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Mésalignement du taux de change et viabilité de la balance des paiements :

Evaluation empirique par l’approche macroéconomique de la Méthode CGER

Mésalignement du taux de change et viabilité de la balance des paiements :

Evaluation empirique par l’approche macroéconomique de la Méthode CGER

Sarra CHEIKH, Doctorante en Sciences Economiques, Faculté des Sciences Juridiques, Economiques et Sociales IBn Toufail, Kenitra.  Lalla Zhor  ALAOUI  OMARI,  Docteur, Professeur d’Enseignement supérieur, Faculté des Sciences Juridiques, Economiques et Sociales IBn Toufail, Kenitra
Abdellali FADLALLAH,  Docteur, Professeur, Institut National de la Statistique et d’Economie Appliquée.  

Résumé

L’approche macroéconomique de la méthode CGER développée par les experts du FMI, reste la principale approche pour déterminer et analyser le niveau des mésalignements. Cette méthode cherche à déterminer le niveau du TCR qui égalise entre le solde sous-jacent du compte courant, avec un solde norme qui devrait prévaloir dans le moyen terme. L’objet de cette étude donc, est de déterminer  le Taux de Change Réel d’Equilibre (TCER) et son impact dur la viabilité de la Balance des Paiements. Pour cela, on a eu recours à l’approche macroéconomique de la Méthode CGER. Selon nos résultats, l’évolution annuelle, en moyenne géométrique, du mésalignement, durant la période 2006-2017, est de l’ordre de 2,2 % selon la démarche propre au CGER, tandis que, pour les spécifications utilsées par le FMI, elle est de l’ordre de 3,4%.

Mots-clés :Mésalignement; CGER; Solde du Compte Courant Sous-Jacent, Solde Norme, Panel; Modèle à Correction d’Erreur, Soutenabilité ; Sur-Sous/Evaluation.

Abstract

The macroeconomic approach of the CGER method developed by IMF experts remains the main approach for determining and analyzing the level of misalignments. This method seeks to determine the level of the RER that equals the underlying balance of the current account, with a standard balance that should prevail in the medium term. The purpose of this study is to determine the Real Exchange Rate of Equilibrium (REER) and its impact on the viability of the Balance of Payments. For this, we used the macroeconomic approach of the CGER Method. According to our results, the annual geometric mean change in misalignment during the period 2006-2017 is of the order of 2.2% according to the CGER approach, while for the specifications used by the IMF it is round 3.4%.

Keywords:

Misalignment; CGER, Underlying Current Account Balance, Balance Standard, Panel; Model with Error Correction, Sustainability; On-Sub / Evaluation.

Introduction

Le niveau des mésalignements occupe une place importante dans la réflexion des acteurs économiques. Le suivi de l’évolution du taux de change et de son niveau attire toujours l’attention des autorités monétaires des pays, et plus particulièrement, des PED vu sa relation avec les variables macroéconomiques. Mais, son identification n’est pas encore consensuelle.

En effet, tout écart du taux de change par rapport à son niveau d’équilibre peut les affecter d’une manière significative et in fine impacter la situation économique globale d’un pays. Pendant longtemps, les notifications des pays membres au FMI ont essayé de développer des normes d’évaluation qui ont été utilisées après pour analyser le niveau du mésalignement optimal, son évolution et  ses impacts sur la croissance économique.

De telles réflexions sont nées des travaux s’employant à relier les mésalignements à la compétitivité, ce qui a conduit, ultérieurement, à une prolifération des recherches portant sur la détermination de la nature et de l’étendue de la relation entre taux de change réel et performance économique, dans un univers de plus en plus évolutif. Ainsi, quel que soit l’approche, le niveau du taux de change réel n’est pas sans conséquences sur la position extérieure et la soutenabilité de la Balance des paiements.

Le regain d’intérêt pour l’étude de la dynamique du taux de change au Maroc s’explique par deux faits économiques majeurs. En premier lieu, il a été observé que ce nouveau contexte économique, caractérisé par une intégration accrue dans les marchés internationaux et accompagné par l’adoption de régimes de change plus flottants, a amplifié les fluctuations et les déséquilibres de change. En second lieu, une distorsion persistante et récurrente du TCR est considérée être à l’origine de crises économiques et de faibles performances économiques.

Il faut rappeler que les récentes crises financières qui ont touché les pays d’Asie de l’Est, et, avant eux, le Mexique en 1995, ont révélé les risques de politiques de change inadaptées et ont permis l’émergence de nouvelles réflexions théoriques et de travaux empiriques sur leurs origines. Egalement, dans cette perspective, on comprend mieux que la détermination des sources qui alimentent la dynamique du taux de change réel,signifie celle des déterminants d’une situation d’équilibre du taux de change réel.Cette dernière suscite un intérêt tout particulier et renferme une préoccupation majeure pour les politiciens et les économistes.

Certaines études ont montré que le taux observé du dirham correspond à un équilibre qui prend en compte, principalement, les fondamentaux macroéconomiques de l’économie et les anticipations sur les fondamentaux futurs. D’autres approches ont interprété le taux de change réel comme un indicateur de la compétitivité. La valeur fondamentale du taux de change réel d’équilibre est la valeur du change réel assurant simultanément la réalisation de l’équilibre interne et de l’équilibre externe.

Le FMI a développé, également, une méthode de détermination des mésalignements du taux de change, utilisée pour les économies avancées et émergentes, incluant le Maroc. L’article « Methodology for CGER Exchange Rate Assessments » publié par le FMI, présente l’évaluation de la dynamique du taux de change d’équilibre selon trois approches:

L’Object donc,  de ce travail est d’évaluer empiriquement la dynamique du taux de change d’équilibre par l’approche macroéconomique qui constitue le fondement de la méthode CGERdéveloppée par le FMI pour déterminer, pour l’économie marocaine, les mésalignements du taux de change réel. Nous baserons notre démarche sur troisprincipaux points :

Nous présenterons en premier une synthèse de la littérature théorique de l’approche macroéconomique et les travaux empiriques pour le cas marocain. Ensuite, on procédera à une application empirique  pour la détermination de la valeur fondamentale du dirham marocain par l’approche;  pour comparer en dernier lieu les mésalignements et la cyclicité du dirham marocain issus de notre démarche avec celle de la démarche propre du FMI.

  1. Présentation générale de l’approche macroéconomique

L’évaluation de la soutenabilité du compte courant revient à déterminer si la politique de taux de change menée est adéquate, autrement dit, il s’agit d’examiner s’il y a ou non un désalignement de la monnaie par rapport à son niveau d’équilibre. La méthode CGER cherche à déterminer le taux de change réel d’équilibre qui égalise entre le “solde du compte courant sous-jacent” et le “solde du compte courant Norme” qui lui associé.

Le point de départ est l’approche par l’équilibre macroéconomique, qui met l’accent sur les conditions qui permettent la réalisation, à la fois, de l’équilibre interne et externe. L’équilibre interne est le niveau de la production compatible avec le plein emploi et un taux d’inflation soutenable. L’équilibre externe correspond au niveau du compte courant jugé défendable c’est-à-dire pouvant être financé par des capitaux étrangers à MT.

Dans la version la plus simplifiée, le solde du compte est jugé soutenable quand il est égal à zéro. Il s’agit d’examiner le niveau actuel du solde du compte qui est alors jugé insoutenable s’il est déficitaire. Toutefois, identifier zéro comme le niveau d’équilibre du compte courant omet les gains que procure l’allocation des ressources au niveau international et ne tient pas compte du fait que certains pays ont connu des déficits persistants du compte courant pour une longue période sans qu’ils ne soient jugés insoutenables.

Des approches alternatives pour définir le niveau soutenable du solde du compte courant peuvent être explorées en considérant les différentes définitions de la balance des paiements. L’identité de la balance des paiements implique que le solde du compte courant (CA) est égal au solde du compte capital et des opérations financières (CAP) comme suit: CA = CAP

Il faut rappeler que le solde du compte courant est la somme du solde commercial, des revenus nets et des transferts nets. De ce fait, le solde du compte courant dépend du taux de change réel, de la demande extérieure et de l’activité domestique.

De manière séparée, on détermine un niveau cible des flux nets des capitaux (c’est-à-dire le solde du compte capital et des opérations financières) en ne retenant, sur la base de l’examen de l’historique, que les flux de capitaux de LT au détriment des capitaux de court terme qui sont de nature plus volatiles. Il s’agit, ensuite, de calculer le taux de change réel qui permet d’égaliser le solde du compte courant avec la valeur cible des flux de capitaux. L’approche la plus communément utilisée est, toutefois, celle qui s’inspire de la définition de la balance des paiements dérivée de la compatibilité nationale, qui lie le compte courant (CA) de la balance des paiements à l’épargne (S) et à l’investissement (I) comme suit:

CA = S – I

C’est cette approche qui constitue le fondement de la méthode CGER. La mise en œuvre de cette méthode implique trois étapes :

Etape 1 : Estimation du “solde du compte courant sous-jacent”

Dans la première phase, il s’agit d’estimer, via un modèle, le “solde du compte courant sous-jacent” qui est défini comme étant le solde du compte courant qui se dégagerait aux taux de change existants si l’économie étudiée ainsi que celle de ses principaux partenaires commerciaux évoluaient à leur niveau potentiel (correspondant au membre gauche de l’équation CA = S – I). Dans le graphique ci-après, la relation entre le “solde du compte courant sous-jacent” et le taux de change réel est illustrée par la courbe SCCS.

La pente de cette courbe est négative parce qu’une appréciation du taux de change réel cause une détérioration du compte courant sous-jacent. Le taux de change réel étant R1, la tâche consiste à identifier le solde du compte courant qui lui est associé, soit CA1. Pour cela, il faut disposer, tout d’abord, d’un modèle de projection pour les composantes du compte courant.

Dans la première phase, il s’agit d’estimer, alors, au moyen d’un modèle, le “solde du compte courant sous-jacent” qui est défini comme étant le solde du compte courant qui se dégagerait des taux de change existants si l’économie étudiée ainsi que celle de ses principaux partenaires commerciaux évoluaient à leur niveau potentiel (correspondant au membre gauche de l’équation CA = S – I). 

Dans tous les cas, et quel que soit le niveau d’agrégation retenu, l’estimation de l’équation de comportement d’une composante du compte courant de la balance des paiements revient, en général, à estimer l’élasticité-prix.

Cette dernière représente la variation relative de la variable considérée rapportée à la variation des prix relatifs, et l’élasticité-demande qui est la variation relative de la variable considérée par rapport à la variation de la demande interne dans le cas des importations ou de la demande externe dans le cas des exportations.

Etape 2 : Détermination du solde structurel du compte courant

Dans cette phase, qui se focalise sur le membre droit de l’équation “CA = S – I”, on estime le niveau d’équilibre, jugé soutenable, du gap épargne-investissement en se basant sur les déterminants à moyen terme de l’épargne et de l’investissement, de manière indépendante du niveau du taux de change réel.

Etape 3 : Détermination du taux de change réel d’équilibre et de l’amplitude du désalignement et jugement

A ce stade, nous disposons, à l’issue des deux premières phases, de deux valeurs pour le compte courant, la première correspond au “solde du compte courant sous-jacent” et la seconde au “solde cible du compte courant”. Si ces deux valeurs diffèrent, cela signifie que les variables économiques, en particulier le taux de change, doivent être ajustées pour atteindre leur niveau d’équilibre de moyen terme. 

L’approche macroéconomique de la méthode CGER constitue un instrument de veille et de prédiction, sur le MT, des mésalignements du taux de change réel. Les évaluations du CGER ne sont pas déterminées pour être des prévisions, en principe, sur le CT. Au contraire, elles constituent des estimations de la valeur actuelle du taux de change réel par rapport à un équilibre qui se base sur des fondamentaux macroéconomiques.

De nombreux pays ont eu recours à cette méthode pour l’estimation à MT de leur niveau de dynamique du TCT. Ces travaux ont tendance à être propres à chaque pays, en fonction des spécificités macroéconomiques, telles que la composition de la production nationale, la taille du système bancaire et financier, la taille du pays et la composition des exportations et des importations.

En appliquant la méthodologie de l’équilibre macroéconomique, le CGER a mis l’accent sur deux approches pour déterminer des estimations des comptes courants sous-jacents. Une approche, développée par le Département de recherche du FMI (RES), basée sur un modèle commercial standard qui a une structure relativement simple et emploie des équations ordinaires et des valeurs de paramètres entre les pays. Le modèle suppose que les quantités d’exportation (importation) dépendent, à la fois, du niveau d’activité à l’étranger (domestique) et des valeurs actuelles et retardées du taux de change effectif réel.

Parmi les principales limites de ce modèle, on cite la distraction de la facture énergétique, et principalement pétrolière, ainsi que d’autres éléments du compte courant (les transferts et les revenues) et qui constituent une part importante dans la balance des paiements marocaine. Ce modèle emploie les spécifications des équations et des valeurs communes entre  les pays et traite les pays comme un ensemble homogène.

La deuxième approche est basée sur les projections des comptes courants des experts des pays du FMI dans le cadre des estimations du World Economic Outlook. Les projections sont subordonnées du TCR inchangé. En outre, les projections pour l’horizon de cinq ans, et sous hypothèse que les économies fonctionnent à leur production potentielle, peuvent être  interprétées comme des estimations des positions sous-jacentes des comptes courants.

L’étape de l’estimation du compte sous-jacent repose sur l’élasticité des échanges: la base de ces élasticités est qu’on peut estimer  la variation des exportations et des importations suite à une dépréciation de 1% du TCER. Ces élasticités sont au cœur de nombreux débats et études académiques. Plusieurs études ont porté sur l’estimation des équations du commerce extérieur afin d’évaluer les élasticités d’exportation et d’importation.

Senhadji, en analysant les importations réelles de biens et services du Nigeria, a trouvé des élasticités-prix de CT et de LT de -0,3 et -0,8, respectivement. Ce résultat montre l’existence d’un délai de réaction des volumes aux variations des prix relatifs et de l’activité[1].  Les élasticités utilisées sont constantes entre les PED, avec une distinction entre les économies avancées (elles sont égales à -0,7 pour les exportations et à 0,92 pour  les importations) et les PED (-0,53 et 0,69, respectivement).

Concernant la détermination du compte norme, la première étude a été menée par Isard et Faruqee (1996). Ils ont utilisé des données de panel pour des pays industrialisés afin d’examiner les déterminants du compte courant norme. Les analyses empiriques ont montré l’existence d’un impact du niveau de développement et des facteurs démographiques sur le compte courant : la politique budgétaire a un impact sur le compte courant à court et à LT, le TCER et les termes de l’échange ont un impact à CT alors que le niveau de développement et la démographie ont des effets à LT. Des études ultérieures ont étendu l’approche à des  grands groupes de pays avec un nombre élevé de variables.

A cet effet, l’article de base de la  méthodologie CGER, élaboré en 2006, reflète la préoccupation du FMI de veiller sur l’évaluation du taux de change grâce à l’instauration, depuis les années 1990, du conseil consultatif du taux de change.

L’estimation a concerné 54 pays qui ont été choisis en raison de leur importance dans le commerce mondial pour la période allant de 1973 à 2004. Les coefficients de l’équilibre budgétaire, des AEN, de la balance pétrolière et du revenu relatif sont significatifs avec un signe positif, par contre, le ratio de dépendance et le taux de croissance ont un effet négatif sur le compte courant.

L’article de base de la  méthodologie CGER« Methodology for CGER Exchange Rate Assessments », élaboré en 2006, reflète la préoccupation du FMI de veiller sur l’évaluation du taux de change grâce à l’instauration depuis les années 1990, du conseil consultatif du taux de change. L’estimation a concerné 54 pays (économies avancées et émergentes, incluant le Maroc), et quiont été choisis en raison de leur importance dans le commerce mondial pour la période allant de 1973 à 2004.

L’approche macroéconomique de la méthode CGER constitue un instrument de veille et de prédiction, sur le MT,des mésalignements du taux de change réel. Les évaluations du CGER ne sont pas déterminées pour être des prévisions, en principe, sur le CT. Au contraire, elles constituent des estimations de la valeur actuelle du taux de change réel par rapport à un équilibre qui se base sur des fondamentaux macroéconomiques.

De nombreux pays ont eu recours à cette méthode pour l’estimation à MT de leur niveau de dynamique du TCT. Ces travaux ont tendance à être propres à chaque pays, en fonction des spécificités macroéconomiques, telles que la composition de la production nationale, la taille du système bancaire et financier, la taille du pays et la composition des exportations et des importations.

En appliquant la méthodologie de l’équilibre macroéconomique, le CGER a mis l’accent sur deux approches pour déterminer des estimations des comptes courants sous-jacents. Une approche, développée par le Département de recherche du FMI (RES), basée sur un modèle commercial standard qui a une structure relativement simple et emploie des équations ordinaires et des valeurs de paramètres entre les pays. Le modèle suppose que les quantités d’exportation (importation) dépendent, à la fois, du niveau d’activité à l’étranger (domestique) et des valeurs actuelles et retardées du taux de change effectif réel.

Parmi les principales limites de ce modèle, on cite la distraction de la facture énergétique, et principalement pétrolière, ainsi que d’autres éléments du compte courant (les transferts et les revenues) et qui constituent une part importante dans la balance des paiements marocaine. Ce modèle emploie les spécifications des équations et des valeurs communes entre les pays et traite les pays comme un ensemble homogène.

La deuxième approche est basée sur les projections des comptes courants des experts des pays du FMI dans le cadre des estimations du World Economic Outlook. Les projections sont subordonnées du TCR inchangé. En outre, les projections pour l’horizon de cinq ans, et sous hypothèse que les économies fonctionnent à leur production potentielle, peuvent être interprétées comme des estimations des positions sous-jacentes des comptes courants.

L’étape de l’estimation du compte sous-jacent repose sur l’élasticité des échanges: la base de ces élasticités est qu’on peut estimer  la variation des exportations et des importations suite à une dépréciation de 1% du TCER. Ces élasticités sont au cœur de nombreux débats et études académiques. Plusieurs études ont porté sur l’estimation des équations du commerce extérieur afin d’évaluer les élasticités d’exportation et d’importation. L’évaluation de la dynamique du TCER se déterminante selon trois approches:

L’approche macroéconomique :

L’approche macroéconomique détermine l’ajustement du taux de change réel qui égalise le solde sous-jacent avec un solde norme du solde extérieur courant, en deux principales étapes. En premier lieu, on calcule la norme du solde extérieur courant à partir d’un ensemble de variables macroéconomiques: solde budgétaire, ratio de dépendance des retraités, taux de croissance démographique, avoirs extérieurs nets (AEN) en début de période, solde pétrolier, taux de croissance du PIB réel par habitant et revenu relatif. En deuxième lieu, on calcule l’ajustement du taux de change qui égalisera cette norme et le solde sous-jacent par le jeu des élasticités des exportations et des importations au taux de change réel.

La viabilité extérieure : 

La méthode de la viabilité externe détermine l’ajustement du solde extérieur courant qui stabilise les avoirs extérieurs nets en pourcentage du PIB à un niveau de référence. Le solde extérieur courant qui stabiliserait la position des avoirs extérieurs nets se détermine par la formule suivante :

où g représente le taux de croissance du Maroc et i* l’inflation aux Etats-Unis (les avoirs et engagements extérieurs du Maroc étant libellés en monnaies étrangères).

Le Taux de Change d’équilibre:

La méthode du taux de change réel d’équilibre détermine un taux de change réel d’équilibre via une régression sur variables macroéconomiques et la compare avec une estimation de base. Les variables retenues dans la régression sont : l’indice de restriction des échanges, le contrôle des prix, les termes de l’échange, les avoirs extérieurs nets, la consommation des administrations publiques et l’écart de productivité entre le Maroc et les pays partenaires.

Le calcul du Taux de change d’équilibre du Maroc par la méthodologie CGER a été basé sur les données des perspectives de l’économie mondiale (WEO). Le choix de l’échantillon des pays à retenir porte sur les 25 premiers pays partenaires, en fonction de l’importance de chaque pays dans les échanges commerciaux du Maroc.

Les principaux résultats issus des travaux du FMI sont résumés dans le tableau suivant :

Tableau 1 : Résultats des travaux du FMI

 Approche économiqueViabilité extérieureTaux de change d’équilibreMoyenneEvaluation globale
2006-13,4%-2,1%-22,3%-12,6%Sous-évaluation qui se situe entre -3% et 23%
20073,1%-3,8%-5,2%-1,9%Absence de mésalignements
200814,9%-8,1%6,9%4,6%Mésalignements entre -9% et 15%
200913,6%-5,5%16,1%8,1%Mésalignements entre -6% et 17%
201021,7%-2,2%11,2%10,2%Mésalignements entre –3% et 23%
201122,3%-2,5%11,6%10,7%Mésalignements entre –2% et 23%
201224,1%-4,1%18, 1%9,7%Mésalignements entre -4% et 25%
201322,3%-3,1%1à,2%10,2%Mésalignements entre –3% et 23%

Source : Rapports d’article V du FMI.

Sur la période 2006 – 2013, l’analyse de la dynamique du taux de change réel d’équilibre selon les rapports du FMI, laisse entrevoir trois périodes distinctes de sur ou sous-évaluation. L’année 2006, où le taux de change réel effectif du dirham était sous-évalué par rapport à son niveau d’équilibre. L’année 2008, où la tendance s’inverse et le DH était en équilibre. La période (2008-2013), où la tendance s’inverse et le DH était sous-évalué. 

L’approche macroéconomique à travers l’estimation des coefficients et des élasticités de méthode CGER comme l’approche par équilibre macroéconomique, précédemment calculée, stipule la réalisation, à la fois, de l’équilibre interne et de l’équilibre externe. L’équilibre externe correspond au niveau du compte courant jugé soutenable.

Notre étude fournit une évaluation de l’approche macroéconomique au Maroc en utilisant des méthodes similaires à celles développées par le Groupe consultatif du Fonds monétaire international sur les questions du taux de change(CGER).

L’estimation du solde du compte courant sous-jacent se fera à travers le calcul des élasticités prix et revenu du bloc du commerce extérieur (exportations et importations), sous l’hypothèse que l’économie du Maroc et celle de ses partenaires évoluent à leur niveau potentiel, avec des données annuelles de 1980 à 2014, et par le modèle à correction d’erreur(MCE).

L’estimation du compte courant norme portera sur un échantillon de trente et un pays à revenu intermédiaire en utilisant un panel Statique. L’approche macroéconomique développée par notre étude sera déterminée, également, par deux étapes :

Etape 1 : L’estimation du “solde du compte courant sous-jacent » :

Pour estimer le solde du compte courant sous-jacent de l’économie marocaine, nous utiliseronsun modèle de projections d’équilibre qui se base, dans son volet compte courant, sur des équations régressées et désagrégées pour les échanges de biens. Nous calculons, Tout d’abord, la demande externe potentielle adressée au Maroc comme la moyenne de la production potentielle des principaux partenaires pondérée par leurs poids relatifs dans les exportations du Maroc.

Nous procéderons, en deuxième lieu, au calcul des élasticités des exportations et des importations au taux de change, à travers un modèle à correction d’erreur. Les modèles à corrections d’erreur déterminent les ajustements qui permettent d’avoir une situation d’équilibre de LT. Ce sont des modèles qualifiés de dynamiques qui permettent une intégration, à la fois, des évolutions de court terme et de long terme des variables. Les élasticités des exportations seront estimées à partir des équations suivantes :

Exportations: Pour les exportations, on considère comme principaux déterminants de l’évolution des quantités exportées, les prix relatifs TCER vis-à-vis des principaux pays partenaires et un indicateur de la demande extérieure (PIB des principaux pays partenaires en termes constants).

Les élasticités sont estimées à partir de la relation économétrique suivante:

ln(X) = α + β ln (TCER) + γ ln(PIBmonde)+ µ

X: Indice de la quantité des exportations, TCER: taux  de change effectif réel, PIB monde: le PIB des pays partenaires en termes constants.

Importations : En ce qui concerne les importations, les principaux déterminants sont les prixrelatifs et un indicateur de la demande intérieure (PIB constant). L’équation logarithmique reliant les quantités importées est de la forme suivante:

Ln( M ) =a + b.ln(TCER) + c.ln(PIBmaroc) + u

M: indice des quantités des importations, TCER: taux de change effectif réel, PIBmaroc: le PIB en termes constants.

La relation de long terme pour l’équation des exportations est donnée par :

LEXPOR = 0,0010*DPIB – 0,6398*LTCER + 0,7693

La relation de long terme pour l’équation des importations est donnée par :

LIMPOR = -0.0045*DPIBP + 0.8567*LTCER – 0.1434

Sur la base de ces valeurs et des taux de change existants, la mise en application du modèle de la balance des paiements décrit plus haut, sur la base des données à fin 2014, donne une estimation du solde sous-jacent du compte commercial autour de -2,6% du PIB à MT.

Etape 2 : L’estimation du solde structurel du compte courant :

La deuxième spécification est inspirée de l’article « Exchange Rate Asessments : CGER Methodologies » où nous mettrons en pratique sa méthodologie pour l’estimation du compte courant norme marocain, entre 2000 à 2017, dans le cadre d’un panel statique et sur trente-et-un pays à revenu intermédiaire selon la classification de la banque mondiale qui repose sur le niveau du revenu national brut par habitant.

Il faut rappeler que la littérature sur les déterminants des taux de change réel est très vaste. Les analyses empiriques diffèrent dans le choix des fondamentaux du taux de change réel, en partie, pour des raisons de disponibilité des données. Ainsi, nous avons retenu les variables fondamentales suivantes :

La deuxième étape concerne le test de spécification des effets individuels d’Hausman. D’un point de vue pratique, le modèle à effets fixes est coûteux en termes de pertes de degrés de liberté. Cependant, l’hypothèse du modèle à effets aléatoires qu’il n’y a pas de corrélation entre les effets individuels et les autres régresseurs est peu justifiée. Le test de spécification d’Hausman est appliqué à des problèmes de spécification en économétrie. Il sert ainsi à discriminer les effets fixes et aléatoires.

L’équation déterminante du compte courant est de :

CA = 0.0013* (Solde budgétaire) -1.053* (Taux de d’dépendance) + 0.391* (Taux de croissance démographique) +0.324 * (AEN initiaux) +  0.15 * (Balance énergétique) + 0.766 * (Croissance économique) + 0.007 * (Revenu relatif)

Il suffit de multiplier les valeurs respectives de chaque variable par le coefficient du modèle retenu pour pouvoir retrouver la valeur du compte courant norme pour chaque année.

Tableau 2: Synthèse des résultats & Calcul du SSCC et du SNCC

 Solde sous-jacentSolde NormeTCREEvaluation globale
2010-2,6%-2,11%15,8%Insoutenabilité
2011-2,8%-1,88%14,6%Insoutenabilité
2012-1,5%-1,66%12,5%Insoutenabilité
2013-1,4%-1,53%10,1%Insoutenabilité
2014-2,6%-2,71%14,4%Insoutenabilité
2015-2,1%-1,54%13,2%Insoutenabilité
2016-1,9%-1,2%11,3%Insoutenabilité
2017-1,1%-1,21%9,2%Insoutenabilité

La méthode de l’équilibre macroéconomique avec les estimations établies par nos soins  indique que le dirham impacte négativement la soutenabilité de la balance des paiements marocaine à partir de 2008.

Tableau 3: Synthèse des résultats avec les coefficients du FMI

 Solde de la BPSolde sous-jacentSolde NormeTaux de change d’équilibreEvaluation globale
2010-4,54,9%-1,1%19,3%Insoutenabilité
2011-8%8,7%-1,3%21,2%Insoutenabilité
2012-7,9%8,5%-1,1%18,5%Insoutenabilité
2013-5,4%5,9%-0,12%15,7%Insoutenabilité
2014-2,5%-2,1%14,1%-2,4%Insoutenabilité
2015-2,2%-1,4%13,5%-2,3%Insoutenabilité
2016-2,2%-1,3%11,8%-2%Insoutenabilité
2017-1,2%-1, 1%8,3%-1,4%Insoutenabilité

La méthode de l’équilibre macroéconomique, selon la démarche méthodologique du FMI, indique aussi que la balance des paiements est insoutenable à partir de 2008. En dernier lieu, on doit rappeler que cette approche présente de nombreuses difficultés.  En pratique, le choix du niveau soutenable est un sujet de discussion : Elle est fondée sur une analyse statique et souffre des hypothèses faites sur l’équilibre interne. Finalement, l’estimation du compte sous-jacent ignore-t-elle une partie importante des composantes du compte courant, à savoir, les transferts et les revenus.

Conclusion

L’expérience internationale en matière de taux de change a montré qu’une monnaie surévaluée peut être à l’origine de retombées négatives sur la viabilité de la position extérieure d’un pays.  C’est pourquoi la plupart des économistes ont mis l’accent sur l’importance et la nécessité pour les pays de mettre en place des politiques de change appropriées capables d’atténuer, voire mieux, d’éliminer, les répercussions défavorables d’un taux de change surévalué. Dès lors, la question des mésalignements, occupe une place cruciale dans les choix de politiques économiques.

L’objectif recherché, à travers cette étude, est l’estimation des mésalignements du taux de change réel au Maroc. Pour cela, on a eu recours à l’approche macroéconomique de la méthode CGER développée par les experts du FMI. Cette méthode évalue le niveau des mésalignements qui détermine le niveau du mésalignement par l’égalisation du “solde du compte courant sous-jacent” et le solde structurel du compte courant.

Dans notre étude, nous avons procédé à deux démarches méthodologiques : La première démarche consiste en la détermination des spécifications propres à notre étude, par l’estimation des différentes élasticités (exportation et importations) du compte courant sous-jacent par un MCO, une spécification propre à la détermination du compte norme par un panel statique à effet variable pour le TCR marocain. La deuxième consiste à reprendre la méthode propre de CGER, par l’utilisation des différentes élasticités des coupes transversales du compte norme et du TCR, utilisées par le CGER mais adaptés à notre échantillon de l’étude.

Selon les résultats des deux démarches, nous avons trouvé deux phases de dynamique du taux de change. La première marque une sous-évaluation et une soutenabilité de la balance des paiements avant l’année 2008. La deuxième marque une surévaluation et une insoutenabilité de la position extérieure. Cela peut trouver son explication dans la nature de la détermination du TCR et sa gestion.

L’évolution annuelle, en moyenne géométrique, du mésalignement, durant la période 2006-2017, est de l’ordre de 2,2% selon la démarche propre au CGER, tandis que, pour notre spécification, elle est de l’ordre de 3,4%. Ceci nous ramène à s’interroger sur l’impact des mésalignements sur les principales variables économiques, le niveau de la croissance, les échanges extérieurs, l’investissement et l’épargne nationales pour atteindre un objectif de valeur de taux de change soutenable.

Annexes :

Tableau 4 : Les pondérations utilisées

PaysPondération
Belgique3,65
Canada1,78
Chine3,47
France31,24
Germany11,31
Inde3,66
Italie8,33
Japan4,05
Espagne13,91
Royaume Unis10,03
USA8,57
 100%

[1] SENHADJI,  (1995), Properties of the Fundamental Equilibrium Exchange Rate in Models of the Nigeria Economy, National Institute Economic Review, N° 141, Août, 9-15.

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