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« Le nouveau management public dans les universités marocaines ».

 

 

 

 

 

 

 

« Le nouveau management public dans les universités marocaines ».

 

Soukaina ABBOUDI

 

Université Sidi Mohamed Ben Abdellah

Faculté des Sciences Juridiques Economiques et Sociales – Fès

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Depuis les années 80, nous avons commencé à parler des réformes rassemblées sous le concept du NMP, par la mobilité tout d’abord des réformes britanniques et américaines comme un phénomène unifié avant d’être exporté dans le monde entier[1].

Quant aux pays en voie de développement, l’adoption de ce système voit le jour aux années 90 à travers les Programmes Nationaux de gouvernance cherchant à passer d’une culture traditionnelle des règles vers un nouveau processus moderne et innovant du secteur public, (BAD 2004; Common 1999;  Larbi 1998; Rahshanjani et Alam 1997; Samaratunge et Hughes 2001; Samaratunge et Bennington 2002).

Bien qu’appartenant au groupe des pays convertis tardivement, le Maroc n’a pas épargné ses efforts pour s’associer à ce mouvement tout en s’engageant dans plusieurs réformes structurelles, susceptibles d’améliorer la qualité de l’administration publique. Plusieurs domaines sont concernés par ce mouvement, parmi lesquels l’enseignement supérieur.

En effet, l’enseignement supérieur et en particulier, l’université marocaine, advient à sortir d’un cycle de réformes au terme duquel son image a favorablement évolué. Un des axes important de cette transformation est la mise en œuvre des principes du Nouveau Mangement Public, effectuée à travers plusieurs indicateurs de la performance.

Un débat, toujours d’actualité, s’opère entre les partisans et les opposants d’adaptation des pratiques privées au secteur public, et soulève plusieurs questions.

 

 

1-      Aperçu historique et conceptuel du NMP

 

Le Nouveau Management Public (NPM)est un champ d’étude large, multiforme et assez vague. C’est un puzzle doctrinal (Bezes et Demazière, 2011 ; Hood, 1991 ; Merrien, 1999), développé par strates successivesdontle principe est le passage d’une logique « traditionnelle » de l’administration publique à une nouvelle logique de management fondée sur les méthodes employées dans le secteur privé (Ferlie et al., 1996).Ces méthodes se sont répandues dans la sphère publique introduisant ainsi le courant du nouveau management public.

Appelé eaussi «Nouvelle Gestion Publique » (la version française) celle-ci se définit comme « L’ensemble des processus de finalisation, d’organisation, d’animation et de contrôle des organisations publiques visant à développer leurs performances générales et à piloter leur évolution dans le respect de leur vocation »[2]. Elle désigne également« l’ensemble des doctrines administratives sensiblement similaires qui a dominé le programme de réforme bureaucratique dans beaucoup de pays depuis la fin des années 70 »dont l’objectif est d’insuffler l’esprit privé dans le secteur public, reposée sur les trois « E »[3] : « Economie », « Efficacité », et « Efficience », ou encore s’intéresser à l’évaluation du secteur public.

Cette méthode est apparue pour la première fois en Grande-Bretagne pour réduire les impôts et le désengagement de l’Etat, et d’augmenter la responsabilité économique des organisations publiques.

Néanmoins, ses causes d’émergences sont nombreuses, notamment celles qui s’expliquent parla volonté d’une gestion plus cohérente, le désir de faire part de l’idéologie néolibérale, le besoin d’imitation, l’envi d’amélioration l’image ternie du secteur public et enfin la séparation entre le niveau stratégique et celui opérationnel.

Le NMP est une « boite à outils » (Pollitt 2007) qui permet la réduction de gaspillages, la réalisation des économies substantielles et la hausse de la qualité des services rendus. Il se caractérise par la mise en œuvre d’une gestion en fonction des résultats basés sur la définition des objectifs où sont transposées les méthodes de management du secteur privé au secteur public.

Ce modèle a pris plusieurs formes en fonction du pays et du contexte. Au Maroc et dans le domaine universitaire, il s’est implanté par des réformes et refontes (réforme du statut et de la pédagogie en 1997, refonte du système d’enseignement supérieur en 2004, ajustement pédagogique en 2009 et révision de l’architecture pédagogique en 2014).

2-      NMP : Avantages et Limites

Le NMP comprend à la fois la gestion des ressources humaines (le recrutement, la rémunération, la motivation, la gestion de carrières…), la gestion comptable et financière (contrôle de gestion, gestion budgétaire…) et la responsabilité sociale de l’entreprise « RSE » (le développement durable).

Sa finalité est l’amélioration de la performance publique reposée sur cinq axes : la planification stratégique, le management participatif, le management de la qualité, l’introduction des TIC et le contrôle de gestion[4].

En effet, de nombreux avantages naissent de la mise en place des réformes relatives au NMP ; ils visent d’une part à « démocratiser » l’administration publique et à introduire les systèmes de management de la performance, les techniques de management de la qualité (Maesschalck, 2004), et « l’accroissement de responsabilité » pour les organisations publiques.

D’autre part, il permet de perfectionner et moderniser l’action publique, jugée comme lente et contreproductive, en introduisant ainsi une rationalité managériale en place de celle juridique afin d’améliorer l’image du secteur public.

Autre aspect, le NMP permet d’éviter le gaspillage, réduire les coûts, réaliser des économies substantielles et améliorer la qualité des services rendus.

Ainsi, l’objectif principal du management public est d’emprunter des méthodes de gestions propres au secteur privé pour améliorer la performance et l’efficacité du secteur public.

D’ailleurs, plusieurs actions s’inscrivent dans ce champ que nous pouvons les regrouper selon quatre fonctions :

Tableau 1 – Les différentes actions s’inscrivant dans le champ du NMP

 

 

 

 

 

 

 

 

Fonction Stratégique

 

*Gestion par les résultats ;

*Mise en place d’une planification stratégique ;

*Privatisation d’entreprises publiques, externalisation (faire-faire) ;

*Mise en place de partenariats public/privé ;

*Séparation des fonctions politiques (conception) et administratives (mise en œuvre) ;

*Déconcentration et/ou décentralisation ;

*Utilisation des nouvelles technologies de l’information et de la communication en interne (l’intranet permet de décloisonner les services) ;

*Généralisation de l’évaluation (culture de la performance) ;

*Simplification des formalités administratives ;

 

 

Fonction Finance

* Réduction des déficits ;

* Budgétisation par programme ;

* Transparence de la comptabilité (la mise en place d’une comptabilité analytique) ;

 

Fonction Marketing

*Développement du marketing public (consultations, enquêtes, sondages, observatoires, etc.)

* Utilisation des nouvelles technologies de l’information et de la communication en externe ;

 

 

Fonction Ressources Humaines

*Réduction des effectifs ;

*Responsabilisation et motivation des fonctionnaires (individualisation des rémunérations, primes au rendement, etc.) ;

*Développement de la participation ;

 

Source : d’après Laufer et Burlaud, 1980 ; Hood, 1991 ; Pollitt et Bouckaert, 2000 ; Gruening, 2001.

 

D’après ce tableau, le NMP est un champ transdisciplinaire qui s’intéresse à plusieurs fonctions touchant à divers domaines notamment ceux stratégique, finances, marketing et ressources humaines. Le NMP pousse donc les organisations publiques à s’interroger sur leur rôle, leurs missions et leur capacité à gérer les propres besoins, surtout celles qu’elles doivent assurer par elles-mêmes, déléguées ou confiées à des agences ou à des entreprises privées et celles organisées en partenariat privé/public.

Plusieurs domaines sont concernés par le NMP, parmi lesquels l’enseignement supérieur qui a bénéficié des fruits de ce mouvement, en commençant tout d’abord par la déréglementation[5]qui a pour objectif de rendre les responsables plus libres, et de remplacer le mode bureaucratique par un mode de régulation plus léger, à travers  la mise en concurrence, la cogestion et l’autonomie de gestion.[6] Ladite concurrence peut être à la fois, intra-universitaires, entre les universités privées et publiques et entre les formations de la même université.

La cogestion est une nouvelle forme du partenariat pour l’enseignement supérieur et enfin la déréglementation qui est liée à l’autonomie de gestion des établissements. Il s’agit d’un pourcentage de liberté par rapport aux normes, soit au niveau du financement, soit au niveau des diplômes délivrés.  Ainsi, Parker (2011) évoque une « corporatisation » des universités, dans un environnement institutionnel au sein duquel l’enseignement supérieur serait passé du statut du bien commun à celui de service de base commercialisable sur un marché international.

 

Cependant, malgré son succès, nous ne pouvons pas parler d’une réussite absolue du NMP car il ne constitue pas un ensemble stable et homogène de principes et d’outils et présente des limites et des lacunes liées à son application et à sa mise en œuvre dans les organisations publiques. Ainsi, certaines recherches ont montré qu’une modification organisationnelle n’a pas toujours un impact sur la performance (Dunsire et al., 1988).

D’une part, le processus de réforme oblige les responsables à produire davantage avec moins de moyens dans le contexte de la réduction des conditions d’emploi, qui passait parfois par la suppression de la titularisation pour les secrétaires départementaux (Maor 1999 ; Weller &Wanna 1997 ; Zimmerman 1997).

D’autre part, le service privé n’est pas toujours plus efficace que le secteur public (Henry, 1999). Au contraire, certaines politiques publiques sont plus performantes, surtout lorsqu’elles traitent d’une dimension sociale.

En outre, l’environnement des deux secteurs (public et privé) n’est pas le même et incomparable. De ce fait, la transposition cause une incompatibilité en termes de fondements et de valeurs propres à chaque secteur.

Hormis ces lacunes précitées, nous pouvons ajouter une limite symbolique liée au lent changement de mentalité au sein du secteur public.

Une autre limite, le NMP ne se focalise que sur des aspects financiers en négligence des facteurs extra financiers, notamment la reconnaissance, les bonnes conditions du travail et l’évaluation par résultats atteints.

En plus, il peut causer parfois des relations conflictuelles fondées sur la routine et la hausse de la tension et de pression.

Par ailleurs, le degré d’évaluation d’adaptation du NMP n’est pas identique pour l’ensemble des organisations du secteur public. Même si certains établissements ont pu facilement incorporer les mécanismes du NMP, il en est difficile pour d’autres de s’y adapter en fonction de leurs propres caractéristiques.

3-      Aspect méthodologique

 

Dans cette partie, nous traiterons de la méthodologie de recherche mise en œuvre dans cette étude. De ce fait, nous présenterons en premier lieu le fondement épistémologique constructiviste qui nous parait le plus adéquat pour la question de recherche. Ensuite nous détaillerons la démarche de recherche qualitative fondée sur une étude des cas empiriques. Et enfin, nous expliquerons le pourquoi du choix de ladite approche.

Il s’agit tout d’abord, d’expliquer notre positionnement épistémologique. L’épistémologie est la philosophie de la pratique scientifique (Wacheux 1996).C’est la relation entre le chercheur et les connaissances. Elle a pour objet l’étude des sciences.

Notre thème de recherche s’inscrit dans une vision épistémologique constructiviste caractérisée par la présence du principe de représentabilité de l’expérience du réel et la recherche de la manière de penser et de se comporter (Von Glasersfeld), afin de produire des résultats dont les acteurs pourront s’en servir pour améliorer leur capacité de réflexion et de gestion.

Les démarches méthodologiques de recherche en science de gestion sont diverses. Toutefois, pour notre cas, nous adoptons une méthodologie exploratoire qualitative car nous cherchons à travers cette analyse à expliquer et à comprendre la réalité de la mise en œuvre du nouveau management public pour atteindre la performance grâce à des entretiens et des rapports. Ce choix est basé aussi sur la nouveauté de notre sujet de recherche.

Dans ce cadre, nous avons choisi de travailler sur le cas de l’université « Sidi Mohamed Moulay Abdellah FES » comme terrain de recherche. Ceci s’explique par notre appartenance à cette université et par notre connaissance parfaite dudit établissement.

De ce fait, nous avons ciblé notre catégorie d’enquêté  au sein de l’Université à savoir des responsables stratégiques et opérationnels.

Nous envisageons interrogés des personnes qui chapeautent le fonctionnement de la présidence à savoir :

De même, nous interrogeons d’autres responsables de l’université afin de collecter des informations d’ordre technique tels que :

Notre entretien s’effectue à travers un questionnaire semi directif :

Nous avons opté pour un entretien semi directif dont l’objectif est de diriger l’interviewé vers notre thème de recherche tout en lui laissant un tel degré de liberté sur les informations présentées.

L’entretien porte sur les thèmes suivants :

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Conclusion :

 

En conclusion, à travers cette étude, nous avons traité de NMP qui constitue le cœur de « réformes de l’Etat », son évolution, ses objectifs, ses avantages et ses limites.

En effet et comme dans le secteur privé, le secteur public produit des biens et des services, gère des ressources humaines et un budget et poursuit des objectifs liés souvent à la satisfaction de l’intérêt général.

En perspective, la primauté de la mise en œuvre du NMP dans les universités est d’assurer l’efficacité publique des instruments, d’atténuer les divergences de gestion entre les secteurs publics et privés et d’accentuer la performance de ces établissements, sans toutefois les accompagner dans leurs changements organisationnels ou structurels.

Par ailleurs, il faut signaler que le NMP n’est pas une privatisation ni une contractualisation. De même, le passage d’un système Wéberien à un système NMP ne se fait pas du jour au lendemain. Car les étapes de transposition se font progressivement et ne touchent pas l’ensemble de services en même temps.

Cependant, nombreuses questions restent en suspens :

[1]KaoutarLahjouji, Kaoutar El Menzhi,Le Nouveau Management Public au Maroc, quels apports 2018. <hal-01801445>

[2]A. Bartoli, Le management des organisations publiques, Dunod, Paris, 1997, p.98

[3]M.Power, La société de l’audit : l’obsession du contrôle, Editions la Découverte, Paris 2004

[4]Y.Pesqueux. L e « nouveau management public » .2006 «  Hal-00510878 ».

[5]L’ensemble des actions visant à alléger, voire à supprimer, les réglementations en place Dictionnaire Robert.

[6]Saide Jean. Vers un nouveau management de l’enseignement supérieur. In: Politiques et management public, vol. 10, n° 3, 1992. pp. 125-149.

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