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Principe de subsidiarité entre théorie et pratique

Principe de subsidiarité entre théorie et pratique

Principale of subsidiarity between theory and practice

Dounya Faouzi

Doctorante, chercheuse  à l’Université Mohammed V

Faculté de droit de salé

RESUME

Entre discours et réalité, la subsidiarité tente de répondre à des problématiques liées essentiellement à la relation entre le pouvoir central et les entités inférieurs.

Est ce que le principe de subsidiarité est en mesure de mettre fin aux enchevêtrements de compétences ? Est ce qu’il répond pratiquement aux défis soulevés par les différents régimes politiques? La décentralisation peut-elle inclure ce principe sans dénaturer son essence ?

Les débats ne cessent de se produire et se développer au sein des politiciens, théoriciens et praticiens, sur l’utilité et la faisabilité de la subsidiarité dans la relation entre les entités territoriales et le pouvoir central. C’est un principe implanté aux Etats décentralisés suite à des exigences politiques et institutionnelles et il complète la décentralisation en quelques lignes et l’opposes-en d’autres. Mais, s’agit-il réellement d’une solution présentée suite à des choix politiques mures tendant à moderniser  l’Etat et à instaurer une reforme de fond dans la relation entre les pouvoirs publics ou bien un slogan des discours politiques non fondu.

ABSTRACT

Between discourse and reality, subsidiarity attempts to respond to problems linked essentially to the relationship between the central power and the lower entities.

Is the principle of subsidiarity able to end the entanglement of skills? Does it practically respond to the challenges raised by the different political regimes? Can decentralization include this principle without distorting its essence?

Debates continue to occur and develop within politicians, theorists and practitioners, on the usefulness and the feasibility of subsidiarity in the relationship between territorial entities and central power. It is a principle implanted in decentralized states following political and institutional requirements and it completes decentralization in a few lines and opposes it in others. But is it really a solution presented following ripe political choices tending to modernize the State and to institute a fundamental reform in the relation between the public powers or a slogan of the political speeches not melted.

Les mots clés : subsidiarité , collectivités territoriales , constitution , lois organiques…   .

La subsidiarité est un principe constitutionnel ou normatif dans plusieurs pays, visant le recadrage de la clarification des compétences et des pouvoirs entre le centre et la périphérie.

Déplacé de la philosophie sociale pour devenir un principe universellement reconnu et intégré clairement dans les rapports entre les Etats européens, notamment dans le traité sur l’union européenne, dans la charte des droits fondamentaux, dans la convention européenne des droits de l’homme et dans les constitutions de plusieurs pays fédéraux, régionaux et unitaires. La subsidiarité a un fondement et une réelle force épistémologique.

La consécration théorique de ce principe c’est s’attachée à remédier aux carences de l’initiative privée ou aux imperfections de l’intervention d’une entité publique. C’est un mécanisme organisationnel visant à la clarification de la répartition des pouvoirs et comme solution aux enchevêtrements et conflits de compétences entre autorités publiques.

La subsidiarité est un principe de répartition des compétences. Au sein d’un Etat unitaire, elle règle le cadre et les limites des organisations infra-étatiques.[1] Il s’agit donc d’une nouvelle façon de penser l’intervention publique et d’une idée capable de transformer l’action publique. Selon A. Faure, la subsidiarité s’apparente à une procédure de répartition des tâches et des missions. Cependant, il ne s’agit pas d’un principe neutre permettant la répartition des compétences d’une manière évidente et objective. Le sens du principe de subsidiarité dépend en fait des négociations et des interprétations des acteurs[2].

Contrairement à la Constitution française du 4 octobre 1958 qui ne contient pas l’expression « principe de subsidiarité », l’article 140 de la Constitution marocaine du 29 juillet 2011 consacre explicitement le principe en question. Cet article dispose que : « sur la base du principe de subsidiarité, les collectivités territoriales ont des compétences  propres,  des  compétences  partagées   avec l’Etat et celles qui leur sont transférables par ce dernier… »[3].

Ainsi, sur la base de ce principe, les collectivités territoriales disposent d’un ensemble de compétences dont le cadre général et les domaines sont définis par la

Constitution et par les textes législatifs relatifs à la décentralisation.

A- La subsidiarité entre constitutionnalisation et lois organiques

1- Vue du principe à la lumière la constitution 2011:

La nouvelle constitution de 2011 cède une importance considérable à la question de la décentralisation et de la régionalisation en tant que fondement de la nouvelle architecture organisationnelle de l’Etat. Elle marque ainsi, un progrès important dans l’opération de répartition des compétences et des pouvoirs. Elle accorde aux collectivités territoriales un statut juridique complet dans l’objectif primordial de leur garantir une autonomie et une liberté d’action. Le titre IX de la constitution tente de fonder les piliers d’un nouveau rapport de l’Etat avec les collectivités territoriales. Il s’agit d’une orientation vers un régime constitutionnel consacré aux collectivités territoriales[4].

La nouvelle constitution a instauré la régionalisation avancée qui est une mise en valeur importante de la région en tant que centre d’intérêt de tout développement socioéconomique durable et intégré. La conception de ce mode d’organisation territoriale n’est identique à aucun régime politique dans le monde. Elle est particulièrement conçue pour le Maroc. D’ailleurs, l’application de la régionalisation diffère d’un pays à un autre.

La Constitution de 2011 a élevé la Région et la Province au rang de collectivités territoriales. L’article 135 dispose que  «  Les collectivités territoriales du Royaume sont les communes, les départements et  les régions. »[5] Cette reconnaissance a été accompagnée par l’attribution de l’autonomie financière et de la personnalité juridique, qui est un élément nécessaire, car elle conditionne l’autonomie organique et fonctionnelle des structures infra-étatiques, d’où une indépendance organique et des pouvoirs de décision propres, indépendants du pouvoir central. Les lois organiques du 07 juillet 2015 confirment cette reconnaissance            par      l’article2.       [6]        
Décentralisation et transferts de compétences sont unis dans un cadre large qui est celui de la réforme de l’État.  Ce transfert s’effectue selon le principe de subsidiarité  annoncé par l’article 140 de la Constitution et qui peut se définir  comme étant un principe selon lequel chaque territoire et chaque niveau de gouvernance à le devoir d’apporter des réponses spécifiques à des questions communes.  En prévoyant  que l’exercice des responsabilités publiques doit, de façon générale, incomber, de préférence, aux autorités proches des citoyens.

2-Vue du principe a la lumière des lois organiques.

La répartition des compétences entre l’État et les collectivités territoriales occupe

une place centrale dans les réformes de la décentralisation initiées en 2015. Le principe de subsidiarité est préconisé dans cette opération afin de faire correspondre chaque compétence à l’échelon territorial le mieux placé pour l’exercer « efficacement ».La subsidiarité s’impose à ce titre au moment de la détermination législative des compétences décentralisées comme elle concerne les élargissements contractuels de ces compétences.

La grande réforme des collectivités territoriales introduite en 2015 s’inscrit  dans une ère nouvelle de  la décentralisation  dominée par des objectifs liés au  renforcement des autonomies locales et à l’élargissement significatif des compétences décentralisées. En le faisant, le nouveau diapositif imagine des relations nouvelles entre l’État et les collectivités territoriales ayant pour fondement le principe de subsidiarité bénéficiant déjà de la reconnaissance constitutionnelle depuis le 29 juillet 2011. À travers cette reconnaissance constitutionnelle, la répartition des compétences entre l’État et les collectivités territoriales semble s’inscrire dans une nouvelle architecture. En effet, l’opposition entre affaires locales et affaires nationales  ne répond plus à une logique arbitraire décidée hasardeusement par le pouvoir central, mais traduit une conception construite de l’efficacité de l’action publique.

Les nouvelles lois organiques relatives aux collectivités territoriales se réfèrent au principe de subsidiarité comme nouveau fondement de la répartition des compétences. Elles lui avancent une définition mettant l’accent sur l’idée  de

« L’efficacité »[7].Relève ainsi de la compétence d’une collectivité territoriale les compétences que cette dernière est en mesure d’assurer d’une manière efficace.

B- subsidiarité contexte d’apparitions et apports

1- contexte d’apparition du principe

L’apparition du concept de subsidiarité comme principe de répartition des compétences entre les différents centres de pouvoir est marquée par un contexte politique particulier. En effet, les démocraties libérales ont connu une prolifération institutionnelle inédite, ce qui a engendré de nouveaux enjeux à différents niveaux : enchevêtrement des compétences et des responsabilités, revendication d’une plus grande implication et participation des citoyens à la gestion des affaires publiques et appel généralisé à un rapprochement entre décision et citoyen. Tous ces enjeux convergent vers une même philosophie, celle de la proximité[8].

En outre, la complexité de la gestion publique et les contraintes managériales d’efficacité administrative ont donné un nouveau souffle aux anciens débats sur l’efficacité technocratique d’une part ; et la légitimité et la proximité démocratique d’autre part.

Dans ce contexte, la subsidiarité apparait comme un principe pouvant répondre aux différents dilemmes posés et offrir des choix irritables d’accorder l’efficacité et la proximité.

Le concept de subsidiarité a vu le jour dans la terminologie de droit communautaire européen et mis en exergue au moment de la ratification du Traité de Maastricht en 1992. Il a été conçu dans l’objectif de répartir les compétences entre les institutions de l’Union européenne et les Etats membres. Par la suite, ce concept a été intégré dans de différents domaines, à tel point que Alain Faure a écrit : « l’expression “principe de subsidiarité” a investi tous les champs de nos pensées contemporaines, tant dans le domaine du philosophe, du juriste, de l’universitaire que du politique »[9].

Ultérieurement, le principe de subsidiarité a été introduit dans le droit public interne dans l’objectif d’en faire un critère objectif et raisonnable de la répartition des compétences spécialement entre l’Etat et ses entités décentralisées.

L’apparition du principe de subsidiarité est liée à deux idées principales : d’une part, il est nécessaire de procéder à des transferts de compétences et de favoriser une décentralisation maximale. D’autre part, cette conception ne remet en cause ni le rôle de l’Etat, ni celui des collectivités territoriales. Celles-ci jouissent d’une autonomie maximale, l’efficacité d’action est assurée grâce à la proximité de prise de décisions des citoyens, et en même temps le pouvoir central est toujours présent et peut intervenir à tout moment si l’efficacité d’action de l’entité inférieure est défaillante.

 2- L’apport du principe de subsidiarité

La subsidiarité est un principe directeur, qui peut guider l’action des pouvoirs centraux désirant développer et approfondir leur politique de décentralisation.

Selon Francis-Paul BENOIT, « La notion de subsidiarité se manifeste avec les compétences qui peuvent le mieux être mises en œuvre à l’échelon d’une collectivité ». Toujours selon cet auteur, la subsidiarité « vise la répartition des compétences entre l’Etat et l’échelon local mais aussi sans doute entre les différents échelons de collectivités »[10].

La subsidiarité ne peut pas signifier que les collectivités territoriales déterminent elles-mêmes les compétences qu’elles estiment être le mieux à même de mettre en œuvre. En effet, le législateur demeure compétent, aussi bien en France qu’au Maroc, pour définir les compétences de chacune des catégories de collectivités territoriales.

Néanmoins, le législateur ne détient plus une souveraineté absolue en matière de définitions des attributions des collectivités territoriales. Il est désormais tenu d’attribuer à ces collectivités les compétences qui peuvent être mieux mises en œuvre à leur échelon.

Autrement dit, le pouvoir discrétionnaire du législateur en la matière devient limité par une règle de fond sous le contrôle du juge constitutionnel. 

La particularité de ce principe c’est qu’il a remis en cause l’organisation institutionnelle et territoriale des Etats. Le régime traditionnel est devenu désormais caduc.

C- La subsidiarité entre  pratique et théorie

Entre pratique et discours, la subsidiarité essaye de trouver des réponses à des questions relatives  aux liens entre le pouvoir central et ses subordonnés.

Est ce que le principe de subsidiarité est en mesure de mettre fin aux enchevêtrements de compétences ?

Est ce qu’il répond pratiquement aux défis soulevés par les différents régimes politiques?

 La décentralisation peut-elle inclure ce principe sans dénaturer son essence ?

Les débats ne cessent de se produire et se développer au sein des politiciens, théoriciens et praticiens, sur l’utilité et la faisabilité de la subsidiarité dans la relation entre les entités territoriales et le pouvoir central. C’est un principe implanté aux Etats décentralisés suite à des exigences politiques et institutionnelles et il complète la décentralisation en quelques lignes et l’opposes-en d’autres.

  1. La complémentarité est synonyme de décentralisation et subsidiarité

La décentralisation et la subsidiarité ne s’opposent pas mais se complètent. Théoriquement c’est une conclusion juste.

La subsidiarité renforce la décentralisation et la complète. Les deux ordres poursuivent un même objectif : assurer une autonomie aux entités inférieures et limiter l’ingérence du pouvoir central au profit des entités les plus proches du citoyen. C’est une solution adéquate aux conflits de compétences. Mais la pratique pourrait nuancer ces approches.

L’application de la subsidiarité dans les Etats unitaires trouve sa pleine jouissance à travers son introduction au sein de la loi suprême qui est la constitution.

Aussi, pour permettre à cette régulation : décentralisation – subsidiarité de s’opérer pleinement il était nécessaire d’inscrire le principe de subsidiarité dans la constitution. La constitutionnalisation de ce principe dans certains pays unitaires à savoir le Maroc, permet de l’imposer à tous les acteurs de décentralisation.

 Le principe de subsidiarité n’a pas nécessairement une portée décentralisatrice, c’est-à-dire qu’il ne mène pas automatiquement vers le renforcement des attributions des collectivités territoriales. Il est vrai que ce principe vise à repenser l’intervention des pouvoirs publics dans son ensemble et à transférer davantage de responsabilités aux collectivités territoriales. Cependant, la prise en compte de certaines exigences constitutionnelles telles que l’égalité entre les citoyens, pourrait aussi conclure au choix de l’échelon national ou de l’échelon régional de préférence à un échelon préfectoral, provincial ou encore communal.

Sur un autre plan, le principe de subsidiarité n’apporte pas de réponses précises, clefs en main, sur ce que devrait être une répartition idéale des compétences entre le pouvoir central et les entités décentralisées. Cette carence revient au fait qu’il n’est pas possible de savoir à l’avance si l’exercice d’une compétence peut le mieux être mise en œuvre à tel ou tel échelon territorial. Ce n’est qu’après l’expérimentation et l’évaluation qu’il devient possible de se prononcer sur l’efficacité et la performance d’une compétence mise en œuvre à un échelon donné[11].

En définitive, l’identification des compétences qui conviennent le mieux à un échelon donné n’a rien d’évident[12]. Ainsi, le principe de subsidiarité reste un concept beaucoup plus doctrinal que pratique. Même s’il est consacré implicitement par la Constitution française et explicitement par la Constitution marocaine, son sens est ambigu et la détermination de sa portée juridique dépendrait de l’action jurisprudentielle. Seul le juge constitutionnel peut y procéder au cas par cas[13].


[1] Guillaume Drago, Le principe de subsidiarité comme principe de droit constitutionnel, in: Revue internationale de droit comparé. Vol. 46 N°2, Avril-juin 1994, pp. 583-592

[2] Territoires et Subsidiarité: L’action publique locale à la lumière d’un principe controversé, ouvrage collectif sous la direction d’Alain Faure, L’Harmattan 1997, p. 27

[3] L’article 140 de la Constitution marocaine du 29 juillet 2011.

[4] La nouvelle Constitution du 29 juillet 2011

[5] L’article 135 de la nouvelle constitution marocaine 2011

[6] Lois organiques du 07 juillet 2015 article 2

[7] . L. n° 111-14 relative aux régions, art. 6. – L. n° 112-14 relative aux provinces et préfectures, art. 4. – L. n° 113-14 relative aux communes, art. 4.

[8] Abibi Jawad <<les collectivités territoriales au Maroc à la lumière de la constitution de 2011>>  P .73

[9] Alain Faure, Territoires et subsidiarité: L’action publique locale à la lumière d’un principe controversé, l’Harmattan 1997, p. 65.

[10] Francis-Paul BENOIT, Encyclopédie des collectivités locales, Dalloz 2004, pp. 63-23.

[11]  La loi et le règlement peuvent comporter, pour un objet et une durée limités, des dispositions à caractère expérimental ». L’article 37-1 de la Constitution française de 1958

[12] Abibi Jawad <<les collectivités territoriales au Maroc à la lumière de la constitution de 2011>>  P 77.

[13] Conseil constitutionnel français, Décision n° 2004-503 du 12 août 2004/ Loi relative aux libertés et responsabilités locales. Journal Officiel du 17 août 2004, p. 14648.

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