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Exploitation des carrières et préservation de l’environnement : lecture en la loi n° 27-13 relative aux carrières

Exploitation des carrières et préservation de l’environnement : lecture en la loi n° 27-13 relative aux carrières

IBTISSAM MOTIB[1], AICHA BENMOHAMMADI[2]

Résumé

Les matériaux de carrières sont omniprésents dans notre vie quotidienne pour la réalisation d’ouvrages de génie civil, de bâtiment, de travaux publics et de très nombreuses applications industrielles. L’extraction du sable est devenue un marché florissant de millions de dirhams, cette opération, cependant entraine nécessairement des effets négatifs sur la population, l’environnement naturel, et les infrastructures. Le Maroc s’est engagé résolument dans une société plus respectueuse de l’environnement en déployant les principes de la loi cadre n° 99-12  portant charte nationale de l’environnement et du développement durable.

 Inscrire le secteur des carrières dans les nouvelles orientations du Pays pour préserver les équilibres environnementaux et les protéger d’une part, et pour remédier aux dysfonctionnements concernant les modes d’exploitation, l’inefficacité du contrôle, le pillage du sable…  tel est l’enjeu essentiel auquel doivent répondre la loi 27-13 relative aux carrières. La rationalisation de l’exploitation des carrières, tout en préservant l’environnement est l’objectif ambitieuse de cette étude.

Mot Clés : carrière, la loi 27-13 relative aux carrières, l’environnement, préservation, Maroc.

Introduction :

De tout temps, l’homme prélevait dans le sol des richesses indispensables à son développement. Ainsi, il Ya quelques années, n’importe qui pouvait, sous n’importe quel prétexte, creuser un trou à ciel ouvert et en exploiter son contenu, que ce soit pour y créer un espace de loisirs ou pour des besoins de remblais à proximité[3]. Cette exploitation anarchique n’est plus autorisée depuis l’apparition récente de l’industrie de granulat et sa soumission à un nouveau régime juridique, le dahir du 5 Mai 1914[4].

Toutefois, Le développement du secteur de la construction et des travaux publics a entraîné une demande croissante de matériaux de construction, Ceci est dû aux programmes de logements sociaux, la création de nouvelles villes, l’achèvement des projets et la construction de grands axes routiers tels que des routes, des ports, des voies ferrées, des aéroports, et des programmes visant à désengager le monde rural, il en résulte que le secteur des carrières a connu, ces derniers temps, des dysfonctionnements concernant les modes d’exploitation et l’émergence des carrières informelles, le pillages du sable et l’inefficacité  du contrôle, ce qui a entrainé des effets négatifs sur la population et l’environnement.

Les carrières[5] sont en effet cruciales pour accompagner le développement économique et sociales du Pays : elles alimentent la construction (d’infrastructures, de logement, de bâtiment …) un secteur porteur de l’économie marocaine, à l’origine de près de 7% du PIB et de 9% des emplois. Leur gestion doit se fait s’inscrire dans une politique nationale de rationalisation des ressources et de préservation dans la durée, avec une prise en compte des enjeux environnementaux liés aux paysages naturels et aux milieux de vie. La mise en place d’une nouvelle réglementation est également un signal fort pour mettre fin à un système perçu comme non équitable et favorisant les rentes et privilèges[6].

 L’exploitation de la ressource « sable » n’a pas été sans soulever un certain nombre de problèmes aussi bien scientifiques que socio-économiques et juridiques du fait des impacts de son exploitation sur l’environnement. Le législateur marocain a essayé de préserver cette ressource considérée comme non renouvelable[7], et réglementer le secteur des carrières depuis 1914. Hélas, le cadre légal s’est révélé insuffisant et inadéquat eu égard à la révolution enregistrée dans ce domaine. Afin de remédier à cette situation, le législateur est intervenu par des textes transversaux complétés par des circulaires après l’avortement légistique de la loi n ° 08-01 relative à l’exploitation des carrières, avant de compléter cette longue marche par la loi n° 27-13 relative aux carrières en attendant la publication des textes d’application. L’analyse de ce cadre règlementaire suscite de profondes réflexions.

L’objet de cette recherche est de faire le point de la question dans l’optique du droit de l’environnement. C’est-à-dire qu’on traitera dans quelle mesure la loi 27-13 relative aux carrières  participe à la rationalisation d’exploitation des carrières, à la préservation des ressources sol et sa durabilité à travers des règles juridiques rigoureuses prenant en considération les enjeux environnementaux, liés aux espaces naturelles et aux milieux de vie des citoyens.

I. Le cadre actuel: une réglementation centenaire et caduque incohérent avec les enjeux de gestion de carrière

Le texte de base qui régit l’exploitation des carrières est le dahir du 5 mai 1914. Il définit les substances et les gisements à exploiter, les conditions d’ouvertures des carrières ainsi que les droits et obligations des carriers. Toutefois, en raison du caractère lacunaire de ce texte, une circulaire interministérielle du 8 juin 1994 est venue combler les failles du dahir de 1914 en attendant la promulgation de la loi de 13 juin 2002. Ce texte n’est jamais entré en vigueur, une autre circulaire du 1er ministre sous numéro 6/2010 du 14 juin 2010 a précisé les conditions, les procédures et les références qui doivent être respectées lors de l’ouverture et de la fermeture d’une carrière à travers le cahier des charges qui y est annexé en attendant la promulgation d’une nouvelle loi sur l’exploitation des carrières[8].

 Cette dernière circulaire a été prise à la suite des problèmes constatés lors de l’exploitation des carrières[9]. La promulgation de la circulaire du premier ministre on peut la considérer comme un compliment sans effet, Des années ont passé, le retour au point de départ est la préparation d’une nouvelle loi n° 27-13 relative aux carrières.

 Il convient alors de suivre cette évolution législative depuis 1914 en raison de son importance dans cette étude.

1.1. Evolution historique de la loi de carrière

1.1.1. Dahir du 5 mai 1914

A ce jour, l’exploitation des carrières, est en effet régi par une réglementation centenaire et caduque, le dahir du 19 juin 1914, amendé en 1917 et en 1929, en décalage avec les nouveaux enjeux et aspirations du pays. Ce texte s’est inspiré de la législation française en vigueur à l’époque, c’est-à-dire le Code minier napoléonien de 1812. Le dahir du 19 juin 1914, comprenant 15 articles, relatifs  aux déclarations de propriété et d’usage, à l’exploitation, à la surveillance et au dispositif de sanctions financiers et pénales.

Ce Dahir n’a aucune dimension de protection environnementale. La dimension de sécurité publique et du personnel, bien que présente, reste insuffisante et décalée par rapport aux normes sanitaires, sécuritaires et environnementales actuelles. Il ne comporte pas de définition des carrières et porte uniquement sur les carrières en exploitation. Il instaure également une séparation des responsabilités de surveillance entre les services des travaux publics et ceux des mines, en fonction du caractère ouvert ou souterrain de la carrière, mais ne comprend pas de dispositions relatives à des contre-pouvoirs de contrôle et d’implication de la région. Par ailleurs, il est caractérisé par sa flexibilité, donnant des pouvoirs limités au département pour surveiller les carrières, il reste ainsi modeste au niveau des sanctions appliquées aux contrevenants.

Cette législation régissant l’exploitation des carrières n’a pas suivi l’évolution croissante du Maroc dans les domaines urbanistique, industriel et touristique. Dans le souci d’adapter l’outil législatif et réglementaire à cette évolution, certaines mesures urgentes ont été prises (circulaire n° 87 du 8 juin 1994).

1.1.2. Circulaire conjointe interministérielle n 87 du 8 juin 1994.

Elle a été prise par trois ministres : l’intérieur dont dépendait également l’environnement ; les travaux publics et l’agriculture. En raison des problèmes d’environnementaux posés par les carrières en activités ou abandonnées, la circulaire vise l’institution d’un cadre de concertation et coordination entre les différentes administrations concernées par l’exploitation des carrières ainsi que la définition des règles de conduites pour les exploitants de ces carrières. Cette circulaire a pour nouveautés :

– Le réaménagement du régime simplifié de la simple déclaration. La déclaration d’ouverture  doit faire l’objet d’une étude approfondie par une commission régionale multisectorielle où sont représentés les services locaux concernés

– La réalisation d’études d’impacts (aux frais du pétitionnaire) lorsque le volume annuel d’extraction dépasse 10.000m3 et pour tous les projets de carrières situé à l’intérieurs des périmètres urbains.

–  La remise en état des lieux moyennant en particulier une plantation des lieux exploités.

– La déclaration d’un cahier des charges à l’attention des exploitants de carrières précisant leurs responsabilités vis-à-vis des nuisances sur l’environnement.

– La commission est habilitée à proposer de nouvelles mesures qui peuvent être adoptées par l’administration[10].

1.1.3. Dahir du 13 juin 2002

 Les professionnels du secteur d’exploitation des carrières, ont considéré que la modification du Dahir du 5 mai 1914 est devenue une nécessité urgente, notamment avec l’augmentation des manipulations qu’a connues le secteur des carrières dans notre pays. En 2001, le désir des professionnels de trouver une solution à la concurrence illégale s’est joigné à la volonté  de gouvernement, afin de réajuster le domaine et protéger l’environnement, un comité a été mis en place pour élaborer un projet de loi réglementant le secteur, le résultat a abouti à la promulgation du dahir du 13 juin 2002, portant sur la mise en œuvre de la loi n° 08-01 relative à l’exploitation des carrières[11].

A la différence du Dahir de 1914, cette loi a introduit une terminologie et définition générales liées au métier et au secteur. Beaucoup plus développée que le Dahir de 1914, la loi n°08-01 introduit, en plus, les préoccupations environnementales, de protection des ressources, et de réaménagement des carrières, avec l’obligation de s’aligner avec les « dispositions législatives et réglementaires en vigueur notamment en matière d’urbanisme, d’environnement, de protection de la nature, de préservation des espèces halieutiques et de leur habitat, de conservation et d’exploitation des ressources forestières, cynégétiques et piscicoles et de mise en valeur agricole et forestière »[12] ou encore l’obligation d’une caution bancaire pour le réaménagement en fin d’exploitation.

La notion de planification est également présente à travers les schémas de gestion de carrières obligatoires, établis pour une durée de 10 ans pour des zones déterminées[13]. Toutefois, cette loi n’est, de par l’absence de textes d’application, jamais entrée en vigueur.

Une circulaire du premier Ministre avait été adoptée en 2010, mais elle n’avait pas force de loi[14].

Ce vide législatif a poussé à la création d’un comité national des carrières, composé des secteurs public et privé concernés (ministères, agences, organisations professionnelles), pour élaborer un nouveau projet de loi réglementant le  secteur des carrières. Le résultat de ces travaux a toutefois été amendé par le ministère de tutelle, avant d’aboutir à la version actuelle du texte 27-03relative aux carrières[15].

Des années ont passé, le retour au point de départ d’où la préparation d’une nouvelle loi, une période également mesurée par l’ampleur des pertes environnementales et financières qui auraient pu être évitées si le législateur allé plus rapidement.

1.1.4. La loi 27-03 relative aux carrières

Sans nul doute, la loi n° 27-03 relative aux carrières, constitue un pas essentiel soutenant l’arsenal juridique environnemental du pays. Elle  participe à combler le vide actuel dont souffre le secteur des carrières, et constitue absolument  une avancée majeure en faveur d’une gestion responsable, transparente et pérenne des ressources naturelles du pays.

La loi n° 27-13 relative aux carrières est composé de 65 articles, contient dans sa version actuelle plusieurs côtés positifs, certains ont un aspect juridique et d’autres ont un aspect économique, écologique et de développement. Ce texte a pour périmètre les différents types de carrières (à ciel ouvert, souterraines, maritimes, travaux publics, échantillonnage…). Il introduit la notion de planification et donc de gestion stratégique des ressources, à travers l’instauration des schémas régionaux de gestion des carrières sur 20 ans (avec une procédure de consultation et de possibilité de révision).

En plus, la loi 27-13 introduit  les préoccupations environnementales, de protection des ressources, elle intègre un ensemble de dispositions liées à la gestion des risques, allant des risques d’accidents, aux risques environnementaux. Des mesures obligatoires de sécurisation du périmètre et de déclaration des accidents sont prévues. Les études d’impact sur l’environnement sont obligatoires préalablement au lancement de l’activité. Les schémas régionaux de gestion délimitent également les zones interdites à l’exploitation. L’avenir des sites d’exploitation est aussi traité dès la planification, dans les schémas régionaux et le cahier des charges. Il est aussi assuré par l’obligation d’une caution bancaire pour garantir le réaménagement du site en fin d’exploitation. En outre L’administration a la possibilité d’introduire de nouvelles conditions et règles pour l’exploitation des carrières, en cas de danger ou risque pour les populations, ou pour l’environnement.

Pour rappel, la non-application de la loi n°08-01 relative à l’exploitation des carrières est liée à la non-promulgation de ses textes d’application. Et le texte actuel lie également l’application de la loi à la publication de ses textes d’application. Par conséquent, il est nécessaire d’accélérer la promulgation des textes d’applications afin que son sort ne soit pas comme son précédant.

1.2Le cadre général de l’efficacité du régime des carrières :

Le législateur marocain a marocain mis en place un ensemble de mécanismes juridiques pour assurer la bonne gestion des carrières et la protection du ressource sol contre les abus, ces mécanismes sont renforcés par des instruments à vocation environnementale.

1.2.1. Le régime d’autorisation ou de déclaration au titre de la loi relative aux carrières

L’exploitation d’une carrière est basée sur un système déclaratif auprès de l’administration comme prévu par la réglementation en vigueur[16]. L’administration  de tutelle dispose d’un délai de réponse de 60 jours pour toutes les carrières et de 30 jours pour les projets de prospection. Après le dépôt de son dossier, l’exploitant de carrière  doit fournir une étude d’impact.

Dans l’ensemble l’exploitation des carrières est soumise à une enquête publique lancée par l’administration. Si la commission régionale des carrières ne fournit aucun  avis contraire sous huitaine, cela signifie que la demande d’exploitation est présumée validée. Un récépissé de déclaration sera ensuite délivré à l’exploitant, accompagné d’un cahier des charges.

Le texte apporte également des modifications par rapport à la période d’exploitation, en effet, la période d’exploitation de cinq ans jusqu’alors établie à 20 ans pouvant atteindre 30 ans pour une industrie transformatrice qui dépasse 40 Millions DHS, et de dix (10) ans au maximale, pour les carrières situées en milieu marin[17].

Toute extension de l’exploitation d’une carrière, à des terrains attenants, doit faire l’objet soit d’une déclaration d’extension d’exploitation dans la limite de la durée restante prévue dans le récépissé de déclaration initiale et dans la zone ayant fait l’objet de l’étude d’impact sur l’environnement, soit d’une nouvelle déclaration (Article 31 de la loi 27-13 relative aux carrières).

La durée d’exploitation ne peut être renouvelée que lorsque l’exploitant aura satisfait à ses engagements relatifs au réaménagement du site de la carrière exploitée (Article 32). En revanche le changement de l’exploitant d’une carrière doit faire l’objet d’une déclaration déposée conjointement par le cédant et le cessionnaire auprès de l’administration dans le mois qui suit la cession de l’exploitation. Le nouvel exploitant se substitue d’office au précédent exploitant dans l’intégralité des droits et obligations attachés au récépissé de la déclaration d’exploitation faite à son prédécesseur y compris la présentation de la caution bancaire; le cédant doit attester qu’il est en situation régulière envers l’Etat (Article 33). L’exploitant doit déposer auprès de l’administration une déclaration de fin d’exploitation.

1.2.2 Le renforcement du contrôle pour le respect des conditions requises

Surexploitation, pillage, sous-déclaration, l’inefficacité du contrôle…, les fléaux des carrières de sable. Pour faire face à cette situation, La loi n° 27-13 relative aux carrières a mis en place d’outils de contrôle et de suivi des activités des exploitants de carrières, dans le cadre d’une politique nationale, se base sur l’optimisation des ressources, leur préservation et durabilité. De ce fait des mesures ont été prises visant à interdire les carrières informelles et à prévenir le pillage du sable des dunes côtières et des plages.

Le contrôle d’une carrière revêt une double importance. Il permet de fixer le montant de l’impôt et autres redevances et de veiller à l’application des dispositions de la loi en matière d’impact environnemental et de niveau d’extraction[18]. La nouvelle loi introduit, tout un dispositif pour constater et sanctionner les infractions. Le volet constatation, d’abord, incombe outre aux officiers de la police judiciaire,  à des agents de la police des carrières assermentés par le ministère de tutelle, commission centrale permanente du contrôle du suivi de l’exploitation des carrières, instituée auprès de l’autorité gouvernementale chargé de l’équipement ( article 43 ), et commission préfectorale ou provinciale des carrières présidée par le gouverneur de la préfecture ou de la province, chargée du contrôle et du suivi de l’exploitation des carrières (article 44). Ces derniers disposent d’un libre accès aux carrières.

La mise en place des commissions nationale et provinciales prévue dans la nouvelle  loi constitue un outil de pilotage important, qui sera renforcé par les données statistiques. Néanmoins La multiplicité des parties prenantes et des niveaux de contrôle dans le secteur, et la faiblesse des moyens disponibles rendent nécessaire d’assurer une coordination et mutualisation des moyens dédiés au contrôle par ces différents intervenants.

D’une manière générale, l’exploitation des carrières est soumise à un suivi continu de l’administration qui tient à cet effet un registre contenant un inventaire des carrières au niveau national, Ce registre constitue un moyen de surveillance. La nouvelle loi prévoit  également que l’exploitant d’une carrière doit tenir un registre de suivi de l’exploitation des carrières qui doit indiquer les quantités des matériaux extraits et celles qui sont vendues. Le document, dont la forme finale sera fixée par le ministère de tutelle, servira pour établir des statistiques et effectuer des recoupements avec les déclarations d’exploitation mensuelles.

 Dans une logique d’équité et de transparence, et afin d’éviter tout abus, il est proposé de conditionner l’accès aux sites par les agents responsables du contrôle à la présentation d’un ordre de mission de contrôle, précisant leurs identités et l’objet de leur mission.  Un texte d’application définira l’uniforme et la carte professionnelle des membres de cette police, qui seront recrutés parmi des ingénieurs justifiant de 5 ans d’ancienneté. Ces derniers disposeront de plusieurs outils de surveillance dont une batterie d’instruments tels que le GPS, un système d’information géographique (SIG), un sondeur, un scanner 3D… Il faut espérer que la police spéciale sera suffisante pour contrôler les carrières.

Pour lutter contre la fraude et la sous-déclaration, l’exploitant devra s’équiper d’un pont-balance délivrant automatiquement le poids du chargement, la date et l’heure du pesage, le numéro d’immatriculation du camion. Les carrières mitoyennes pourront s’équiper d’un même pont-bascule, sur autorisation de l’administration de tutelle à condition que les camions empruntent le même passage vers le réseau routier[19].

Bien que la surveillance des carrières à ciel ouvert parait moins difficile, car elle est effectué dans un champ ouvert, ce n’est pas le cas pour celles sous-marines, ou le contrôle est plus difficile étant donné que cela se fait dans un milieu fermé[20].

 En principe, après l’adoption de la loi, il sera plus possible aux exploitants de laisser les carrières en l’état en fin d’exploitation. Le projet de décret rend obligatoire la réhabilitation du site. Le ministère de l’Équipement devra encore définir le mode opératoire de la remise en l’état des carrières qui ne seront plus exploitées.

Pour que les prescriptions de police soient respectées, il  est essentiel de prévoir des sanctions, afin que la règle soit effective. Par ailleurs, la sanction joue un rôle préventif indéniable par ses dissuasions. A ce titre la nouvelle loi a instaurés des sanctions en cas de non-respect des dispositions d’exploitation. Dans ce sens il est à signaler que tout exploitant qui refuse aux contrôleurs pourvus du pouvoir de contrôle, l’accès aux lieux pour l’exercice de leurs missions est soumis à la sanction.

1.2.3 Instauration de sanctions administratives et pénales en cas de non-respect des dispositions de la nouvelle loi et les conditions d’exploitation

La sanction, qu’elle soit pénale  ou administrative ou pécuniaire permet d’assurer la répression des comportements jugés fautifs. Elle peut comporter un caractère préventif en ce qu’elle fait naître une crainte de la sanction.

 Compte tenu du fait que le secteur des carrières a connu, ces derniers temps, des dysfonctionnements concernant les modes d’exploitation et l’émergence de carrières sauvages ainsi que le pillage du sable et l’inefficacité du contrôle, ce qui a entraîné des effets négatifs sur la population, l’environnement naturel, les infrastructures et les revenus financiers.

 De ce fait et en vue de garantir le respect des dispositions de la nouvelle loi par les exploitants, le texte autorise à l’Administration à imposer des amendes de 20.000 dirhams à un million (1.000.000) de dirhams pour un ensemble de manquements aux dispositions de la loi. (Article 56). Les sanctions peuvent aller jusqu’à la fermeture pure et simple du site de l’exploitation.

II. La loi 27-13 relative aux carrières au défi de la protection de l’environnement

Comme toute réalisation industrielle, les carrières mobilisent des hommes, de l’énergie, des moyens mécaniques et participent en partie à l’économie nationale. Malgré ces avantages, les carrières, plus que tout autre type d’exploitation, sont au centre d’un système en réaction avec l’environnement. L’exploitation de sable des carrières est une activité hautement polluante, elle laisse de nombreuses marques dans le paysage et l’environnement naturel. Mais il appartient, en toutes hypothèses, aux exploitants de les limiter au maximum, sous la surveillance des autorités publiques compétentes. L’intervention de celles-ci s’impose lorsque l’environnement et  la sécurité des personnes est compromise.

2.1. Management de l’environnement lors de l’ouverture et de l’exploitation d’une carrière:

Chaque projet d’ouverture d’une nouvelle carrière ou toute prolongation d’autorisation d’exploitation nécessite la réalisation d’une étude d’impact. L’obligation pour l’exploitant de présenter une étude d’impact environnemental a été introduite par la nouvelle loi.

L’expression étude d’impact est largement utilisée dans tous les domaines industriels et pourtant sa définition est différente suivant la législation des pays ou suivant les considérations théoriques. La loi 12-03 relative aux études d’impact sur l’environnement[21] a défini cet instrument dans l’article 1 comme, « étude préalable permettant d’évaluer les effets directs ou indirects pouvant atteindre l’environnement à court, moyen et long terme suite à la réalisation de projets économiques et de développement et à la mise en place des infrastructures de base et de déterminer des mesures pour supprimer, atténuer ou compenser les impacts négatifs et d’améliorer les effets positifs du projet sur l’environnement ».

L’étude d’impact environnemental est une conséquence de l’obligation internationale de prendre en compte l’environnement dans tout projet présentant un intérêt majeur dans une communauté humaine donnée ou dans un champ géographique déterminé. L’étude d’impact environnemental a été consacrée en droit international par le principe 17 de la déclaration de Rio de 1992[22] qui dispose que: « Une étude d’impact sur l’environnement, en tant qu’instrument national, doit être entreprise dans le cas des activités envisagées qui risquent d’avoir des effets nocifs importants sur l’environnement et dépendent de la décision d’une autorité nationale compétente ».

 Une étude d’impact sur l’environnement, rappelons-le, a pour objectifs principaux de sauvegarder l’environnement en valorisant le principe de prévention, et aider les autorités à construire l’avenir en prenant le meilleur des décisions associant des critères environnementaux techniques, économiques, juridiques et sociaux.

En général, Les carrières à ciel ouvert et les carrières souterraines ne peuvent être mises en exploitation qu’après l’achèvement des travaux de leur aménagement, Concernant les carrières en milieu aquatique, elles ne peuvent être mises en exploitation qu’après l’achèvement des travaux d’aménagement des bassins de stockage, sur terre, des matériaux dragués, et les équiper par tout ce qui assure le suivi de la pollution de ces matériaux, leur traitement le cas échéant, la rationalisation de leur utilisation et leur valorisation. (Article 12).

Par ailleurs, une carrière surtout en activité, doit mettre en application une politique cohérente et active à l’égard de l’environnement, cela se montre à travers la responsabilité et engagement de l’exploitant qui doit au premier lieu respecter  la réglementation en vigueur relative à l’environnement, dont faire preuve du respect de l’environnement dans les domaines concernant en particulier les émissions dans l’air, les rejets dans l’eau, la contamination des sols, et l’émission des bruits, d’odeurs, etc… en outre,  les exploitants de carrières devraient présenter des rapports annuels sur la situation environnementale de leurs carrières, établis par les bureaux d’études .

2.2. La remise en état des carrières : un enjeu environnemental et juridique

Les dispositions à prendre pour préserver l’environnement doivent constituer une préoccupation permanente qui nait avec le projet d’exploitation d’une carrière et ne s’achève qu’après la remise en état des lieux[23].

Certes, L’activité des carrières, fondée sur la présence d’une ressource exploitable, est indispensable à de nombreux secteurs de l’économie régionale. Après exploitation, et parce que celle-ci a souvent bouleversé la topographie et les équilibres naturels des sites, une remise en état s’impose.

La remise en état, prévue par la nouvelle réglementation, et la circulaire du premier Ministre N° 6/2010 du 14 juin 2010, consiste à effectuer les travaux nécessaire pour assurer l’intégration paysagère et la sécurité des sites vis-à-vis du public en créant les conditions permettant le développement d’une nouvelle vocation des terrains.

Les travaux de remise en état sont prévus dès la demande d’autorisation ou d’extension d’une carrière. Dans son étude d’impact, l’exploitant doit présenter les  travaux qu’il mettra en œuvre pour satisfaire cette obligation.  L’exploitant est tenu donc à la fin de l’exploitation de tout ou partie de la carrière, de réaménager cette partie de la carrière ou toute la carrière, conformément aux modalités et mesures prévues par le récépissé de déclaration et le cahier des charges y annexé, en tenant compte des conditions de sécurité et de l’intégration de la carrière dans son environnement. En outre, L’administration constate les travaux de l’aménagement et leur conformité aux documents relatifs au réaménagement du site de la carrière, elle peut être assistée par la commission provinciale des carrières et par tout expert dans le domaine Article 39).

En cas de non-respect par l’exploitant de cette mesure, l’administration suit le carier  juridiquement,  et se charge des travaux de réaménagement  par l’utilisation de la caution bancaire, Si le montant de cette caution ne couvre pas l’ensemble des dépenses du réaménagement, les frais supplémentaires sont supportés par l’exploitant.

Par ailleurs, De plus l’article 24 de cette loi prévoit qu’en cas de péril imminent mettant en danger l’environnement, l’hygiène et la sécurité des ouvriers, le sol, les habitations et l’environnement marin, l’exploitant doit en informer immédiatement l’administration. Celle-ci prescrit à l’exploitant les instructions nécessaires pour parer au danger.

En guise de conclusion, les carrières, produisant environ 100 millions m3 de matériaux par an. Il faut préciser que le secteur intègre plusieurs types d’exploitation (à ciel ouvert, sous-marine…) exploitant de nombreux produits (marbre, argile, granulat…). Au total, ce sont plus de 25 types de carrières existants au Maroc qui sont couverts par le nouveau texte. Quel que soit son effet, la nouvelle loi sur l’exploitation des carrières impactera un pan non négligeable de l’économie nationale. En revanche faut pas oublier que L’extraction des sables sont très peu respectueuses des pratiques de préservation de l’environnement, à long terme, et si aucune mesure d’atténuation n’est mis en place, ces impacts seront probablement à l’origine d’un cout de dégradation de l’environnement plus important que les retombées économiques des produits de leur exploitation. En fait, c’est le défi auquel la nouvelle loi doit faire face.


[1]IBTISSAM  MOTIB : Doctorante au Laboratoire Environnement, Développement et Gestion de l’Espace, de la FLSH, Université Ibn Tofail, Kenitra.

[2]AICHA BENMOHAMMADI : Professeur de Géologie, laboratoire Agro-physiologie biotechnologie environnement et qualité de la FSK, Université Ibn Tofail, Kenitra

[3] Urbanisme et gestion des carrières, cloudfront.net, p 5.

[4] Dahir du 5 mai 1914 (9 joumada II 1332) portant règlementation de l’exploitation des carrières, B.O 19 juin 1914, n° 86, p 451

[5]Carrières : « tout gisement naturel exploitable contenant des substances non soumises au régime des mines en vertu des textes législatifs en vigueur ».

– Article 1 de la loi 27-13 relative aux carrières

[6] Avis du conseil économique, social et environnement, projet de loi n° 27-13 relative à l’exploitation des carrières, saisine n° 12/2014, p 7.

[7]– la ressource « sol » a été différemment interprétée par plusieurs auteurs certains l’ont toujours classée parmi les ressources non renouvelables à l’échelle humaine, en raison de sa faible vitesse de régénération naturelle.  Lal, R., Hall, G.F. et Miller, F.P., 1989. Soil degradation: I. Basic processes. Land Degradation et Development, 1(1), p 59.

Alors que d’autres lui reconnaissent des caractéristiques de ressources renouvelables au-dessus d’un certain seuil –  Ciriacy-Wantrup, S.V., 1964. New Competition for Land and Some Implications for Public Policy, The. Nat. Resources J., 4, p.252. -ou tout simplement de ressource mixte. Voir Turner, R.K. et Daily, G.C., 2008. The ecosystem services framework and natural capital conservation. Environmental and Resource Economics, 39(1), p.30.

[8] Urbanisme et gestion des carrières, cloudfront.net, ibid., p 7.

[9]Notamment : accroissement spectaculaire des besoins en granulats ; en liaison avec le développement des infrastructures ; épuisement de certaines ressources exploitées de façon anarchique ; épuisement de gîtes d’exploitation facile ou proche des centres de consommation de granulat, condition de sécurité non assurées ; abandon  de carrières sans réaménagement ni plantation surtout à proximité des grands centre urbains et aux abords des grands axes routiers ; exploitation anarchique des potentialités ; pollution des nappes, etc.

–  circulaire du 1er ministre sous numéro 6/2010 du 14 juin 2010

[10]Urbanisme et gestion des carrières, cloudfront.net, ibid., p 9.

[11]  Dahir n ° 1-02-130 du  1 rabii II 1423, (13 juin 2002), portant  promulgation de  la loi n ° 08-01 relative à l’exploitation des carrières, B.O n° 5036, p 908.

[12] Article 5 de la loi n ° 08-01 relative à l’exploitation des carrières

[13]Avis du conseil économique, social et environnement, projet de loi n° 27-13 relative à l’exploitation des carrières, ibid., p 12.

[14]Circulaire du Premier Ministre n° 6/2010 du 14 juin 2010. Elle a appelé à la création de comités nationaux et régionaux chargés de mission de surveillance.

[15]Loi n° 27-13 promulguée par le dahir n° 1-15-66 du 21 chaabane 1436 (9 juin 2015) relative aux carrières. (BO n°6422-1 du 17 Décembre 2015).

[16] Le modèle de déclaration, et  la liste des pièces constitutives du dossier de déclaration ainsi que le modèle du récépissé de déclaration et la procédure de son obtention seront  fixés par voie réglementaire; ce qui nécessite l’accélération de la publication de  texte d’application.

[17] Article 10 de la loi n 27-13 relative aux carrières. 

[18] Hassan EL ARIF : Carrières, La filière dénonce l’amalgame, l’économiste, Edition N°:4593 Le 28/08/2012. https://www.leconomiste.com/article/897904-carri-resla-fili-re-d-nonce-l-amalgame. Date et heure de visite : 05/02/2018.

[19]Hassan El Arif : Loi sur les carrières, Rabbah surprend les professionnels, l’économiste, Edition N°:4593 Le 25/08/2015.https://www.leconomiste.com/article/976001-loi-sur-les-carrieresrabbah-surprend-les-professionnels. Date et heure de visite : 05/02/2018.

[20]« Les carrières à ciel ouvert » : les carrières dont l’exploitation est effectuée  sans travaux souterraines

« Les carrières en milieu aquatique » : les carrières situées au fond de la mer, dans les rivières, les embouchures des fleuves et des lacs, les retenues de barrages ou dans les  zones de delta.

-Article 1 de la loi 27-13.

[21] Dahir n 1-03-60 du 10 rabbi I 1424 (12 mai 2003) portant promulgation de la loi n° 12-03 relative aux études d’impact sur l’environnement, bulletin officiel n° 5118 -18 rabiill1424 (19-6-2003), p 508

[22] Déclaration de Rio sur l’environnement et le développement, résultat de la conférence de nations unies sur l’environnement et le développement qui s’est tenue à Rio de Janeiro au Brésil du 3 au 14 juin 1992.

[23]L’opération de remise en état a été imposée par la loi 12-03 relative à la protection et mise en valeur de l’environnement (article 70-71).

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