Maroc est basée sur la particularité de la relation historique et religieuse entre le Maroc et l’Afrique, et s’inscrit dans un schéma inédit construit autour des notions de co-développement, de solidarité sud-sud renforcée et de forte dimension sociale[10] ». À souligner que, la religion et l’économie sont devenues les piliers de la diplomatie marocaine en Afrique subsaharienne. Cependant, nous constatons que cette vision de la diplomatie marocaine en Afrique s’appuie de plus en plus sur la dimension religieuse que l’aspect économique[11].

Au fond, l’aspect religieux, deviendra un pilier important de la diplomatie marocaine avec l’Afrique subsaharienne ; et le royaume du Maroc pour accroître son influence en Afrique, il va toujours s’appuyer sur la factrice religieuse en d’autres termes, sur la diplomatie religieuse.

Ceci nous amène à savoir quelle est la particularité de la religion au Maroc ?

b.    La spécificité de l’islam au Maroc : L’islam du juste milieu

« C’est ainsi que nous avons fait de vous une communauté du juste milieu[12] afin que vous ne transgressiez pas dans la pesée[13] »

La particularité d’islam marocain consiste à ne pas avoir deux capitaines dans le même bateau ; « s’il y avait dans le ciel et la terre des divinités autres qu’Allah seul, tous deux certes, serraient dans le désordre[14] ».

Pour éviter tout désordre le Roi en vertu de sa descendance prophétique, est selon l’article 41 et 47 de la constitution, à la fois chef de l’Etat et Commandeur des Croyants[15]. De cette façon, on estime que le religieux et le politique sont structurellement imbriqués, le premier servant de ciment à l’action du second.

Ainsi, au fil du temps, le Maroc s’est construit une identité propre à travers l’institution monarchique qui a réussi jusqu’à présent à contrôler cette identité qui est la prééminence accordée à la religion musulmane, il va de pair avec l’attachement du peuple marocain aux valeurs d’ouverture, de modération, de tolérance et de dialogue pour la compréhension mutuelle entre toutes les cultures et les civilisations du monde », Préambule de la Constitution du Royaume du Maroc[16].

Par ailleurs, le fait que l’Islam soit la religion de l’Etat d’une part et d’autre part c’est l’Etat qui qui garantit à tous, musulmans ou non croyants, le libre exercice des cultes[17], ne pose pas de problèmes. Et cela est dû au fait que, l’Islam marocain est particulier sur plusieurs angles ; Il s’agit d’un islam d’idéologie sunnite de la doctrine acharite, d’un islam de rite malékite, d’un islam de confrérie et d’un islam du juste milieu qui peut s’adapter à tout moment et dans toutes les circonstances[18].

C’est ainsi que, dans son discours du Trône du 30 juillet 2003, le patrimoine historique du pays est mobilisé par le Roi lorsqu’il rappelle que, « depuis quatorze siècles […], les Marocains ont choisi d’adopter l’Islam parce que, religion du juste milieu, il repose sur la tolérance, honore la dignité de l’homme, prône la coexistence et récuse l’agression, l’extrémisme et la quête du pouvoir par le biais de la religion [19] ».

Dans le but d’assurer le bon fonctionnement de ce système, l’Etat a des acteurs publics chargés d’organiser le champ religieux. Le défi qui peut être un obstacle pour le bon fonctionnement du champ religieux au royaume du Maroc serrait de bien définir le rôle des acteurs, respecter les prérogatives des institutions et principalement fait admettre aux acteurs religieux qu’ils ont un rôle à jouer dans la division d’un islam du juste milieu, et que chaque acteur doit se limiter dans son champ d’activité, d’autres pour légiférer, d’autres pour exécuter et d’autres pour la diplomatie[20].

Ainsi, Mohamed Yessef, secrétaire général du conseil supérieur des Oulémas du Maroc, déclare que « l’Islam a édifié une civilisation brillante au sein de laquelle ont coexisté différents religions, confessions, peuples et 110ns et que seul un ignorant ou un malveillant, animé de haine contre la culture de l’Islam, sa civilisation et son histoire, peut as116r l’Islam à l’agression[21]».

Il y a donc au Maroc une structure de gouvernance qui permet de maintenir vivantes des structures traditionnelles capables de s’opposer aux radicaux et au extrémistes, à la fois dans les institutions et dans la doctrine. Ainsi l’islam marocain est affirmé sur le plan institutionnel et influence la politique étrangère. C’est l’une des dimensions du soft power du royaume chérifien qui vise l’Afrique subsaharienne. C’est dans cette perspective que les tournées royales en Afrique s’accompagnent de la diffusion d’un islam modéré, un islam du juste milieu[22].

En peu de mots, l’expansion de l’islam en Afrique subsaharienne est le résultat d’un brassage culturel à la fois historique, géographique et brassage humain avec le Maroc, et, la diplomatie religieuse du Maroc en Afrique subsaharienne est une projection de l’islam marocain moderne du juste milieu, qui s’est traduit aujourd’hui dans une lutte contre le terrorisme et l’extrémisme religieux sur le continent.

c.     Une diplomatie de luttes contre l’extrémiste et le terrorisme religieux

Face au besoin d’être en sécurité contre l’islam radical et l’extrémisme violent, la pratique marocaine d’un islam du juste milieu, tolérant et ouvert au dialogue suscite chez de nombreux pays ouest africains un intérêt à plus d’un niveau.

En l’occurrence, l’Afrique de l’Ouest et le sahel marqués par des attaques terroristes perpétrés par des groupes islamistes radicaux qui se sont appuyés sur des ressources locales pour mener leurs campagnes.

Vu son expérience en matière de la lutte anti-terroriste, contre les mouvements de radicalisation religieuse et les inégalités sociales dans le cadre de l’Initiative Nationale pour le Développement Humain (INDH), le Maroc a un grand rôle à jouer dans la diplomatie religieuse en Afrique. En plus de mesures renforcées en matière de la stratégie anti-terroriste religieux, le royaume du Maroc comprend un certain nombre de programmes visant à promouvoir la tolérance religieuse et à combattre
l’attrait des interprétations violentes de l’islam.

Il n’existe pas de cause ou de cheminement unique menant à la radicalisation et à l’extrémisme violent, mais plutôt un large éventail de facteurs aux niveaux d’analyse macro et micro[23]. Cependant, la dimension religieuse est bien sur très importante dans la dynamique sécuritaire en Afrique subsaharienne, cette communauté interprète et vit l’islam depuis les années 80 en fonction d’une multitude d’identités (islam soufi, islam confrérique, islam wahhabite …), autrement dire, ignorer cet aspect peut mener à fausser l’analyse.

Il convient de noter d’emblée que, la lutte contre le terrorisme est égale à la lutte contre l’extrémisme. Car ce dernier n’a suscité la conscience collective qu’après les attentats ici et là dans le monde notamment les attentats de 11 septembre 2001 à New York et celui de Casablanca le 16 mai 2003. Dès lors les états se sont levés individuellement et collectivement pour comprendre le phénomène afin de l’éradiquer.

Le Maroc n’est pas resté à la marge de ce combat, dans le but de combattre le phénomène, non seulement au niveau interne mais encore en Afrique subsaharienne, il a instauré une stratégie sur le couvert de la diplomatie religieuse en s’attaquant à la source de la radicalisation et l’extrémisme, à savoir, la formation des prédicateurs et l’organisation des imams en Afrique.

« Concrètement, cette diplomatie religieuse africaine du Maroc s’appuie depuis 2015 sur un institut de formation ad hoc[24] », elle est évident dans les domaines clés, notamment, dans la formation des imams africains, dans l’organisation des guides religieux, dans des programmes caractérisés par la modération et la lutte contre l’extrémisme et dans la promotion de l’islam du juste milieu.

Dans ce contexte de réforme structurelle, le royaume du Maroc sous la direction de sa Majesté le Roi Mohammed VI, a créé des institutions religieuses transnationales :

  1. L’institut Mohammed VI pour la formation des imams, morchidines et morchidates : Dahir Chérifien n°1-14-103 du 20 Rejeb 1435 (20 mai 2014)

L’utilisation par le royaume du Maroc, de la dimension religieuse dans la diplomatie n’est pas née ni hier dans les années 80 lors qu’il s’est retiré de l’Organisation de l’unité africaine ni aujourd’hui lors de la création de l’institut Mohammed VI pour la formation des imams, morchidines et morchidates en 2014, en revanche, le Maroc a toujours utilisé la feuille de la religion pour garder sa relation avec l’Afrique subsaharienne.

Cependant, l’investissement du Maroc dans la diplomatie religieuse en Afrique est le résultat d’un impératif constant et incontournable imposé par les relations historiques avec les pays, tribus et royaumes d’Africain subsaharienne depuis la conquête islamique jusqu’à la fin du colonialisme français

L’institut Mohammed VI pour la formation des imams, morchidines et morchidates s’agit d’une institution marocaine à ambitions religieuses transnationales. Ce centre accueillit et forme des imams venant d’Afrique conformément à l’islam du juste milieu (l’islam au Maroc).

En effet, La formation des imams, des prédicateurs et prédicatrices constitue un important capital humain en matière de lutte contre la radicalisation et l’extrémisme en Afrique. Il a pour objectif, de mouvoir une dynamique positive au sein du champ religieux, et de promouvoir les préceptes de l’Islam du juste milieu, de la modération, de la tolérance et de l’ouverture sur l’autre.

Pour soutenir une telle diplomatie, le Maroc a créé en 2015 une institution religieuse composée de plusieurs imams et guides religieuses des pays africains tels que le Mali, la Côte d’Ivoire, le Gabon, la Mauritanie et la Guinée, nommée la fondation Mohammed VI des oulémas africains. L’objectif visé par royaume chérifien, c’est de promouvoir la « sécurité spirituelle » du Maroc via la diffusion d’un islam du juste milieu, contre les velléités de l’extrémisme et les doctrines étrangères à notre éducation et à notre morale, soit le wahhabisme, comme source du salafisme djihadiste[25].

C’est un esprit pour le royaume d’unifier les efforts ainsi que les modes de collaboration entre les oulémas marocains et leurs homologues africains, la fondation ouvre de centres religieux, scientifiques et culturels, la revitalisation du patrimoine culturel islamique africain commun, en valorisant l’islam du juste milieu.

Cette institution, en plus de promouvoir les relations de coopération politique et économique, incarne la profondeur des anciens liens spirituels qui continuent de relier l’Afrique subsaharienne au royaume du Maroc dans l’unité de foi, de doctrine et d’héritage culturel commun.

Il faut rappeler aussi que, cette restructuration a pris aussi au niveau interne,
une dimension institutionnelle, à travers la révision des textes gérant le ministère des Habous et des affaires islamiques au royaume du Maroc. C’est dans ce cadre que le Conseil Supérieur des Oulémas au Maroc est désigné comme la seule institution autorisée à émettre des Fatwas dans le royaume.

En d’autres termes, cette restructuration a pour objet de faire face au phénomène de radicalisation, de terrorisme religieux et de combattre les idées et pensées extrémistes.


[1] Voir l’article 41 et 47 de la constitution du Royaume du Maroc,

[2] http://www.axl.cefan.ulaval.ca/afrique/maroc-1demo.htm

[3] Ibid

[4] سعيد بنسعيد، التنزيل الدستوري في المغرب، جريدة الشرق الأوسط، عدد 12357 ، 27 سبتمبر 2012

[5] La constitution marocaine 2011, art 7

[6] Ibid, art 3

[7] Ibid, art 175

[8] Convention de Vienne sur le droit des traités 1969, art 19

[9] Claude Julien, Le Monde diplomatique, mai 1960, P3

[10] INSTITUT AMADEUS, Le Maroc en Afrique La Voie Royale, Sous la direction de Brahim FASSI FIHRI, Institut Amadeus, Rabat Maroc, 2015, P7

[11] Jean-Yves Moisseron et Jean-François Daguzan, LES AMBITIONS RÉGIONALES MAROCAINES EN AFRIQUE SUBSAHARIENNE : UNE DIPLOMATIE ROYALE, ESKA | « Maghreb – Machrek », 2019/2 N° 240, P 82

[12] Coran [2 ;143]

[13] Ibid, [55 ;8]

[14] Ibid, [21 ; 22]

[15] Op. cit, la constitution du Royaume du Maroc, art 41 et 47 de,

[16] Préambule de la Constitution du Royaume du Maroc 2011

[17] Idem, article 3, p

[18] Cédric Baylocq et Aziz Hlaoua, DIFFUSER UN « ISLAM DU JUSTE MILIEU » ? Les nouvelles ambitions de la diplomatie religieuse africaine du Maroc, Boeck Supérieur | « Afrique contemporaine », 2016/1 n° 257, P115. et Ismaïl Regragui, La diplomatie publique marocaine : une stratégie de marque religieuse ? l’Harmattan, 2013, P 98

[19] Discours du trône 30 juillet 2003.

[20] L’économiste, Gestion du champ religieux Le modèle marocain, un pari à gagner, Edition N°:2167 Le 08/12/2005

[21] Le Matin, 17 septembre 2001

[22] Op. cit, Jean-Yves Moisseron et Jean-François Daguzan, P 83

[23] Magnus Ranstorp, les causes profondes de l’extrémisme violent, documents d’analyse de RSR/RAN, 04/01/2016, p1

[24] Op. cit, Cédric Baylocq et Aziz Hlaoua, P 114

[25] Michel Foucher, Le nouvel environnement stratégique Un aide-mémoire aux Européens, Gallimard | « Le Débat », 2016/3 n°190, P 24

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