Le régime de la responsabilité administrative médicale pour faute Contribution à l’étude de l’appréciation de la faute médicale par la Jurisprudence administrative marocaine
Boudellah Youns
étudiant chercheur au cycle du doctorat a l’Université Med V Rabat
Faculté des sciences juridiques, économiques et sociales Salé
Le législateur marocain de l’époque du protectorat a consacré un principe[1] selon lequel la responsabilité de l’Etat soit engagée sur la base d’une faute commise par l’administration[2], ou par les agents de celle-ci, mais qui est à elle imputable. Par ailleurs, selon l’article 79 du D.O.C l’Etat peut voir sa responsabilité engagée malgré l’absence d’une faute commise de sa part. Donc, on peut dire que la responsabilité de l’administration y compris les hôpitaux publics au Maroc est une invention du législateur et pas de la jurisprudence comme c’était le cas en France[3].
Néanmoins, il faut préciser que l’article 79 du D.O.C qui consacre deux régimes de la responsabilité administrative, n’a pas déterminé les cas où il faut appliquer le régime de la responsabilité pour faute, ni les cas où il faut appliquer le régime de la responsabilité sans faute, ceci dit, ce travail est purement une tache de la jurisprudence qui doit être en mesure d’établir une distinction entre les cas où l’adoption de tel ou tel régime est justifiée[4].
Dans cette optique, on a assisté à une application étendue du régime de la responsabilité pour faute à l’instar des principes adoptés en France, et ce jusqu’à 1968 la date où l’ex-président de la cour suprême feu bahnini a préconisé que l’article 79 du DOC consacre un régime de responsabilité sans faute[5]. Mais d’après les cas de la jurisprudence que nous avons étudié il apparu clairement que l’application du régime de la responsabilité objective est très restrictive par conséquent ce dernier régime ne fait l’objectif de ce travail ; il ne sera pas traité.
Le régime de la responsabilité pour faute, correspond à une idée de sanction selon laquelle celui qui a commis une faute doit en réparer les conséquences[6].
Elle correspond aussi à l’idée de la réparation du préjudice, car il n’est pas normal que la victime supporte les conséquences d’un fait dommageable réalisé par un tiers. Le régime de la responsabilité pour faute été le premier appliqué par les tribunaux marocains[7].
Au Maroc, ce régime de la responsabilité de l’Etat est consacré par le législateur de 1913, alors en France la responsabilité de l’Etat été entièrement une œuvre inventée par la jurisprudence[8] désormais la décision Blanco ou bien avant[9].
En effet, en relation avec la responsabilité du service public hospitalier, la jurisprudence française est renversée à un certain temps vers l’admission de la responsabilité de l’hôpital quoi que ce soit le degré de la faute, les mêmes principes sont adoptés par la jurisprudence Marocaine. Mais il importe de préciser ici que si la jurisprudence française a connu une progression dans l’admission de la responsabilité administrative premièrement sur la base d’une faute lourde, puis sur la base d’une faute simple c’est parce qu’il n’existe pas en France une loi identifiant les caractères de la faute qui peut engager la responsabilité de l’hôpital.
Néanmoins au Maroc depuis 1913, la date d’instauration des règles de droit positif, la faute engageant la responsabilité des services publics est belle et bien définie par l’article 79 et l’article 80 du D.O.C. A cet égard, il faut préciser que l’article 79 n’exige pas aucune gravité de la faute, c’est-à-dire il suffit la preuve d’une faute simple pour engager la responsabilité d’un service public.
En effet, le régime de la responsabilité pour faute a connu une application très étendue au Maroc, cela veut dire d’après les décisions juridictionnelles examinées que les juridictions administratives nécessitent toujours la présence d’une faute en relation de cause à effet avec un dommage.
En effet, la notion de la faute administrative médicale est au centre de la responsabilité administrative quoi que ce soit le régime appliqué, elle doit être alors déterminée avec précision, cette tache constitue l’objectif ultime de ce modeste travail.
A ce stade, la faute administrative médicale, s’appréciée d’abord sur le plan de la gravité. Car, la responsabilité administrative et notamment celle du service public hospitalier ne s’engage que si la faute génératrice du dommage présente un certain degré de gravité (première partie), par ailleurs la faute commise au sein d’un hôpital public n’engage pas automatiquement la responsabilité de ce service bien au contraire elle peut être imputable[10] à l’un des professionnels exerçants au sein de cette structure (deuxième partie), faut-il alors distingué entre la faute de service est celle personnelle.
Première partie : l’appréciation de la faute administrative médicale selon la gravité.
La jurisprudence administrative marocaine comme celle française, distinguent entre la faute lourde et la faute simple. Ceci dit, que la gravité de la faute est très importante dans l’appréciation de la responsabilité du service publique hospitalier, alors après l’admission de la responsabilité de l’Etat, la jurisprudence a basé la responsabilité de ce dernier sur la faute lourde (B) en interprétant l’article 79 du D.O.C à la lumière de la jurisprudence française. Cette interprétation a été abandonnée désormais 2004 la date où la cour suprême décide dans un arrêt que la faute simple suffit pour engager la responsabilité d’un service public (A).
A: La faute simple
Le concept de la faute simple a été imaginé dés la naissance de la responsabilité hospitalière[11], dans cette époque le Maroc était encore dépendant au protectorat français. Le législateur Marocain comme son homologue français n’a pas réservé à la faute simple aucune définition, ceci dit, que les cas où la responsabilité de fait du service public hospitalier est retenue sur la base d’une faute simple sont dégagés par la jurisprudence[12].
Bref, les cas où le juge administratif retenue la responsabilité du service public hospitalier pour faute simple sont entre autre, les fautes liées aux actes de soins (les piqûres et les injections) et les fautes de l’organisation et du fonctionnement du service[13].
S’agissant des fautes dans les actes de soins, elles recouvrent tous les actes exécutés par un non médecin c’est-à-dire les actes qui peuvent être exécutés par les infirmiers et les autres agents travaillant dans l’hôpital public en l’occurrence le personnels administratifs.
Cette solution pragmatique est adoptée par la jurisprudence en France depuis plusieurs années. Ensuite, certains auteurs de droit administratif marocain voient dans cette solution une utilité certaine de telle sorte qu’ils recommandent son application pour le cas Marocain[14].
Dans ce contexte, il faut admettre que le juge administratif marocain ne s’attache pas en principe à cette solution[15], mais parfois il l’applique[16]. En effet, Le tribunal administratif de Rabat a rejeté partiellement la demande d’un requérant en ce qu’il poursuit le médecin pour faute personnelle lorsqu’il a injecté a son enfant une piqûre entraînant la paraplégie de cet enfant, la juridiction administrative a décidé que le demandeur n’a pas prouvé que le médecin a commis une faute lourde et en l’absence des conditions de la responsabilité personnelle la faute doit être considérée comme étant une faute de service[17].
Dans le même ordre d’idées, l’anesthésié est un acte qui s’effectue dans la plupart des cas par les infirmiers, donc une faute dans l’anesthésié est une faute simple qui engage la responsabilité de l’hôpital et pas celle du personnel hospitalier, c’est ainsi que le tribunal administratif de Rabat a prévu dans un jugement que l’opération anesthésique consiste à prévenir le patient de sentir la douleur, cela exige l’équipe médical d’être en pleine prudence, ainsi la création des complications a cause de cette opération constitue une faute, or l’inadaptation entre un cas pathologique simple et les résultats dangereuses conduisant à la mort du patient justifie l’engagement de la responsabilité de l’équipe[18].
Mais faut-il savoir qu’en dépit de tout ce qui précède, l’équipe médicale n’est pas demandé en réparation du dommage morale subi par la famille du défunt. on pourrait dire tout simplement que le juge administratif marocain a appliqué le principe consacré par la jurisprudence administrative française en ce qu’il considère la faute dans l’anesthésie comme étant une faute simple, car, dans la présente affaire, tant que la responsabilité de l’équipe médicale est fondée c’est cette équipe qui doit réparer le dommage, mais tant qu’il s’agit d’une faute simple c’est l’hôpital qui prendra en charge la réparation étant donné que les conditions de la responsabilité personnelle ne sont pas complètement réunies.
L’engagement de la responsabilité du service public hospitalier sur la base de la faute simple, s’applique également dans le cas des mauvaises manipulations. A ce titre, on est en présence des cas de mauvaises manipulations que ce soit à l’occasion d’une anesthésie ou dans les opérations chirurgicales[19].
Le tribunal administratif de rabat a prévu dans ce cadre que l’exécution de l’opération d’accouchement par la sage femme en l’absence d’un médecin spécialiste et l’utilisation par celle-ci des moyens non prévues dans le domaine médical engage la responsabilité du centre hospitalier[20].
Force est de souligner en somme, que la jurisprudence française qui a inventé la solution susmentionnée a connue un revirement remarquable en la matière, ainsi dés 1992 le conseil d’Etat a abandonné la distinction classique entre la faute lourde et la faute légère en décidant qu’il suffit désormais une faute simple pour fonder la responsabilité hospitalière pour soins médicaux et chirurgicaux[21]. Bien plus, les autorités françaises ont crée un fond de garantie destiné à la réparation des dommages corporels occasionnés par la pratique médicale ce qui permet d’écarter même la faute simple comme fondement de la responsabilité médicale et ont adopté désormais un système de responsabilité sans faute, fondé sur la garantie du risque médical[22].
En revanche, au Maroc on est encore devant des tâtonnements jurisprudentiels, c’est-à-dire devant une instabilité sans cesse de la jurisprudence en la matière.
B : La faute lourde
On exigera ainsi une faute lourde pour engager la responsabilité des services de police ou des services médicaux d’un hôpital[23]. Cette phrase rédigée par le professeur Michel Rousset témoigne d’une tendance de la jurisprudence hospitalière. Elle exige une faute lourde pour engager la responsabilité du service public hospitalier[24], c’est en ce sens que la cour d’appel de Rabat a rejeté la demande d’un patient pour motif d’absence d’une faute lourde imputable à l’hôpital public ou aux agents médicaux en décidant : « attendu qu’il est confirmé par les documents du dossier et le rapport de l’expertise que la victime a perdu la vue a cause d’une inflammation encéphale engendrée par les médicaments qu’elle a pris, attendu qu’il n’est pas établi par le rapport de l’expertise que la perte du regard est due à l’opération dont bénéficie le patient, ni a une faute lourde de la part du médecin traitant ou de la part du chirurgien[25] ».
Dans le même ordre d’idées, le tribunal de première instance d’Oujda a prévue que la responsabilité délictuelle du médecin ne peut être engagée qu’à la réunion de trois conditions essentielles a savoir la faute, le dommage, et le lien de causalité entre ces deux entités, que la responsabilité de l’Etat sur la base de l’article 79 du D.O.C ne peut être engagée qu’à la commission d’une faute lourde, ainsi tant que l’infirmier n’a pas commis une faute lourde en relation de cause à effet avec le dommage qu’à subi le patient sa demande est totalement rejetée[26].
A cet égard, il faut souligner que nonobstant l’engagement de la responsabilité du service public hospitalier sur la base d’une faute lourde, ni le législateur ni la jurisprudence n’ont pas fourni à celle-ci une définition exacte. La seule définition que le législateur marocain a pu donner à la faute lourde est celle prévue par le code du travail, qui a défini la faute lourde du salarié[27].
En effet, la faute lourde en matière médicale est celle qui est d’une gravité certaine que le juge apprécie dans chaque cas d’espèce[28].Elle est exigée pour réparer les dommages causés par les actes médicaux, c’est-à-dire les actes qui ne peuvent être exécutés que par un médecin, ces actes recouvrent en grosso modo, le diagnostic, la prescription du traitement et des soins, et les interventions chirurgicales[29].
Déontologiquement le médecin est « obligé d’élaborer son diagnostic avec la plus grande attention, sans compter avec le temps qui lui coûte ce travail et, s’il y a lieu, en s’aidant ou se faire aider dans toute la mesure du possible des conseils les plus éclairés et des méthodes scientifiques les plus appropriées. Après avoir établie un diagnostic ferme comportant une décision sérieuse, surtout si la vie du malade est en danger, un médecin doit s’efforcer d’imposer l’exécution de sa décision. En cas de refus, il peut cesser ses soins dans les conditions de l’article 24[30] ».
En effet, le tribunal de première instance de Casablanca a décidé que la faute dans le diagnostic qui a porté atteinte à la réputation des parents d’une fillette jugée perdante sa virginité d’après le diagnostic établi par le médecin traitant, est une faute fondant la responsabilité du médecin en question, et il doit réparer le préjudice moral causé aux parents de la patiente[31]. De même, le tribunal administratif de Rabat a mentionné parmi les motivations d’engagement de la responsabilité du service public hospitalier dans une affaire, la défaillance du diagnostic, attendu que juste après un jour de celui-ci, la patiente atteint une déchirure du poumon et par conséquent elle est morte[32].
La jurisprudence a exigé également une faute lourde dans les actes de soins et de prescription. De ce fait, la cour d’appel de Marrakech a décidé qu’il est reconnu que la transfusion sanguine est un acte de soins, dont s’occupent les services hospitaliers, qu’elle doit être précédée par des analyses pour s’assurer de la sécurité du sang à transfusé et son adaptation à la formule sanguine du bénéficiaire, que la transfusion du sang sans avoir procédé a ces analyses est une faute engageant la responsabilité du médecin et de l’infirmier pour homicide involontaire. Cet arrêt de la cour d’appel est confirmé par un jugement de tribunal administratif qui a condamné l’administration pour réparation du préjudice moral subi par la famille de la défunte[33].
Dans un autre jugement rendu par le tribunal administratif de Marrakech, il est précisé que si le médecin est libre dans la prescription du médicament qu’il voit approprié à l’état du patient, en contre partie, il est obligé de respecter les règles et principes de la profession médicale, ensuite, il doit être prudent, attentif, c’est ainsi que la mort du patient après son injection par la pénicilline est considérée comme étant une faute engageant la responsabilité du médecin traitant a cause sa négligence. De ce fait et sur la base de l’article du 79 D.O.C l’Etat doit dédommager le préjudice moral subi par les héritiers du défunt[34].
Concernant les interventions chirurgicales le même degré de la faute (faute lourde) est exigé pour retenir la responsabilité de l’hôpital public[35]. Car, dans les opérations chirurgicales, tout médecin placé dans les mêmes conditions peut commettre des fautes simples et ça c’est normale a cause de la technicité de l’acte chirurgical. En effet, on distingue deux type d’interventions chirurgicales : d’abord les interventions liées à l’état pathologique, ensuite les interventions non liées à l’état pathologiques[36]. Les premières sont très pratiquées au Maroc, les deuxièmes elles ne se pratiquent que rarement voire en cas de nécessité.
A ce titre, la cour d’appel de Rabat a rejeté la demande d’un patient en décidant que ni le médecin traitant ni le chirurgien n’ont commis de faute lourde[37].
Deuxième partie : L’imputabilité de la faute administrative médicale
La faute administrative médicale peut être soit une faute de service engageant la responsabilité de l’administration (A), ou une faute personnelle engageant la seule responsabilité de l’agent fautif (B). Cette nomenclature est établie dans l’époque par le législateur lorsqu’il a rédigé l’article 80 du D.O.C juste après l’article 79 du même code. Ainsi, l’article 79 du D.O.C a obligé l’Etat non seulement a réparé les dommages causés par le fonctionnement normal de ses administrations, mais aussi les dommages causés par les fautes de service de ses agents. Cette dernière disposition n’est pas absolue, l’article 80 vient en tracer les limites[38].
Rarement les juridictions administratives décident le cas de cumul, or comment peuvent elles engager la responsabilité sur la base de la faute de service et sur la base de la faute personnelle à la fois, étant donnée qu’elles ne retiennent la responsabilité personnelle que rarement (C) ?
A : La prédominance de la faute de service
La multiplicité des formes que prend la faute de service rend difficile la tache de lui donner une définition exacte. Elle peut résulter de mauvais fonctionnement du service public, le retard dans le fonctionnement, ou le non fonctionnement de ce service.
A cet égard, le professeur E.PEUCHOT la définie comme étant « le fait matériel de manquement à une obligation et dans certains cas marginaux comme une culpa, une faute intentionnelle, une malveillance[39]. En d’autres termes le professeur A.HEDDAD l’avait défini comme « la faute difficilement attachée à l’homme, elle est détachable du service même s’elle est commise par l’un des fonctionnaires, c’est-à-dire c’est une faute anonyme imputable à l’administration[40] ».
En effet, concernant la première hypothèse selon laquelle la faute de service peut être originaire de mauvais fonctionnement du service, le tribunal administratif de premier degré de Rabat a décidé que le mauvais fonctionnement du service public hospitalier constituait une faute de service justifiant la réparation du dommage qu’elle a engendré[41].
En même sens le tribunal administratif d’Oujda a prévu « attendu que le service public hospitalier peut commettre une faute lors de la mauvaise exécution du service qu’il a rendu, que cette faute engage sa responsabilité sur la base des dispositions de l’article 79 du D.O.C.[42] ».
Quant à la deuxième hypothèse qui s’articule autour du retard dans le fonctionnement, le service public hospitalier est responsable de la négligence dans la prise des démarches urgentes pour un cas résulté par un accident, surtout lorsqu’il n’a pas procédé à un diagnostic pour s’informer de la réalité des blessures qu’il atteint le patient[43], de ce fait, l’Etat est responsable de réparer le préjudice moral subi par la famille de la défunte.
Par ailleurs, si les deux hypothèses de la faute de service public précitées résultent d’un fait positif, il y avait un cas où la faute de service découle d’un événement négatif[44] : c’est le défaut total de fonctionnement du service. A cet égard, on se contente d’apporter un seul jugement rendu par le tribunal administratif d’Oujda, car ce jugement a deux intérêts essentiels, d’une part il a défini la faute de service, d’autre part il a engagé la responsabilité de la clinique de la CNSS a cause de défaut de fonctionnement.
En effet, le tribunal administratif d’Oujda a prévu que « la faute de service est le fait du -fonctionnaire -détachable du service, son appréciation comporte ipso facto une évaluation du fonctionnement du service.
« La négligence par la clinique de la mère et du fœtus lors de l’accouchement, et le fait de la laisser en danger sous la garde d’une sage femme qui n’a rien fait pour sauver la mère, étant donné, qu’elle n’a pas utilisé les nouvelles techniques ni se faire aider par les experts ni encadré par un médecin spécialiste, rend la clinique responsable des dommages qu’a subi la victime[45] ».
Force est de souligner, que les cas de jurisprudence que nous avons collecté, ont permis de constater expressément une prédominance de la faute de service sur la faute personnelle. C’est-à-dire au lieu d’engager la responsabilité personnelle du médecin le juge administratif préfère le remplacement de ce médecin par le service public, ainsi quoi que ce soit la justification la loi doit être appliqué, sous le respect de la formule fameuse la loi est dure mais c’est la loi, donc le juge il doit se conformer aux données légales nonobstant son pouvoir discrétionnaire d’appréciation.
B : Le recours limité et restrictif à la faute personnelle
La responsabilité subsidiaire de l’administration instituée par l’article 80 du D.O.C. a complètement ruiné l’intérêt que pourrait avoir l’existence d’une responsabilité pécuniaire propre aux agents personnellement responsables, en instituant législativement une véritable irresponsabilité de ceux-ci[46].
Pour engager la responsabilité personnelle du médecin il faut la réunion de trois éléments essentiels ; de prime abord, la production d’un dommage, son imputabilité à la personne poursuivie, et la commission d’une faute lourde ou un dol dans le diagnostic ou dans le traitement[47].
Ainsi, Constitue une faute personnelle en premier lieu la faute qui est dépourvue de tout lien avec le service public : en dehors du service et en dehors de tout lien avec son travail, l’agent public commet une infraction ; la faute commise par le médecin en donnant ses soins à un voisin ou à un accidenté de la route constitue une faute personnelle. En seconde lieu , constitue également une faute personnelle celle qui n’est pas dépourvue de tout lien avec le service public – elle a été commise à l’occasion de l’exécution de celui-ci, mais qui en raison de certaines caractéristiques de détache du service pour devenir personnelle à l’agent ( on parle, d’ailleurs , en ce cas de faute détachable du service ) on est dans une telle situation en présence soit d’une faute intentionnelle ou d’une faute d’une gravité exceptionnelle, bien au-delà de la faute lourde[48] ; mais il faut bien noter qu’une faute constitutive d’une infraction pénale, il constitue ipso facto une faute personnelle a cause de la gravité qu’elle l’a caractérise.
La cour d’appel de Casablanca a décidé que l’excision de l’utérus sous prétexte qu’il atteint une tumeur cancéreuse qui se développera éventuellement, et la blessure de la vessie urinaire constituent une est une faute pénale engageant la responsabilité du chirurgien conformément aux dispositions de l’article 433 du code pénal[49]. La cour n’a pas arrêté à ce niveau mais elle a engagé la responsabilité de l’Etat en tant que garant dans la réparation du préjudice.
C : la rareté d’application du cas de cumule
Le cas de cumule signifie qu’une seule faute peut être imputable au médecin et ou service public hospitalier à la fois. Et puisqu’il existe ici certain paradoxe, il convient de clarifier cette idée en évoquant qu’un même fait commis dans l’exercice de la fonction par un agent peut être déclaré comme une faute de service, mais aussi selon sa gravité, comme une faute personnelle[50].
Il en va de même, lorsqu’il s’agit d’une faute personnelle commise par un agent médical, en dehors du service mais avec des moyens fournis par l’hôpital public, notamment en cas d’usage abusif de véhicule hospitalière, ou bien l’usage d’un matériel ou d’un produit médical, etc. Outre, le législateur estime que la faute personnelle n’est pas dépourvue de tout lien avec le service. On pourrait dire que la faute peut être détachée du service, mais le service ne se détache pas de la faute[51].
En effet, le système de cumul des responsabilités est venu pour remédier, de prime abord, aux aléas de la qualification de la faute dans le système dualiste, et en seconde lieu pour faciliter à la victime l’obtention de la réparation du dommage causé à elle, en se tournant rapidement vers l’administration.
Dans ce sens, lorsqu’une faute médicale est imputable au médecin, ce dernier peut ne pas avoir la liquidité pour réparer le préjudice causé a autrui, dans ce cas, c’est l’administration qui prendre la place de ce médecin en réparation, sous réserve d’exercer une action récursoire afin de récupérer ce qu’elle a dépensé.
Au Maroc la situation est relativement claire ce n’est que rarement que le juge ose engager la responsabilité du médecin en qualifiant la faute comme étant une faute personnelle, bien plus, si un médecin fonctionnaire est responsable d’un dommage a cause de sa faute personnelle, c’est l’administration qui se charge a payer, et a contrario elle n’exerce jamais une action récursoire contre le médecin pour récupérer les fonds.
En effet, parmi les cas où la juridiction administrative a retenu le cas de cumule on cite notamment le jugement du tribunal administratif de Marrakech où il a été décidé « attendu que le litige est limité autour de la connaissance de la nature de la faute qui a provoqué la mort du défunte, est ce qu’elle est une faute personnelle engageant la seule responsabilité de l’agent fautif –qui est poursuivi pénalement- ou une faute de service ? Autrement dit, Est ce que la même faute peut engager la responsabilité personnelle et la responsabilité administrative à la fois ou non[52] ?
Attendu qu’il est retenu d’après les pièces du dossier que la défunte est hospitalisée au service de réanimation de l’hôpital Ibn Zohar sous la surveillance du médecin (x), qu’elle a atteint une insuffisance sanguine grave, est alimentée par l’infirmier (y) par un sang de formule (A+) incompatible avec la sienne (O+). que la transfusion sanguine qui rentre dans le cadre des actes de soins, doit être précédée par des analyses médicales afin de s’assurer de la sécurité de la source et du bénéficiaire du sang et de la compatibilité de celui-ci au sang du bénéficiaire, que la transfusion du sang par les intéressés au défunte sans avoir procédé aux analyses requises est une faute personnelle engageant leur responsabilité pénale pour homicide involontaire raison pour laquelle ils sont poursuivis par la cour d’appel de Marrakech par deux mois d’emprisonnement suspendus et une amende exécutoire fixée en mille dirhams et que cet arrêt acquiert l’autorité de la chose jugée.
Attendu que, si les juridictions ordinaires peuvent engager la responsabilité pénale de celui qui a causé un dommage tel que dans le présent cas, les tribunaux administratifs doivent également savoir si le même fait peut engendrer la responsabilité de l’administration ou non.
Attendu que la jurisprudence administrative est stable sur le fait qu’il suffit pour engager la responsabilité de l’Etat, l’existence d’un dommage et un lien de causalité entre ce dommage et le fonctionnement du service public hospitalier tel qu’il est prévu par l’arrêt n°736 rendu par la chambre administrative de la cour suprême le 27/10/2004, sur le dossier administratif n° 795/4/1/2001.
que la mort de la défunte est résulté a cause de la même faute dans des circonstances où le contrôle a fait défaut, et le service hospitalier est mal fonctionné ce qui facilite la commission de ce genre de faute. Que si le fait dommageable constitue une faute personnelle tel qu’il précise le jugement correctionnel rendu en l’autorité de la chose jugée, il constitue également une faute imputable à l’hôpital et elle engage de ce fait la responsabilité de l’administration. Par conséquent, la responsabilité de l’Etat est retenue pour réparer le dommage moral qu’a subi l’époux de la défunte et son enfant[53].
On déduit de ce qui précède, que pour retenir le cas de cumule de responsabilité, la juridiction administrative a fait recoure à la jurisprudence de la cour suprême, or, il n’existe pas une règle édictant quant est ce que nous pouvons rechercher le cumule de responsabilité, d’ailleurs le droit administratif est un doit jurisprudentiel donc c’est à la juridiction statuant en cause d’apprécier si tel fait dommageable peut engager la seule responsabilité de l’administration ou celle l’agent ou encore la responsabilité de tous les deux à la fois.
[1] Avant 1968 certains auteurs ont interprété d’une manière restrictive l’article 79 du DOC en exprimant que cet article prévoit seulement un seul régime de la responsabilité à savoir la responsabilité pour faute, par contre et c’est ça ce qui est confirmé par la jurisprudence, l’article 79 prévoit deux régimes à la fois. Voir a ce sujet abdallâh HARSI « de la responsabilité administrative la pratique de l’art 79 par la jurisprudence » in colloque « droit et pratique » organisé par l’université sidi Mohamed ben abdallâh, faculté de droit de Fès 1994.
[2] Il s’agit de la faute de service que nous développerons plus tard (voir page 11 de ce modeste travail).
[3]La théorie de la responsabilité de l’administration a été, sous réserves de divers régimes particuliers, essentiellement élaborés par la jurisprudence du conseil d’Etat. André de LAUBADER. Jean-Claude VENZIA et Yves GAUDEMENT « traité de droit administratif » tome1, 13ème édition L.G.D.J 1994, Page 869.
[4] C’est le point de vue du M.A. de LAUBADER concernant l’interprétation de l’article 79 du DOC. Il a précisé à l’inverse de plusieurs auteurs que l’article 79 du DOC contient les dux régime de la responsabilité administrative et c’est à la jurisprudence de procéder à l’application du régime qu’elle voie convenable selon chaque cas. Voir à ce sujet MICHEL ROUSSET et JEAN GARAGNAN « droit administratif marocain » 6ème édition, la porte 2003, page 774.
[5] Hassan OUAZANNI CHAHDI « les articles 79 et 80 du D.O.C. et l’évolution de la jurisprudence a ce sujet : quelques aspects actuels de la responsabilité administrative au Maroc ».IN revue tunisienne de droit 1984. Page 48
[6] GUY Braibant et BERNARD Stirn « le droit administratif français » 4ème édition presse de sciences PO éd DALLOZ 1997. Page 273.
[7]عبد الله حداد” تطبيقات الدعوة الإدارية في القانون المغربي” نشر عكاظ 2001 ص 181
[8] Hassan OUAZANNI CHAHDI « les articles 79et 80 du D.O.C. et l’évolution de la jurisprudence a ce sujet : quelques aspects actuels de la responsabilité administrative au Maroc ».IN revue tunisienne de droit 1984. Page 38
[9] Hassan OUAZANNI CHAHDI « les articles 79et 80 du D.O.C. et l’évolution de la jurisprudence a ce sujet : quelques aspects actuels de la responsabilité administrative au Maroc ».Op. Cit. Page 38.
[10] Voir sur la question de l’imputabilité JEAN RIVERO « droit administratif » 8ème édition DALLOZ 1996.Page 272.
[11] SYRIL CLEMENT « l’évolution de la responsabilité médicale de l’hôpital public » édition les études hospitalières 1995. Page 54.
[12] Voir a ce sujet MOHAMED OUGHRISS la responsabilité du médecin dans la législation pénale » édition Dar alkaraouiyine, Casablanca 2002. Page 49.
[13] AMIN BEN ABDALLAH « la responsabilité administrative de fait du service public hospitalier » in rapport du thème principal de 7ème congrès médical national, sous la coordination de MRS ABDELKARIM BENNIS et OMAR AZZIMAN, société marocaine des sciences médicales, 1989. Page 101.
[14] Voir : AMIN BEN ABDALLAH « la responsabilité administrative de fait du service public hospitalier » Op. Cit. Page 101.
[15] Il n y a pas jusqu’à maintenant une jurisprudence concrétisant cette solution, dans la plupart des cas le juge administratif marocain apprécie la responsabilité sans avoir accordé aucune importance à la gravité de la faute, il se contente tout simplement de décider qu’il y a responsabilité ou non.
[16] Certains auteurs voient dans cette application une dépendance à la jurisprudence française et déclarent qu’il est nuisible a notre système juridique car le contexte français et très différent à celui marocain, ainsi dés l’indépendance politique il faut une indépendance juridique et judiciaire, voir a ce sujet AHMED ADRIOCHE « l’évolution de la jurisprudence en matière de la responsabilité médicale », collection de la connaissance juridique édition 1996 (la maison d’édition n’est pas mentionnée). Page 57.
[17] JUGEMENT N° 596. Rendu par le tribunal administratif du premier degré de Rabat, le 10/4/2008, Dossier n° 1281/06HT. (Jugement non publié).
[18] Jugement n° 886, rendu par le tribunal administratif du premier degré de Rabat, le 28/4/2009, dossier n° 304/06HT (jugement non publié).
[19]. SYRIL CLEMENT. Op. cit. Page 16.
[20] JUGEMENT N° 217, rendu par le tribunal administratif du premier degré de Rabat, le 29/01/2008, dossier n° 804/7/04. (Jugement non publié).
[21]ZEROUAL ABDELHAMID « la responsabilité hospitalière » in « El MOUHAMAT » revue des avocats de Tizi-Ouzou N° 2 –décembre 2004. Page 7.
[22] FREDJ LOKSAIER « la faute simple en tant que fondement de la responsabilité civile médicale » in « revue tunisienne de jurisprudence et de législation » 1996 Page 13. Voir aussi JEAN PENNEAU « la responsabilité du médecin », 2ème édition Dalloz 1996, page 129.
[23] MICHEL ROUSSET et JEAN GARAGNON « droit administratif marocain » 6ème édition la porte 2003. Page 790.
[24] JACQUES MOREAU « la responsabilité administrative » édition Que sais-je ? 1986. Page 73.
[25] Arrêt n° 10023, rendu par la cour d’appel de Rabat le 31/12/1986, dossier n° 4234/84 (apporté par AHMED ADROUICHE la responsabilité du service public hospitalier » édition dar alboukili 1996 (en arabe) page 23.
[26] JUGEMENT N° 4967. Rendu par le tribunal de première instance d’Oujda le 19/11/198. Dossier n° 3424/78(apporté par AHMED ADRIOUICH. Op. Cit. Page 24.
[27] Article ……du code du travail.
[28] SYRIL CLEMENT. Op. Cit. Page 17.
[29] JEAN-MARIE CLEMENT et SYRIL CLEMENT « les principales décisions de la jurisprudences hospitalière » édition Berger-Levrault 1997. Page 50
[30] ARTICLE 29 du code de déontologie médicale Marocain similaire à l’article «36 du code de déontologie médicale français
[31] JUGEMENT N° 3369, rendu par le tribunal de première instance de Casablanca le 1/10/2008. Dossier n° 2851/2007 (jugement non publié).
[32] JUGEMENT N° 1501, rendu par le tribunal administratif de premier degré de Rabat, le 28/12/2004.dossier n° 180/01HT (jugement non publié).
[33] JUGEMENT N° 92, rendu le 16/3/2005, par le tribunal administratif de premier degré de Marrakech, dossier n° 74/12/2005H. (Jugement non publié).
[34] JUGEMENT N° 12, rendu par le tribunal administratif du premier degré de Marrakech le 24/1/2001, (publié par la REMALD n° 42 Janvier, Février 2002. Page 201 et suivant.
[35] André de LAUBADER, Jean-Claude VENEZIA et Yves GAUDEMET « traité de droit administrative » Tome 1. 13ème édition L.G.D.J 1994. Page 882
[36] JEAN-MARIE CLEMENT et SYRIL CLEMENT « les principales décisions de la jurisprudence hospitalière » édition Berger-Levrault 1997. Page 55
[37] Arrêt n° 10023, rendu par la cour d’appel de Rabat le 31/12/1986, dossier n° 4234/84 (apporté par AHMED ADROUICHE la responsabilité du service public hospitalier » édition dar alboukili 1996 (en arabe) page 23.
[38] ELHOUSSAIN SERHAN « la problématique de la faute personnelle aux agents publics en droit administratif marocain » in « tribunaux administratifs et Etat de droit », travaux du colloque international organisé par la faculté de droit de Marrakech le 04 et 05 février 1994, édition faculté de droit de Marrakech série : séminaires et colloque n° 5, 1996. Page 156.
[39] ERIC PEUCHOT « la responsabilité administrative » in documents d’étude (droit administratif) publication du centre de droit Maurice Hauriou université Paris II, 2003. Page 11
[40] عبد الله حداد” : تطبيقات الدعوة الإدارية في القانون المغربي” نشر عكاظ 2001 ص 183
[41] JUGEMENT N° 596, rendu par le tribunal administratif du premier degré de Rabat, le 10/4/2008, dossier n° 1281/06HT.
[42] JUGEMENT N° 16/99, rendu par le tribunal administratif de premier degré d’Oujda le 12/3/1999. Dossier n° 20/98. (Jugement apporter par BOUNITE « la responsabilité de l’Etat de la faute médicale à la lumière de la jurisprudence marocaine » mémoire d’obtention du DESS. UFR. Les professions juridiques et judiciaires, faculté de droit de Rabat Souissi. Page 26.
[43]JUGEMENT N° 1501, rendu par le tribunal administratif de premier degré de Rabat, le 28/12/2004.dossier n° 180/01HT (jugement non publié).
[44] BOUNITE, Op. Cit. Page 27
[45] JUGEMENT N° 15/03, rendu par le tribunal administratif du premier degré d’Oujda le 11/02/2003. Dossier n° 105/00T. Publié par la revue ALMILAF n°10. Avril 2007.
[46] ELHOUSSAIN SERHAN « la problématique de la faute personnelle aux agents publics en droit administratif marocain » in « tribunaux administratifs et Etat de droit », travaux du colloque international organisé par la faculté de droit de Marrakech le 04 et 05 février 1994, édition faculté de droit de Marrakech série : séminaires et colloque n° 5, 1996. Page 164.
[47] JUGEMENT N° 596. Rendu le tribunal administratif du premier degré de Rabat, le 10/4/2008, Dossier n° 1281/06HT. (Jugement non publié).
[48] JEAN PENNEAU « la responsabilité du médecin », 2ème édition Dalloz 1996. Page 51.
[49] Arrêt n° 4564, rendu par la cour d’appel de Casablanca la 24/06/2009. Dossier n° 8731/1/2006 (arrêt non publié).
[50] ERIC PEUCHOT « la responsabilité administrative » in documents d’étude (droit administratif) publication du centre de droit Maurice Hauriou université Paris II, 2003. Page 41.
[51] عتيق الزايدي ” المسؤولية الشخصية للموظف العمومي” : أطروحة لنيل الدكتوراه في الحقوق شعبة القانون العام . جامعة الحسن
[52] Jugement n° 92, rendu le 16/3/2005, par le tribunal administratif de premier degré de Marrakech, dossier n° 74/12/2005H. (Jugement non publié).
[53] Jugement n° 92, rendu le 16/3/2005, par le tribunal administratif de premier degré de Marrakech, dossier n° 74/12/2005H. (Jugement non publié).