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L’application des normes Bâle III : Cas des banques marocaines

 

L’application des normes Bâle III : Cas des banques marocaines

                                                                                  LAARIBI ILHAM

                                                                                    Doctorante

                                                                                 Université Mohammed V de Rabat

                                                                                      FSJES Rabat-Agdal 

Introduction :

La réforme du secteur financier est un processus continu et ininterrompu. Ce processus s’inscrit dans une vision qui tient compte des évolutions rapides que connaît le secteur financier international où l’innovation, l’apparition de nouveaux produits et de nouveaux métiers sont des données permanentes, et où la production de nouveaux textes législatifs adaptés s’avère nécessaire.

Sur le plan international, le secteur bancaire fait l’objet d’une réglementation prudentielle fixée par le Comité de Bâle, dans le but d’assurer sa solidité, sa stabilité et d’atténuer les inégalités concurrentielles. Son principe fondateur est basé sur un ratio minimal de solvabilité, introduit en 1988 sous la forme du ratio de Cooke, qui aboutit à une harmonisation des règles de contrôle bancaire régissant le niveau de fonds propres.

Les textes définitifs détaillant la réglementation bancaire Bâle III ont été publiés par le Comité de Bâle le 16 décembre 2010. Ces accords sont issus d’une mure réflexion dans le but de tirer les enseignements de la crise financière qui a débuté en 2007, d’éviter qu’un tel phénomène ne se reproduise et de mettre en ouvre des mesures qui faciliteront la résilience du système bancaire en cas de difficulté.

Dans ce cadre, le Comité de Bâle a introduit une définition plus stricte des fonds propres et a édicté de nouvelles normes sur la liquidité des banques afin, à la fois, de répondre aux faiblesses révélées par la crise financière et d’accroître la résistance du système bancaire au niveau international. Certaines dispositions de Bâle III constituent une révision en profondeur des normes actuelles pour les fonds propres, d’autres sont entièrement nouvelles et portent sur des aspects qui n’étaient pas couverts auparavant, notamment l’instauration de ratios de liquidité et la mise en œuvre d’instruments contra-cycliques.

Sur le plan national, le Maroc a choisi de s’aligner aux normes de Bâle III, c’est ainsi que Bank Al-Maghrib a poursuit ses actions visant l’adaptation du cadre légal et réglementaire applicable aux banques et sa convergence vers les meilleurs standards. Dans ce cadre, plusieurs réformes ont été réalisées, portant notamment sur l’amendement du statut de Bank Al-Maghrib et de la loi bancaire ainsi que sur la mise en place d’un dispositif macro-prudentiel.

Pour la mise en œuvre de Bâle III, Bank Al-Maghrib a opté pour une approche progressive consistant à prioriser les deux réformes majeures relatives aux fonds propres et à la liquidité.

Cette contribution consiste à présenter succinctement les principaux apports de la réglementation bancaire aussi bien nationale qu’internationale en l’occurrence les accords de Bâle III, le projet des statuts de Bank Al-Maghrib et la nouvelle loi bancaire et traitera de l’impact de cette réglementation sur le secteur bancaire marocain.

Afin de répondre à cette problématique, dans la première section nous analysons l’évolution des recommandations du comité de Bâle et les principaux éléments composants. Dans la deuxième section nous passons en revue sur les mesures adoptées dans le cadre de Bâle III. Dans la troisième section nous allons présenter les principales actions visant l’adaptation du cadre légal et réglementaire marocain applicable aux établissements de crédit aux normes internationales. La dernière section se propose d’analyser l’impact de l’implémentation des normes Bale III sur les banques marocaines.

I- Historique des recommandations du comité de Bâle

C’est dans un contexte d’instabilité économique et financière particulièrement forte faisant suite à l’effondrement du système de Bretton Woods que les banques centrales du G10 ont crée le comité de Bâle pour la supervision bancaire en décembre 1974 en le plaçant sous l’égide de la banque des règlements internationaux (BRI)[1].

Le comité de Bâle, vise à assurer la stabilité et la fiabilité du système bancaire et financier à travers l’établissement de standards minimaux en matière de contrôle prudentiel, la diffusion et la promotion des meilleures pratiques bancaires et de surveillance et la promotion de la coopération internationale en matière de contrôle prudentiel. Il se compose de hauts représentants des autorités de contrôle et banques centrales de 27 pays[2].

Le Comité ne dispose d’aucune autorité universelle de supervision absolue. Ses conclusions ne sont pas force de loi. Il formule plutôt des normes générales de surveillance et de lignes directrices et recommande des déclarations de bonnes pratiques dans l’espoir que les autorités prendront les mesures adaptées à leurs propres systèmes nationaux.

Les décisions du Comité couvrent un très large choix de questions financières. Un objectif important du travail du Comité a été de combler les lacunes dans la couverture de surveillance internationale.

Le Comité de Bâle sur le contrôle bancaire fournit un forum pour une coopération régulière sur les questions de contrôle bancaire. Son objectif est d’améliorer la compréhension des principales questions de surveillance et améliorer la qualité de la supervision bancaire dans le monde entier.

En 1988, le Comité a décidé d’introduire un système de mesure du capital communément appelé l’Accord de Bâle. Ce système prévoyait la mise en oeuvre d’un cadre de mesure du risque de crédit avec un niveau de capital minimum de 8% fin 1992. Depuis 1988, ce cadre a été progressivement introduit non seulement dans les pays membres mais aussi dans pratiquement tous les autres pays avec les banques actives au niveau international.

En Juin 1999, le Comité a émis la proposition d’un cadre révisé de suffisance du capital. Le cadre de capital proposé se compose de trois piliers : des exigences minimales de fonds propres, qui cherchent à affiner les règles normalisées énoncées dans l’Accord de 1988, surveillance des institutions par examen du processus d’évaluation interne et d’adéquation du capital, et l’utilisation efficace de la communication pour renforcer la discipline de marché comme un complément des efforts de surveillance.

Comme la crise financière qui s’est amorcée en 2007 l’a clairement illustré, la mauvaise gestion du risque de liquidité peut causer de graves problèmes aux établissements bancaires, contribuer à la propagation de tensions financières à l’ensemble du système financier et finalement conduire à l’interruption de l’intermédiation financière[3]. Avant la crise, les marchés d’actifs étaient orientés à la hausse, et les financements, facilement disponibles à faible coût. Le retournement brutal de la situation a montré que l’assèchement de la liquidité peut être rapide et durable. Le système bancaire s’est trouvé soumis à de vives tensions, qui ont amené les banques centrales à intervenir pour assurer le bon fonctionnement des marchés monétaires et, parfois, soutenir certains établissements.

Historiquement, les travaux du Comité de Bâle ont abouti à la publication de trois grands accords : Bâle I en 1988, Bâle II en 2004 et Bâle III en 2010[4].

  1. Bâle I : Apports et limites

Bâle I a vu le jour uniquement quatorze ans après la création du comité de Bâle. Au cœur de cette publication se retrouve le « ratio Cooke », élément fondateur de la régulation bancaire : il met en évidence le principe selon lequel le financement de chaque risque doit comprendre un certain montant de fonds propres. Cette précaution doit permettre d’assurer la sécurité globale du marché et de minimiser les risques de nature systémique en évitant l’effet “domino”. Ainsi, le ratio des fonds propres réglementaires d’un établissement de crédit par rapport à l’ensemble des engagements de crédit pondérés de cet établissement doit au moins être égal à 8%.

                                Fonds propres  

Ratio Cooke  =                                             ≥8%

                         Actifs pondérés du risque

Au numérateur du ratio : Fonds propres réglementaires au sens large

Outre le capital et les réserves (fonds propres de base), peuvent être inclus dans les fonds propres réglementaires les fonds propres complémentaires considérés comme du “quasi-capital”, comme les dettes subordonnées (les dettes dont le remboursement n’intervient qu’après celui de toutes les autres dettes).

Au dénominateur du ratio : Engagements de crédit

L’ensemble des engagements de crédit de la banque était visé, avec toutefois certains aménagements.

Cependant, Bâle I a rapidement révélé ses limites. Tout d’abord, la pondération des engagements était insuffisamment différenciée pour rendre compte du niveau effectif du risque de crédit. Ensuite, les années 1990 ont vu l’émergence d’un phénomène nouveau, à savoir l’explosion du marché des produits dérivés et donc des risques “hors-bilan”. Rapidement, le comité a dû se rendre à l’évidence qu’une refonte de l’accord était nécessaire, et c’est Bâle II qui va partiellement remplir ce besoin. Bâle II a pour principal objectif de mieux évaluer les risques bancaires en intégrant notamment, hormis le risque de crédit et le risque de marché, la notion de risque opérationnel et de mettre en place un dispositif de surveillance prudentielle et de transparence[5].

  1. Bâle II : Apports et limites

Le comité de Bâle pour la supervision bancaire a promulgué en juin 2004 un nouveau dispositif : Convergence Internationale pour la Mesure des Fonds Propres et Normes de Fonds Propres «International Convergence Of Capital Measurement and Capital Standards ». En entreprenant la révision de l’Accord de 1988, le Comité avait pour objectif premier de mettre au point un dispositif permettant de renforcer encore la solidité et la stabilité du système bancaire international[6].

Cet accord Bâle II a été conçu pour contribuer à la prévention des faillites bancaires individuelles grâce à des normes de fonds propres plus flexibles et mieux proportionnées aux risques et à leurs évolutions.

Les recommandations de Bâle II s’appuient sur trois piliers. Le contenu de ces trois piliers est mis en relief dans le tableau ci-dessous, tableau faisant ressortir les différences avec l’accord de Bâle I [7]:

Bâle II
             Pilier I :

Exigence minimale de  fonds propres.

Risque de crédit (nouvelle approche de calcul)

Risque de marché  (inchangé).

Risque opérationnel (nouveau).

             Pilier II :

Surveillance par les autorités prudentielles.

Evaluation des risques et dotation en capital spécifique à chaque banque.

Communication plus soutenue et régulière avec les banques

            Pilier III :

Transparence et discipline de marché.

Obligation accrue de publication (notamment de -la dotation en fonds propres et des méthodes d’évaluation des risques)

Bâle I : Harmonisation des bases juridiques en matière de surveillance bancaire.

Taux de capital propre de 8 % uniforme à l’échelle internationale.

Le premier pilier introduit une meilleure différenciation des exigences de fonds propres en fonction des risques. Ainsi, dans sa nouvelle version, le ratio de solvabilité prend en compte d’autres catégories de risque que le risque de crédit, à savoir le risque de marché et le risque opérationnel et s’exprime de la façon suivante[8]:

                                                              Fonds propres

Ratio McDonough=                                                                                                ≥ 8%

                  Risque de crédit+Risque Opérationnel+Risque de marché

Il définit les méthodes de calcul des exigences en fonds propres et distingue trois approches pour l’évaluation du risque :

Le deuxième pilier  indique aux  instances nationales de régulation la manière de surveiller efficacement le respect des prescriptions de Bâle. Elles sont surtout tenues de vérifier régulièrement comment les banques définissent leurs besoins en capitaux par rapport à leurs profits de risque. Outre les aspects quantitatifs, c’est à dire contrôler  la gestion des risques ou les audits internes. Si les critères qu’elles ont fixés ne leur semblent pas remplis de façon satisfaisante, elles peuvent prendre des mesures supplémentaires comme, par exemple, exiger la constitution de fonds propres supérieurs aux exigences du comité de Bâle, de sorte que des prescriptions plus détaillées en matière de fonds propres ne puissent pas rendre inutiles le développement de procédures de contrôle ou de gestion des risques.

Le troisième pilier  a pour objet de compléter les exigences minimales de fonds propres (premier pilier) et le processus de surveillance prudentielle (deuxième pilier). Le Comité a cherché à favoriser la discipline de marché en élaborant un ensemble d’informations à publier, permettant aux acteurs du marché d’évaluer les principales données relatives au profil de risque d’une banque et à son niveau de capitalisation. En effet, la publication d’informations constitue un élément particulièrement important du nouvel accord, puisque les établissements bénéficieront d’une plus grande latitude pour déterminer leurs exigences de fonds propres grâce à des méthodologies internes. En renforçant la discipline de marché grâce à une meilleure communication financière, le troisième pilier du nouveau dispositif de fonds propres apportera de grands avantages en aidant les banques et les autorités de contrôle à gérer les risques et à renforcer la stabilité.

Malheureusement, la crise financière qui a débuté aux Etats Unis en 2007, a révélé certaines faiblesses du dispositif révisé Bâle II [9]. En effet, Bâle II n’a pas passé le test de la crise survenue avec la chute de Lehman Brothers, ni en Europe, ni aux Etats Unis, où d’ailleurs il n’a jamais été appliqué.

Ainsi, parmi les limites reprochées aux accords de Bâle II, on retrouve notamment l’effet pro cyclique, la sous pondération dans le calcul des risques de marchés et des risques des produits complexes tels que la titrisation et la re-titrisation, et l’absence de prise en compte du risque de liquidité, d’ailleurs pas étonnant vu le contexte de liquidité abondante et pas chère.

II- Les principales mesures de Bâle III

Bâle III est la principale réforme mise en œuvre depuis la crise de 2007. Cette nouvelle réglementation bancaire, renforce les règles internationales en matière de fonds propre et de liquidités[10]. Certaines dispositions de Bâle III constituent une révision en profondeur des normes actuelles, d’autres sont entièrement nouvelles et portent sur des aspects qui n’étaient pas couverts auparavant.

1-     Une redéfinition des fonds propres

Bâle III a introduit une nouvelle structure des fonds propres qui se base sur l’amélioration et le renforcement du niveau de ces fonds.

  1. Amélioration de la qualité des fonds propres

Bâle III vise à améliorer la qualité des fonds propres des établissements bancaires pour renforcer leur capacité à absorber des pertes. Dans ce cadre, le Tier 1 et le Tier 2,  sont définis de la même manière que sous les accords de Bâle II.

Selon les accords de Bâle II, le montant du capital doit être de 8% des actifs pondérés. Cependant, des déductions doivent être faites pour le Tier 1.  En effet, il y a certains éléments qui ne rentrent plus dans la définition du capital. Il s’agit du goodwill, des intérêts minoritaires, des approvisionnements pour déficit et les actifs d’impôts différés et enfin les investissements dans les autres institutions financières telles que ses propres parts ou celles que la banque possède dans une compagnie d’assurance. Le but de cette dernière suppression étant d’éviter le double comptage de capital. Enfin, Bâle III va éliminer le Tier 3 qui n’était disponibles que pour couvrir les risques de marché.

  1. Renforcement du niveau des fonds propres

La crise financière a démontré que le secteur bancaire a besoin d’une quantité croissante de fonds propres. Dans ce contexte, Bâle III fait passer le Tier 1 de 4% à 6% et le noyau dur de 2% à 4.5% du total des actifs pondérés par les risques. Quant au Tier 2, il peut être de maximum 2% étant donné que le montant total des capitaux requis reste de 8%.  A première vue, ce minimum de 8% pourrait laisser croire qu’il n’y a pas d’augmentation du capital.  En réalité, il y a bien augmentation du capital requis par l’introduction de deux volants (le volant de conservation et le volant contracyclique).

En ce qui concerne la qualité des fonds propres, on observe aisément que celle-ci est améliorée dans la mesure où la part des fonds propres de meilleure qualité passe à 4,5%.

En conclusion, les établissements de crédit devront non seulement prévoir une part plus importante dans leur bilan pour les fonds propres mais elles devront également tenir compte du fait que le nouvel accord prend en considération moins de postes que le précédent pour calculer le pourcentage effectif de capital.

Il s’agit de contrer le risque s’étendant à l’ensemble du système, c’est-à-dire le risque que des perturbations au sein du système financier puissent déstabiliser la macroéconomie.

Pour limiter le risque systémique il faut  non seulement réduire la procyclicité, c’est-à-dire la tendance du système à amplifier les périodes d’expansion et de repli de l’économie réelle. Mais aussi prendre en considération les interconnexions et les expositions communes des établissements financiers, particulièrement ceux qui ont une importance systémique.

Dans ce cadre, les accords de Bâle III prévoient le calcul d’un volant de conservation.  Ce volant est composé d’actions ordinaires et vient s’ajouter au noyau dur du Tier 1.  Celui-ci s’élève alors à 7% (4.5% de fonds propres en temps que tels et 2.5% de volant de conservation).  Nous observons que, grâce à ce volant de conservation, il y a un renforcement de la qualité ainsi que de la quantité des fonds propres. En réalité, ce volant a pour objectif de s’assurer que les banques puissent maintenir un niveau de capital minimum lors de récession économique.  Les banques qui ne satisfont pas à cette mesure ne pourront ni payer des dividendes, ni donner des bonus à leurs employés.  Nous pouvons dire que le noyau dur du Tier 1 doit être de 4.5% en 2015 et que le volant de conservation de 2.5% doit être mis en place pour 2019, ce qui portera le noyau dur à 7%.

Les banques vont devoir également créer un volant contracyclique, ce volant servira à fournir des liquidités à la banque en cas de grosses pertes, évitant ainsi de devoir lever tout de suite de nouveaux capitaux.  Il est composé d’actions ordinaires et également d’autres formes de capital.  Ce volant variera de 0% à 2.5% du total du bilan.  Cette mesure répond bien au problème de procyclité des Accords de Bâle II.

Une des caractéristiques de la crise a été l’accumulation, dans le système bancaire, d’un effet de levier excessif au bilan et au hors-bilan.

Le Comité instaure une nouvelle exigence sous la forme d’un ratio de levier ayant pour objectifs :

Nouvel élément de Bâle III : un ratio de levier indépendant du risque sera défini pour compléter l’exigence de fonds propres fondée sur le risque. Ce ratio de levier est défini par le rapport des fonds propres sur le total de bilan (total actif ou passif).

Le comité propose enfin de fixer le niveau du ratio de levier à 3%, du moins durant la période de transition (2013-2017)[11].

  1. Ratio de liquidité à court terme

Le Comité de Bâle envisage l’introduction d’un ratio de liquidité à court terme, le Liquidity Coverage Ratio (LCR), dont l’exigence minimale est de 100 % et qui a pour but de favoriser la résistance immédiate des banques à une éventuelle situation d’illiquidité.

Il s’agit d’une obligation pour les banques de disposer d’un volant d’actifs liquides de très bonne qualité, suffisant pour faire face à des sorties de trésorerie pendant 30 jours, dans un scénario de tensions aiguës à court terme.

                              Stock d’actifs liquides de haute qualité

Ratio LCR  =                                                                                     ≥ 100%

                     Sorties nettes de trésorerie sur une période de 30 jours

Le Comité de Bâle a prévu une mise en œuvre progressive du LCR avec une première exigence de 60% à partir du 1er  janvier 2015 et une augmentation progressive de 10% par an pour atteindre 100% au 1er  janvier 2019.

  1. Ratio de liquidité à long terme

Bâle III envisage l’introduction d’un ratio de liquidité à long terme, le Net Stable Funding Ratio (NSFR), pour remédier aux asymétries de financement et inciter les banques à recourir à des ressources stables pour financer leurs activités. Il s’agit de mettre en parallèle le montant des ressources stables à moins et plus d’un an avec les différents profils d’actifs. Et d’évaluer les ressources et les besoins de financement grâce à une pondération reflétant le caractère « stable » du financement et l’échéance de l’actif financé.

                              Ressources stables à 1 an

Ratio NSFR =                                                         ≥ 100%

                           Besoins de financement à 1an

Le comité de Bâle a prévu d’instaurer une exigence minimale à compter du 1er janvier 2018.

Il est nécessaire non seulement d’améliorer la qualité des fonds propres et de relever leur niveau, mais aussi de s’assurer que les risques importants sont bien appréhendés par le dispositif de fonds propres. L’incapacité des banques à prendre en compte les risques importants sur les positions de bilan et de hors-bilan, ainsi que sur les expositions liées aux opérations sur dérivés, a eu un effet amplificateur majeur sur la crise. Dans ce cadre, le comité a renforcé les exigences en fonds propres pour risque de contrepartie sur instruments dérivés et a diminué le recours aux notations externes.

  1. Risque de contrepartie 

Le Comité instaure les nouvelles exigences suivantes [12]:

Les réformes portant sur la couverture du risque de contrepartie entreraient en vigueur le 1er janvier 2013.

  1. Diminuer le recours aux notations externes

Le Comité a évalué diverses mesures visant à diminuer le recours aux notations externes prévu dans le dispositif de Bâle II.

Les banques doivent désormais procéder à leur propre évaluation interne des expositions à des produits titrisés faisant l’objet de notations externes ; élimination de certains effets de seuil associés aux pratiques d’atténuation du risque de crédit ; intégration de certains éléments du code de conduite de l’OICV (Code of Conduct Fundamentals for Credit Rating Agencies) dans les critères d’admissibilité définis par le Comité pour l’utilisation des notations externes dans le dispositif de fonds propres[13].

Le document intitulé « Bâle III : dispositif réglementaire mondial visant à renforcer la résilience des établissements et systèmes bancaires », Décembre 2010 (document révisé juin 2011) décrit les réformes élaborées par le Comité de Bâle. Il énonce les règles et fixe le calendrier de mise en œuvre du dispositif de Bâle III :

Calendrier de mise en œuvre de Bâle III[14]

2013 2014 2015 2016 2017 2018 2019
 

Ratio de levier

Période d’évaluation parallèle :

1er janvier 2013 – 1er janvier 2015

publication à compter du 1er janvier 2015

Intégration au pilier
Ratio minimal pour les actions ordinaires et assimilées de T1 (CET1) 3,5% 4,0% 4,5% 4,5% 4,5% 4,5% 4,5%
Volant de conservation des fonds propres 0,625% 1,25% 1,875% 2,50%
Ratio minimal CET1+volant de conservation 3,5% 4,0% 4,5% 5,125% 5,75% 6,375% 7,0%
Déduction de CET1 20% 40% 60% 80% 100% 100%
Ratio minimal Fonds propres de base (T1) 4,5% 5,5% 6,0% 6,0% 6,0% 6,0% 6,0%
Ratio minimal Total des Fonds propres 8,0% 8,0% 8,0% 8,0% 8,0% 8,0% 8,0%
Ratio minimal Total des Fonds propres+ volant de conservation  

8,0%

 

8,0%

 

8,0%

 

8,625%

 

9,25%

 

9,875%

 

10,5%

Instruments de Fonds propres devenus non éligibles aux autres éléments de T1 et à T2  

 

Elimination progressive sur 10 ans

Ratio de liquidité à court terme (LCR) Introduction du ratio minimal
Ratio de liquidité à long terme (NSFR) Introduction du ratio minimal

III- Dispositifs de mise en œuvre de Bâle III au Maroc

Dans un environnement réglementaire en pleine mutation au plan international, Bank Al-Maghrib poursuit ses actions visant l’adaptation du cadre légal et réglementaire applicable aux établissements de crédit et sa convergence vers les meilleurs standards. Ainsi, pour préserver la stabilité financière, plusieurs réformes ont été réalisées, portant notamment sur l’amendement du statut de Bank Al-Maghrib et de la loi bancaire ainsi que sur la mise en place d’un dispositif macro-prudentiel.

La nouvelle loi bancaire n°103-12[15] a fait l’objet d’une nouvelle réforme, après celles de 1993 et 2006. Ce texte structurant, qui a tenu compte des enseignements tirés de la crise financière et de la nécessité de faire converger la législation marocaine vers le référentiel international, a défini le cadre légal pour l’exercice de la surveillance macro-prudentielle, tout en renforçant les mécanismes de résolution des crises mis à la disposition de Bank Al-Maghrib. Il a introduit également les fondements légaux visant à permettre l’émergence de nouveaux acteurs et services financiers, notamment dans le domaine de la finance participative.

  1. Nouveau dispositif de surveillance macro-prudentielle et renforcement du régime de résolution des crises

Avec la nouvelle loi bancaire, le Comité de Coordination et de Surveillance des Risques Systémiques (CCSRS), qui remplace la Commission de Coordination des Organes de Supervision du Secteur Financier (CCOSSF) a vu ses attributions et sa composition, élargies. Ce Comité a pour missions[16]:

Sur le plan du traitement des difficultés des établissements de crédit, la nouvelle loi confère à Bank Al-Maghrib le pouvoir, en cas d’urgence et lorsque des circonstances menaçant la stabilité du système bancaire l’exigent, d’exercer des mesures exceptionnelles et de décider directement de l’application d’une ou plusieurs mesures de résolution prévues par la loi[17].

Les options et mécanismes juridiques de résolution ont été parallèlement étendus dans la nouvelle loi. Celle-ci confère, par ailleurs, un rôle en matière de résolution à la nouvelle société chargée de la gestion du fonds collectif de garantie des dépôts. En plus de contribuer au processus de résolution, en tant qu’administrateur provisoire, celle-ci peut prendre une participation dans le capital d’un établissement de crédit ou lui accorder des prêts[18].

  1. Introduction de nouveaux acteurs et services financiers

La loi consacre un chapitre dédié aux banques participatives, traitant des principes de base devant les gouverner, du périmètre de leurs activités et du cadre institutionnel qui leur est spécifique notamment la création d’une fonction chargée d’identifier et de prévenir les risques de non conformité de leurs opérations et activités aux avis conformes du Conseil Supérieur des Ouléma. Ces banques seront soumises aux mêmes procédures d’agrément et de supervision, moyennant les aménagements nécessaires pour se conformer aux standards en la matière[19].

Avec le développement des canaux de paiements électroniques et la diversification des acteurs sur le marché de ces paiements, la loi a créé le statut d’établissement de paiement pour les entités qui seraient habilitées, après agrément, à fournir des services de paiement[20].

Dans la perspective du développement de la place financière de Casablanca et pour combler le vide juridique concernant la fourniture des services d’investissement, la loi a défini les services qui peuvent être exercés soit par les banques, soit par des institutions spécialisées qui relèveraient du contrôle du Conseil Déontologique des Valeurs Mobilières (CDVM)[21].

De leur côté, les associations professionnelles seront renforcées par la création d’une troisième association à laquelle doivent adhérer les établissements de paiement y compris les sociétés intermédiaires en transfert de fonds[22].

  1. Elargissement du périmètre de la supervision bancaire

La nouvelle loi bancaire étend la compétence de Bank Al-Maghrib à l’agrément des associations de micro-crédit et des banques offshore, à l’élaboration de la réglementation comptable et prudentielle les régissant ainsi qu’au traitement de leurs difficultés, y compris le retrait d’agrément[23].

  1. Renforcement des règles relatives à la gouvernance bancaire

La loi a instauré l’obligation de doter les conseils d’administration des établissements de crédit de membres indépendants. Elle prévoit également des dispositions permettant à Bank Al-Maghrib de s’opposer à toute nomination d’une personne au sein des organes d’administration, de direction ou de gestion d’un établissement de crédit, si elle estime que les mandats exercés dans d’autres institutions peuvent entraver l’accomplissement normal de ses fonctions[24].

La loi consacre l’obligation de la mise en place des Comités d’audit chargés d’assurer l’évaluation des dispositifs du contrôle interne ainsi que des comités chargés du suivi du processus d’identification et de gestion des risques. Ces comités doivent être l’émanation du conseil d’administration ou du conseil de surveillance, le cas échéant, et comporter des administrateurs indépendants[25].

  1. Renforcement de la protection de la clientèle

Pour converger vers les meilleures pratiques, la gestion des deux fonds de garantie des dépôts prévus par la loi bancaire est confiée à une société gestionnaire au capital détenu par les banques et placée sous le contrôle de Bank Al-Maghrib[26].

Dans le but de faciliter davantage le règlement des litiges entre les établissements de crédit et leur clientèle et de renforcer la protection des intérêts de cette dernière, la loi confère à Bank Al-Maghrib des prérogatives renforcées et impose aux établissements de crédit de se doter d’un dispositif interne de traitement des réclamations formulées par leur clientèle. Elle exige également de ces établissements d’adhérer au dispositif de médiation bancaire[27].

La nouvelle loi prévoit, par ailleurs, des passerelles entre les autorités de la concurrence et Bank Al Maghrib et comporte également des dispositions visant l’harmonisation de ses prescriptions avec celle de la loi relative à la protection des données à caractère personnel[28].

Les missions des banques centrales ont subi une transformation profonde suite aux enseignements tirés de la crise financière internationale de 2009, particulièrement, en matière de stabilité financière.

Eu égard à ces développements, et en vue de mettre cette loi au diapason des meilleurs standards internationaux, il est devenu nécessaire de procéder à une refonte de la loi portant statut de Bank Al-Maghrib.

Les grandes lignes du projet de loi portant statut de Bank Al-Maghrib n°04-15[29] peuvent être récapitulées comme suit :

  1. Le renforcement de l’indépendance de la Banque centrale 

Le projet de loi prévoit d’attribuer à la banque centrale une autonomie totale en lui conférant le pouvoir de définir l’objectif de stabilité des prix, qui devient son objectif principal, et de conduire la politique monétaire en toute indépendance. De même, il propose une nouvelle disposition permettant la concertation régulière entre le ministre chargé des finances et le Wali en vue d’assurer la cohérence de la politique macro-prudentielle ainsi que celle de la politique monétaire avec les autres instruments de la politique macro-économique[30].

En contrepartie du renforcement de son indépendance, ledit projet prévoit l’introduction du contrôle parlementaire en permettant l’audition du Wali par les commissions permanentes chargées des finances du parlement sur la politique monétaire et l’exercice des autres missions de la banque[31].

  1. L’élargissement des missions de la banque centrale au renforcement de la stabilité financière

Le projet de loi propose d’élargir les missions de Bank Al-Maghrib à la contribution à la prévention du risque systémique et au renforcement de la stabilité financière et d’adapter ses instruments d’intervention à cette mission[32].

Pour s’acquitter de cette nouvelle mission, ledit projet prévoit des dispositions permettant à la banque (i) d’être représentée au sein du comité de coordination et de surveillance des risques systémiques, créé par la nouvelle loi bancaire ; (ii) de proposer au Gouvernement toute mesure visant à maintenir la stabilité financière ; (iii) de prendre des participations dans des établissements de crédit dans un contexte de gestion des risques systémiques et de résolution des crises bancaires ; (iv) d’imposer aux établissements de crédit et aux gestionnaires des systèmes de paiement la mise en place de tout mécanisme de garantie permanent ou temporaire pour prévenir l’instabilité financière et (v) de prendre toutes autres mesures dans les circonstances exceptionnelles.

  1. La clarification des attributions de Bank Al-Maghrib en matière de politique du taux de change et l’assouplissement de la gestion des réserves de change

Compte tenu de l’interaction entre la politique monétaire et la politique de change et afin de se conformer avec les meilleures pratiques internationales, selon lesquelles la politique de change relève des attributions des ministères en charge des finances avec toutefois une consultation des banques centrales, le projet de loi précise que Bank Al-Maghrib met en œuvre la politique du taux de change dans le cadre du régime de change et des orientations fixées par le ministre chargé des finances, après avis de la banque. Dans ce cadre, Bank Al-Maghrib a été également autorisée à utiliser les réserves de change dans un objectif de défense ou de préservation de la valeur du dirham en cas de régime de change flexible.

Par ailleurs, et afin d’assouplir la gestion des réserves de change, le projet de loi prévoit des dispositions visant à habiliter la Banque à conclure des conventions avec ses contreparties sur la base des conventions cadres agréées par des associations professionnelles internationales et de déléguer la gestion d’une partie des réserves de change à des mandataires dans des conditions fixées par la banque[33].

  1. Le renforcement de la bonne gouvernance de la banque centrale

Les principales nouveautés du projet de loi visant la consolidation de la bonne gouvernance de Bank Al-Maghrib concernent :

  1. Le contrôle de la banque et la répartition des bénéfices

Les principales nouveautés du projet de loi consistent à limiter la portée du contrôle du Commissaire du Gouvernement aux opérations financières et à subordonner la répartition du bénéfice net disponible, après les prélèvements nécessaires, à un accord entre la banque et l’autorité gouvernementale chargée des finances[34].

  1. L’instauration d’un nouveau cadre juridique régissant les systèmes et moyens de paiement

En l’absence d’un cadre juridique relatif aux systèmes et moyens de paiement, le projet de loi a consacré un nouveau chapitre à la supervision et la sécurisation des systèmes et moyens de paiement. Les principales nouveautés de ce projet de loi se présentent comme suit [35]:

Bank Al-Maghrib a suivi avec beaucoup d’attention les réformes menées, au plan international, pour corriger les défaillances révélées par la crise financière. Il s’agit notamment de la réforme de Bâle III, la mise en place d’une régulation spécifique aux banques internationales d’importance systémique et du renforcement du dispositif de surveillance macro prudentiel.

  1. Transposition des normes de Bâle III

Pour la mise en œuvre de Bâle III, Bank Al-Maghrib a opté pour une approche progressive consistant à prioriser les deux réformes majeures relatives aux fonds propres et à la liquidité.

En 2013, Bank Al-Maghrib a publié une circulaire qui transpose les normes relatives aux fonds propres, édictées par le Comité de Bâle en décembre 2010 et ayant pour objet de rehausser la qualité et la quantité de ces fonds.

Elle a publié, également, une nouvelle circulaire sur le ratio de liquidité à court terme par laquelle elle transpose le «Liquidity Coverage Ratio » (LCR) préconisé par le Comité précité. Ce ratio vise à renforcer le profil de liquidité des banques et à favoriser leur résilience à un éventuel choc de liquidité[36].

Les établissements de crédit doivent disposer, sur base individuelle et consolidée, de fonds propres de base au moins égaux à 8% des risques pondérés, de fonds propres de catégorie 1 d’au moins 9% et de fonds propres de catégorie 1 et 2 d’au moins 12%, soient des niveaux supérieurs à ceux imposés par le Comité de Bâle à ses membres.

Les instruments pouvant être inclus dans les fonds propres doivent répondre à des critères d’éligibilité propres à chaque catégorie. Parmi les changements introduits par cette nouvelle réglementation figure notamment le critère imposant que l’achat de l’instrument ne soit pas financé directement ou indirectement par l’établissement.

Les nouvelles règles entrent en vigueur le 1er janvier 2014, avec une mise en œuvre progressive de certaines dispositions prévues jusqu’en 2019[37].

Le ratio de liquidité impose aux banques de disposer de suffisamment d’actifs liquides de haute qualité pour surmonter une crise grave de liquidité qui durerait 30 jours.

La réforme prévoit un ratio de liquidité minimum de 100 %. En cas de crise de liquidité, les banques seraient amenées à utiliser leur stock d’actifs liquides de haute qualité et seraient autorisées par Bank Al-Maghrib à ne pas respecter ponctuellement ce seuil minimum. Cette disposition a été introduite par le Comité de Bâle, en janvier 2013, dans le cadre des assouplissements apportés au LCR.

L’entrée en vigueur de ce ratio, en remplacement du coefficient de liquidité en vigueur, a été prévue le 1er juillet 2015, après une période d’observation de 18 mois, au terme de laquelle des ajustements pourraient être apportés.

A cette date, le ratio minimum à respecter par les banques est fixé à 60%, augmenté progressivement de 10 points par an pour atteindre 100 % au 1er juillet 2019[38].

  1. Cadre de traitement des banques d’importance systémique

La nouvelle loi bancaire prévoit d’exiger des banques revêtant une importance systémique de respecter des règles prudentielles plus contraignantes et de présenter un plan de redressement de crise interne. A cet égard et en convergence avec les recommandations du Comité de Bâle relatives au traitement des banques d’importance systémique au niveau domestique, Bank Al-Maghrib a engagé des travaux visant à étudier les règles devant encadrer ces établissements au Maroc.

Dans ce sens, Bank Al-Maghrib a entrepris l’élaboration d’un projet de circulaire relatif au cadre de traitement des banques d’importance systémique. Ce texte couvre deux principales composantes : l’identification de ces banques et les exigences prudentielles visant le renforcement de la capacité d’absorption des pertes des banques identifiées en tant que systémiques[39].

La démarche d’identification des établissements de crédit d’importance systémique est celle édictée par le Comité de Bâle, moyennant des adaptations tenant compte des spécificités du secteur bancaire marocain.

Pour l’identification des banques d’importance systémique au Maroc, trois critères ont été retenus : la taille, l’interconnexion et la complexité.

Les banques d’importance systémique seront soumises à des exigences prudentielles renforcées, en termes notamment de ratios de fonds propres. Elles devraient également faire l’objet d’une surveillance accrues et des obligations plus contraignantes en matière de reporting réglementaire.

D’un autre côté, Bank Al-Maghrib a entrepris l’étude des règles devant encadrer les plans de redressement de crise interne à transmettre par les banques, notamment celles d’importance systémique[40].

  1. Dispositif de surveillance macroprudentiel

La régulation des risques systémiques s’appuie sur un cadre institutionnel et un cadre opérationnel.

Sur le plan institutionnel, des avancées importantes ont été réalisées pour la mise en place de mécanismes de prévention des crises et de coordination des réponses y afférentes. Dans cette perspective, les réformes relatives au nouveau statut de Bank Al-Maghrib et la loi bancaire, prévoient de nouveaux arrangements institutionnels permettant une coopération élargie et étroite entre les régulateurs du système financier pour la maîtrise du risque systémique et la résolution des crises. De même, un comité de stabilité financière a été institué afin d’évaluer les risques et les menaces pesant sur la stabilité financière et d’examiner les mesures visant leur atténuation.

Sur le plan opérationnel, un procédé a été mis en place qui repose sur deux composantes essentielles: une cartographie globale des risques en tant qu’outil visant à identifier et scorer les risques pesant sur la stabilité du système financier et un dispositif de stress testing qui visent à quantifier ces risques s’ils devaient se matérialiser.

La cartographie des risques systémiques constitue une composante essentielle du cadre d’analyse de la stabilité du système financier. Elle consiste en un tableau de bord prospectif global des principales sources de risques pour le système financier. Dans ce cadre, 8 risques ont été jugés significatifs pour la stabilité financière au Maroc : risques macro économiques, risques émanant des conditions monétaires et financières, risque de crédit, risque de marché, solidité des institutions financières, risque de contagion, risque de liquidité,  et le risque immobilier.

Ces indicateurs, d’ordre macroprudentiel, visent à évaluer les vulnérabilités au niveau des institutions et des marchés financiers et à apprécier les risques qui pourraient émaner des acteurs de l’économie réelle, notamment les ménages, les entreprises et le secteur immobilier.

L’appréciation de ces indicateurs est effectuée au vu de l’évolution de leurs valeurs historiques sur une longue période avec le benchmark des données affichées par d’autres pays développés et émergents. L’évolution prévisionnelle attendue de certains indicateurs, jugés précurseurs, est également considérée pour conférer à l’analyse une dimension prospective. Elle donne lieu à l’attribution de scores, sur une échelle de 1 à 5, croissante en fonction du niveau de risque[41].

En complément à la cartographie des risques, un dispositif de « stress testing » mis en œuvre par Bank Al-Maghrib permet d’apprécier la capacité de résistance des banques face à la matérialisation des risques identifiés et d’évaluer le caractère adéquat des coussins de fonds propres, de provisions et de liquidité qu’elles doivent détenir pour absorber les pertes éventuelles. Les résultats de différents stress tests servent à la mise en œuvre d’un certain nombre d’actions en vue de réduire les effets des chocs en cas de concrétisation.

Le dispositif de « stress testing » s’appuie sur trois approches :

IV- Les effets de Bâle III sur les banques marocaines

En matière de coût, l’impact de la mise en place de Bâle III par les banques marocaines a été estimé à 271 MDH, sur 5 ans, variant entre 10,5 MDH et 52 MDH par établissement bancaire. Le chantier « risque de contrepartie » a été identifié comme le plus couteux, et devrait s’accaparer 21% des montants engagés. Les chantiers relatifs à l’amélioration de la qualité des fonds propres, aux stress test, ou encore les ratios de liquidités, représenteraient chacun 19% du montant total[43].

En matière de capital, la définition des fonds propres réglementaires au Maroc a été toujours plus restrictive que celle prévue par les normes de plusieurs pays. Les fonds propres de base ne comprennent, à titre d’exemple, aucun instrument hybride de capital. De ce fait, l’adoption du dispositif de Bâle III serait relativement moins contraignante pour les banques marocaines.

En effet, la nouvelle réglementation, dite Bâle III, augmente sensiblement les exigences de fonds propres liées aux activités de marché, dans des proportions supérieures à d’autres métiers des établissements de crédit. Elle accroîtrait sensiblement la quantité et la qualité des fonds propres.

Bank Al-Maghrib a décidé en avril 2012 de rehausser le niveau minimum du Tier 1 à 9 % et celui du ratio de solvabilité à 12 %. Ces deux ratios sont applicables à partir de juin 2013 et ont nécessité, pour certaines banques, quelques mesures préalables leur permettant de faire face à ces nouvelles exigences, dans un contexte d’expansion de leur activité (augmentation de capital, émissions obligataires subordonnées, transformation des dividendes en actions, etc).

A fin 2014, le ratio de solvabilité moyen, qui rapporte le volume des fonds propres à la somme des actifs nets pondérés, a atteint 13,8%, au-dessus du seuil minimum de 12% édicté par la réglementation prudentielle en vigueur. Le ratio de fonds propres de catégorie 1 s’est établi à 11,9% pour un minimum réglementaire de 9%.

En termes de liquidité, à fin 2014, le secteur bancaire marocain affiche un coefficient de liquidité moyen de 110%, au-dessus du minimum réglementaire qui est de 100%. Quant au ratio de liquidité à court terme, transposé des normes de Bâle III, s’est établi à 130%, soit un niveau supérieur au minimum requis. Toutefois, la situation varie selon les opérateurs, les grandes banques étant largement au-dessus du niveau requis. Sur les nouvelles règles, ce sont les établissements de petites tailles qui pourraient encore rencontrer plus de difficulté à se conformer. Pour l’ensemble de la profession, la contrariété viendra probablement de la fréquence du reporting du LCR. Le comité de Bâle recommande un reporting toutes les deux semaines et un suivi quotidien en cas de tension sur les liquidités. Un exercice qui pourrait s’avérer lourd pour les banques. Au Maroc le LCR sera communiqué mensuellement à Bank Al-Maghrib ce qui laisse un peu de souplesse aux banques.

A rappeler que Bank Al-Maghrib a mis en place une approche progressive avec des augmentations annuelles de 10% permettant de respecter un ratio LCR de 100% en 2019. Cette approche est pertinente dans la mesure où elle laissera le temps aux banques de faire évoluer la structure de leur portefeuille et de leurs ressources de sorte à détenir des actifs liquides équivalents à au moins 25% des flux sortants. D’ici 2019, nous devrons assister à une adaptation de la structure de refinancement des banques, à travers, par exemple, l’allongement des ressources des banques via les émissions obligataires, ainsi que la réduction de la récurrence des sorties nettes des ressources rémunérées (dépôts à terme et certificats de dépôt). Nous assisterons également au développement du marché des obligations sécurisées compte tenu de leur éligibilité aux règles de calcul du LCR.

Bâle III renforcera le système bancaire face aux risques auxquels il est continuellement soumis. Son application devrait impacter les métiers ainsi que les pratiques de la banque. La recherche d’économies sera encore plus renforcée afin de compenser le coût de mobilisation du capital humain et celui de mise en place des dispositifs. De plus, les évolutions dans le modèle métier et opérationnel des banques vont se poursuivre compte tenu de la forte pénalisation de certaines activités, en l’occurrence la titrisation ou encore les activités de marché.

Indicateurs d’activités et de rentabilité des banques marocaines[44]

 

Montant en milliards de dirhams 2012 2013 2014
Total bilan 1 041 1 095 1 103
Crédit par décaissement (net de provisions) 704 726 734
Dépôts de la clientèle 697 722 770
Fonds propres (hors bénéfice de l’exercice) 88 94 98
Produit net bancaire 38,6 40,3 44,0
Résultat brut d’exploitation 20,4 21,5 23,8
Résultat net 9,9 9,9 10,0
Rendement moyen des emplois 5,16% 5,19% 5,49%
Coût moyen des ressources 1,95% 1,98% 1,94%
Coefficient moyen d’exploitation 47,5% 47,7% 46,1%
Rentabilité des actifs (RAO) 1,0% 1,0% 1,0%
Rentabilité des fonds propres (ROE) 11,8% 10,6% 10,2%
Taux des créances en souffrance 5,0% 5,9% 6,9%
Taux de couverture des créances en souffrance par les provisions 68% 64% 65%

 

Conclusion :

Bâle III revêt un caractère macroprudentiel visant à atténuer le risque systémique qui précipite les crises et visant à stabiliser le système financier dans son ensemble et à éviter par conséquent, les invasions vers l’économie.

La mise en application des normes de Bâle III va améliorer la qualité et le niveau des fonds propres des banques, réduire le risque systémique et anticiper un délai suffisant pour que le passage au nouveau régime s’opère sans imprévus. En parallèle, les exigences internationales relatives à la liquidité forment un élément important qui favorisera la résistance immédiate des banques à une éventuelle situation d’illiquidité.

Par ailleurs, malgré un manque de visibilité sur les caractéristiques définitives de certaines mesures, il est évident que ce nouveau dispositif aura des impacts significatifs sur les conditions d’exercice des établissements de crédit.

Pour le cas marocain, l’impact de Bâle III sur le secteur bancaire apparait comme limité. Effectivement, le secteur bancaire marocain est très bien capitalisé, et respecte déjà les nouveaux ratios de solvabilité Bale III. Les banques marocaines sont moins touchées par les règles Bâle III compte tenu de leur faible taille, de la nature de leurs activités, tournées essentiellement vers le marché local, et de leur faible exposition aux risques de marché. En effet, les banques marocaines restent relativement loin des activités de marché et ne sont pas comparables à des établissements à taille critique les « too big to fail »[45], l’un des problèmes majeurs traités par le régulateur bâlois dans le cadre de la nouvelle réforme Bâle III.

Dans cette perspective, la priorité des banques est la mise en œuvre des accords Bâle II, qui constitue un levier important pour l’assainissement et la modernisation de l’industrie bancaire. Néanmoins, il est à souligner que le coût marginal de la mise en place de Bâle III au Maroc ne sera pas le même qu’en Europe où les banques passent de Bâle II à Bâle III, alors que les banques marocaines n’appliquent pas dans leur grandes majorité les approches de notation interne de Bâle II.

L’enjeu réel des banques marocaines sera celui de la rentabilité, car les nouvelles mesures de Bâle III entraineront une baisse des rentabilités des fonds propres bancaires et la rémunération du capital ne sera plus à la hauteur des attentes des actionnaires. Donc les banques qui veulent optimiser leur rentabilité devront accélérer le processus d’adoption des règles de Bâle II en matière de notation.

Pour conclure, certaines recommandations[46] peuvent être avancées pour optimiser la gestion des fonds propres et la liquidité sous Bâle III par les banques :

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Bibliographie :

Ouvrages :

Agnès Bénassy- Quéré & Agnès Chevallier, « L’économie mondiale 2011 », Editions la Découverte, 2010.

Alain Verboomen, «  Bâle II et le risque de crédit : les règles actuelles et leur évolution sous Bâle III », Editions Larcier, 2011.

Christian Gourieroux & André Tiomo, « Risque du crédit : une approche avancée », Edition Economica, 2007.

Articles et revues :

Crédit Suisse Economic & Policy Consulting, « Bâle II : étape importante de la réglementation bancaire », Economic Briefing N° 36, 2004.

Tamara Gomes et Carolyn Wilkins, « le point sur les normes de liquidité de Bâle III », Banque du Canada, Revue du système financier,  juin 2013.

Inci Ötker& Ceyla Pazarbasioglu, « Bâle III : quels effets pour les banques », Problèmes économiques, n° 3016, 30 mars 2011.

KPMG, « Bâle III : les impacts à anticiper », Financial Services, Mars 2011.

Maria Halep & Gabriela Dragan, « L’impact de l’application des réformes Bâle III sur l’industrie bancaire roumaine », CES Working Papers, 2012.

Rapports :

Bank Al-Maghrib, « Rapport annuel sur le contrôle, l’activité et les résultats des établissements de crédit », exercice 2012.

Bank Al-Maghrib, « Rapport annuel sur le contrôle, l’activité et les résultats des établissements de crédit », exercice 2013.

Bank Al-Maghrib, « Rapport annuel sur la supervision bancaire », exercice 2014.

Banque des Règlements Internationaux, « Bâle III : dispositif réglementaire mondial visant à renforcer la résilience des établissements et systèmes bancaires », Décembre 2010 (Document révisé en juin 2011).

Banque des Règlements Internationaux, « Convergence internationale de la mesure et des normes de fonds propres », 2006.

Autres documents :

Loi n°103-12 relatives aux établissements de crédit et organismes assimilés, publié au Bulletin officiel N°6340 du 5 mars 2015.

Projet de loi n°04-15 portant statut de Bank Al-Maghrib. Disponible sur le site internet : http : //www.sgg.ma. (Consulté le 3 décembre 2015).

[1] Agnès Bénassy- Quéré & Agnès Chevallier, « L’économie mondiale 2011 », Editions la Découverte, 2010, p. 64.

[2] Afrique du Sud, Allemagne, Arabie saoudite, Argentine, Australie, Belgique, Brésil, Canada, Chine, Corée, Espagne, États-Unis, France, Hong-Kong RAS, Inde, Indonésie, Italie, Japon, Luxembourg, Mexique, Pays- Bas, Royaume-Uni, Russie, Singapour, Suède, Suisse et Turquie.

[3] Tamara Gomes et Carolyn Wilkins, « le point sur les normes de liquidité de Bâle III », Banque du Canada, Revue du système financier,  juin 2013, p.41.

[4] Maria Halep & Gabriela Dragan, « L’impact de l’application des réformes Bâle III sur l’industrie bancaire roumaine », CES Working Papers, 2012, p. 708.

[5] Idem., p. 709.

[6] Rapport de la Banque des Règlements Internationaux, « Convergence internationale de la mesure et des normes de fonds propres », 2006, p. 2.

[7] Crédit Suisse Economic & Policy Consulting, « Bâle II : étape importante de la réglementation bancaire», Economic Briefing N° 36, 2004, p. 5.

[8] Christian Gourieroux & André Tiomo, « Risque du crédit : une approche avancée », Edition Economica, 2007, p. 33.

[9] Alain Verboomen, «  Bâle II et le risque de crédit : les règles actuelles et leur évolution sous Bâle III », Editions Larcier, 2011, p. 26.

[10] Inci Ötker& Ceyla Pazarbasioglu, « Bâle III : quels effets pour les banques », Problèmes économiques, n° 3016, 30 mars 2011, p. 15.

[11] Alain Verboomen, op.cit., p. 32.

[12] Rapport de la Banque des Règlements Internationaux, « Bâle III : dispositif réglementaire mondial visant à renforcer la résilience des établissements et systèmes bancaires », Décembre 2010 (document révisé juin 2011), p. 4.

[13]Idem., p. 5.

[14] Idem., p. 76.

[15] Loi n°103-12 relatives aux établissements de crédit et organismes assimilés, publié au Bulletin officiel N°6340 du 5 mars 2015, p. 978.

[16] Article 108 de la loi précité.

[17] Article 115,126, 127 et 178 de la loi précité.

[18] Article 114 de la loi précité.

[19] Article 54-61 de la loi précité.

[20] Article 11 de la loi précité.

[21] Article 7 et 8 de la loi précité.

[22] Article 32 de la loi précité.

[23] Article 18 de la loi précité.

[24] Article 92 de la loi précité.

[25] Article 78 de la loi précité.

[26] Article 67, 68 et 69 de la loi précité.

[27] Article 157 et 158 de la loi précité.

[28] Article 49 et 50 de la loi précité.

[29] Projet de loi n°04-15 portant statut de Bank Al Maghrib. Disponible sur le site internet : http : //www.sgg.ma. (Consulté de le 3 décembre 2015).

[30] Article 6 du projet de loi précité.

[31]  Article 43 du projet de loi précité.

[32] Article 10 du projet de loi précité.

[33] Article 11 et 12 du projet de loi précité.

[34] Article 46 du projet de loi précité.

[35] Chapitre IV du projet de loi précité.

[36] Bank Al-Maghrib, Rapport annuel sur le contrôle, l’activité et les résultats des établissements de crédit, exercice 2013, p.93.

[37] Idem., p.94.

[38] Idem., p.95.

[39] Bank Al-Maghrib, Rapport annuel sur la supervision bancaire, exercice 2014, p.101.

[40] Idem., p.102.

[41] Bank Al -Maghrib, Rapport annuel sur le contrôle, l’activité et les résultats des établissements de crédit, exercice 2012, p.33.

[42] Bank Al-Maghrib, Rapport annuel sur le contrôle, l’activité et les résultats des établissements de crédit, exercice 2013, p.112.

[43] Selon une étude réalisée par le cabinet SIA Conseil qui est un cabinet de conseil en management et en stratégie opérationnelle dont le siège social se situe en France, avec une présence en Belgique, en Italie et au Maroc.

[44] Bank Al-Maghrib, Rapport annuel sur la supervision bancaire, exercice 2014, p.10.

[45] L’expression « Too big to fail » ou « Trop grand pour échouer » signifiait qu’une entreprise (en particulier dans le milieu bancaire) était devenue trop importante pour que l’Etat n’intervienne pas en cas de difficultés importantes.

[46] KPMG, « Bâle III : les impacts à anticiper », Financial Services, Mars 2011, p.11.

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