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Le principe de dignité

                                  Le principe de dignité

 

Benthami mountasser

Docteur en Médecine

Doctorant en droit

 

                          université Mohamed premier

faculté des sciences juridiques économiques et sociales

oujda

 

                                                                                 

« Le droit sans dignité n’est que médiocrité et la dignité sans droit n’est que déraison ». Blaise Pascal, Pensée.

Nous analysons le principe de la dignité de la personne humaine en adoptant une approche[1] ou tendance centrée sur la personne humaine  en droit international(1) puis à travers l’évolution du concept ; des situations complexes en jurisprudence(2). Mais tout d’abord on doit définir le principe de dignité de la personne humaine.

– définition :

Selon le dictionnaire de droit et de la santé, La dignité de la personne humaine est définie ainsi : elle « représenterait le lien d’appartenance de la personne humaine à l’humanité, […], la dignité est ainsi perçue comme une qualité inhérente à l’homme.[2] »

Une autre définition : dans le petit Littré [3] le terme dignité provient du latin « dignitas », se référant à une «  fonction éminente dans l’état ou dans l’église…Des choses ou l’on sent éminence et noblesse…respect que l’on se doit à sois même.

Le petit Larousse[4] la définit comme : du « respect du à une personne, une chose ou à soi même » et « la haute fonction, charge qui donne à quelqu’un un rang éminent ».

S .Hennette-Vauchez et CH.Girard donnent trois conceptions en droit [5]à la dignité :

-« une caractéristique attachée à une institution : la dignitas, qualité liée à un rang ou à une fonction officielle ».cette qualité protège la fonction et non la personne, elle est liée à l’intérêt général.

-« une qualité attachée à la personne humaine, opposable aux tiers »

-« une qualité opposable à l’homme par les tiers [6] »

André Malraux[7], disait que « le respect de la dignité est un principe fondamental et universel, que définir la dignité n’est pas facile, mais qu’il est parfaitement aisé de définir ce qu’est l’humiliation ».

Si La notion de dignité  réfère  souvent à une définition négative (protection de l’intégrité physique, interdiction de torture, de traitements inhumains et dégradants),  elle doit comporter un aspect positif par l’apport d’une satisfaction aux besoins fondamentaux de l’individu. La dignité humaine est, par conséquent nécessite une rémunération aux conditions de vie quotidienne[8] (logement, travail etc.…).

1-le principe de dignité dans le droit :

-La déclaration universelle des droits de l’homme adoptée par l’assemblée générale de l’ONU le 10 décembre 1948 rappelle dans son préambule[9] que : la dignité est le pilier de base de la liberté, la justice et la paix dans le monde.

-Le préambule du Pacte international relatif aux droits civils et politique et du  Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels[10]«  […] , la reconnaissance de la dignité inhérente à tous les membres de la famille humaine et de leurs droits égaux et inaliénables constitue le fondement de la liberté, de la justice et de la paix dans le monde, reconnaissant que ces droits découlent de la dignité inhérente à la personne humaine » ;

De même, L’UNESCO  dans le préambule[11] de son acte constitutif précise l’importance de la dignité.

-l’article 2 de la déclaration universelle sur le génome humain et les droits de l’homme adoptée à la 29éme conférence générale de l’UNESCO le 11 novembre 1997 précise[12] et souligne le respect de la dignité.

La convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme du 4 novembre 1950 ne mentionne pas expressément la notion de « dignité », mais deux de ses  articles : l’article3 [13]et l’article 8[14] font référence pour la cour européenne des droits de l’homme sur cette notion. (Voir après : jurisprudence de la CEDH)

Au Maroc :   plusieurs textes énoncent le respect de la dignité humaine et sa protection :

-Le préambule de la constitution de 2011,  au 2eme alinéa souligne que « Il développe une société solidaire où tous jouissent de la sécurité, de la liberté, de l’égalité des chances, du respect de leur dignité et de la justice sociale … ».

-Au 5eme alinéa du préambule, le Maroc adhère fortement aux déclarations universelles des droits de l’homme, et par conséquent au  principe de dignité : « il réaffirme son attachement aux droits de l’Homme tels qu’ils sont universellement reconnus… ».

– l’article 22  de la constitution de 2011 prévoit :

« Il ne peut être porté atteinte à l’intégrité physique ou morale de quiconque, en quelque circonstance que ce soit et par quelque personne que ce soit, privée ou publique. Nul ne doit infliger à autrui, sous quelque prétexte que ce soit, des traitements cruels, inhumains, dégradants ou portants atteinte à la dignité. La pratique de la torture, sous toutes ses formes et par quiconque, est un crime puni par la loi. »

-L’article 161de la constitution marocaine précise que :

« Le Conseil national des droits de l’Homme est une institution nationale pluraliste et indépendante, chargée de connaître de toutes les questions relatives à la défense et à la protection des droits de l’Homme et des libertés, à la garantie de leur plein exercice et à leur promotion, ainsi qu’à la préservation de la dignité, des droits et des libertés individuelles et collectives des citoyennes et citoyens, et ce, dans le strict respect des référentiels nationaux et universels en la matière ».

-le Code de travail au Maroc énonce dans le préface que «  Convaincu que le travail est un moyen essentiel pour le développement du pays, la préservation de la dignité de l’homme et l’amélioration de son niveau de vie,[…], ». ,

-Le code de déontologie des médecins au MAROC énonce dans son article premier alinea1 que : «  Les dispositions du présent code s’insèrent dans le cadre du code international d’éthique médicale et dans l’esprit du serment de Genève dont il est la paraphrase ».

La notion de « dignité » est alors  implicitement reconnue ; car le code international d’éthique médicale et le serment de Genève font allusion à cette notion .ainsi :

« Le médecin devra, quelles que soient ses conditions d’exercice, se consacrer en toute indépendance technique et morale à la prestation de soins de qualité avec compassion et respect pour la dignité humaine »[15].

« J’exercerai mon art avec conscience et dignité [16]».

 

 

En France :

Le  code civil français, le code de l’action sociale et des familles, le code de la construction et de l’habitation et le code de sante publique et autres (loi sur la « bioéthique[17] »).

-le code civil français dans son article16 du chapitre II sur : du respect du corps humain énonce que « La loi assure la primauté de la personne, interdit toute atteinte à la dignité de celle-ci et garantit le respect de l’être humain dès le commencement de sa vie ».

– le code de l’action sociale et des familles dans son article.311-3 énonce dans la section2 relative aux droits des usagers que : « L’exercice des droits et libertés individuels est garanti à toute personne prise en charge par des établissements et services sociaux et médico-sociaux. Dans le respect des dispositions législatives et réglementaires en vigueur, lui sont assurés :

1° Le respect de sa dignité, de son intégrité, de sa vie privée, de son intimité et de sa sécurité » ;

– le code de la construction et de l’habitation prévoit dans son article L.651-10 :

I «.-Lorsqu’à l’occasion de poursuites exercées sur le fondement de l’article […]  du présent code, il est avéré que la continuation de l’exploitation d’un établissement d’hébergement des personnes est contraire aux prescriptions du règlement sanitaire départemental ou est susceptible de porter atteinte à la dignité humaine».,

– le code de sante publique en France dans ses articles[18] souligne le respect de la dignité du patient.

2  – le principe de dignité dans la jurisprudence :

L’arrêt « Teyssier» évoque pour la première fois la reconnaissance des droits des malades, et met en valeur la supériorité de la personne humaine sur la personne juridique. Ainsi la cour de cassation précise que :

« Qu’en violant cette obligation, imposée par le respect de la personne humaine, il commet une atteinte grave aux droits du malade… » [19] (Arrêt « Teyssier », 1942). Et depuis, la jurisprudence suit la même ligne en adoptant la notion de personne humaine  plutôt que personne juridique pour appuyer ses décisions (sur le droit à l’information, au consentement, au refus de soins)[20].

« Considérant que lesdites lois énoncent un ensemble de principes au nombre desquels figurent la primauté de la personne humaine […] ; que les principes ainsi affirmés tendent à assurer le respect du principe constitutionnel de sauvegarde de la dignité de la personne humaine » [21](conseil constitutionnel de France, 1994). « Attendu, cependant, qu’un médecin ne peut être dispensé de son devoir d’information vis à vis de son patient, qui trouve son fondement dans l’exigence du respect du principe constitutionnel de sauvegarde de la dignité de la personne humaine… » [22](Cassation civile en France 2001).

La notion de dignité se trouve parfois en situations de conflits avec la liberté :

Ces deux  notions, on les trouve souvent liées dans la protection des droits de l’homme comme dans La déclaration universelle des droits de l’homme adoptée  par l’assemblée générale de l’ONU le 10 décembre 1948 rappelle dans son préambule que : « la reconnaissance de la dignité inhérente à tous les membres de la famille humaine et de leurs droits égaux et inaliénables constitue le fondement de la liberté, de la justice et de la paix dans le monde ».

La dignité est alors une  notion « matricielle » c’est-à-dire  source des autres droits..Elle est « inhérente » c’est-à-dire  innée et elle est le fondement des autres droits. Du  principe du droit à la dignité découlent d’autres droits :

– le principe de la primauté de la personne humaine,

– du respect de l’être humain dès le commencement de sa vie (ce qui pose la question du moment où commence la vie),

– l’inviolabilité de l’intégrité,

– l’absence de patrimonialité du corps humain,

– et l’intégrité de l’espèce humaine.

D’autres considèrent que cette liaison est égalitaire dans la mesure où la dignité est liée à l’humanité, alors que la liberté est le concept fondateur  des droits de l’homme.

Des restrictions des libertés au nom de la dignité se justifient (la répression de la mendicité par exemple), mais la dignité peut être amoindrie au dépend de la liberté (La légalisation de l’Euthanasie, de l’homosexualité, etc.).

 

 

 

[1] F .Vialla in « les grandes décisions du droit médical »op .cit.p.33.

[2] Sous la direction de Philippe Pedrot, ellipses, 2006, p.148.

[3] Le petit Littré, classiques Modernes, le livre de poche, librairie Générale Française, 1990.

[4] Le petit Larousse, dictionnaire 2009.

[5] Hennette -Vauchez.S.,C.Girard C., Voyage au bout de la dignité. Recherche générale sur le principe juridique de la dignité de la personne humaine, rapport financé par le GIP « mission de recherche droit et justice », publié par la suite sous le titre : la dignité de la personne humaine. Recherche sur un processus de judiciarisaton, PUF, 2eme Edition., 2008 .Cité par F .VIALLA in « les grandes décisions du droit médical »op.cit.p.41.

[6] Affaire dite du « lancer des nains » le conseil d’état en France   le 27 octobre 1995,  décida qu’un maire pouvait interdire le lancer de nain, car cette activité portait atteinte à la «la dignité de la personne humaine »  .En fait, il (CE) s’est confronté à deux aspects de la dignité humaine :un aspect éprouvé par la personne elle-même qui estime retrouver cette dignité en trouvant du travail , et l’autre aspect invoqué par l’association demandeuse qui estimait que la pratique porte atteinte à la dignité de la personne humaine.

[7]  Écrivainhomme politique et intellectuel français,  devenu  ministre de la culture de 1959 à 1969.citation  lors d’un discours prononcé à  l’ONU en 1948.

[8] Sous la direction d’Eric Martinez et François Vialla  « les grandes décisions, les grands avis du comite consultatif  national d’éthique » lextensoeditions, paris, 2013,p.44.

[9] « La reconnaissance de la dignité inhérente à tous les membres de la famille humaine et de leurs droits égaux et inaliénables constitue le fondement de la liberté, de la justice et de la paix dans le monde ». ».Le qualificatif « universelle » dépasse de loin « l’international » pour s’opposer aux états qu’ils soient signataires ou non.

[10] Conclu à New York le 16 décembre 1966.

[11] « L’idéal démocratique de dignité, d’égalité et de respect de la personne humaine ».

[12]  – chaque individu à droit au respect de sa dignité et de ses droits, quelles que soient ses caractéristiques génétiques ;

– cette dignité impose de ne pas réduire les individus à leurs caractéristiques génétiques et de respecter le caractère unique de chacun et leur diversité. De même L’article 24 de la déclaration universelle sur le génome humain et les droits de l’homme adoptée par l’UNESCO le 16 novembre 1997 dégage les dérives que « pourraient constituer certaines pratiques qui pourraient être contraires à la dignité humaine, telles que les interventions sur la lignée germinale ». L’UNESCO, en  adoptant la déclaration universelle sur la bioéthique et les droits de l’homme le 19  octobre 2005 rappelle que les développements

et les recherches  doivent s’accomplir « dans  la reconnaissance de la dignité de la personne humaine et dans le respect universel et effectif des droits de l’homme et des libertés fondamentales ».La charte des droits fondamentaux, adoptée par l’union européenne à Nice le 18 décembre 2000 rappelle dans son chapitre premier sur la « dignité » : article premier sur la dignité humaine  que « La dignité humaine est inviolable. Elle doit être respectée et protège ».

[13] Art. 3 sur l Interdiction de la torture «  Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradant ».

[14] Art. 8 sur le Droit au respect de la vie privée et familiale : 1. «  Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d’une autorité publique dans l’exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu’elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l’ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d’autrui ».

[15] code international d’éthique médicale de l’association médicale mondiale Adopté par la 3e Assemblée Générale de l’AMM : L’ASSOCIATION MEDICALE MONDIALE de (Londres (Grande-Bretagne), Octobre 1949 et amendé par( les 22e Assemblée Médicale Mondiale Sydney (Australie), Août 1968 )et la (35e Assemblée Médicale Mondiale Venise (Italie), Octobre 1983).

[16] SERMENT DE GENEVE Adopté par la 2e Assemblée générale de l’Association Médicale Mondiale Genève (Suisse), Septembre 1948 et amendé par les( 22e Assemblée Médicale Mondiale Sydney (Australie), Août 1968 la 35e Assemblée Médicale Mondiale Venise (Italie), Octobre 1983 et la  46e Assemblée générale Stockholm (Suède), Septembre 1994)

[17] En France : la dignité de la personne humaine est aussi défendue par des lois dites « bioéthique », pas de corpus juridique similaire au Maroc (loi 16-98 relative au don, au prélèvement et à la transplantation d’organes et de tissus humains : REFERENCE : B.O n° 4726 du 5 joumada II 1420 (16-9-99) : dans son articlle46 : «  Il est institué un conseil dénommé “ Conseil consultatif de transplantation d’organes humains ”. Les attributions et les modalités de fonctionnement et de désignation des membres de ce conseil seront fixées par voie réglementaire » .

En France les principales lois dites  « bioéthique » sont :

– la loi n° 94-548 du 1er juillet 1994 relative au traitement de données nominatives ayant pour fin la recherche dans le domaine de la santé et modifiant la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique aux fichiers et aux libertés

– la loi n° 94-653 du 29 juillet 1994 relative au respect du corps humain

– la loi n° 94-654 du 29 juillet 1994 relative au don et à l’utilisation des éléments et produits du corps humain, à l’assistance médicale à la procréation et au diagnostic prénatal.

– la loi n° 88-1138 du 20 décembre 1988 relative à la protection des personnes qui se prêtent à des recherches biomédicales.

[18] – Article L.1110-2 énonce que « La personne malade a droit au respect de sa dignité ». Article L.1110-5, alinéa 2  « […] Dans ce cas, le médecin sauvegarde la dignité du mourant et assure la qualité de sa vie en dispensant les soins visés à l’article […]. Article 1110-5, alinéa 5 « Les professionnels de santé mettent en œuvre tous les      moyens à leur disposition pour assurer à chacun une vie digne jusqu’à la mort ».Article L.1111-4 alinea2 :« Dans tous les cas, le malade doit réitérer sa décision après un délai raisonnable. Celle-ci est inscrite dans son dossier médical. Le médecin sauvegarde la dignité du mourant et assure la qualité de sa fin de vie en dispensant les soins visés à l’article […] ». Article L.1111-10, alinéa 2  et «Le médecin sauvegarde la dignité du mourant et assure la qualité de sa fin de vie en dispensant les soins visés à l’article L. 1110-10 ».Cette dernière disposition est répétée dans  l’article L.1111-13 du même code. L’Article R.4127-2 énonce que « Le médecin, au service de l’individu et de la santé publique, exerce sa mission dans le respect de la vie humaine, de la personne et de sa dignité. Le respect dû à la personne ne cesse pas de s’imposer après la mort. » L’Article 38 du Code de Déontologie en  France (article R.4127-38 du CSP) précise que«  Le médecin doit accompagner le mourant jusqu’à ses derniers moments, assurer par des soins et mesures appropriés la qualité d’une vie qui prend fin, sauvegarder la dignité au malade et réconforter son entourage. Il n’a pas le droit de provoquer délibérément la mort ».

[19] Cass.req., 28 janvier 1942,Teyssier

[20] F.Vialla « les grandes décisions du droit médical »op.cit.p.37.

[21] Conseil. Constitutionnel., 27 juillet 1994, n°94-343/344DC, considérant  n°18

[22] Cass, 1ere civ. 9 ocobre2001, n° 00-14564

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