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LE DROIT DE LA SOCIETE ANONYME ET LE GOUVERNEMENT D’ENTREPRISE

                   LE DROIT DE LA SOCIETE ANONYME ET LE          

                            GOUVERNEMENT D’ENTREPRISE

                                                         Par Asmaa BOUKHIMA

                                                  Enseignante à la FSJES de Ain Sebaa

Résumé de l’article :

Notre article réalise une synthèse des différentes dispositions de gouvernement d’entreprise contenues dans la loi 17-95 ( modifiée et complétée par la loi 20-05) et le code de bonne gouvernance.

Au cours de ce développement théorique, nous nous sommes principalement intéressé  à deux types d’intervenants dans l’entreprise : les actionnaires et les dirigeants. Les divergences d’intérêt entre eux nécessite la mise en place de système de contrôle afin que les actions des dirigeants correspondent aux attentes des actionnaires.

A cet égard, la notion de gouvernement d’entreprise présente une grande importance. Elle permet en effet d’empêcher que le pouvoir discrétionnaire des dirigeants ne conduise à des situations périlleuses pour le processus de pérennisation des activités de l’entreprise.

Mots- clés :

Gouvernement d’entreprise- les actionnaires- les dirigeants- le conseil d’administration- l’entreprise

 Introduction

L’expression gouvernement d’entreprise ou gouvernance d’entreprise est la traduction du terme anglo-saxon Corporate Governance. C’est une expression à laquelle plusieurs tentatives de définitions ont été données.

Pour Hyafil par exemple, le gouvernement d’entreprise recouvre l’ensemble des dispositions qui permettent de s’assurer : 1) que les objectifs poursuivis par les dirigeants sont légitimes 2) et que les moyens mis en œuvre pour atteindre ces objectifs sont adaptés (1).

Pour Baudry, le gouvernement d’entreprise est « l’ensemble des moyens par lesquels les fournisseurs de capitaux de la firme s’assurent de leur rentabilité » (2).

Quant à Charreaux, il définit le gouvernement d’entreprise comme étant «  l’ensemble des mécanismes qui ont pour effet de délimiter les pouvoirs et d’influencer les décisions des dirigeants, autrement dit qui gouvernent leur conduite et délimitent leur pouvoir discrétionnaire » (3).

Partant de ces définitions, le gouvernement d’entreprise peut prendre deux sens : un sens large et un sens étroit.

Au sens large, le gouvernement d’entreprise s’étend aux relations entre l’entreprise et les autres agents intéressés par la bonne marche comme les employés, les clients, les créditeurs, les fournisseurs, et plus généralement l’environnement sociétal.  C’est le système Stakeholders (4).

De façon plus étroite, le terme de gouvernement d’entreprise est utilisé pour désigner l’articulation entre l’actionnaire et la direction de la société. C’est le système Shareholders (5).

 C’est ce sens restrictif que nous retiendrons dans le cadre de cette étude.  De même, notre attention sera portée sur la SA de type moniste étant donné qu’elle est à l’origine des différentes réflexions sur le gouvernement d’entreprise. .

1-Hyafil. A. (1997). Corporate Governance : une synthèse de la littérature. Cahier de recherche HEC.

2-Baudry. B. (2003). Economie de la firme. la Découverte

3-Charreau. G. (1997). Le gouvernement d’entreprise. Economica

4-Au-delà des actionnaires, ensemble des partenaires de l’entreprise qui regroupe notamment les actionnaires, les salariés, les créanciers, les dirigeants et les clients.

5-Modèle dont l’objectif est la maximisation de la valeur actionnariale.

Quelles sont les raisons de l’émergence du gouvernement d’entreprise ? (6)

Le corporate governance est le fruit d’une réflexion qui a été entamée à la fin des années soixante dix aux Etats-Unis afin d’éviter certains comportements pathologiques au sein des entreprises notamment dans le chef de leurs dirigeants.

En effet, on a constaté de graves erreurs commises par les dirigeants sans que leurs conseils réagissent, ce qui a déclenché une remise en cause de l’efficacité des conseils d’administration . Son rôle inopérant a poussé à le qualifier de chambre dormante (7).

La situation a débouché sur la publication en 1994 d’une volumineuse étude de l’American Low Institute : les principles of corporate governance.

Ces derniers couvrent un domaine très large et reposent notamment sur la notion de mandat. Leur objectif est de revitaliser les droits et pouvoirs des actionnaires afin qu’ils puissent contrôler efficacement l’action des dirigeants (8).

Mais, la valeur de ces principes a pris une acuité toute particulière depuis le début de la crise qui s’est déclenchée sur les marchés financiers américains et dont la cause principale réside dans les fraudes comptables de très grandes entreprises comme Enron et  Worldcom .

Dans ce contexte particulièrement inquiétant, le gouvernement américain a pensé à une revitalisation des principes de gouvernement d’entreprise en adoptant la loi sarbanes oxley ( votée à la quasi unanimité par le congrés et le sénat américain le 25juillet 2002, la loi SO a été officiellement promulguée par le président Bush le 30 juillet 2002) .

Cette loi comporte plusieurs mesures : la mesure la plus significative est celle qui concerne la responsabilité des dirigeants d’entreprise. A ce propos, toute irrégularité volontaire ou consciente est pénalisée. Les dirigeants encourent 20ans de prison .

De même, la loi SARBANES OXLEY adopte des règles obligeant les entreprises à mettre sur pieds des comités de vérification indépendants pour superviser le processus de vérification. Ceux-ci sont habilités à recevoir des plaintes venant des actionnaires ou encore des employés concernant la comptabilité de l’entreprise et les procédures de vérification.

6-Finet. A. (2005). Gouvernement d’entreprise : Enjeux managériaux, comptables et financier.  Bruxelles : De Boeck Université

7-Tunc . A. (1991) ; Suprimer ou renforcer le conseil d’administration des sociétés anonymes ? Revue droit des affaires. N° 5. page 669

8-Tunc. A . (1994) . Le gouvernement des sociétés anonymes, mouvement de réforme aux Etats-Unis et au Royaume Unis. Revue internationale de droit comparé.  page 62

Par ailleurs, la loi Sarbanes Oxley instaure la création de deux nouveaux organismes de contrôle, un organisme de contrôle des commissaires aux comptes notamment chargé de veiller au principe d’exclusivité des missions de certification des comptes et un comité public de surveillance, la public company accounting oversight board ( PCAOB) qui doit superviser les firmes comptables, établir les standards, et sanctionner les personnes physiques et morales qui ne respectent pas les règles (9).

Parti des Etats-Unis, le mouvement de réforme a gagné rapidement le Royaume-Uni où une commission présidée par Sir Adrian Cadbury a déposé un rapport publié en 1992.Ce document définit un code of best practices en matière financière afin de répondre aux attentes des praticiens quant au rôle et au fonctionnement du conseil d’administration, aux pratiques financières et comptables et au contrôle des rémunérations des dirigeants.

En 1955, un autre rapport insiste plus particulièrement sur les rémunérations des dirigeants en réaction aux rémunérations abusives octroyées à certains dirigeants.

Les principes établis dans les différents rapports ont été regroupés en 1998 au sein d’un même document «  le combined code of corporate governance).Dans ce code l’idée fondamentale est la même que celle qui anime les priciples of corporate governance : séparer les non-executives directors des executives directors et rendre les premiers indépendants des seconds.

En France, la réflexion sur le gouvernement d’entreprise s’est répandue dans les années 1990 consécutivement à certaines affaires dans les secteurs de la banque et de l’assurance. Elle a conduit à la rédaction de différents rapports (vienot 1 et 2, marini, bouton) qui ont émis des recommandations sur le fonctionnement des instances dirigeantes des entreprises.

La loi NRE a apporté des modifications substantielles dans ce domaine. De nouvelles règles ont été édictées. Elles visent une standardisation des pratiques managériales et concernent principalement trois domaines : la transparence et la diffusion de l’information auprès des actionnaires, le rôle et le fonctionnement du conseil d’administration ou du conseil de surveillance et la protection des droits des actionnaires et notamment des actionnaires minoritaires.

Toujours dans le souci de protéger les investisseurs, la loi de sécurité financière a été adoptée par le parlement français le 17 juillet 2003 afin de renforcer les dispositions légales en matière de gouvernement d’entreprise. Cette loi s’applique à toutes les sociétés anonymes. Comme la loi américaine sarbanes oxley, elle repose principalement sur une responsabilisation accrue des dirigeants ; un renforcement du contrôle interne ; une réduction des sources de conflits d’intérêt (13).

9-Parrat, F. (2003) . Le gouvernement d’entreprise . Paris : Dunod

10-Decoopman. N . (2003) . La nouvelle architecture des autorités financières , le volet institutionnel de la loi de sécurité financière . Jurisclasseur périodique.  n°42. page 1817

Au niveau international, l’OCDE a également émis un document intitulé « principes de gouvernement d’entreprise de l’OCDE » qui a reçu dés 1993 l’approbation des ministres des pays membres et a fait l’objet d’une révision à leur demande en 2004. Ils traitent principalement des droits des actionnaires, du rôle du conseil d’administration et de la transparence de l’information.

Ainsi donc, prospère le concept de gouvernement d’entreprise un peu partout dans le monde. Qu’en est-il du cas marocain ? est-ce qu’il  ya eu une transposition des principes de gouvernement d’entreprise dans le contexte marocain ?

Nul doute que la loi 17-95 modifiée et complétée par la loi 20-05 apporte sur ce plan des innovations qui bouleversent le paysage juridique ancien (11).

L’économie générale de la loi 17-95 sur ce plan pourrait se résumer ainsi :

      – une prise en considération des intérêts des minoritaires

       -Une nouvelle conception des conseils d’administration et de leur composition

      -Une responsabilisation plus grande des administrateurs

Or, à l’examen, ce sont bien là les objectifs les plus importants autour desquels s’articulent les principes et le concept de gouvernement d’entreprise (12).

A côté de cette loi, nous disposons aujourd’hui d’un code de bonnes pratiques de gouvernement d’entreprise élaboré sous l’égide de la CGEM en mars 2008 (13). Il s’agit d’un recueil de lignes de conduite et de recommandations complémentaires à la loi et aux règlements, et dont la mise en œuvre est flexible en fonction de la structure juridique de l’entreprise, de sa taille, de son activité, de son mode de gestion. Notons que ces principes sont d’une application volontaire, et chaque entreprise aura à se positionner par rapport au code et à expliquer dans quelle mesure elle en applique les recommandations. Ce système est appelé « comply or explain », c’est-à-dire appliquer la recommandation (comply) ou expliquer pourquoi on y déroge ( explain).

On peut donc se réjouir aujourd’hui d’avoir ce code complétant une loi également riche en dispositions sur le gouvernement d’entreprise car cela va conduire à l’amélioration du climat de l’investissement permettant d’atteindre un degré de confiance nécessaire au fonctionnement satisfaisant d’une économie de marché.

11-Avant la loi 17-95, la société anonyme était régie par le dahir de 1922 qui avait rendu applicable au Maroc la loi française de 1867

12-Kettani. A.  (1996).  La réforme marocaine de la société anonyme et le Corporate Governance. Revue marocaine de droit et de développement. n°37. page 67

13-D’autres codes ont vu le jour comme le code de bonnes pratiques de gouvernance des établissements publics ; code spécifique de bonnes pratiques de gouvernance des PME et entreprises familiales

Aussi bien les mérites de la loi que du code ont été médiatisées à leur sortie et plusieurs actions ont été menées auprès de la communauté des affaires pour sensibiliser les dirigeants aux recommandations sur le gouvernement d’entreprise.

Mais aujourd’hui, l’élan qui a porté ces principes  s’est essoufflé, et  on en parle beaucoup moins.

Or, le Maroc est toujours en phase d’adaptation. Le concept est encore peu familier dans le monde des affaires, ce qui risque de créer un différentiel important entre les principes édictés et la pratique des entreprises.

A cela s’ajoute le fait que le Maroc est aujourd’hui fortement confronté aux défis majeurs de la mondialisation. Cette dernière lui impose de s’aligner aux normes internationales et de les appliquer effectivement pour fournir aux investisseurs aussi bien nationaux qu’internationaux les mêmes conditions qu’ils peuvent obtenir ailleurs. Partant de là, le respect et l’application des principes de gouvernement d’entreprise est une nécessité fondamentale. C’est précisément cette nécessité qui donne à notre sujet un grand intérêt d’autant qu’il met en évidence plusieurs questions : l’égalité des actionnaires dans l’exercice de leurs droits, la transparence des travaux du conseil d’administration, la répartition des pouvoirs, la responsabilité des dirigeants…

Cette interrogation sur l’intérêt de la réflexion de l’étude étant éludée, il convient dés lors de jeter un éclairage sur l’état actuel du gouvernement d’entreprise au Maroc, et de rappeler une fois encore ces principes nécessaires à la prospérité et à la performance des entreprises marocaines.

Pour ce faire, deux questions méritent d’être posées à ce sujet :

La réponse impose d’analyser deux axes principaux : le renforcement des droits des actionnaires (première partie), et la nouvelle conception d’administration et de direction de la société anonyme (deuxième partie).

I- le renforcement des droits des actionnaires

Conformément aux principes de gouvernement d’entreprise, les actionnaires se voient renforcer leur droit au contrôle de la gestion de la société.

Pour certains auteurs comme A.Couret, ce droit trouve son fondement dans la théorie de l’agence entre les dirigeants et les associés, relation qui valorise le contrat de mandat. Partant de là, l’agence est une entremise.

Cette définition a une conséquence sur le statut des dirigeants : même s’ils exercent des pouvoirs dits légaux, dans leur relation avec les associés, la notion de mandat l’emporte (14).

Les dirigeants agissent donc dans l’intérêt de ces derniers, dans le cadre juridique du mandat. La délégation implique en conséquence une autonomie dans la gestion. Or, l’associé qui désire une gestion conforme à ses intérêts doit disposer en contrepartie de moyens de contrôle sur le mandataire.

Pour permettre donc aux actionnaires d’exercer ce droit de contrôle dans les meilleures conditions, il est indispensable de leur donner les moyens de s’informer complètement sur la situation de la société.

A côté de ce droit à l’information, les actionnaires ont le droit d’agir, d’infléchir le cours des choses, et de jouer un rôle plus actif dans la vie de la société.

A-  Le droit à l’information

Dans le cadre de l’ancienne loi, le législateur avait confié naturellement le contrôle de la gestion à chaque actionnaire, exprimant directement son opinion par un vote au sein de l’assemblée.

Mais, dans ce cadre, l’actionnaire n’était pas suffisamment informé. Avec la loi 17-95 modifiée et complétée par la loi 20-05, la situation change. L’idée de base est de faire en sorte que l’actionnaire mieux informé participe plus activement à la vie de la société et que les positions qu’il adopte soient ainsi éclairées.

Dans ce cadre, les SA sont tenues à tout moment de donner certaines informations à leurs actionnaires . Des obligations très précises d’information leur sont également imposées au moment des assemblées. On distingue donc entre le droit de communication périodique, et le droit de communication permanent. Tout manquement à ce droit de communication est sanctionné.

1-  information périodique

On entend par information périodique, l’information préalable à une décision d’assemblée. Cette information se réalise sous deux formes :

14-Couret. A..(1984). Les apports de la th7orie micro-économique moderne à l’analyse du droit des sociétés. Revue société

aPremier cas : envoi des documents ou information des actionnaires à domicile.

L’information arrive même aux actionnaires qui n’assistent pas personnellement à l’assemblée. A ce propos, la loi comporte deux dispositions fort intéressantes et en relation étroite avec les principes de gouvernement d’entreprise.

La première est celle qui est prévue par l’article 131 de la loi 17-95  modifiée et complétée par la loi 20-05, et qui donne à l’actionnaire ( à défaut d’assister personnellement à l’assemblée) le choix entre l’une des formules suivantes :

L’art 131 précise que « pour toute procuration d’un actionnaire à la société sans indication de mandataire, le président de l’assemblée générale émet un vote favorable à l’adoption des projets de résolutions présentés ou agrées par le conseil d’administration ou le conseil de surveillance, et un vote défavorable à l’adoption de tous les autres projets de résolution ».

Cette prescription inspirée de la législation française, elle-même inspirée de la législation américaine, a pour but d’attirer l’attention de l’actionnaire sur les conséquences d’un pouvoir en blanc. Retourner un tel mandat équivaut pour lui à donner carte blanche aux dirigeants. S’il ne le souhaite pas, il lui appartient de trouver un mandataire qui accepte de voter dans un autre sens, ou d’user de ce droit nouveau introduit par l’article 131 bis de la loi 20-05 qui consacre pour la première fois au Maroc le vote par correspondance. Il s’agit là de la deuxième disposition en relation avec les principes de gouvernement d’entreprise et qui montre la prise de conscience du législateur de la nécessité de restreindre le jeu des pouvoirs en blanc.

Ce choix entre le renvoi d’un pouvoir en blanc, la désignation d’un mandataire ou le vote par correspondance n’a de signification que s’il est éclairé, c’est-à-dire si l’actionnaire reçoit communication des documents sociaux. Ces documents sont d’après l’art 391 de la loi sur les SA :

b-Deuxième cas : communication au siège social.

Ce droit de communication porte sur plusieurs documents déterminés par l’article 141 de la loi sur les SA qui distingue entre les assemblées générales ordinaires et les assemblées générales extraordinaires.

C’est ainsi que pour l’assemblée générale ordinaire annuelle, les actionnaires ont droit de prendre connaissance au siège social à compter de la convocation de l’assemblée, et au moins pendant les quinze jours qui précédent la date de la réunion de :

Pour les autres assemblées, ordinaires ou extraordinaires, générales ou spéciales, et à compter de la convocation, tout actionnaire a également le droit au moins pendant le délai de 15 jours qui précédent la date de la réunion, de prendre au même lieu connaissance du texte des projets de résolutions, du rapport du conseil d’administration ou du directoire, et le cas échéant du rapport du ou des CAC.

2-Droit de communication permanent :

Le droit de communication permanent porte sur les documents qui ont pu être mis à la disposition des actionnaires avant les assemblées des trois exercices, et les procès et feuilles de présence correspondants ( article 146).

Hormis en ce qui concerne l’inventaire, l’actionnaire peut obtenir une copie de chaque document (article 147).

De même, pour l’exercice de son droit de communication, tout actionnaire peut se faire assister d’un conseil ( art 149). Le droit de consultation peut être exercé soit par l’actionnaire lui-même, soit par le mandataire qu’il a nommément désigné pour le représenter à l’assemblée ( art 150).

En cas de refus de communication de documents, l’actionnaire a le droit de s’adresser au président du tribunal statuant en référé, qui pourra ordonner à la société, sous astreinte de communiquer les documents (art 148).

Par ailleurs, si l’actionnaire n’a pas été en mesure d’exercer son droit de communication dans les conditions prévues par la loi, l’assemblée peut être annulée (art 152).

En outre, les membres des organes d’administration, de direction et de gestion d’une société anonyme s’exposent au paiement d’une amende de 8000 à 40000 Dhs s’ils ne mettent pas à la disposition de tout actionnaire les documents déjà énumérés.

De même, à côté des obligations légales en matière d’information, le code de bonnes pratiques de gouvernement d’entreprise recommande la diffusion d’informations relatives par exemple aux risques significatifs et prévisibles ou encore à la politique de gouvernance de l’entreprise. L’information doit porter sur les données importantes ou significatives de l’entreprise et doit être diffusée simultanément à tous les actionnaires pour garantir leur traitement équitable. En particulier, l’information financière et comptable doit être fiable, comparable, suffisamment détaillée et répondre strictement aux normes nationales et internationales.

B-Le droit à l’action

Les moyens d’action dont disposent les actionnaires pour exercer leur droit de contrôle sont nombreux. La loi leur confère un droit d’intervention dans la vie sociétaire. De même, elle leur confère le droit de demander réparation des dommages subits.

1-Droit d’intervention dans la vie sociétaire

a-Convocation de l’assemblée générale

C’est ainsi qu’un ou plusieurs actionnaires, représentant au moins le dixième du capital social, peuvent demander au président du tribunal statuant en référé la désignation d’un mandataire de justice chargé de convoquer l’assemblée.

Si l’autorisation lui est accordée, le mandataire doit convoquer l’assemblée sans tarder, sur l’ordre du jour fixé par le tribunal. Il assure la présidence des débats.

b-Récusation ou révocation des commissaires aux comptes

L’art 162 de la loi 17-95 modifiée par la loi 20-05 prévoit que les actionnaires, représentant au moins le cinquième du capital social, peuvent obtenir en justice la récusation d’un ou plusieurs commissaires aux comptes désignés par l’assemblée et la nomination d’autres.

La demande doit porter sur des éléments permettant effectivement la remise en cause de la compétence, l’objectivité ou l’indépendance du ou des commissaires aux comptes.

c-Inscription d’un projet de résolution à l’ordre du jour de l’assemblée

De même, les actionnaires représentant au moins cinq pour cent du capital social, peuvent requérir l’inscription de projets de résolutions à l’ordre du jour de l’assemblée. Le droit d’ajouter des points à l’ordre du jour permet aux actionnaires d’influer de manière décisive sur les assemblées générales.

d-Droit d’engager une procédure d’alerte

Par ailleurs, et en vertu de l’article 546 du code de commerce, tout associé dans une société commerciale peut engager une véritable procédure d’alerte s’il constate des faits de nature à compromettre la continuité de l’exploitation.

Cet article présente une grande utilité. Il permet en effet de pallier à la carence du commissaire aux comptes au sein de la société .

Signalons que ce droit prévu par l’article 546 est accordé à l’associé sans la moindre exigence de représenter une quote-part du capital social. Cette attitude législative est jugée excessivement libérale (15).

e-Droit de recours à un expert de gestion

L’expertise de gestion est une mesure d’information économique de contrôle de la gestion sociale, qui permet de s’assurer du respect de l’intérêt de la société par les dirigeants sociaux à l’occasion de certains actes de gestion (16).

On l’appelle également expertise de minorité car elle s’inscrit dans un ensemble de mesures qui  tendent à renforcer la minorité face à ceux qui exercent le contrôle de la société, détiennent le pouvoir et par conséquent assurent la gestion. Autrement dit, elle est une action par laquelle la minorité révèle son aptitude à intervenir en qualité d’organe subsidiaire de contrôle (17).

15-Soubai. CH. (1998). Les procédures de prévention et de traitement des difficultés de l’entreprise. Rabat : Dar Nachr Al Maarifa. page 180

16-Dedessus-Le-Moustier. N. (1998). Expertise de gestion et principe du contradictoire. Revue Société, page 45

17-Chartier. Y. (1978). La gestion et le contrôle des sociétés anonymes dans la jurisprudence. Paris : Litec. page 369

Pour que l’expertise soit ordonnée, l’article 157 de la loi sur la SA impose une condition de recevabilité : la demande doit être formulée par un ou plusieurs actionnaires représentant au moins le 1/10 du capital social.

Ce seuil a été fixé dans le but « d’empêcher les intrusions répétées des minoritaires dans la gestion sociale » (18).

Les actionnaires demandeurs doivent formuler dans leur assignation des critiques à l’encontre de la gestion de la société. Autrement dit, les demandeurs démontrent leur intérêt précis à être renseignés sur une ou plusieurs opérations de gestion suspectes susceptibles de leur porter préjudice.

La mission de l’expert consiste alors à compléter l’information des actionnaires sur une ou plusieurs opérations de gestion dont la conformité à l’intérêt social est douteuse, et rechercher des éléments pouvant éventuellement constituer un abus de droit.

La décision de justice qui ordonne l’expertise peut mettre les honoraires à la charge de la société.

Le rapport d’expertise est adressé au demandeur, au conseil d’administration ainsi qu’aux commissaires aux comptes. Il doit être obligatoirement mis à la disposition des actionnaires en vue de la prochaine assemblée générale, en annexe au rapport du ou des commissaires aux comptes.

f-Droit de contrôle des conventions réglementées

Les conventions réglementées sont par opposition aux autres conventions dites libres (19) ou interdites (20) soumises à une procédure d’autorisation et de contrôle et ce quelque soit leur objet.

Ce contrôle est destiné à vérifier que l’intérêt social n’est pas sacrifié au profit d’un autre intérêt personnel, et que la personne morale n’est pas à la merci de contrats lésionnaires ou de prélèvements opérés sans contrepartie.

Le domaine de la réglementation

Le dispositif légal de contrôle des conventions réglementées est d’application large. En effet, l’article 56 vise :

18-Scholastique. E. (1998). Le devoir de diligence des administrateurs de sociétés. Paris : LGDJ. page 301

19-Les conventions libres sont les conventions passées entre les dirigeants et la société qui ne sont pas soumises à l’autorisation préalable et qui portent sur des opérations courantes et conclues à des conditions normales

20-Les conventions interdites sont celles conclues entre la société et ses dirigeants et qui présentent un risque majeur pour le patrimoine social

-les conventions intervenant entre une société anonyme et l’un de ses administrateurs ou directeurs généraux ou directeurs généraux délégués ou l’un de ses actionnaires détenant directement ou indirectement plus de cinq pour cent du capital ou des droits de vote,

-les conventions auxquelles une de ces personnes est indirectement intéressée (24) ou dans lesquelles elle traite avec la société par personne interposée,

-les conventions intervenant entre une société anonyme et une entreprise, si l’un des administrateurs, directeurs généraux ou directeurs généraux délégués de la société est propriétaire, associé indéfiniment responsable, gérant, administrateur ou directeur général de l’entreprise ou membre de son directoire ou de son conseil de surveillance.

  La procédure de contrôle :

Le contrôle des conventions réglementées se fait en suivant trois étapes :

Première étape : l’administrateur, le directeur général, le directeur général délégué ou l’actionnaire intéressé est tenu d’informer le conseil dés qu’il a eu connaissance d’une convention à laquelle l’article 56 est applicable. Il ne peut prendre part au vote sur l’autorisation sollicitée.

La convention conclue sans autorisation préalable est susceptible d’entrainer la responsabilité des personnes concernée, et elle peut être annulée si elle entraine des conséquences dommageables pour la société.

L’action en nullité qui se prescrit par trois ans à compter de la date de la convocation peut être couverte par un vote ultérieur de l’assemblée générale intervenant sur rapport spécial du commissaire aux comptes.

Deuxième étape : le président du conseil d’administration doit ensuite donner avis au commissaire aux comptes dans le moi qui suit l’autorisation préalable de toutes les conventions autorisées qui seront soumises à l’approbation de l’assemblée générale ordinaire sur rapport spécial du commissaire aux comptes .

Troisième étape : l’assemblée générale ordinaire peut soit approuver, soit désapprouver les conventions. Dans les deux cas, elles produisent pleinement leurs effets à l’égard des tiers sauf en cas de fraude.

2-Droit de demander réparation des dommages subis :

Les minoritaires peuvent demander l’annulation des actes et délibérations pour abus de majorité.

21-Le texte est d’autant plus large qu’il fait référence à la notion de partie indirectement intéressée, ce qui est susceptible d’accroître considérablement le périmètre des opérations concernées

Si la majorité a sur le plan pratique le pouvoir souverain dans la société, donc le droit de décision, ce dernier s’imposant aux minoritaires, elle ne devrait pas en abuser.

L’abus de majorité suppose deux conditions cumulatives : tout d’abord, la décision prise doit être contraire à l’intérêt général de la société. Ensuite, elle doit avoir été guidée par l’unique dessein de favoriser les membres de la majorité au détriment des membres de la minorité .

Tel est le cas par exemple lorsque la décision cause un préjudice pécuniaire direct à la société tout en profitant à une autre société dans laquelle les actionnaires majoritaires ont des droits personnels.

L’abus de majorité peut déboucher sur l’annulation des actes et délibérations, ce qui a pour conséquence le retour au statut quo ante.

Les actionnaires minoritaires pourront également mettre en cause la responsabilité des dirigeants qui ont abusé de leurs prérogatives (22).

Au terme de cette première partie, on conclut que le dispositif juridique relatif à la société anonyme intègre les principes de gouvernement d’entreprise puisqu’il met au cœur de sa réflexion la place des actionnaires dans le jeu sociétaire, ainsi que leur rôle dans la gouvernance des sociétés.

Il existe donc aujourd’hui des avancées démocratiques dans la société anonyme au Maroc consacrant une amélioration des moyens et procédures qui permettent aux actionnaires de se faire entendre au sein et en dehors des assemblées générales, d’exprimer leurs opinions et leur choix et de contrôler l’exercice du pouvoir par les dirigeants.

Toutes ces dispositions ont le mérite d’apporter plus de transparence dans le fonctionnement de la société et de permettre une meilleure participation des actionnaires.

Toujours dans son souci d’assurer la protection efficace des actionnaires, de quelle manière la loi sur la société anonyme répartit-elle les pouvoirs, et comment renforce t- elle les contraintes imposées aux mandataires sociaux ?

22-Lazrak. R. (2001). L’aspect pénal de la loi sur la société anonyme. Actes du colloque organisé par l’institut IMADE. page 4

II- une nouvelle conception de l’administration et de la direction de la SA

Aussi bien la loi n° 20-05 que le code de bonne gouvernance comportent des dispositions et recommandations fort importantes à ce niveau.

L’idée de base est de redéfinir le rôle du conseil d’administration afin que ce dernier puisse surveiller efficacement la gestion de la société dans l’intérêt social.

Dans le même but, on a introduit la faculté de dissociation entre les fonctions de président du conseil d’administration et celles de directeur général.

A- Redéfinition des fonctions et missions de l’organe de gouvernance

Aujourd’hui, le conseil d’administration a un large pouvoir. Mais, l’efficacité de son fonctionnement est subordonnée à la présence de plusieurs facteurs dont les plus importants sont relatifs à l’indépendance de ses membres et à l’existence de comités, à la formation et à la professionnalisation des membres du conseil d’administration. De même, et en vue d’aider le conseil d’administration dans ses différentes fonctions, il est recommandé que les entreprises adoptent un règlement intérieur et une charte.

1-Le conseil d’administration a un large pouvoir

Jusqu’à la réforme introduite par la loi 20-05, les missions et pouvoirs des dirigeants des sociétés anonymes et du conseil d’administration se confondaient. La duplication de la définition des pouvoirs résultait des formulations des art 69 de la loi 17-95 déterminant les pouvoirs du conseil d’administration et 74 de la même loi  pour le président du conseil d’administration, tous deux disposant des pouvoirs les plus étendus pour agir en toute circonstance au nom de la société.

Aujourd’hui, les missions du conseil d’administration sont plus claires. En effet, l’art 69 de la loi 20-05 dispose que :

« Le conseil d’administration détermine les orientations de l’activité de la société et veille à leur mise en œuvre. Sous réserve des pouvoirs expressément attribués aux assemblées d’actionnaires et dans la limite de l’objet social, il se saisit de toute question intéressant la bonne marche de la société et règle par ses délibérations les affaires qui la concernent. Le conseil d’administration procède aux contrôles et vérifications qu’il juge opportuns ».

Partant de cet article, la loi confère au conseil d’administration trois prérogatives :

Dans cet axe, l’organe de gouvernance sera chargé de recruter les principaux dirigeants, de déterminer leurs rémunérations et veiller à ce qu’elles soient adaptées et transparentes en vue d’être admissibles et acceptées par les actionnaires, suivre leurs activités et leurs performances et , le cas échéant, les remplacer et préparer les plans de succession.

L’organe de gouvernance s’occupe aussi de surveiller et de gérer les conflits d’intérêt entre la direction, les membres du conseil et les actionnaires , y compris les abus des biens sociaux ou les abus commis dans le cadre des conventions réglementées.

 Dans ce cadre, le conseil d’administration est tenu de vérifier la    transparence de la gestion, les performances de l’entreprise, l’intégrité de ses systèmes de comptabilité et de communication financière ou non financière .

De même, il lui revient de vérifier si les principes comptables sont respectés, et si les dispositifs de contrôle interne et de maîtrise des risques existants sont adéquats. L’organe de gouvernance se charge aussi de l’organisation de l’audit externe et les relations avec les auditeurs externes.

Le conseil d’administration surveille également le processus de diffusion de l’information et de communication de l’entreprise, notamment en ce qui concerne : les obligations légales et réglementaires en matière d’information ; les orientations stratégiques ; la politique sociale ; la politique d’endettement et de dividendes ; les conventions réglementées avec notamment les principaux dirigeants et les holdings ; la rémunération des dirigeants.

Pour l’accomplissement de ces différentes tâches, le conseil d’administration a le droit de s’informer par lui-même et peut demander à tout moment, s’il l’estime nécessaire, des informations complémentaires même en dehors des conseils. Ce droit à l’information du conseil porte non seulement sur les points prévus à l’ordre du jour mais aussi sur l’ensemble des informations permettant d’apprécier la situation de l’entreprise.

2-Exigences pour un fonctionnement efficace du conseil d’administration :

a-L’indépendance de l’organe de gouvernance et de ses membres

Comme il a déjà été signalé, la tâche principale de l’organe de gouvernance est d’évaluer les performances des dirigeants et de prévenir les conflits d’intérêt. Or, la réalisation de cet objectif nécessite une indépendance de l’organe de gouvernance vis-à-vis de la direction de l’entreprise.

Cette indépendance de l’organe de gouvernance s’apprécie conformément au code de bonnes pratiques notamment à sa composition et à sa structure et particulièrement à la place accordée aux administrateurs non exécutifs ou externes et à l’existence de comités spécialisés.

Lorsqu’on se réfère à la loi marocaine ou encore au code de bonne gouvernance, on ne trouve pas de définition de l’administrateur non exécutif. Le législateur se contente de préciser dans l’article 67 dernier alinéa de la loi 20-05  que « les administrateurs qui ne sont ni président, ni directeur général, ni directeur général délégué, ni salarié de la société exerçant des fonctions de direction doivent être plus nombreux que les administrateurs ayant l’une de ces qualités ».

Partant de cet article, on peut considérer qu’un administrateur non exécutif est un administrateur qui contrairement à ses collègues dirigeants ( exécutifs) ne détient pas de fonctions exécutives ou de management dans l’entreprise. Il est  un membre libre d’intérêt qui n’entretient aucune relation de quelque nature que ce soit avec la société ou son groupe, qui puisse compromettre sa liberté de jugement ou de le placer dans une situation de conflits d’intérêts réel ou potentiel.

Cette notion est la transposition du modèle anglo-saxon, celui de l’independent non executive director. Elle est apparue avec la critique du contrôle exercé par le conseil. Elle est la marque d’une méfiance à l’égard des administrateurs dirigeants qui perdent facilement l’idée de démocratisation de la société au profit de ses actionnaires.

Partant de là, les administrateurs non dirigeants ont une mission de contrôle qui consiste à s’assurer que le management se conformait à certains standards de conduite et que la comptabilité est régulièrement tenue. Ils doivent porter un regard objectif sur l’entreprise, contribuer à enrichir la réflexion et la prise de décision grâce en particulier à leur assiduité, à leur profession et à leur indépendance. A cet effet, l’entreprise doit mettre à leur disposition la formation, l’information et les moyens nécessaires à l’exercice efficace de leur mission.

Compte tenu de l’importance de son rôle dans la gouvernance d’une organisation, l’administrateur indépendant doit disposer à la fois d’un savoir faire ( compétence en lien avec l’activité de l’entreprise, expérience, capacité de prendre des décisions dans l’intérêt de l’ensemble des actionnaires, vision stratégique…) et d’un savoir être ( confidentialité, loyauté, diligence, implication, intégrité, transparence, respect des intérêts de l’entreprise…).

Les administrateurs non dirigeants peuvent constituer entre eux des comités spécialisés. Sur ce point, le code de bonne gouvernance vient compléter la loi . En effet, le législateur ne donne aucune définition quant au rôle et aux moyens d’action des comités et les limite au nombre de deux : comité des investissements et comité des traitements et rémunérations.

Le code insiste sur la constitution des comités chargés de contrôler et de travailler sur un sujet spécifique. Il recommande de créer au moins deux comités différents à savoir un comité d’audit et un comité de nomination et de rémunération des dirigeants. L’organe de gouvernance jugera de l’opportunité de s’adjoindre d’autres comités ( risques, investissement..).

Le comité d’audit a pour mission l’examen des comptes de la société et le suivi du processus d’élaboration de l’information financière (23). Il contrôle l’efficacité du système de contrôle interne de l’entreprise. Il contrôle l’indépendance et l’objectivité des auditeurs externes dans la mesure où il participe au choix des commissaires aux comptes et institue une relation directe avec eux, et s’assure qu’ils sont en mesure d’exercer correctement leur mission.

Il rend compte régulièrement au conseil d’administration de l’exercice de ses missions et l’informe sans délai de toute difficulté rencontrée.

Quant au comité des rémunérations et nominations, il a pour mission principale d’aider le conseil d’administration à mettre en place une politique cohérente en matière de rémunération, et à élaborer la composition future des instances dirigeantes. Il doit veiller particulièrement à organiser une procédure efficace permettant la sélection des administrateurs indépendants, et à sélectionner les éventuels successeurs des mandataires sociaux.

Le comité des rémunérations et nominations se réunit au moins deux fois par an et chaque fois qu’il le juge nécessaire pour remplir ses obligations hors ou en présence des dirigeants.

L’existence de ces comités est donc une mesure importante. Leur présence au sein du conseil d’administration est un gage d’efficacité puisqu’ils sont aptes à se pencher de façon suffisamment approfondie sur les sujets les plus complexes ou les plus sensibles.

Toujours dans le souci d’assurer l’indépendance du conseil d’administration, le code de bonne gouvernance déconseille les mandats réciproques, pratique selon laquelle les dirigeants d’une société sont les membres de l’organe de gouvernance d’une autre société et

23-Finet A. op.cit. page 155

 réciproquement ; cette pratique fait que les administrateurs ne sont pas incités à pratiquer un vrai contrôle dans la société afin de ne pas être symétriquement contrôlés dans la société qu’ils dirigent.

Il est par ailleurs recommandé d’éviter un cumul de mandats de nature à altérer l’exercice de la fonction de membre de l’organe de gouvernance dans les meilleures conditions.

b-Formation et professionnalisation des membres de l’organe de gouvernance

Le code marocain de bonne gouvernance insiste sur la compétence et la professionnalisation des membres du conseil d’administration. Ceci s’explique surtout par le fait que les missions imparties au conseil d’administration sont de plus en plus importantes, et par l’environnement de plus en plus difficile et contraignant pour les administrateurs.

La compétence des administrateurs s’apprécie au moment de leur nomination et tout au long de leur fonction .C’est ainsi qu’au moment de la nomination des nouveaux membres du conseil d’administration, le comité des rémunérations et nominations s’assure qu’ils ont reçu une formation leur permettant de mieux appréhender l’environnement réglementaire de leur mission et confronter leurs connaissances dans les domaines liés à celle-ci.

Les administrateurs doivent garder à jour leurs compétences et connaissances professionnelles nécessaires pour s’acquitter de leurs fonctions et de leurs obligations. Ils doivent également actualiser en permanence leurs connaissances en matière de réglementation.

La mission de formation et professionnalisation de la fonction des administrateurs est assurée par des instituts disposant des moyens nécessaires pour l’exercer. Au Maroc, l’institut marocain des administrateurs (IMA) a été crée en juin 2009 sous forme d’une association ayant pour mission principale de fournir la formation, l’information et l’expertise nécessaire aux administrateurs de sociétés, en vue de promouvoir les bonnes pratiques de gouvernance d’entreprise au sein des conseils d’administration et professionnaliser la fonction d’administrateur.

L’IMA organise des conférences, des cycles de formation des administrateurs. Ces formations sont conçues pour apporter aux administrateurs des méthodes pratiques et applicables afin qu’ils puissent accomplir leurs missions au sein du conseil d’administration avec compétence et efficacité tout en actualisant leurs connaissances juridiques, financières et économiques.

3-Les outils de fonctionnement de l’organe de gouvernance : le règlement intérieur et la charte du membre de l’organe de gouvernance :

a-Le règlement intérieur

Le règlement intérieur a pour objet de définir les modalités d’organisation et de fonctionnement du conseil d’administration en complément des dispositions légales et statutaires.

Les rubriques universellement admises tel qu’elles ont été abordées par le code marocain de bonnes pratiques de gouvernement d’entreprise s’articulent autour de l’organisation des réunions du conseil d’administration ( convocation, ordre du jour, fréquence, durée des séances…) ; les missions du conseil ; la répartition des pouvoirs entre président et directeur général (pour les conseils ayant décidé la dissociation des deux fonctions) ; la définition des comités spécialisés ( composition, attributions, modalités de fonctionnement) ; ainsi que le mode et la fréquence d’évaluation du conseil ( pour certaines sociétés par exemple, au moins une fois par an, un point de l’ordre du jour d’une réunion est consacré à l’évaluation du fonctionnement du conseil en vue d’améliorer l’efficacité de ses travaux).

b-La charte de l’administrateur :

Conformément au code marocain de bonnes pratiques de gouvernement d’entreprise, elle peut être insérée ou non au règlement intérieur. Elle est recommandée afin que chaque administrateur ait clairement conscience de son rôle, de ses droits et de ses devoirs.

Les principaux points contenus dans cette charte concernent : le respect et la défense de l’intérêt général de l’entreprise, l’exercice des fonction avec indépendance de jugement, de décision et d’action, intégrité, loyauté, assiduité, confidentialité et professionnalisme.

B- choix de maintenir le cumul des fonctions de président et de directeur général ou de les dissocier

La loi 20-05 a instauré un nouveau mode d’organisation de la société anonyme à conseil d’administration : les sociétés anonymes peuvent soit opter pour la formule de président directeur général, soit dissocier les fonctions de directeur général et de président du conseil d’administration.

Il appartient au conseil d’administration de faire un choix entre l’un des deux modes possibles d’exercice de la direction générale. Ce choix sera porté à la connaissance des actionnaires lors de la prochaine assemblée générale et fera l’objet des formalités de dépôt, de publicité et d’inscription au registre du commerce dans les conditions prévues par la loi (24).

24-Sur ce point, les actionnaires sont traités comme des tiers puisqu’ils seront simplement informés de ce choix, ce qui va à l’encontre de la logique de Corporate Governance qui suppose que les détenteurs du capital disposent du pouvoir de choix du mode selon lequel la société sera dirigée.

 

1-Dissociation des fonctions

Il s’agit d’un mode de gouvernance qui fait la distinction entre l’actionnariat et le management (25). Le président du conseil d’administration est nécessairement actionnaire de la société alors que le directeur général n’est pas obligé de l’être (26). La loi répartit les tâches comme suit :

a-Le président du CA :

Conformément à l’article 74 bis de la loi20-05 « le président du conseil d’administration représente le conseil d’administration. Il organise et dirige les travaux de celui-ci, dont il rend compte à l’assemblée générale. Il veille au bon fonctionnement des organes de la société et s’assure en particulier que les administrateurs sont en mesure de remplir leur mission. »

Partant de là, le président du conseil d’administration a trois prérogatives :

 25-Guyon Y (1999). Faut-il dissocier la présidence du conseil d’administration de la direction générales des sociétés anonymes ? Revue Lamy droit des affaires

26-Ce mode de gouvernance s’apparente à la forme de la société à directoire et à conseil de surveillance dans la mesure où le management est dissocié de l’actionnariat.

b-Le directeur général :

 

 Le directeur général est investi des pouvoirs les étendus pour agir en toute circonstance au nom de la société. Il exerce ses pouvoirs dans la limite de l’objet social et sous réserve de ceux que la loi attribue expressément aux assemblées d’actionnaires et au conseil d’administration. Il représente la société dans ses rapports avec les tiers  (art 74 de la loi 20-05) .

Dans la société anonyme dissociée, le directeur général est le vrai patron de l’entreprise, qui représente celle-ci à l’extérieur. C’est lui qui dirige opérationnellement l’entreprise, et en contrepartie est responsable devant le conseil d’administration et assume la responsabilité civile du chef d’entreprise. Il doit veiller en particulier à transmettre au président toutes les informations qu’il juge utiles pour que le conseil d’administration soit correctement informé.

De plus, le conseil d’administration peut dans la limite d’un montant total qu’il fixe, autoriser le directeur général à donner des cautions, avals ou garanties au nom de la société.

Le directeur général peut également convoquer le conseil d’administration à se réunir après avoir sollicité le président du conseil d’administration à le faire sans résultat et lorsque le conseil ne s’est pas réuni depuis plus de deux mois. Le directeur général établit alors l’ordre du jour de cette réunion conformément à la loi (article 73 de la loi 17-95 modifiée par la loi 20-05).

Cela dit, les pouvoirs du directeur général sont contenus dans les limites que forment les pouvoirs spécialement attribués au conseil d’administration et à l’assemblée générale, ainsi que l’objet social.

c-Le directeur général délégué :

 Le directeur général a la faculté de se faire assister par un ou plusieurs directeurs généraux délégués.

Ce dernier est donc appelé à exercer auprès du directeur général une mission d’assistance. Ses pouvoirs sont fixés par le conseil d’administration en accord avec le directeur général.

A l’égard des tiers, le directeur général délégué est un organe de la direction au même titre que le directeur général lui-même. Il dispose en effet des mêmes pouvoirs que le directeur général.

2-Le cumul des fonctions

Dans ce mode de direction, le président directeur général cumule les attributions du président non directeur général et du directeur général. Il apparait comme l’homme- orchestre qui concentre les pouvoirs et les risques.

Le président directeur général garde donc les pouvoirs propres à un président du conseil d’administration, et à ce titre, il organise les travaux du conseil d’administration et veille au bon fonctionnement des organes de la société.

En parallèle à cela, il exerce les pouvoirs qui sont ceux d’un directeur général, et à ce titre il assure la direction générale de la société et toutes les dispositions concernant le directeur général lui sont applicables.

 Cette formule de gouvernance avec président directeur général est fortement critiquée du fait de la concentration des pouvoirs dans l’entreprise entre les mains d’une seule et même personne, et c’est pour cette raison que le législateur a permis la dissociation que nous venons d’analyser. Cette dernière permet de mieux distinguer les différents pouvoirs, d’assurer un meilleur équilibre des pouvoirs dans la société, d’accroitre la capacité de l’organe de gouvernance à prendre des décisions en toute indépendance et à renforcer le caractère collégial des décisions.

Conclusion :

Au terme de cette lecture des différents aspects de gouvernement d’entreprise consacrés par la loi 17-95 modifiée par la loi 20-05 et le code de bonne gouvernance, on peut affirmer que le droit des sociétés au Maroc marque une avancée considérable dans le mouvement de gouvernement d’entreprise grâce notamment au renforcement des droits des actionnaires, leur traitement équitable, l’amélioration de la transparence, l’introduction du vote par correspondance, la séparation des fonctions de direction et de contrôle…

Cette évolution du dispositif marocain de gouvernement d’entreprise répond à la volonté du Maroc de s’inscrire dans une démarche de progrès continu et de se rapprocher des standards internationaux en la matière.

Mais, il est clair que beaucoup de travail reste à faire pour réduire les écarts entre le cadre juridique et les pratiques.

Pour répondre à cette préoccupation, des campagnes de sensibilisation, des actions pédagogiques doivent être menées d’une manière régulière pour permettre aux différents intéressés de comprendre les enjeux, les méthodes et outils d’une bonne gouvernance d’entreprise.

En effet, l’efficacité des différents principes en rapport avec ce concept tiendra bien évidement à l’effectivité de la mise en œuvre des dispositions de la loi, des recommandations du code de bonne gouvernance, et aussi à la connaissance qu’en auront fait les praticiens.

Liste bibliographique :

Ouvrages :

-Charreaux G (1997), Le gouvernement d’entreprise, Paris, Economica

-Chartier Y (1978), La gestion et le contrôle des sociétés anonymes dans la jurisprudence, Paris, Litec

-Finet A et autes (2005), Gouvernement d’entreprise : enjeux managériaux, comptables et financiers, édition De Boeck Université, Bruxelles

-Guyon Y, Droit des affaires, t1, 11 ème édition Economica

-Le Cannu P, Droit des sociétés, 2 ème édition Montchrestien

-Memento pratique Francis Lefebvre (2007), Les sociétés commerciales

-Parrat F (2003), Le gouvernement d’entreprise, Paris, Dunod

-Scmidt D (1999), Les conflits d’intérêt dans la société anonyme, édition Joly

-Scholastique E (1998), Le devoir de diligence des administrateurs de sociétés, Paris, LGDJ

-Soubai CH (1998), Les procédures de prévention et de traitement des difficultés de l’entreprise, Dar Nachr Al Maarifa

Les revues

-Couret A (1984), Les apports de la théorie micro-économique moderne à l’analyse du droit des sociétés, revue société, p 234

-Dedessus Le Moustier N (1998), Expertise de gestion et principe du contradictoire, revue société, p 45

-Goyet G (1990), Les limites du pouvoir majoritaire dans les sociétés, RJCom, num spécial, La loi de la majorité

-Guyon Y (1999), Faut-il dissocier la présidence du conseil d’administration de la direction générale des sociétés anonymes, revue Lamy droit des affaires

-Kettani A (1996), La réforme marocaine de la SA et le Corporate Governance, revue marocaine de droit et de développement, n37, p 67

-Lazrak R (2001), L’aspect pénal de la loi sur la SA, Actes du colloque organisé par l’institut IMADE, p 4

-Tunc A (1991), Supprimer ou renforcer le conseil d’administration des SA, revue droit des affaires, n5 p 669

-Tunc A (1994), Le gouvernement des SA, mouvement de réforme aux Etats-Unis et au Royaume-Uni, revue internationale de droit comparé, p 62

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