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Le crime électronique face aux principes fondamentaux de droit pénal

Le crime électronique face aux principes fondamentaux de droit pénal 

Mohamed Msalha professeur à la Faculté de Droit à Mohammedia 

et 

Khalid En-nashi Etudiant chercheur au Centre d’Etudes doctorales à la Faculté de Droit Mohammedia

 

 

Le droit pénal obéit à certains principes cardinaux qui fondent son rigorisme ; parmi eux, nous pouvons inventorier les principes ci-après : la légalité criminelle ; l’interprétation stricte de la loi pénale ; l’autonomie du droit pénal ; la territorialité, la personnalité et l’universalité de la loi pénale. A ceux-ci, nous pouvons joindre les principes relatifs à la qualification des faits, au concours d’infractions, à la qualification d’infraction et à la tentative punissable.

 

Tous les principes sus énumérés, précieux au droit pénal Marocain, sont  battus en brèche par la cybercriminalité qui, par sa nature complexe, ne peut être embobinée par lesdits principes.

 

Les règles de procédure pénale relatives aux organes chargés de la répression, aux pouvoirs et procédures reconnus aux autorités judiciaires, à la preuve, à l’extradition et à la coopération internationale contre le crime sont mis en mal par la cybercriminalité.

 

Il convient donc de procéder à  une légère démonstration de l’inadéquation entre quelques principes fondamentaux du système pénal Marocain sus énumérés et la cybercriminalité.

 

Traduit du latin « nullum crimen, nulla poena sine lege » (pas de crime, ni de peine sans loi), le principe de la légalité des délits et des peines[1], dispose qu’on ne peut être condamné pénalement qu’en vertu d’un texte pénal, précis et clair[2]. En d’autres termes, un acte ne peut être considéré comme infractionnel que s’il était déjà prévu et qualifié comme tel par le code pénal antérieurement à son exécution. Ainsi donc, une action ou une abstention, si préjudiciable soit-elle à l’ordre public, ne peut être sanctionné par le juge que lorsque le législateur l’a visée dans un texte et interdite sous la menace d’une peine[3].

 

Le principe de la légalité criminelle, consacré par des instruments juridiques internationaux[4], a été transposé dans l’ordre normatif marocain, notamment dans la constitution et dans le code pénal. Il constitue un rempart contre l’arbitraire des acteurs judiciaires et garantit une justice équitable.

 

La quasi-majorité d’inconduites naissantes de la cybercriminalité, c’est-à-dire celles qui sont liées à l’essence même des NTIC, restent méconnues de notre arsenal juridique pénal. Logiquement, ces crimes échapperaient à toute poursuite judiciaire parce qu’elles ne sont pas encore érigées en infractions ! Cette anachronisme substantiel du droit pénal face à l’évolution des NTIC et des dangers y afférents, est de nature à cautionner l’impunité, car qu’on se le dise, la cybercriminalité est déjà une réalité au Maroc. Une adaptation du code pénal Marocain s’avère fortement nécessaire et impérieuse.

 

 

Le système de droit pénal se fonde sur l’idée de la souveraineté nationale, de sorte que la portée directe des décisions judiciaires qu’il génère soit limitée au territoire national.

Le principe de la territorialité de la loi pénale dispose que celle-ci ne peut s’appliquer que dans les limites du territoire national de l’Etat auquel elle appartient, c’est-à-dire de l’Etat qui a édicté cette loi[5].

 

Néanmoins, Internet est un media véritablement universel. Les aspects géographiques (tels que l’emplacement où l’information est physiquement stockée) revêtent une importance mineure. Les données transférées transitent par différents pays et régions en ignorant les frontières et les lignes de démarcation.

 

Dès lors, un questionnement suscite une attention particulière : sur base du principe de la territorialité, quelle suite le Droit pénal marocain réserverait-il à un sujet étranger résidant dans son pays, qui, par le moyen d’Internet, escroquerait à partir de là un sujet marocain résidant au Maroc au moment de faits, une somme colossale d’argent transférée via une compagnie de transfert de fonds ; magot transféré en échange d’un service prétendument légitime ? Quoi qu’il en soit, dans cette hypothèse, il me semble que le code pénal n’a pas prévu de solution.

 

 

Selon une expression de Merle et Vitu, La preuve a, en droit criminel, « une importance fondamentale, c’est autour d’elle que la procédure pénale gravite[6] ». La preuve a pour objet la commission d’une infraction. A cet effet, il s’agit de rassembler les preuves de l’infraction et d’en rechercher le ou les auteurs. Cette infraction doit être prouvée dans tous ses éléments constitutifs : matériel, moral et légal.

 

Dans une procédure pénale, les auteurs d’une infraction doivent être identifiés et des solides preuves de leur culpabilité doivent être produites.

Ces exigences compliquent les poursuites intentées contre les auteurs des délits informatiques commis à l’aide de réseaux dans la mesure où l’Internet est difficile à contrôler et garantit, du moins aux utilisateurs avertis, un niveau élevé d’anonymat. Les réseaux informatiques internationaux (dotés de relais de messagerie anonymes ou de dispositifs d’accès libre aux fournisseurs d’accès Internet) assurent aux contrevenants un anonymat qui ne pourra être levé que si tous les pays que la communication traverse décident de coopérer[7].

 

Le principe est celui de la légalité et de la hiérarchisation de la preuve. Les modes de preuve sont énumérés d’une manière précise, il s’agit de : la preuve littérale, la preuve testimoniale, les présomptions, les aveux des parties, et les serments.

 

Par ailleurs, S’agissant de la preuve en matière pénale, elle est, pour l’essentiel, fondée sur la jurisprudence faisant application des principes généraux du droit. Sans doute, qu’il est malséant dans un droit qui se veut légaliste de recourir aux principes généraux pour suppléer à l’absence de dispositions législatives, lorsque le législateur a omis de traiter une matière, non pour laisser libre jeu à l’interprète, mais au contraire pour écarter délibérément cette matière de son droit.

 

Avec la dématérialisation de l’écrit par Internet qui a apporté des supports intangibles, il y a une certaine dématérialisation de la preuve devenue électronique, la notion de preuve implique une nouvelle définition, un nouveau mode d’élaboration et des nouveaux effets juridiques. La signature électronique, en tant que preuve, elle devra juridiquement être définie pour permettre au juge et aux parties de s’en servir dans un procès mettant en évidence une inconduite perpétrée via ou contre des réseaux informatiques en générale et Internet en particulier.

 

Toutefois, le législateur marocain à donné une solution à ce problème en matière civile par la loi n° 53-05 relative à l’échange électronique des données juridiques et complétant le D.O.C[8] marocain, ainsi, l’article 417-1 de ladite loi stipule que « l’écrit sur support électronique a la même force probante que l’écrit sur support papier.. ». Reste à savoir est ce que la liberté de la preuve en matière pénal permet aux juges de prendre en considération les preuves électroniques.

 

En effet, outre des dispositions de fond ou de procédure en droit pénal, les instances de répression doivent disposer des mécanismes et instruments nécessaires pour instruire les affaires de cybercriminalité. Ce type d’instruction présente plusieurs difficultés. D’une part, les auteurs de ces infractions peuvent agir à partir de n’importe quel endroit sur la planète tout en masquant leur identité. Les mécanismes et les instruments nécessaires pour instruire ce type d’affaire peuvent donc être assez différents de ceux utilisés pour enquêter sur les infractions classiques. D’autre part, du fait de la dimension internationale de la cybercriminalité, le cadre juridique national doit permettre la coopération avec les agences de répression étrangères[9].

 

 

 

[1] Le principe de légalité des délits et des peines était appliqué probablement depuis des temps fort anciens. Il n’a cependant été identifié et conceptualisé qu’au Siècle des Lumières; il est généralement attribué à Cesare Beccaria qui publia anonymement en l’été 1764 à Livourne, l’ouvrage « Dei delitti e delle pene » (Des délits et des peines).

[2] Lire l’article « Principe de légalité en droit pénal » sur Wikipédia.

[3] Parvèz A.C. DOOKHY, Le comité judiciaire du conseil privé de la reine Elizabeth II d’Angleterre et le droit mauricien, in www.memoireonline.com.

[4] Notamment la déclaration universelle des droits de l’homme de 1948 dans ses articles 9,10 et 11

[5] Frédéric DESPORTES et Francis LE GUNEHEC, Droit pénal, Principe de la territorialité de la loi pénale.

[6] Merle & Vitu, cités par Conte, P. & Maistre du Chambon, Procédure Pénale, 4è Ed. Armand Colin, Paris, 2002, p.31.

[7] Nacer LALAM, la cybercriminalité p96.

[8] Le Dahir des Obligations et Contrats.

[9] Comprendre la cybercriminalité, guide pour les pays en développement p100.

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