Le concept de PARTENARIAT

 

 

Le concept de  PARTENARIAT

HALIM SAFFOUR

Université Mohammed V de Rabat

Faculté des Sciences Juridiques

Economiques et Sociales – Salé

 

 

 

 

Introduction

 

Face aux échecs des approches autocentrées du développement, une approche dynamique concertée et solidaire est adoptée par les pouvoirs publics pour permettre la répartition des missions de développement territorial et d’améliorer l’esprit d’entreprise et de créativité locale.

Dans ce contexte, le partenariat s’est imposé, entre autres techniques, comme un mécanisme plus développé et approprié  de la gestion publique et fait l’objet d’un intérêt en constante progression.

Ainsi, , selon la loi 113-14 relative aux communes« les communes peuvent dans le cadre des compétences qui leur sont dévolues, conclure entre elles ou avec d’autres collectivités territoriales ou avec les administrations publiques, les établissements publics, les instances non gouvernementales étrangères, les autres instances publiques ou les associations reconnues d’utilité publique des conventions de coopération ou de partenariat pour la réalisation d’un projet ou d’une activité d’intérêt commun ne justifiant pas la création d’une personne morale de droit public ou privé».[1]

Mais, notons que toutes les définitions ont des poncifs : c’est un contrat de longue durée ; il est une alliance entre différentes organisations publiques et privées ; il vise à la coopération et la coordination d’activités réalisées conjointement par les acteurs publics et privés ; il s’agit d’une entente établissant un partage réel des responsabilités, des investissements, des risques et des bénéfices éventuels[2]

Le développement de ce genre de partenariat dont se charge l’autorité publique est un phénomène mondial[3].

Au Maroc, l’association du public et du privé est une pratique ancienne en matière de concessions, qui remonte au XXème siècle. Elle (la concession) a connu plusieurs phases. La première date de 1906 à l’issue de la signature de l’acte d’Aljaziras conclu sur la passation des premiers contrats de concession conformément aux articles 105 et 106 qui prévoient le recours aux capitaux étrangers pour l’exploitation des services publics et la fixation des mécanismes d’adjudication publique pour toute concession des services publics.

La seconde phase est marquée par la signature de l’Accord international de 1911 entre la France et l’Allemagne qui prévoit dans son article 6 que l’exploitation des services publics est réservée à l’Etat chérifien ou librement concédée par lui à des tiers.

Le traité de protectorat de 1912 (phase3) a favorisé la passation des contrats de concession principalement avec des sociétés françaises dont :

  • 1914: concession à la société marocaine de distinction (SMD) des activités de production et de distinction d’eau potable dans les villes du Royaume et concession de la ligne ferroviaire de Tanger-Fès.
  • 1916: concession de l’exploitation des ports de Casablanca, Fdala et Tanger.
  • 1920: concession de la ligne ferroviaire Fès-Marrakech.

La période 1947-1950 (4ème phase) marque l’extension des contrats de concession de la SMD à 20 villes.

La cinquième phase qui débute avec l’indépendance du Maroc en 1956 est marquée par le rachat des entreprises concessionnaires et la création de monopoles publics nationaux et locaux :RAD(recherche agricole pour le développement)(Casa) en 1961, ONE(l’Office National de l’électricité)  en 1961 et ONCF(l’Office national des chemins de fer) en 1963, RED en 1964 (Rabat-Salé).

La sixième phase a été réservée à la restructuration à la libéralisation de l’économie marocaine à partir des années 80 et la manifestation par l’Etat de son intérêt pour la gestion privée de certains services publics dans des domaines tels que les transports urbains, la distribution d’eau et d’électricité, l’assainissement et la collecte des déchets ménagers.

A partir de février 2006, la Maroc adopte la loi 54-05 relative à la gestion déléguée des services publics pour attirer les investisseurs intéressés (mais malgré les apports de cette loi dont essentiellement la garantie aux opérateurs nationaux et étrangers, la clarté et la transparence des procédures et l’égalité d’accès et de traitement, et le partage des risques liés aux projets de partenariat, elle reste insuffisante :

Le contenu de cette loi prévue pour combler un vide juridique, s’inspire dans ses dispositions essentielles des législations récentes en particulier des pays européens tout en respectant la spécificité marocaine.

 

  1. le recours au partenariat

 

Dans son article précédemment cité, M. EL YAAGOUBI distingue entre les raisons extérieures au partenariat et les raisons relatives à ce dernier. La première catégorie réside dans les difficultés que connaît actuellement la gestion publique traditionnelle, la persistance de la fragilité des finances publiques, la frustration grandissante de l’opinion publique à l’endroit de la qualité des services publics, le retour en force évident ces dernières années d’une rhétorique d’inspiration libérale. La seconde catégorie réside dans le fait que le partenariat bénéficie d’un ensemble de valeurs très positives : la négociation, la concertation, l’accord de volonté et la recherche de consensus[4].

Pour mener à bien leurs différentes activités, les collectivités territoriales ont besoin de moyens financiers. La première étape dans la gestion de ces moyens est l’élaboration d’un budget pour connaître les montants qui pourront être attribués à chaque opération (dépenses), il convient avant tout d’évaluer les ressources dont on disposera (recettes).

Chaque ménage, chaque individu sait qu’il ne peut dépenser plus que ses revenus à moins de recourir à l’emprunt. Dans ce dernier cas, il devra périodiquement prévoir un montant à consacrer au remboursement de cet emprunt.

Le budget est donc un acte de prévision et d’évaluation de recettes et de dépenses. Or, la nouvelle approche de la gestion publique dans sa version partenariale est née dans le contexte de difficultés budgétaires qui frappent les collectivités territoriales des pays industrialisés depuis les années 1970 et de la perte progressive de la légitimité accordée aux gestionnaires publics en matière de gestion  efficace des ressources. La raréfaction de ces dernières est la conséquence de l’accroissement important des déficits publics et de la dette.

Aussi, l’évaluation du bien-fondé de l’action publique dépend-t-elle de ses résultats. La voie étant ouverte à une communication des logiques d’évaluation entre le public et le privé, une expansion considérable du partenariat a vu le jour dans les pays développés et ceux en voie de développement dont le succès revient à la réduction des investissements publics consécutive aux restrictions budgétaires et à une approche renouvelée de la gestion  publique.

Le développement étendu de ce genre de contrats et de ses domaines d’application suscite néanmoins des inquiétudes en raison d’échecs qu’ont connu des pays industrialisés et ceux en voie de développement.

La problématique budgétaire des partenariats implique nécessairement un retour sur les raisons qui amènent une collectivité territoriale à décider de s’engager dans ce genre de partenariat et ce au-delà de l’opportunité budgétaire.

Dans leur ouvrage collectif, Frédéric Marty, Arnaud Voisin et Sylvie Trosa «  les partenariats public-privé »[5], discernent « une contrainte de triple nature. Il s’agit tout à la fois de réaliser des investissements publics dans un contexte budgétaire contraint, de bénéficier des savoirs faire et capacités des firmes privées et de s’assurer d’une répartition optimale des risques entre entité publique et prestataire privé » et ce dans le cadre d’une approche budgétaire des partenariats.

 

  1. les notions voisines du partenariat
  2. Les marchés publics

L’efficacité de la commande publique, la bonne utilisation des deniers publics, la transparence dans la passation des marchés publics et la lutte contre la fraude et la corruption, la simplification des procédures, l’égalité de traitement des soumissionnaires et l’encouragement au recours à la concurrence, l’amélioration de la gestion et du contrôle des marchés publics, restent les objectifs phares des pouvoirs publics en matière de l’organisation de gestion et du contrôle des marchés du pays.

D’une part, Un marché public est un contrat à titre onéreux conclu par un pouvoir adjudicateur avec une entreprise en vue de faire effectuer des travaux ou de se procurer des fournitures ou des services. D’autre part, son importance s’opère dans la commande publique  qui couvre l’ensemble des marchés publics attribués par les services publics (Etat, établissements et entreprises publics et collectivités locales) pour acquérir des biens, réaliser des services et des travaux.

La réglementation opère une distinction entre les marchés  qu’ils portent sur des travaux, des fournitures ou des services, et s’inspire fortement des standards internationaux notamment   l’accord de l’organisation mondiale de commerce (lOMC) sur les marchés publics et les directives des principaux bailleurs de fonds.

Ainsi Le système des marchés publics se caractérise par une déconcentration au niveau du budget de l’État, une décentralisation au niveau des collectivités territoriales, des établissements publics  responsables de la passation des marchés et par l’accumulation d’une expérience de plusieurs décennies[6].

 

  1. La gestion déléguée

La gestion déléguée est un contrat par lequel  une personne morale de droit public, dénommée “délégant” , délègue, pour une durée limitée, la gestion d’un service public dont elle a la responsabilité à une personne morale de droit public ou privé, dénommée “délégataire” en lui reconnaissant le droit de percevoir une rémunération sur les usagers et/ou de réaliser des bénéfices sur ladite gestion. La gestion déléguée peut également porter sur la réalisation et/ou la gestion d’un ouvrage public concourant à l’exercice du service public délégué[7].

 

  1. La concession

L’octroi à une entreprise privée du droit d’exploiter un service d’infrastructure défini et de percevoir des recettes tirées de cette exploitation. Le concessionnaire prend possession des actifs concernés (dont la propriété continue toutefois généralement d’appartenir à l’administration publique) et utilise ces actifs pour fournir le produit ou le service correspondant conformément aux termes du contrat de concession[8].

 

  1. La commande publique

La commande publique est un terme générique relatif à l’ensemble des contrats passés par les personnes publiques pour satisfaire leurs besoins. Ces contrats peuvent ou non être soumis au code des marchés publics.

La commande publique recouvre ainsi une notion très large englobant plusieurs formes telles que les marchés publics,  les marchés soumis à l’ordonnance n° 2005-649 du 6 juin 2005 relative aux marchés passés par certaines personnes publiques ou privées non soumises au code des marchés  publics , les délégations de services publics , les contrats de partenariat, … [9]

 

  1. Un accord cadre

Les accords-cadres sont les contrats conclus entre un des pouvoirs adjudicateurs définis à l’article 2 [du Code des marchés publics (édition 2006) ][10] et de opérateurs économiques publics ou privés, ayant pour objet d’établir les termes régissant les marchés à passer au cours d’une période donnée, notamment en ce qui concerne les prix et, le cas échéant, les quantités envisagées[11].

 

 

 

  • analyse comparative

Le CP, les marchés publics et les concessions :

 

Marché public

 

Contrat de partenariat

 

Délégation de service public

 

Objet monofonctionnel

 

 

Courte durée (généralement)

 

 

 

Objet multifonctionnel

 

 

Longue durée

 

 

Objet multifonctionnel

 

 

Longue durée

 

délégation

 

Pas de préfinancement

Marchés successifs

Service rendu à l’administration

Paiement public

 Préfinancement

Conception- construction

Maintenance et gestion et/ou exploitation de l’ouvrage

Service rendu à l’administration

Paiement public principal

(+revenu tiers)

Financement

Conception- construction

Maintenance et gestion + exploitation du service

Relation directe à l’usager

Paiement par l’usager

 

 

 

 

Risque de construction

 

 

Risque de construction

 

Risque de performance

 

 

Risque de construction

Risque de performance

Risque de demande trafic

Déconsolidant pour le public

 

 

 

[1] – Dahir n 1-15-83 du 20 ramadan 1436(7juillet 2015) partant promulgation de la loi organique n 113-14 relative aux communes, art : 149.

[2] – EL YAAGOUBI Mohamed, La notion de partenariat, Revue de droit et d’économie, décembre 2007, p : 36.

[3] – AL-MALIYA, « le partenariat public privé (PPP) : nouveau mode de financement et de gestion de service public », Revue trimestrielle du ministère de l’économie et des finances,  N 44 Mars 2009, p : 6.

[4] – EL YAAGOUBI (M), op.cit., p. 37.

[5]– Marty(Frédéric), Voisin(Arnaud), Trosa(Sylvie), Les partenariats public-privé, Paris, La Découverte, 2006, p. 25.

 

[6] – Bulletin Officiel n° 5518 du 19 avril 2007

– Décret n° 2-06-388 du 16 moharrem 1428 (5 février 2007) fixant les conditions et les formes de passation des marchés de l’Etat ainsi que certaines règles relatives à leur gestion et à leur contrôle.

 

[7] – La loi  54-05 relative à la gestion déléguée des services publics. Article 2

[8] – Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement Conseil Du Commerce Et Du Développement, Dixième session, Genève, 7-9 juillet 2009

 

[9] – Commission du commerce et du développement, Groupe intergouvernemental d’experts du droit et de la politique de la concurrence,  Dixième session, Genève, 7-9 juillet 2009.

[10] – Les pouvoirs adjudicateurs soumis au présent code sont :

[11] –  Art. 1 du Code des Marchés Publics 2006.

 

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