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« LA RELATION BANQUE/ENTREPRISE EN DIFFICULTE: CAS DE LA PME MAROCAINE »

 

 

« LA RELATION BANQUE/ENTREPRISE EN DIFFICULTE: CAS DE LA PME MAROCAINE »

BOUKHIMA ASMAA ET  NAJAB AMAL

Université Hassan II de Casablanca – Faculté des Sciences Juridiques Économiques

et Sociales, Ain Sebâa –

Maroc

 

 

Résumé

 

Aujourd’hui, les petites et moyennes entreprises (PME) occupent une place importante dans le tissu productif marocain. Mais, cette importance n’occulte pas les difficultés auxquelles elles sont constamment confrontées, surtout celles résultant de leur relation fragile avec les établissements bancaires et d’un manque de confiance mutuel.

 

Notre article a pour objectif de mettre en exergue une dimension de difficulté particulière des petites et moyennes entreprises marocaines, à savoir la relation entre banque et entreprise en difficulté. Il s’agit plus précisément de déterminer la nature de cette relation.

 

Pour ce faire, nous avons adopté une approche dynamique et multidisciplinaire du traitement des PME marocaines en difficulté, en mettant en exergue la convergence des approches de l’entreprise en crise sous ses aspects économiques, de gestion et juridiques.

 

Nos résultats montrent que la sortie de crise pour les PME marocaines se décline en deux axes :

Le premier axe est issu des aspects financiers. La recherche d’une relation de confiance pérenne banque-entreprise nécessite une plus grande transparence entre les deux parties.

 

Le second axe résulte d’un dispositif d’accompagnement global des PME. Il s’agit de l’ensemble des meures et structures d’accompagnement destinées à dépasser et à combler les multiples difficultés dont l’entreprise est confrontée.

 

Mots clés : entreprise en difficulté, PME, prévention, banque, confiance.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Introduction

 

Les Petites et Moyennes Entreprises (PME) constituent l’essentiel du tissu économique de notre pays. Avec près de 95% du tissu productif, elles jouent un rôle déterminant en matière de création d’emplois et d’investissements. En effet, elles constituent le principal moteur de l’économie nationale. Ces entreprises se voient confrontées dans leur système de gestion à plusieurs types de difficultés dans divers domaines-clés de l’entreprise : gestion financière, gestion des ressources humaines, marketing, et innovation. Ces obstacles peuvent précipiter leurs défaillances.

 

L’observation des dispositifs actuels du financement des entreprises et l’analyse de leurs besoins permettent de faire le constat suivant : les procédés de financement bancaire sont inadaptés aux besoins spécifiques des entreprises, en particulier celles nouvellement créées.

Ceci traduit une situation de rupture entre l’offre et la demande. En effet, les établissements de crédits sont très réticents en matière de financement des PME. Ils justifient leur prudence par l’insuffisance de l’information dont ils disposent sur ces entreprises. Celles-ci, à défaut de garanties et de mécanismes de prévention des risques, restent souvent exclues des circuits financiers. Dans un environnement pareil, toute entreprise sera exposée au risque de défaillance, dont le degré varie d’une entreprise à une autre, selon le secteur d’activité, la taille de l’entreprise, les dirigeants, etc.

 

Notre article a pour objectif de mettre en exergue une dimension de difficulté particulière des entreprises marocaines, à savoir la relation entre banque et entreprise en difficulté. Il s’agit plus précisément de déterminer la nature de cette relation : est-elle une relation de méfiance nécessitant des mesures de correction ?

 

Le champ de notre problématique met l’accent sur les causes pouvant conduire à une relation fragile entre banque et entreprise et accentuant les difficultés. Il s’agit également d’analyser  les moyens de prévention et du traitement de ces difficultés afin de proposer des voies de sortie de crise. Afin de cerner cette problématique, nous avons adopté une approche dynamique et multidisciplinaire du traitement des PME marocaines en difficulté, en mettant en exergue la convergence des approches de l’entreprise en crise sous ses aspects économiques, de gestion et juridiques.

 

Pour traiter notre problématique, nous avons adopté le cheminement suivant :

Il convient de réaliser, en premier lieu, un essai de définition et une synthèse de la revue de littérature afin d’analyser la notion d’entreprise en difficulté.

Ensuite, il s’agit d’identifier la nature de la relation banque-entreprise en difficulté, en analysant le cas des PME marocaines.

Enfin, on s’interrogera sur la stratégie à suivre par la banque face à l’entreprise en difficulté et sur les mesures générales pour sortir l’entreprise de sa crise. Nous proposerons, par la même, des pistes de recommandations pour améliorer la relation entre banque et les PME en difficulté.

 

  1. NOTION D’ENTREPRISES EN DIFFICULTE : ESSAI DE DEFINITION ET REVUE DE LITTERATURE
    • Définition de l’entreprise en difficulté

Il n’est pas facile de trouver une définition universelle de la défaillance. En effet, plusieurs auteurs ont donné des définitions se basant sur des critères différents. C’est ainsi que Jean Brilman (1986) définit l’entreprise en difficulté comme suit « l’entreprise en difficulté n’est pas seulement une entreprise qui a des problèmes financiers mais c’est aussi une entreprise qui, rencontrant ou prévoyant des difficultés, prend des mesures immédiates afin de ne pas connaitre d’ennuis financiers. Ces entreprises se caractérisent par une faible rentabilité, un volume d’activité en baisse, une dégradation du climat social voire des grèves, elles traversent aussi pour nombre d’entre elles une conjoncture difficile».

 

D’autres définitions renvoient à l’idée que les difficultés de l’entreprise n’interviennent pas de manière brutale. Des étapes sont traversées avant d’atteindre une situation critique qui oblige à faire appel aux procédures judiciaires. On peut citer dans ce cadre la définition donnée par Carole Gresse (2003) « depuis la situation économique difficile à la constatation juridique de la défaillance, la notion d’entreprise en difficulté est assez large…et comporte trois niveaux : la défaillance économique, la défaillance financière et la défaillance juridique ».

 

Partant de cette définition, le processus de défaillance est progressif et comporte quatre niveaux :

-La défaillance économique : elle survient lorsque l’entreprise enregistre des pertes substantielles et structurelles. Elle met l’accent sur l’absence de rentabilité et l’efficacité de l’unité de production. Elle signifie que l’entreprise n’est plus rentable et génère plus de charges que de produits.

-La défaillance financière : elle met l’accent sur les problèmes de trésorerie et sur l’incapacité d’affronter des problèmes de remboursement. L’entreprise ne trouve plus de solution pour gérer sa dette, ce qui se traduit par des incidents de paiement.

-La défaillance comptable : elle est caractérisée par l’accumulation des pertes sur trois exercices successifs, des pertes réelles constatées supérieures au tiers du montant des capitaux propres en fin d’exercice.

-La défaillance juridique : elle concerne en principe une action du dépôt de bilan liée à une situation d’insolvabilité. De ce fait, la défaillance constitue la sanction légale de la défaillance financière et la constatation juridique de l’insolvabilité de l’entreprise. La défaillance juridique signifie dans la majorité des cas la disparition à court terme de l’entité économique.

 

1.2. Revue de littérature sur la relation Banque –Entreprise en difficulté

Pour traiter de la défaillance de l’entreprise, des recherches orientées vers la compréhension des causes et symptômes de défaillance ont expliqué ce phénomène (Koenig, 1985) abordant des modèles dynamiques de défaillance (Van Caillie, 2004). Le modèle proposé par Van Caillie est organisé en quatre grandes étapes chronologiques d’un processus standard de défaillance: « l’origine des difficultés, l’apparition et la détérioration des symptômes de défaillance, le passage au rouge des clignotants et finalement la faillite de l’entreprise ».

 

Notre objectif est de présenter l’origine des difficultés de l’entreprise, en particulier l’influence de son environnement externe sur ses capacités et sur son évolution. Il s’agit de savoir si la nature de la relation banque –entreprise pourrait constituer un outil de prévention des difficultés des entreprises ou un facteur important causant sa défaillance?

 

L’analyse de relation Banque-Entreprise remonte aux années cinquante. R. Roosa (1951) et D. Hodgman (1963) furent les premiers à discuter l’effet de la relation Banque- Entreprise dans un environnement caractérisé par un rationnement de crédit. Cette relation est basée le plus souvent sur « une asymétrie d’information ». Mise en évidence par Joseph Stiglitz et George Akerlof dans les années 1970, elle a fait l’objet d’études de plusieurs auteurs à travers différentes théories pour éclairer sur le comportement des banques à l’égard des entreprises.

 

Deux cas d’asymétrie d’information peuvent être présentés : l’anti-sélection et l’aléa moral.

Dans le cas  de l’anti-sélection, le banquier, prêteur sur le marché de crédit, ne dispose pas de la bonne information. Il y existe donc une asymétrie de l’information qui va engendrer une anti-sélection. Les banques vont fixer des taux d’intérêt assez élevés afin d’éviter de tomber sur des « mauvais emprunteurs ». Pour les banquiers, la décision d’octroi de crédit dépendra de la qualité des informations qu’ils collectent auprès des entreprises.

 

L’aléa moral, se présente après la conclusion du contrat de financement entre les deux parties. Il reste alors que la banque puisse vérifier que l’emprunteur fait bon usage des fonds prêtés conformément aux engagements qui ont été pris, afin d’éviter cet « aléa moral » qui consisterait pour l’emprunteur à affecter le crédit à d’autres fins.

 

Dans cette perspective, le développement d’une relation de confiance Banque-Entreprise constitue un élément crucial dans la dissipation des problèmes d’asymétrie d’informations et la réduction de l’ampleur du risque. En effet, E. Lehmann et D. Neuberger (2002) ont avancé que ces problèmes, peuvent être affaiblis par l’établissement d’un climat de confiance entre la banque et l’entreprise. M.R. Binks et C.T. Ennew (1997) ont précisé que ce climat de confiance sera bénéfique pour les deux parties. En effet, l’entreprise, en étant transparente, va accéder à de meilleures conditions de financement. Elle va permettre à la banque de mieux comprendre son environnement opérationnel et ses perspectives. Aussi, elle va faire bénéficier la banque d’un avantage concurrentiel par rapport à ses concurrents.

 

Pour limiter les inconvénients de cette relation à la fois mécanique et marchande entre banque et entreprise, il est nécessaire de faire appel aux interactions sociales qui peuvent restaurer le climat de confiance entre les deux parties, et affecter positivement les conditions d’octroi de crédit. L’approche par l’encastrement social, dont Granovetter est le principal contributeur, repose sur des facteurs interpersonnels (confiance et liens sociaux) qui permettent d’éviter les défauts de paiement des entreprises et donc constitue un outil de prévention pour faire face à leurs défaillances.

Granovetter a emprunté la pensée d’encastrement de Polanyi (1983). Il affirme ainsi que l’action économique est « encastrée » au sein de réseaux de relations personnelles (Granovetter, 2000). L’encastrement[1] consiste en l’insertion, dans le monde de financement des PME, d’un ensemble hétérogène de lois sociales, politiques et culturelles, soutenu par la mise à disposition des fonds par les établissements bancaires pour concrétiser des échanges économiques prometteurs et pérennes. Cette approche pourrait constituer une solution pour instaurer de la confiance entre les parties prenantes. Par ailleurs, dès lors que la relation banque-entreprise est caractérisée par l’incertitude, la confiance devient indispensable. Elle permet non seulement de réduire les coûts de transaction, mais elle rend possible l’engagement réciproque des deux parties et le maintien des relations sociales.

 

  1. L’ENTREPRISE EN DIFFICULTE
    • La situation des entreprises en difficulté au Maroc

Les PME constituent une composante importante du tissu économique national. Elles représentent 95% des entreprises nationales, emploient la moitié des salariés et réalisent 40% de la production, 51% des investissements et 31% des exportations. Toutefois, dans un environnement incertain, marqué par plusieurs contraintes, toute entreprise est susceptible de s’exposer au risque de défaillance, dont le degré varie d’une entreprise à une autre.

Les statistiques du Cabinet Heuler-Hermes[2] relatives à la situation des entreprises signalées en difficultés, font ressortir les informations suivantes (figure 1):

Source : Rapport[3] du Cabinet Heuler-Hermes, Janvier 2014

On note une accélération du nombre de défaillances constatées à partir 2011 qui s’est poursuivie en 2014. Les défaillances d’entreprises au Maroc ont atteint 10% en 2014, contre 8% en 2013. Selon ledit rapport, ce sont essentiellement les entreprises de taille intermédiaire et les petites entreprises qui vont continuer à éprouver des difficultés.

Plusieurs facteurs expliquent cette conjoncture morose et qui sont à l’origine des difficultés des entreprises marocaines. Il s’agit du recul de l’investissement public, de la flambée des prix des matières premières, de la frilosité du secteur bancaire. Sans oublier les dysfonctionnements juridiques, en particulier la loi sur les délais de paiement.

 

En 2012, On remarque que les entreprises marocaines ne sont pas solvables dans plusieurs secteurs à risque, comme les secteurs des transports et communications (+36%), de services (+35%) et de bâtiment et travaux publics (+30%), et ce en raison de l’évolution des habitudes de consommation et des coûts de production (figure 2). En tête des secteurs qui comportent le plus grand nombre d’entreprises défaillantes, on note le secteur des transports et communication, avec une hausse des entreprises défaillantes de (36%), les services collectifs, sociaux et personnels (35%) et le BTP (30%).

Source : Rapport du Cabinet Heuler-Hermes, Janvier 2014

2.2. Une relation banque –entreprise fragilisée

La connaissance des facteurs générateurs de défaillances pour les entreprises permet de prendre les dispositions nécessaires pour ne pas s’exposer aux risques.

Les difficultés des entreprises marocaines sont multiples et diversifiées. Au-delà, des facteurs inhérents à l’entreprise elle- même, d’autres facteurs, non moins importants, semblent avoir un impact considérable sur elle. Il s’agit de l’environnement externe. Ce dernier englobe à la fois des aspects financiers, réglementaires et celles liées au contexte de la création de manière général. Les signaux d’alertes de ces difficultés sont extrêmement variés et vont depuis l’apparition de certains déséquilibres ou difficultés jusqu’au report d’échéances, une rentabilité dégradée et une solvabilité affaiblie, un endettement très important, un règlement tardif des impôts, ou encore un fonds de roulement dégradé etc.

 

2.2.1. Difficultés internes des entreprises

Elles peuvent être organisationnelles liées à l’incompétence des dirigeants et les erreurs de gestion, notamment la non maitrise de l’environnement monétaire et financier et la non-prise en considération des diverses mesures gouvernementales, lors de l’établissement des budgets. Elles peuvent être également liées à la structure de l’entreprise ou d’ordre social.

 

2.2.2. Contexte macroéconomique moins favorable

 

Il existe aussi des facteurs conjoncturels qui accélèrent la défaillance de l’entreprise, tels que la faible performance de l’économie, la baisse du pouvoir d’achat, et encore le resserrement de la croissance eu niveau mondial.

En effet, depuis 2008, l’économie marocaine a subi une série de chocs externes qui ont dégradé considérablement ses principaux équilibres macroéconomiques. La baisse de la demande internationale, la forte hausse des cours mondiaux des matières premières et l’épuisement des sources des devises ont largement contribué à la morosité de la conjoncture économique.

 

Par ailleurs, la conduite de la politique monétaire reste sans effet sur le financement des PME marocaines. La baisse de ses taux directeurs (le taux directeur a passé de 2,50% à 2,5%[4] ) n’a pas encouragé les banques à accroitre leurs offres de crédits en faveur des PME. Ainsi, cette manipulation du taux directeur est sans aucun impact sur l’activité économique, ceci montre la passivité qui caractérise notre politique monétaire.

Celle-ci favorise une augmentation des liquidités des banques sans pouvoir les orienter vers le financement des PME.

 

2.2.3 Frilosité des banques dans la prise de risque et méconnaissance des besoins des PME

Les problématiques liées aux financements des PME sont souvent citées parmi les entraves aux développements des ces entreprises marocaines. L’accès aux crédits, principale source de financement externe de ces entreprises, est limité. Au lieu d’innover, ces contraintes les poussent à se focaliser sur leurs survies, ce qui fragilise leur compétitivité.

 

Plusieurs facteurs expliquent la frilosité des banques à l’égard des entreprises, l’on peut citer l’existence d’une asymétrie de l’information entre la banque et l’entreprise, la mauvaise qualité des dossiers de crédit et le manque de transparence des états financiers. Par ailleurs, la révision des exigences prudentielles des banques dans le cadre de Bâle II et Bâle III se traduira par une plus grande sélectivité de ces dernières dans leur politique de crédit. Il est utile de citer aussi le manque d’adaptation des produits présentés par les banques aux besoins d’une grande population de PME, en l’occurrence les très petites entreprises.

 

2.2.4. Une relation banque –entreprise influencée par la faiblesse des partenaires

L’un des partenaires qui peut entrainer ou précipiter la défaillance des entreprises est l’Etat. Les difficultés proviennent des procédures longues de règlement des marchés publics. La détérioration des délais de paiement constitue également l’une des sources principales de défaillance des entreprises. En effet, plus de 25% des cas de faillite sont causés par des impayés et des problèmes de recouvrement. Ce retard est constaté aussi bien au niveau des administrations publiques que des entreprises privées, ce qui porte préjudice à leurs finances.

 

La réduction des budgets dédiés à l’investissement public, et donc l’accès aux marchés publics, lassent davantage les entreprises, en particulier les PME, pour lesquelles ces marchés constituent plus de 85% de leur chiffre d’affaires.

 

2.3. Evaluation et prévention des difficultés des entreprises

2.3.1. Le dispositif juridique de la prévention des entreprises en difficulté et règlement amiable au Maroc

Le droit marocain des entreprises en difficulté ( loi n°15-95 promulguée par dahir du 1 aout 1996 formant code de commerce) se résume en deux phases : une phase de prévention interne et une autre relative à la prévention externe et au règlement amiable.

 

La prévention interne faite par le commissaire aux comptes ou par tout associé a lieu lorsque ces derniers constatent des faits de nature à compromettre la continuité de l’exploitation. Si elle n’aboutit pas à un résultat positif, on passe à la prévention externe faite par le président du tribunal avisé par le chef de l’entreprise lui-même ou par le commissaire aux comptes s’il en existe. Le président du tribunal désigne alors un mandataire spécial auquel il assigne une mission dans un délai précis.

 

Si le résultat est toujours négatif, et que l’entreprise sans être en état de cessation de paiement éprouve toujours des difficultés, on passe au règlement amiable. Dans ce cadre, le président du tribunal peut charger un expert pour établir un rapport sur la situation économique et financière. Ce dernier peut obtenir des banques tous les renseignements nécessaires.

Si les propositions du chef d’entreprise sont de nature à redresser la situation de l’entreprise, le président désigne un conciliateur dont la mission est de favoriser le fonctionnement de l’entreprise et de conclure des accords avec les créanciers.

 

Le conciliateur peut demander au tribunal la suspension provisoire des poursuites des créanciers durant la durée de sa mission si cette démarche peut faciliter la conclusion d’un accord. L’ordonnance du tribunal interdit alors : la condamnation du débiteur au paiement d’une somme d’argent, la résolution d’un contrat pour défaut de paiement d’une somme d’argent, toute voie d’exécution sur les meubles et les immeubles…

 

2.3.2 L’intervention du banquier dans le processus de prévention

Le banquier joue un rôle important dans la prévention. En effet, il a une obligation de suivi et d’accompagnement de ses clients entreprises auxquelles il doit exiger des informations à travers les documents juridiques comptables et financiers. Le banquier doit constamment diagnostiquer la situation financière de l’entreprise, déterminer la valeur de l’entreprise, estimer sa performance future, utiliser tous les moyens qui sont à sa disposition pour bien connaître l’entreprise.

 

La banque constitue de ce fait une source d’information et un lieu privilégié d’observation des entreprises. Le législateur marocain n’est pas resté en retrait par rapport à l’évolution du monde des affaires. Il encourage, voir même, dans certains cas incite le banquier à suivre l’évolution de l’entreprise. Les instances patronales à leur tour insistent sur la prévention d’une manière générale, et sur le partenariat entre la banque et l’entreprise en matière de prévention.

Comme nous l’avons déjà précisé, l’intervention du conciliateur est fondamentale car à ce stade le débiteur a perdu la confiance des créanciers. L’arme principale du conciliateur est sa force de persuasion de rencontrer et de convaincre les principaux créanciers notamment la banque qui maitrise en principe l’environnement économique de l’entreprise et qui peut donner tout renseignement de nature à donner une exacte information sur la situation économique et financière de l’entreprise.

 

La participation du banquier au règlement amiable est toujours sollicitée car il est souvent le créancier principal. Etant donné son caractère contractuel, le banquier peut s’entourer de plusieurs mesures protectrices. Certaines interviennent avant même les négociations. C’est ainsi qu’il peut exiger la participation de certains créanciers de l’entreprise dont la présence lui parait utile tel un fournisseur important qui, s’il décide de cesser les relations commerciales, il mettrait en péril la continuité de l’activité de l’entreprise. De même, la participation des autres créanciers dans le règlement amiable limiterait le risque d’action en responsabilité pour soutien abusif que le banquier risque d’encourir pour octroi de nouveaux crédits.

 

D’autres règles juridiques protectrices interviennent pour garantir l’exécution de l’accord et favoriser la participation du banquier au règlement amiable. C’est ainsi que le banquier bénéficie au même titre que les autre créanciers de la suspension provisoire des poursuites avec toutes les conséquences qui en découlent. De même, le banquier peut prendre des sûretés (personnelles ou réelles) pour garantir l’exécution de l’accord. Ajoutons à cela le fait que l’octroi de délais et remises de la part du banquier peut être subordonné à des clauses pouvant figurer dans le règlement amiable.

 

Outre le pouvoir de prendre des sûretés pour garantir l’exécution de l’accord, le banquier peut également exiger la présence dans l’accord de la clause de retour à meilleure fortune et également subordonner l’octroi des délais et remises à des conditions résolutoires ou suspensives. Comme on peut le constater, le banquier est entouré de plusieurs prérogatives légales et contractuelles, et a un grand intérêt à participer au règlement amiable. En participant, le banquier va devoir devancer et négocier les délais et remises qui lui auraient été imposés dans un redressement judiciaire.

 

Il pourra ainsi garder une certaine maitrise dans l’élaboration, la mise en place et le suivi du plan de redressement. De plus, le banquier aura également un avantage psychologique en participant au règlement amiable. Il sera en effet difficile de lui reprocher, d’avoir de par son intransigeance, hypothéqué les chances de redressement de l’entreprise et provoqué sa chute. Malgré les avantages qu’offre le règlement amiable, et les garanties offertes aux banquiers dans ce cadre, on remarque sur le plan pratique une certaine réticence des banques à participer au règlement amiable.

 

Plusieurs raisons peuvent expliquer cet engouement pour le règlement amiable. On peut citer dans ce cadre le déclenchement tardif de la procédure de règlement amiable : dans les petites et moyennes entreprises, le plus souvent les dirigeants saisissent tardivement le président du tribunal de commerce pour solliciter le bénéfice d’un règlement amiable. Or, c’est une procédure de prévention et les chefs d’entreprise ne cherchent pas à prévenir mais plutôt à guérir une cessation des paiements déjà avérée par une procédure qui n’est pas la procédure adéquate. Ils attendent le dernier moment pour déposer leur demande de règlement amiable.

 

Dans ce cadre, et par sa participation au règlement amiable, le banquier peut se voir reprocher d’avoir, par sa négligence ou calcul, abusivement soutenu le débiteur, lui permettant de poursuivre son activité en dépit de la cessation des paiements. D’où l’aggravation de sa situation. Cette méconnaissance de la loi par les chefs d’entreprise, cette peur d’engager sa responsabilité par le banquier crée une relation tendue entre les deux. Autrement dit, il y a une certaine rupture de confiance entre la banque et l’entreprise en difficulté.

 

  1. MESURES DE GESTION DE L’ENTRREPRISE EN DIFFICULTE : SORTIE DE CRISE

Le traitement d’une défaillance dépend très largement des premières mesures prises par le dirigeant d’une entreprise. La première décision est de bien s’entourer de professionnels spécialisés qui vont l’accompagner dans la définition et la mise en œuvre des modalités de sortie de crise (procédure amiable ou liquidation judiciaire).

 

Après avoir choisi, le cadre de sortie de crise, le dirigeant doit réaliser un diagnostic de la situation de l’entreprise pour connaitre les origines de ses difficultés et analyser sa situation financière. Pour ce faire, il doit constituer une cellule de gestion de crise dont le rôle est d’établir un diagnostic approfondi de la situation et définir en urgence un plan d’action.

A travers cette cellule, l’entreprise doit fournir beaucoup d’efforts, et ce en préparant un plan d’affaires comportant une partie qualitative (stratégie, organisation, actions) et une partie financière (compte de résultats, plan de financement) en vue d’assurer une transparence des états financiers, afin de convaincre, du potentiel de l’entreprise toutes les parties prenantes, en l’occurrence la banque.

 

3.1. Stratégie de gestion des difficultés de l’entreprise par la banque

Dès l’apparition des signes de difficultés de l’entreprise, à travers les indicateurs d’alerte des défauts de remboursement (mouvement faible, apparition des impayés, dépassement sur le compte), la banque entame les discussions avec le client pour la recherche de solutions à sa dette. Dans ce cas de figure les scenarios envisageables, se présentent comme suit :

De manière globale, le recouvrement des créances par voie judiciaire est l’étape ultime pour les banques pour la récupération des créances difficiles, bien entendu après avoir tenté avec l’entreprise toutes les démarches de recouvrement à l’amiable.

 

3.2. Mesures d’ordre général de gestion des difficultés

Si la transformation de la nature de la relation entre banque et entreprises est nécessaire, elle doit être opérée dans le cadre d’une démarche globale qui prépare les conditions de mise en place d’une relation de confiance durable entre prêteur et emprunteur. Dans ce cadre, pour aider les entreprises à traverser la crise et soutenir leur activité, les pouvoirs publics ont pris plusieurs initiatives visant à éviter la rupture de confiance au niveau de la relation banque-entreprise dont les conséquences seraient nuisibles pour l’ensemble de l’économie.

 

La mise en place d’un centre de médiation bancaire et le renforcement des moyens des acteurs financiers dans le cadre du plan de relance s’inscrivent clairement dans cet objectif. En contrepartie du soutien public, les banques ont pris des engagements en matière de distribution du crédit. Des mesures d’inclusion financières pour les entreprises ont également été adoptées, en vue de faciliter l’accès des PME au crédit et un observatoire sur l’entreprise a été créé.

 

En effet, à côté des mesures présentées par la banque à l’égard d’une entreprise en difficulté, il existe aussi celles prises en commun (banques et pouvoirs publics), notamment la Caisse Centrale de Garantie, tel que :

-DAMANE ISTIMRAR (garantie des crédits de consolidation des dettes au titre des crédits d’investissement et d’exploitation) pour les entreprises qui connaissent des difficultés.

-Fonds[5] de Soutien financier des Très petites et Moyennes Entreprises (TPME), destiné au cofinancement de dettes de l’entreprise avec la banque et ce pour les TPME viables mais connaissant des difficultés passagères en raison d’une conjoncture difficile.

 

Par ailleurs, la promotion de l’inclusion financière, constitue une composante importante de la stratégie de développement intégrée du secteur financier marocain à horizon 2020. Dans ce cadre, la Banque centrale marocaine a œuvré pour l’amélioration de l’accès des TPME au financement bancaire. D’autres mesures ont été également prises pour renforcer la gouvernance et la transparence financière des entreprises notamment à travers la mise en place du crédit bureau[6] et la standardisation des éléments minimums d’information à fournir par celles-ci dans le cadre d’une demande de crédit.

Aussi, en vue de permettre aux entreprises et établissements bancaires l’accès aux informations financières et économiques, la banque centrale marocaine a mis en place l’observatoire de la TPME.

 

Pour que le développement de l’inclusion financière se fasse sur des bases saines et équilibrées, la Banque centrale marocaine a veillé à consolider les dispositifs de protection de la clientèle des établissements de crédit. A cet égard, elle a engagé, avec le système bancaire, une réflexion approfondie sur le dispositif de médiation bancaire en vue de renforcer ses moyens et élargir ses compétences, ce qui a abouti à la création d’un centre de médiation bancaire, opérationnel depuis début 2014. Il s’agit d’un centre de médiation indépendant des établissements de crédit, et qui a pour objectif la facilitation du règlement des différends entre les établissements et leur clientèle.

 

Toujours dans cette démarche globale qui prépare les mesures de sortie de crise des entreprises, une profonde modification du droit des entreprises en difficulté est en cours au Maroc. L’objectif est de mettre en place une procédure équilibrée qui puisse garantir les droits corollaire des débiteurs et des créanciers des entreprises en difficulté.

 

3.3. Recommandations pour l’amélioration de la relation banque –entreprise en difficulté.

Afin de faire face aux difficultés qui persistent dans les relations banques-entreprises et pour développer une relation gagnant-gagnant entre les deux parties, un ensemble de mesures peuvent être proposés à ce sujet :

-Les banques sont appelées à mettre en place un département spécifique chargé des affaires des PME, dirigé par des cadres professionnels avec une bonne connaissance des techniques bancaires et de la situation spécifique des TPME marocaines, pour mieux gérer leurs relations avec les entreprises.

-Les modalités de décision quant à l’octroi de crédit différent d’une banque à une autre. Ce qui ne reste pas sans influence sur l’entreprise. Il serait très intéressant que les banques puissent uniformiser les méthodes de traitement des dossiers de crédit.

-Le partage d’une information de qualité entre les deux parties pour réduire les asymétries de l’information, en particulier l’amélioration de la disponibilité de l’information sur le crédit à travers le bureau de crédit.

-La création d’une banque publique d’investissement qui agira spécifiquement auprès des PME marocaines et permettra de les soutenir en matière de financement.

-La politique monétaire marocaine est à revoir, tout en orientant les fonds avancés aux banques en faveur du financement de l’économie, en particulier, par le refinancement des PME marocaines créatrices de valeurs ajoutées.

 

Conclusion

L’objectif de ce papier est de mettre en lumière les facteurs responsables de la défaillance des PME marocaines, en l’occurrence ceux provoquant la rupture de confiance avec les banques.

Au Maroc, l’environnement externe des PME marocaines apparait comme source de menaces et de contraintes pour elles. L’aspect financier de la défaillance des PME n’est pas la conséquence exclusive de la présence de l’échec de celles-ci, mais c’est le résultat de l’interaction réciproque entre l’ensemble de ses aspects. Si la transformation de la nature de la relation entre banque et entreprises est nécessaire, elle doit être opérée dans le cadre d’une démarche globale qui prépare les conditions de mise en place d’une relation de confiance pérenne entre prêteur et emprunteur.

 

Nos résultats montrent que la sortie de crise se décline en deux axes :

Le premier axe est issu des aspects financiers. La recherche d’une relation de confiance pérenne banque-entreprise nécessite une plus grande transparence entre les deux parties.

Il faut que la frilosité des banques se transforme en un accompagnement du développement de la PME pour éviter une situation de difficulté.

Afin que la relation de confiance banque-entreprise, soit une relation gagnant-gagnant, il faut qu’elle dispose de garanties à présenter auprès de la banque et ces garanties peuvent être fournies par les entreprises elles-mêmes, les organismes de garantie, des pouvoirs publics ou de l’ensemble de ces parties.

 

Le second axe résulte d’un dispositif d’accompagnement global des PME. Il s’agit de l’ensemble des meures et structures d’accompagnement destinées à dépasser et à combler les multiples difficultés dont l’entreprise est confrontée.

Pour ce faire, l’accompagnement doit relever d’une démarche globale et cohérente, qui suppose de favoriser un écosystème de PME qui nécessite l’adhésion totale de ces entreprises, compte tenu de leurs caractéristiques, de leurs besoins et des moyens propres dont elles disposent. L’implication de ces dernières permet non seulement de mettre en lumière leurs facteurs de succès mais aussi d’anticiper et de maitriser les situations de crise.

Références bibliographiques

 

[1] Alaoui M. et Boulahbach Y., « le rôle de la confiance dans la décision de l’octroi du crédit bancaire aux PME marocaines : d’une relation de transaction à l’approche relationnelle », 12ème congrès international francophone en entreprenariat et PME, OCTOBRE 2014, Agadir.

 

[2]Société d’assurance crédit française.

[3]http://www.challenge.ma/wp-content/uploads/2014/01/Maroc-Un-Batal-Dans-La-Bataille.pdf

 

[4] La banque centrale du Maroc a abaissé son taux directeur de 25 points de base pour le porter à 2,5%, et ce le 22 mars 2016.

[5] Financement conjoint avec les banques des projets de restructuration des Très Petites, Petites et Moyennes Entreprises « TPME », dont la gestion a été confiée à la caisse centrale de garantie.

[6] Créé en 2009 sous l’initiative de Bank Al-Maghrib, le crédit bureau a pour mission la centralisation des informations positives et négatives afférentes aux prêts consentis aux personnes physiques et morales.

 

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