La police de l’environnement, une avancée significative pour la protection de l’environnement au Maroc : problématique et nécessités d’agir.
Aziza ALMAGHRIBI
Docteur en Droit Public
Introduction
Chacun a le droit de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé.
Les êtres humains sont au centre des préoccupations relatives au développement durable. Ils ont droit à une vie saine et productive en harmonie avec la nature[1].
Le concept de développement durable et de la protection de l’environnement est devenu un thème incontournable de tout débat politique, économique et social.
Le Maroc dispose d’un environnement riche et varié qui a servi de base au développement d’un certain nombre d’activités, notamment dans l’agriculture, la pêche, le tourisme, l’artisanat, mais également l’industrie et les mines. Le développement économique soutenu qu’a connu le pays durant les dernières décennies a néanmoins eu des répercussions importantes sur l’état de l’environnement, générant des pressions qui se sont ajoutées à celles issues de l’urbanisation, de la croissance démographique et du changement climatique. Les dernières avancées institutionnelles, réglementaires et techniques réalisées dans le domaine de la préservation de l’environnement ont été importantes, mais n’ont pas permis d’endiguer les émissions de polluants ni les exploitations non raisonnées, avec des impacts sur la disponibilité des ressources et sur le cadre de vie des populations[2].
La constitution de 2011 a accordé à la question de l’environnement une place de choix. Son article 31 garantit «l’accès à un environnement sain».
La protection de l’environnement constitue l’un des axes essentiels de la déclaration de politique générale du Gouvernement. Elle constitue un objectif fondamental assigné au gouvernement par notre Roi.
A cet égard, Sa Majesté le Roi Mohammed VI avait exprimé dans son discours du Trône de juillet 2009 que «…Nous appelons le Gouvernement à élaborer un projet de Charte nationale globale de l’environnement, permettant la sauvegarde des espaces, des réserves et des ressources naturelles, dans le cadre du processus de développement durable…».
Ainsi, notre Roi indique dans le discours du Trône de juillet 2010 que «…Aussi, engageons-Nous le gouvernement à donner corps aux grandes orientations issues du dialogue élargi visant l’élaboration d’une Charte nationale pour la protection de l’environnement et le développement durable, dans un plan d’action intégré ayant des objectifs précis et réalisables dans tous les secteurs d’activité. Parallèlement, Nous exhortons le gouvernement à formaliser ce plan dans un projet de loi-cadre, dont nous voulons qu’il constitue une véritable référence pour les politiques publiques de notre pays en la matière…».
L’environnement au Maroc est en dégradation constante et les ressources naturelles s’amenuisent régulièrement : pollution de l’air et de l’eau, déforestation, érosion éolienne et hydrique des sols, désertification, biodiversité menacée…
Le Maroc, qui a accueilli en novembre 2016 la Conférence internationale sur le climat COP22, a décidé de renforcer son positionnement en tant que pays avancé en matière de la protection de l’environnement et du développement durable.
Le contrôle de l’environnement est une mission de l’Etat dans sa globalité, il s’agit d’une opération technico-juridique qui vise à vérifier le respect des dispositions des lois environnementales des normes et des exigences techniques prévues par les lois. Le contrôle sert à l’application de la réglementation, il se traduit par des actions d’inspection, programmées ou inopinées, menées selon une démarche bien définie.
Dans le domaine de l’écologie et pour lutter contre les infractions environnementales, le Maroc vient de créer sa police de l’environnement[3].
La police de l’environnement désigne l’ensemble des personnes et structures ayant pour objectif de faire respecter les lois relatives au droit de l’environnement du pays et mandatées pour le faire.
C’est pourtant la police de l’environnement, une force des enquêteurs luttant contre les trafics et les pollutions. C’est une police dédiée à l’environnement lancée en 2017 à Rabat par le Ministère délégué chargé de l’Environnement.
La police de l’environnement instituée par l’article 35 de la loi cadre n°99-12 portant charte nationale de l’environnement et du développement durable[4], est placée auprès de l’autorité gouvernementale chargée de l’environnement[5].
Régie par le décret n°2-14-782 du 19 mai 2015 relatif à l’organisation et aux modalités de fonctionnement de la police de l’environnement[6]. Ce décret précise que la police de l’environnement, placée sous l’autorité gouvernementale chargée de l’Environnement, a pour mission de procéder au contrôle, à l’inspection, à la recherche et à l’investigation dans le domaine de l’environnement, ainsi que de constater les infractions et de dresser des PV, tel que prévu par les lois environnementales, concernant tout acte contraire aux principes de protection et de respect de l’environnement.
Dans le cadre du renforcement des attributions du Ministère délégué chargé de l’Environnement dans les domaines de la prévention, de l’inspection et du contrôle environnemental, et en application dudit décret, une cérémonie d’installation de la Police de l’Environnement a été organisée le 23 février 2017 : la création d’une police de l’environnement a été officiellement annoncé. Il a été procédé lors de cette cérémonie à la remise des cartes d’inspecteurs de l’environnement et à la présentation du matériel technique de contrôle et des véhicules de fonction de la police de l’environnement.
Une première promotion, composée d’une quarantaine d’inspecteurs installée à Rabat[7], constitue le noyau de cet organe venu renforcer le rôle du Ministère chargé de l’Environnement en matière de prévention, d’inspection et de contrôle environnemental.
En collaboration avec la police, la gendarmerie et le Ministère de la justice, ils devront suivre et constater les différentes infractions environnementales, de mener des enquêtes nécessaires à ce sujet et de présenter les contrevenants devant les autorités judiciaires compétentes.
Sa mission est de réprimer les infractions et les incivilités et mettre fin aux pollutions en tous genres. Elle est chargée du contrôle, de l’inspection, de la recherche, de l’investigation, de la constatation des infractions et de la verbalisation prévus par les dispositions des lois environnementales.
Les inspecteurs de la police de l’environnement ont été recrutés et formés pour enquêter et dresser des procès-verbaux. Ils sont présents sur chacune des 12 régions du pays, partout où le ministère dispose d’une direction régionale.
La création de cet organe s’inscrit dans le cadre de la mise en œuvre des nouvelles dispositions contenues dans la Constitution de 2011 et qui prévoient de mobiliser tous les moyens afin de garantir aux citoyens le droit à un environnement saint et au développement durable.
Dans ce travail, on s’interrogera donc principalement sur le cadre dans lequel s’inscrit son action, les différentes missions de la police spécialisée avant de traiter les divers dysfonctionnements qui handicapent sa performance et les actions de réforme à mener pour une police verte renforcée.
Pour en décrire les principaux aspects, nous nous intéressons plus spécifiquement d’étudier successivement le cadre général d’exercice de la police de l’environnement (I), puis le traitement de la problématique de cette nouvelle police et les nécessités d’agir (II).
I. Cadre général d’exercice de la police de l’environnement
En 2016, le bilan des infractions environnementales a fait ressortir qu’au total, 200 opérations de contrôle ont été effectuées sur l’axe Casablanca-Rabat-Salé-Kénitra. Par conséquent, en application des PV dressés, l’autorité judiciaire a procédé à la fermeture d’unités industrielles à Kénitra, Salé et Mohammedia. Comment ces contrôles ont-ils eu lieu, sachant que la Police de l’environnement n’est entrée en fonction que fin Février 2017? Cela s’explique par le fait que, depuis 2003, le Maroc dispose d’agents assermentés pour faire des contrôles dans le domaine de l’environnement. Ces agents relèvent du Ministère de l’intérieur, notamment de la Direction générale de la sûreté nationale (DGSN) et de la Gendarmerie royale et de la police nationale[8].
La mise en œuvre effective des politiques publiques environnementales passe, au-delà des nécessaires actions d’information, de sensibilisation et d’incitation, par une police de l’environnement efficace, à la fois aux plans administratif et judiciaire.
Des problématiques telles que le renouvellement des ressources naturelles, le maintien et la restauration des espèces des habitats et des paysages, l’enrayement de l’érosion de la biodiversité et la limitation des pollutions passent par une police de l’environnement avec des prérogatives et des compétences techniques adaptées.
- Finalités de la fonction
En vue de protéger les ressources contre les effets négatifs de la pollution et de toute forme d’exploitation illicite, le décret n°2-14-782 du 19 mai 2015 a accordé au contrôle environnemental une importance particulière, confiant cette mission à la police de l’environnement.
L’autorité gouvernementale chargée de l’environnement désigne les agents affectés à la police de l’environnement parmi les agents habilités conformément aux lois environnementales. Ces agents sont appelés «inspecteurs de la police de l’environnement»[9].
La police de l’environnement est un levier essentiel dans la préservation des ressources naturelles et la lutte contre la perte de biodiversité. L’amélioration de son efficacité est l’une des priorités du Ministère de l’environnement.
Pour répondre à cette mission, les inspecteurs de l’environnement disposent de certains pouvoirs de police judiciaire leur permettant de rechercher et constater les différentes infractions environnementales.
Réservée aux inspecteurs commissionnés et assermentés, elle concerne principalement, en matière de biodiversité, la police de l’eau et des milieux aquatiques et la police de la nature.
L’objectif de la fonction est de veiller à ce que soient assurés la protection et le respect des milieux, espèces et espaces naturels, en identifiant les menaces, en étant présent sur le terrain pour informer les usagers et prévenir les dégradations, en recherchant, en constatant et en faisant cesser les infractions.
La police de l’environnement doit également contrôler les décharges, leur restauration et les stations d’épuration des eaux usées, ainsi que le transport des déchets dangereux. Les inspecteurs de la police de l’environnement sont, en outre, tenus de mener des opérations de contrôle régulières, relatives au traitement des plantes, des eaux usées et des déchets solides. Elle est également chargée de l’évaluation des projets d’investissement et de leur degré de respect de l’environnement. Afin que ces différentes opérations de contrôle se déroulent dans de bonnes conditions, la police de l’environnement collabore avec les services de police, de la Gendarmerie royale et le Ministère de la justice.
De la lutte contre le trafic d’espèces protégées à la chasse aux déchets polluants, leurs sujets d’enquête sont vastes. Cette cellule spéciale créée en 2017 est chargée de lutter contre toutes les atteintes, quelles qu’elles soient, à l’environnement et à la santé publique.
La pollution des eaux et l’abandon de déchets figurent parmi les plus connues.
La fonction de police de l’environnement consiste à garantir le respect de la réglementation environnementale. ..
Cette police travaille également sur la sensibilisation et la communication. Elle joue la carte pédagogique, et essaye de combler ce qui n’a pas été fait à l’école.
Les inspecteurs de la police de l’environnement portent, de manière apparente, lors de l’exercice de leurs fonctions, une carte professionnelle permettant leur identification, établie à cet effet par l’autorité gouvernementale chargée de l’environnement selon le modèle annexé au décret de 2015[10].
La police de l’environnement apporte son appui aux autorités gouvernementales concernées dans les domaines suivants:
– le renforcement des capacités des agents relevant desdites autorités gouvernementales habilités par des législations particulières à la prévention, au contrôle, à l’inspection, à la recherche, à l’investigation, à la constatation des infractions et à la verbalisation en matière d’environnement, notamment en ce qui concerne les procédures à suivre et toute formation complémentaire nécessaire;
– la mutualisation des moyens humains et techniques;
– l’unification des outils de travail et l’échange d’information;
– la coordination des opérations de contrôle et d’inspection environnementale;
– l’amélioration des mesures de prévention, de prévision des risques et de lutte contre la pollution[11].
2. Missions et activités principales
Les missions de cette nouvelle police sont multiples. Elles sont organisées par le décret n°2-14-782 du 2015. Et selon les dispositions du premier article, cet organe se charge de la prévention, du contrôle, de l’inspection, de la recherche, de l’investigation, de la constatation des infractions et de la verbalisation prévus par les lois relatives à l’environnement.
Son rôle appliquer la loi dans le domaine environnemental mais aussi dans le domaine de l’hygiène et de la santé. Elle est chargée d’assurer la surveillance et faire respecter la réglementation, informer et sensibiliser le public sur le respect de la réglementation lors de tournées de surveillance, verbaliser en cas d’infraction à la réglementation, participer à l’organisation de certaines missions de police communes avec les autres services et corps de police de l’environnement, procéder d’apporter l’appui nécessaire pour renforcer le pouvoir des administrations concernées par l’application des dispositions de protection de l’environnement contenues dans toute autre législation particulière, et assurer un contact régulier auprès du grand public, des usagers et des acteurs locaux dont élus, représentants d’associations, chasseurs, pêcheurs, agriculteurs…
Les inspecteurs de l’environnement s’assurent du respect des réglementations relatives à la préservation des milieux naturels. Ils sont en poste dans les établissements publics et services déconcentrés de l’Etat en charge de la protection de l’environnement et disposent de compétences hautement spécialisées.
Le contrôle environnemental s’exerce sur le terrain. Il ne se limite jamais à la vérification du dossier ou au recueil des explications recueillies auprès de la partie contrôlée. L’inspecteur de la police verte doit toujours aller sur place pour vérifier, constater, prélever et examiner la situation. Le contact avec la réalité du terrain assure la crédibilité et le sérieux à l’opération de contrôle.
Le contrôle est sanctionné par un rapport qui retrace dans le détail, toutes les étapes de déroulement du processus de contrôle. Le rapport donne en particulier un résumé des dysfonctionnements constatés par rapport aux exigences prévues par la législation ou la réglementation régissant l’activité contrôlée. Il dégage aussi les recommandations et les mesures préconisées à l’encontre des parties ayant commis des infractions.
Les inspecteurs de l’environnementexercent leurs pouvoirs de police judiciaire dans le ressort de leur service d’affectation ainsi que sur l’étendue du territoire sur lequel ils ont reçu mission.
Ils recherchent et constatent les infractionsprévues par les lois de l’environnement en quelque lieu qu’elles soient commises dans les limites fixées par les dispositions de procédure pénale définie par les lois de l’environnement et le Code de procédure pénale.
L’une des missions des parcs nationaux consiste à accueillir et sensibiliser à l’environnement le public. Les parcs nationaux sont des espaces ouverts à tous. Toutefois, pour préserver leurs richesses, acteurs locaux et visiteurs se doivent de respecter quelques règles.
Pour que le partage de l’espace soit le plus harmonieux possible, chacun doit adopter un comportement respectueux des hommes et de la nature.
Les infractions environnementales sont nombreuses et ne concernent pas seulement le dépôt des déchets sur la voie publique. En effet, outre la pollution dans les rues (dépôt sauvage de détritus sur la voie publique, lavage de voiture sur la voie publique, déversage de l’huile de vidange sur les sols pour les garagistes…), la pollution atmosphérique, l’abandon de déchets industriels ou médicaux et la pollution des eaux (pollution de la ressource, atteinte aux zones humides ou littoral), des espaces naturels, de la flore, et de la faune sauvage (espèces gibier, lutte contre les trafics d’espèces), de la chasse (contre-braconnage, renforcement de la sécurité à la chasse) et de la pêche… La police de l’environnement sanctionne aussi la pollution sonore, la commercialisation de produits périmés, la possession et la vente d’espèces protégées et la possession et la vente de produits pharmaceutiques de contrebande.
Les scènes de crime peuvent être des unités industrielles, des entreprises, des décharges publiques, des forêts, des cours d’eau pollués…Tout endroit où l’environnement est menacé par l’action de l’Homme.
Malgré leur appellation, les policiers de l’environnement sont des fonctionnaires civils dont la vocation est de constater, sensibiliser, prévenir, anticiper et dissuader plutôt que de réprimer ou sanctionner.
Cela ne diminue en rien la valeur ni l’apport de cette nouvelle entité qui travaille en collaboration avec la police nationale, la Gendarmerie royale et le Ministère de la justice, pour constater les différentes infractions environnementales, notamment celles techniques liées à la pollution atmosphérique et aux études d’impact avant la réalisation des projets ou s’assurer de leur conformité aux normes en vigueur.
Cette nouvelle police a été divisée en deux. La première moitié travaille au Ministère de l’Environnement, notamment au sein de la structure centrale qui est composée de trois divisions: technique, juridique ainsi que les laboratoires d’analyses. L’autre moitié a été affectée au niveau des structures déconcentrées, précisément dans les 12 représentations régionales où le directeur régional et le chef du Service du contrôle et des études d’impact font également partie de la police de l’environnement[12].
Ces policiers de l’environnement sont équipés en matériel professionnel et en véhicules légers et camionnettes pour réaliser leur travail. Équipés de véhicules de couleurs noire et verte, siglés «Police de l’environnement» en arabe et en français, les inspecteurs traquent essentiellement des contrôles dans les unités industrielles, les transporteurs des déchets dangereux, les unités de valorisation des déchets, les décharges et les stations d’épuration des eaux usées…
Et selon les dispositions de l’article 5 du décret 2015, les opérations de contrôle effectués par les inspecteurs de la police de l’environnement peuvent être menées soit de manière inopinée ou encore émaner de requêtes formulées par la population. Ils peuvent aussi être opérés dans le cadre d’un plan national de contrôle de l’environnement[13] élaboré et défini par le Ministère, ou après consultation de l’autorité gouvernementale chargée de l’environnement.
Lorsque les inspecteurs de la police de l’environnement interviennent dans le cadre de la mise en œuvre du plan national de contrôle de l’environnement, ils accomplissent leurs missions au sein d’une commission de contrôle créée à cet effet.
La commission de contrôle est habilitée à effectuer des opérations de contrôle, de recherches, d’investigations, de constatation et de verbalisation des infractions y compris suite à tout incident de nature à porter atteinte à l’environnement[14].
L’autorité gouvernementale chargée de l’environnement procède périodiquement à la collecte et au traitement des informations et données contenues dans les procès-verbaux (PV) dressés par les inspecteurs de la police de l’environnement, à partir d’une base de données des opérations de contrôle, d’inspection, de recherche, d’investigation et de constatation des infractions à la législation et la réglementation relative à la protection de l’environnement, qu’elle transmet par la suite au chef de gouvernement pour information[15].
Cette autorité gouvernementale dresse un bilan annuel des activités de la police de l’environnementen concertation avec les autorités gouvernementales concernées et les services des collectivités territoriales qui, en vertu de la législation en vigueur, sont chargées des missions de contrôle, d’inspection, de recherche, d’investigation et de constatation des infractions à la législation et réglementation relative à la protection de l’environnement. Ledit bilan est adressé au Chef du gouvernement et publié sur le site web de l’autorité gouvernementale chargée de l’environnement[16].
II. La problématique de la police verte : missions vastes et moyens d’action limités
Selon le décret n°2-14-782 relatif à l’organisation et aux modalités de fonctionnement de la police de l’environnement, cet organe est chargé de la prévention, du contrôle, de l’inspection, de la recherche, de l’investigation, de la constatation des infractions et de la verbalisation prévue par les dispositions des lois relatives à l’environnement.
La tâche semble déjà particulièrement difficile.Les inspecteurs de la police verte sont impuissants face aux pollueurs.
1. Les dysfonctionnements de la police verte
Lancée en Février 2017, la police de l’environnement suscite encore des interrogations quant à son rôle et tarde encore à justifier sa création.
Malgré les acquis, l’action de la police de l’environnement et son mode de fonctionnement font l’objet de critiques de la part de la société civile.
Plus de trois ans de son lancement officiel, la police de l’environnement a quasiment disparu de la circulation.
Pourtant, ce ne sont pas les infractions qui manquent. Pollution des cours d’eau et de l’air, pillage de sable, abattage des arbres, déchets chimiques et industriels jetés dans la nature, décharges anarchiques, braconnage… Les problématiques et les enjeux sont énormes.
Cette police est aujourd’hui en situation de sous-effectif, puisque les policiers verts, dont la moitié ont été affectés aux 12 délégations régionales du Ministère, ne peuvent être présents partout et sur tous les fronts géographiques pour sanctionner les contrevenants.
Peu visibles sur le terrain et dans les médias, ces policiers verts risquent de ne pas être pris au sérieux par les contrevenants, encore moins par les citoyens.
Sur le terrain, peu de gens qui ont réellement vu circuler dans les villes ces policiers déplaçant de véhicules de couleurs noire et verte, siglés en arabe et en français «police de l’environnement».
Au niveau législatif, le Maroc est confronté au défi de mettre en œuvre sa «Charte de l’environnement et du développement durable». Les acteurs de la politique environnementale au Maroc doivent non seulement solutionner les problèmes environnementaux classiques, mais aussi préserver sur le long terme les ressources naturelles pour un développement durable du pays.
La mission des inspecteurs de la police de l’environnement se heurte à un vide juridique flagrant. L’absence de normes claires de la fonction d’inspecteur de la police environnementale et d’une qualification juridique de l’infraction environnementale dans le droit marocain rend impossible de sévir contre les contrevenants et les parties incriminées.
De même, au niveau judiciaire, le besoin se fait sentir pour des juges spécialisés et bien formés dans le domaine pour pouvoir interpréter et appliquer les textes de loi relatives à l’environnement et au développement durable.
La multiplicité des intervenants complique également la tâche de ce corps de police. Cet organe travaille en collaboration avec la police nationale, la Gendarmerie royale et le Ministère de la justice, pour constater les différentes infractions environnementales, notamment celle techniques et qui sont liées à la pollution atmosphérique et aux études d’impact avant la réalisation des projets.
Face à l’immensité et la rudesse de la tâche, la question des équipements et de la logistique nécessaires pour accomplir le travail d’inspection, se pose avec acuité. Pour couvrir les périmètres géographiques dont ils ont la charge et être présents partout où l’environnement est mis en danger et accomplir leur travail dans de bonnes conditions, les policiers verts devraient être dotés de tous les moyens matériels et logistiques nécessaires.
2. Recommandations : les nécessités d’agir pour une police verte renforcée
La création de métiers dans le secteur de l’environnement (métiers verts) joue un rôle de plus en plus important dans la politique climatique et environnementale. D’une manière générale le Maroc éprouve des difficultés à réaliser son développement selon les critères de la durabilité et à orienter son économie vers l’économie verte en formulant et appliquant une politique environnementale moderne et efficace. Les instruments de l’économie verte ne sont appliqués que ponctuellement au Maroc pour atteindre les objectifs et les principes de la Charte nationale pour l’environnement et le développement durable ainsi que ceux de la stratégie nationale de formation et de perfectionnement aux métiers de l’environnement.
Les prérogatives de la nouvelle police sont précisées par le décret du 19 mai 2015 et comprennent le contrôle, la sensibilisation en passant par la constatation des infractions et la verbalisation. Les pouvoirs de police des inspecteurs de l’environnement doivent être renforcés.
Pour doter le Maroc d’une police de l’environnement performante, efficace et en mesure de faire face aux défis énormes qui se posent, la formation est un enjeu de taille.
Pour être commissionné, le titulaire de la fonction doit avoir des compétences spécifiques : suivre une formation spécifique technique et juridique avec des modules de base et des modules complémentaires (patrimoine naturel, chasse, pêche, milieux aquatiques, sites classés, espaces protégés…). Des pratiques spécifiques sont à maîtriser selon le sujet et le terrain d’intervention de l’agent (embarquement en mer, circulation en montagne…).
L’inspecteur de la police de l’environnement doit également avoir des connaissances : de la réglementation (lois de l’environnement : la qualité de l’air, la politique de l’eau, la lutte contre le bruit, la gestion des déchets, les installations classés, la protection des espaces naturels, la protection des espèces animales, l’administration de l’environnement…), bases de droit (pénal, procédure pénale), polices administrative et judiciaire; des devoirs et pouvoirs de l’agent assermenté; des institutions et procédures juridiques liées à l’exercice de ses attributions; du fonctionnement des différents services de l’Etat impliqués dans la police de l’environnement et des différents corps de police (gendarmerie royale, police nationale, douanes, affaires maritimes…); des connaissances techniques liées à l’environnement (géologie, patrimoine biologique, hydrologie, ichtyologie, historique…); et de la réglementation et règles de sécurité à respecter sur les sites…
De plus, l’inspecteur de la police verte doit avoir des savoir-faire pour pouvoir accomplir les missions tels que: audition, interpellation (amorcer une interpellation, relever une infraction); régulation des conflits; rédactionnel (procès-verbaux, compte-rendu…); information et communication (avec publics divers); veille règlementaire…
Il doit également maîtriser des savoir-être : capacités relationnelles (écoute, patience, courtoisie); sens de l’observation, rigueur; maîtrise de soi, autorité et fermeté (interpellation des contrevenants); adaptabilité aux circonstances (terrain, météo); aptitude et résistance physique (travail en milieu naturel extérieur)…
Vu les risques professionnels, comme le travail en milieu naturel potentiellement isolé et par toutes conditions (risques de chutes, de noyades, de coupures…); exposition potentielle à des maladies infectieuses et parasitaires (maladie de Lyme, tétanos, rage, leptospirose…); ou risques psychosociaux liés aux missions de police : altercations et incivilités dans le contact avec le public, risques d’agressions verbales et physiques; le taux de la «Prime de risque» devra élevé afin de motiver et compenser les efforts de ces policiers.
Face à l’immensité de la tâche, la question des équipements et de la logistique nécessaires, se pose.
Pour couvrir les périmètres géographiques dont ils ont la charge et être présents partout où l’environnement est mis en danger et accomplir leur travail dans de bonnes conditions, les policiers de l’environnement devraient être dotés de tous les moyens matériels et logistiques nécessaires.
Pour prévenir et réprimer les atteintes à l’environnement et pour dissuader les contrevenants, le décret n°2-14-782 d’application de l’article 35 de la loi-cadre n°99-22 portant Charte de l’environnement et du développement durable, prévoit trois types de sanctions: des sanctions administratives pouvant porter sur une mise en demeure ou une fermeture de l’unité industrielle incriminée; des sanctions financières (amendes)[17] pouvant atteindre la somme de 2 millions de dirhams en cas de mauvaise gestion de
déchets dangereux et surtout en cas de récidive[18] et enfin, des peines de prison avec une
durée d’emprisonnement pouvant aller jusqu’à 1 an en cas d’infraction grave constatée.
Vu le vide juridique flagrant, et en attendant de combler les lacunes juridiques dans ce domaine, le respect de l’environnement est régit par de nombreuses lois d’où la nécessité de la finalisation et de la publication du guide qui réunit et définit les différents types d’infractions environnementales et les sanctions assorties.
En plus de la multitude des textes, il existe la problématique de la multitude des intervenants. Au niveau des opérations du contrôle, il faut harmoniser et mutualiser les efforts et coordonner les actions, car les efforts sont parfois éparpillés.
Pollution des cours d’eau et de l’air, pillage de sable, abattage des arbres, déchets chimiques et industriels jetés dans la nature, décharges anarchiques, braconnage… Les problématiques et les enjeux sont énormes et impliquent plusieurs départements et organes gouvernementaux et non gouvernementaux, d’où la nécessité de coordonner l’action et de délimiter les compétences et les champs d’intervention des uns et des autres pour éviter toute dispersion des efforts.
Pour ce faire, des réunions de concertation seront tenues avec différentes parties afin de trouver une vision commune sur les modalités d’action de cet organe ainsi que les moyens à mettre à sa disposition pour qu’elle puisse mener à bien les missions qui lui sont dévolues.
La sensibilisation au rôle de la police de l’environnement: le point sur une police encore peu connue du public.
A noter que des brigades locales de l’environnement ont été lancées dans le passé à Rabat et Casablanca sans réel changement de comportement de la part des citoyens.
En matière de connaissance, de diffusion de l’information et de sensibilisation au travail et au rôle de cette nouvelle police, beaucoup reste à faire. Peu visibles sur le terrain et dans les médias, ces inspecteurs de l’environnement risquent de ne pas être pris au sérieux par les contrevenants, encore moins par les citoyens.
Les brigades de l’environnement installées doivent être actives, vont sur le terrain, dressent des PV valides pour être de plus en plus connus par les gens.
La police de l’environnement doit jouer un rôle majeur dans la mise en œuvre du dispositif «Eviter, Réduire, Compenser» comme ce qui existe dans les autres pays étrangers comme la France par exemple. Dans le cadre des projets d’aménagement, ce dispositif a pour objectif d’éviter les atteintes à l’environnement, de les réduire si elles ne peuvent être évitées, et de les compenser lorsqu’elles ne peuvent être ni évitées, ni réduites.
Les agents émettent des avis techniques sur les impacts potentiels de projets d’aménagement faisant l’objet d’une autorisation ou déclaration administrative. Ils contrôlent le respect par le maître d’ouvrage.
Conclusion
La préservation de l’environnement doit être une préoccupation permanente de tous les marocains dans le processus de développement durable du Royaume.
Au Maroc, l’intérêt manifesté par les pouvoirs publics pour la sauvegarde de l’environnement relayé par la société civile traduit l’inquiétude de l’opinion publique quant à l’état écologique du pays.
La création de la police de l’environnement est principalement liée à la nécessité de garantir pour tous le droit de vivre dans un environnement sain avec justice et équité. Il s’agit d’assurer la bonne gouvernance dans la gestion des ressources naturelles, en veillant aux respect des principes de participation, de concertation, de gestion intégrée et décentralisée ainsi que la consolidation de la solidarité spatiale et de la protection du milieu naturel, tout en visant la consécration de l’exploitation durable des ressources naturelles.
Leur mission est difficile et leur rôle méconnu. Policiers luttent pour défendre la nature, la santé publique et les espèces protégées. Nul doute que la nouvelle police aura besoin autant de sympathie de la part de l’opinion publique nationale pour qu’elle puisse débordée dans son travail.
En tout cas, c’est ce qu’espèrent les habitants qui ont vivement apprécié la présence de la police de l’environnement. Une police qui devrait bénéficier de l’appui des autorités locales et élues afin qu’elle puisse assurer convenablement sa mission.
[1] Le principe n°1 de la déclaration de Rio- Juin 1992.
[2] Rapport sur l’Etat de l’Environnement du Maroc 2015, préparé par le Ministère délégué de l’énergie, des mines, de l’eau et de l’environnement, p.10.
[3] En France, la police de l’environnement est réalisée par de nombreuses structures différentes. Elle est notamment codifiée dans le cadre du corps de l’inspection de l’environnement. Et en Tunisie, il existe un corps de police dédié à la protection de l’environnement sous tutelle des municipalités et dénommée “Police de l’environnement”.
[4] B.O du 20/03/2014.
[5] 1er article du décret n°2-14-782 du 19 mai 2015 relatif à l’organisation et aux modalités de fonctionnement de la police de l’environnement.
[6] B.O. n° 6366 du 04/06/2015.
[7] lors d’une cérémonie réunissant la ministre déléguée chargée de l’Environnement, des représentants de la DGSN, de la Gendarmerie royale et du Ministère de la justice.
[8] Voir PV n°217 DGSN- Préfecture de police de Rabat Salé en date du 13/12/2013 dressé au TPI du Rabat, contre Mme F.H ; PV n°51 du 27/11/2013 dressé au TPI de Salé, contre le contrevenant S.A ; PV n°277 du 19/12/2013 dressé au TPI du Rabat, contre le contrevenant A.J ; PV n°42 du 23/11/2013 dressé au TPI du Rabat, contre les contrevenants A.A/ A.A/A.T ; PV n°39 du 27/11/2013 dressé au TPI du Rabat, contre le contrevenant B.A ; PV n°49 du 25/11/2013 dressé au TPI du Rabat, contre le contrevenant dressé au TPI de Salé, contre le contrevenant A.A ; PV n°99 du 30/11/2013 dressé au TPI du Rabat, contre le contrevenant S.H ; PV n°50 du 25/11/2013 dressé au TPI de Salé, contre le contrevenant L.A ; PV n°109 du 13/12/2013 dressé au TPI du Rabat, contre le contrevenant A.M ; PV n°33 du 21/11/2013 dressé au TPI de Témara, contre le contrevenant M.B ; PV n°123 du 05/12/2013 dressé au TPI du Rabat, contre le contrevenant B.T ; PV n°276 du 18/11/2013 dressé au TPI de Témara, contre le contrevenant M.O ; PV n°27 du 21/11/2013 dressé au TPI du Rabat, contre le contrevenant Y.L ; PV n°62 du 26/11/2013 dressé au TPI de Témara, contre le contrevenant A.M.
[9] Selon les dispositions de l’article 3 du décret 2015 : «Pour pouvoir être affectés à la police de l’environnement, les agents doivent remplir les conditions suivantes:
1) justifier d’une ancienneté de service de cinq ans au moins en qualité d’administrateur de 2ème grade ou d’ingénieur d’Etat de 1er grade;
2) avoir suivi avec succès une formation continue portant sur la prévention et la protection de l’environnement, les techniques de contrôle, d’inspection environnementale ainsi que les procédures de constatation et de verbalisation des infractions à la législation et à la réglementation relatives à la protection de l’environnement. Les modalités et programmes de cette formation sont fixés par décision de l’autorité gouvernementale chargée de l’environnement;
3) avoir prêté serment conformément à la législation en vigueur relative au serment des agents verbalisateurs».
[10] V. l’article 4 du décret 2015.
[11] Article 2 du décret 2015.
[12] Mr. Fouad Zyadi, Directeur du Contrôle, de l’évaluation environnementale et des affaires juridiques au sein du Ministère de l’Environnement.
[13] Et selon les dispositions de l’article 6 dudit décret 2015, le plan national de contrôle de l’environnement visé est élaboré pour une période d’une année par l’autorité gouvernementale chargée de l’environnement après consultation des autorités gouvernementales concernées.
Ce plan a pour objet de:
1) identifier les secteurs et les branches d’activités à soumettre de manière prioritaire au contrôle environnemental au regard des objectifs de protection de l’environnement et de préservation des ressources naturelles. La délimitation des zones de contrôle et la sélection des installations ou activités à inspecter se font sur la base des enjeux environnementaux et d’une analyse de risques;
2) définir un programme pluriannuel de renforcement des capacités humaines et matérielles en vue d’assurer l’encadrement des opérations de contrôle et d’inspection environnementales;
3) élaborer, harmoniser et simplifier les outils et la documentation en matière de recherches, d’investigations, de constatation et de verbalisation des infractions à la législation relative à la protection de l’environnement.
[14] V. l’article 7 du décret 2015.
[15] Article 8 du décret 2015.
[16] V. l’article 9 du décret 2015.
[17] L’inspecteur de la police de l’environnement habilité dresse un procès verbal et envoie son rapport au Ministère public, le Tribunal compétent se charge de juger et fixer le montant de l’amende selon la gravité de l’infraction commise.
Voici quelques exemples de sanctions :
– Pour ce qui est de la pollution atmosphérique, une automobile dont le pot d’échappement dégage un taux de CO2 supérieur au seuil autorisé est passible d’une infraction allant de 100 à 200.000 DH selon la gravité de la pollution atmosphérique constatée. La police dispose d’un outil qui permet de mesurer la quantité de CO2 qui sort du pot d’échappement.
-Le transport de marchandises dangereuses par route sans autorisation est passible d’une amende de 8000 DH qui peut être associée à une peine de prison.
-Pour ce qui est de la possession et vente d’espèces protégées, certaines espèces sont vendues dans des souks et utilisées pour des rites de magie noire, les contrevenants pris en flagrant délit risquent une amende de 4000 à 14.000 DH et une peine d’emprisonnement de 2 à 6 mois de prison.