PARTENARIATS PUBLIC – PRIVÉ ET PERFORMANCE DES INVESTISSEMENTS PUBLICS : CAS DU MAROC
Mlle. MOUDINE LAMYAA
Doctorante à la Faculté de Droit des Sciences Juridiques,
Economiques et Sociales -Mohammedia- MAROC
:Sommaire
Le Maroc a actuellement un besoin énorme en matière de services et d’infrastructures économiques et sociales, mais il rencontre encore des contraintes de financement très importantes. Certes, le PPP permettra au Maroc d’alléger ses dépenses publiques, l’augmentation de sa capacité de financement, le développement de ses infrastructures. Cependant, il serait important d’analyser le PPP, dans ses différentes dimensions, ses impacts dans un pays comme le Maroc, et d’analyser dans quelle mesure cette politique pourrait lui être opportune sachant qu’elle a fait preuve de réussite que d’échecs dans d’autres pays qui ont accumulé une large expérience dans ce domaine depuis des années.
:Summary
Morocco has currently a huge need for services and economic and social infrastructure, but it still faces funding constraints very important. While the PPP will allow Morocco to ease public spending, increasing its ability to finance the development of its infrastructure. However, it is important to analyze the PPP in its various dimensions, its impact in a country like Morocco, and analyze to what extent this policy could be appropriate knowing that he has demonstrated that success of failures in other countries that have accumulated extensive experience in this field for years.
:Spécification des mots-clés
Partenariat public privé, dialogue compétitif, value for money, partage des risques, l’offre la plus avantageuse
:Quelques indications bibliographiques
- J-C DOUENCE, La dévolution contractuelle du service public local, Dalloz, Collection locale, 1993, n° 6190-5.
- Claudie BOITEAU, Les techniques contractuelles : les partenaires public-privé, Revue Française de Finances Publiques, n° 109, 2010.
- Nour-Eddine BOUTAYEB, symposium sur les partenariats public privé, 21 mai 2008 à Rabat ;
- Ali KAIROUANI, La corrélation entre développement et partenariat public privé au Maroc, REMALD, n°116, Mai-Juin 2014.
- Abdellatif LAAMRANI, Le partenariat public privé au Maroc, quel avenir ?, REMALD, n°116, Mai-Juin 2014.
- Frédéric MARTY, Sylvie TROSA, Arnaud VISION, Les partenariats public privé, éd. La Découverte, Paris, 2006.
- Raphaël POLLET, Kim MORIC, Manuel pratique des partenariats public-privé constructifs en région Wallonne, Confédération Construction Wallonne, édition 2010.
- Sylvie WEIL, Véronique BIAU, Comprendre les pratiques européennes : Le développement de la procédure de PPP/PFI en Grande-Bretagne, rapport d’enquête du novembre 2003.
Introduction :
Le Maroc a actuellement un besoin énorme en matière de services et d’infrastructures économiques et sociales, mais il rencontre encore des contraintes de financement très importantes, et ce malgré les recettes qu’il avait déjà drainé des opérations de privatisation pour le financement des projets économiques et sociaux à caractère structurel, elles restent insuffisantes pour remédier à ce besoin[1], face à la rareté des biens publics et l’intérêt de faire appel à des compétences privées, les personnes publiques se retrouvent dans l’obligation de recourir souvent à des coopérations avec le secteur privé[2].
C’est dans ce contexte, que le Maroc a adopté depuis 2010, une nouvelle approche de la commande publique qui est le Partenariat Public Privé (PPP), considérée comme étant une nouvelle formule de financement des infrastructures, ainsi qu’un outil d’amélioration des services publics et d’optimisation des dépenses de l’Etat.
Ce partenariat revêt l’esprit d’une coopération générant de la valeur ajoutée[3], et ce à travers la valorisation au mieux des savoir-faire respectifs des secteurs public et privé dans un rapport gagnant-gagnant[4]. En effet, la personne publique noue un contrat à long terme avec le partenaire privé qui se charge d’une mission globale et complexe, nécessitant une grande expertise et une énorme capacité de financement, et que la personne publique ne peut les assurer avec un simple marché classique, le partenaire privé en contrepartie de ses prestations perçoit une rémunération « loyer »[5].
Le PPP est une politique développée en Grande-Bretagne, connu auparavant sous le nom de Private Finance Initiative (PFI), elle est mise en place en 1992 par le Gouvernement de John Major au moment où il a succédé au Gouvernement de Margaret Thatcher qui avait à l’époque engagé de nombreuses privatisations largement critiquées et mal accueillies par l’opinion. L’objectif de cette politique c’est de maintenir les dépenses publiques en dessous de la barre des 40% du PIB et la réduction de déficit budgétaire à 3% du PIB, et ce conformément à l’obligation faite aux États-membres de l’Union Européenne prévue par le traité de Maastricht.
Le PFI a permis au Grande-Bretagne grâce aux capitaux privés le financement de grands projets structurants dans les différents secteurs, ainsi que leur construction et leur équipement, notamment les prisons, les aéroports, les réseaux routiers, les établissements scolaires et hospitalières et ce, sans alourdir le budget public étant donné que la dépense publique est étalée sur plusieurs décennies sous forme de paiements mensuels ou annuels pour la fourniture des services, elle sera donc considérée comme une dépense de fonctionnement et non plus d’investissement[6]. Aujourd’hui, le Royaume-Uni est le pays qui signe le plus de contrats PFI, avec en moyenne de 48 contrats signés par an[7].
Certes, les PPP permettront au Maroc d’alléger ses dépenses publiques qui seront étalées sur plusieurs années[8], l’augmentation de sa capacité de financement, le développement de ses infrastructures et l’amélioration de la qualité des services. Cependant, il serait important d’analyser cette approche partenariale dans ses différentes dimensions, ses impacts dans un pays comme le Maroc, et d’analyser dans quelle mesure cette politique pourrait lui être opportune sachant qu’elle a fait preuve de réussite que d’échec dans d’autres pays qui ont accumulé une large expérience dans ce domaine depuis les années 90 afin d’en tirer les enseignements (I), cette analyse nous permettra par la suite de ressortir les préconisations nécessaires pour le cas du Maroc (II).
- Etude des avantages et des inconvénients du partenariat public privé :
- Avantages des Partenariats Public Privé :
Parmi les avantages des PPP, ce qu’ils amènent les autorités publiques à raisonner en termes de résultat et d’efficacité que la réalisation d’un simple actif[9], dans la mesure où le partenaire privé ne sera rémunéré que sur la base de sa performance durant la vie du contrat et l’effectivité du service qu’il fournit.
Le mode de calcul de cette rémunération est fixé en arrêtant des indicateurs de performance, cela nous parait très avantageux pour l’amélioration de la qualité de service public au Maroc et pour satisfaire au mieux les besoins des citoyens. Au cas où le partenaire privé ne respecte pas ce qui a été convenu dans le contrat, il risque de subir des pénalités. En revanche, il peut percevoir des primes s’il apporte des solutions nouvelles qui dépassent le niveau de performance convenu dans le contrat, par exemple lorsqu’il apporte des économies au profit de la personne publique sur l’utilisation de l’énergie.
Ainsi, l’un des avantages des PPP, ce que la rémunération n’est pas immédiate elle est différée[10], la personne publique ne commence à verser le loyer à son partenaire que lorsqu’il s’assure que le projet est effectivement opérationnel et ce, justement après la livraison et la délivrance d’une attestation de conformité, afin qu’elle incite son partenaire privé à respecter aussi bien les délais que la qualité convenus dans le cahier des charges.
Par ailleurs, le recours au PPP permettra la réalisation des projets de grande complexité par le secteur privé, les missions qui seront confiées au partenaire privé ne font pas nécessairement partie du cœur de métier de la personne publique, il serait donc avantageux pour elle de lui transférer ces missions, car le partenaire privé est le plus apte à les prendre en charge de la façon la plus efficace et optimisée, cela n’empêche biensur que la responsabilité de service public reste toujours à la charge de la personne publique[11].
En outre, selon les bonnes pratiques un projet de partenariat public privé réussi, nécessite une meilleure gestion des risques entre les parties durant la durée du contrat, lorsqu’ils sont identifiés par les parties, ils doivent être partagés de la façon la plus optimisée et équilibrée, dans la mesure où chacun des risques est pris en charge par la partie qui le maitrise le mieux et avec le moindre coût.
Ainsi, un des avantages des PPP, ce que le recours à l’évaluation préalable du projet faite par les soins de la personne publique est obligatoire, car c’est une phase déterminante pour la réussite d’un projet d’une grande complexité et qui engage le budget de l’Etat à long terme, grâce à cette évaluation la personne publique aura plus de visibilité et d’éléments de prise de décision, notamment quant au mode optimal de la réalisation du projet, en mode PPP ou simplement un marché classique, cela dépend des résultats ressortis de l’étude comparative figurant dans l’évaluation préalable notamment le « Public Sector Comparator »[12].
C’est une grave erreur, de réaliser des projets PPP à la hâte, avec peu de moyens financiers ou d’aide technique, une solide étude de faisabilité, réalisée par des experts en PPP qui couvre tous les aspects de la viabilité du projet est nécessaire pour s’assurer que le PPP est le modèle adéquat de réalisation du projet.
En outre, l’une des pratiques internationales innovantes largement utilisée en matière de PPP, c’est le recours au dialogue compétitif, considéré comme un outil qui permet à la personne publique de définir au mieux les moyens pouvant répondre à ses besoins, et ce en se basant sur les propositions faites par le secteur privé.
Il faut souligner que les PPP n’est pas une solution miracle ou une baguette magique qui transforme un mauvais projet en un bon projet, leur élaboration et leur mise en œuvre prennent du temps. A cet effet, il est préférable de gagner beaucoup de temps et d’éviter des déconvenues entre les parties à l’avenir en consacrant un maximum d’efforts dans la phase d’évaluation préalable.
- Inconvénients des Partenariats Public Privé :
Comme tout autre instrument, le PPP présente également des inconvénients mais ils sont gérables à notre égard si on est conscients de leur existence et on prend toutes les précautions nécessaires.
C’est tout d’abord l’impact du caractère durable du contrat PPP et de l’engagement de la personne publique à long terme souvent autour de 30 ans et parfois même plus [13], une durée suffisante pour amortir les investissements. Cependant, il y a le risque que le contrat ne suit pas l’évolution des besoins de la personne publique et le changement des conditions économiques. Cet engagement à long terme, risque également de tuer les PME qui sont incapables d’assurer la charge de ces contrats au long cours[14]. Cela en conséquence, nécessite souvent des renégociations entre les parties pour suivre cette évolution du contrat PPP dans tous ses aspects financier, économique et technique.
C’est aussi, le caractère coûteux du contrat PPP qui présente un inconvénient majeur, dans un marché classique les organismes publics peuvent emprunter à des taux d’intérêt inférieurs à ceux qui sont accordés aux entreprises du secteur privé dans un PPP, le taux d’emprunt convenu avec les banques est souvent plus élevé que le taux d’emprunt octroyé au Gouvernement qui profite du haut niveau de concurrence entre les banques.
Il faut noter que l’augmentation du taux d’emprunt répercute systématiquement sur le coût du contrat de partenariat public privé, le PPP devient donc plus coûteux qu’une formule classique de financement des projets et de ce fait il favorise l’endettement public[15] .
Les praticiens témoignent au PPP le caractère coûteux, dans la mesure où les loyers versés au secteur privé reviennent au final à payer deux à trois fois plus cher le coût initial, ainsi étant que les contrats PPP est d’une extrême complexité et comprenant souvent plusieurs milliers de pages, à ce nombre correspond des coûts élevés associés aux négociations contractuelles, il s’agit notamment des coûts afférents aux honoraires des consultants retenus par les secteurs public et privé[16].
Il faut noter que, les coûts élevés d’un PPP ont un effet sur la capacité financière des organismes publics qui risquent de trouver une grande difficulté d’honorer leurs engagements vis-à-vis leurs partenaires privés, ces difficultés rencontrées par ces organismes risquent de provoquer à tout moment des coupures de service, ce qui est déconseillé.
Il est à souligner aussi que les difficultés de payement existent par tous, même en Grande Bretagne, comme cela s’est produit dans certains hôpitaux britanniques construits sous le mode PPP, les paiements mensuels pour les PPP sont plus élevés que ceux que les organismes publics feraient si le financement venait de l’État, les exemples sont multiples, dans le secteur de la santé le projet d’hôpital «Queen Elizabeth Hospital» et dans le secteur de l’éducation « University College Hospital » à Londres [17].
Par ailleurs, la titrisation des créances des dettes de PPP provoque aussi des inquiétudes vis-à-vis ce mode de réalisation des projets, cette titrisation qu’était l’origine de la crise des subprimes déclenchée en 2007, elle consiste classiquement à transférer à des investisseurs des actifs financiers en titres financiers émis sur le marché des capitaux à travers une société ad hoc.
L’un aussi des inconvénients des contrats PPP, ce que les études préalables prennent souvent beaucoup de temps et nécessite un budget énorme pour financer les expertises externes effectuées. Tous ce temps nous parait raisonnable pour éviter le risque d’engager la personne publique dans un contrat mal étudié mais ces dépenses alourdissent gravement le budget de l’Etat.
La solution la plus adéquate à notre égard, c’est d’éviter de s’engager dans des évaluations pour certains projets, si leurs caractéristiques présentent au préalable une incompatibilité avec le mode PPP notamment l’absence du caractère complexe du projet. A cet effet, il est donc nécessaire de créer une institution interministérielle chargée d’étudier les projets susceptibles d’être réalisés en mode PPP et de décider quant à l’approbation de l’évaluation préalable.
- Préconisations pour le cas du Maroc :
A- L’expérience marocaine en matière de partenariat public privé
Au Maroc, les rapports entre le secteur public et le secteur privé ne sont pas naissants, il est à souligner que le Maroc dispose déjà d’une grande expérience aussi bien en matière de concessions, acquise en application de la loi n° 54-05 relative à la gestion déléguée des services publics et des lois sectorielles régissant certains secteurs d’activités tels que les ports et l’eau, que dans le domaine de partenariats public-privé notamment pour la production de l’électricité, l’irrigation et le transport urbain[18].
En revanche, les secteurs non marchands tels que l’éducation et la santé ne connaissent pas encore le même développement que connaissent les autres secteurs marchands. Le Maroc conscient de l’importance des PPP en matière de croissance des infrastructures économiques et sociales et de fourniture de services publics, a pris toutes les mesures nécessaires pour accélérer le rythme de croissance, afin de répondre au mieux aux attentes des citoyens et de favoriser le climat des affaires.
Ces mesures portaient en premier temps, sur la création d’une Cellule dédiée aux PPP au sein du Ministère de l’Economie et des Finances, qui se charge notamment d’apporter son appui aux différents organismes publics intéressés par les projets PPP ainsi que son assistance technique, financière et juridique. L’objectif de création de cette Cellule, c’est de mettre en place un centre de veille et d’expertise qui accumule les expériences et qui diffuse les bonnes pratiques en matière de PPP.
Cette Cellule devrait avoir un statut qui lui procure la possibilité de jouer le rôle de conseiller des différents départements ministériels du Gouvernement sur tous les aspects afférents aux projets de partenariat public privé et d’assurer également la coordination et la centralisation des informations sur lesdits projets permettant donc de bénéficier du retour d’expérience, cela n’empêche que les personnes publiques concernées demeurent les seules responsables de leurs projets, et que le rôle de la Cellule se limite à leur procurer de l’accompagnement.
Le processus de dynamisation du recours aux PPP a été entamé par le Ministère de l’Economie et des Finances marocain depuis 2010 avec l’appui de plusieurs organismes internationaux.
Tout d’abord, la coopération était avec la Banque Mondiale (IFC) et l’unité du Royaume Uni Infrastructure (IUK) pour la revue de l’environnement juridique et institutionnel relatif aux projets PPP au Maroc, la création des capacités et le développement de l’expertise en matière de PPP par l’identification et la réalisation de projets pilotes et la mise en place d’une Cellule dédiée au projets PPP au sein du Ministère de l’Economie et des Finances, qui se chargera d’apporter l’assistance technique aux différentes administrations et établissements et entreprises publics pour l’identification, le montage et le suivi des projets PPP[19].
Ainsi, il y avait une coopération avec le Ministère de l’Economie et de la Technologie Allemand et le groupement des entreprises du secteur public de l’Irlande du Nord dans le cadre du projet de jumelage institutionnel pour la formation sur le cycle projet PPP et les bonnes pratiques en matière de conduite des projets PPP, l’élaboration d’un manuel des bonnes pratiques en la matière, un guide des clauses minimales dans un contrat PPP et sur l’aspect « Value for Money ».
En outre, le Maroc a établi une coopération avec la Banque Européenne d’Investissements (BEI) pour effectuer une étude comparative sur les textes législatifs et réglementaires des PPP de certains pays de l’Union Européenne afin de proposer un dispositif juridique marocain sur les PPP adapté au contexte institutionnel et aux standards internationaux en la matière.
Par ailleurs, le Maroc aura besoin d’un schémas institutionnel bien organisé pour conduire ce chantier et donnant plus de visibilité aux différentes parties prenantes, notamment à travers l’établissement d’une commission suprême composée par des membres permanents nommés choisis en raison de leur compétence en matière juridique, économique, financière et sociale de même que la commission des transferts en matière de privatisation.
Ainsi, il est préférable que le Maroc se dispose d’un cadre juridique unifié pour tous les modes d’attribution des contrats publics, et ce à travers la mise en place d’un code de la commande publique qui rassemble la réglementation sur les marchés publics, les concessions et les partenariats public privé, et ce pour donner plus de visibilité aux investisseurs.
En matière de PPP, le cadre juridique qui devrait régir ce mode d’attribution des contrats, doit être claire et incitatif pour les praticiens et toutes les parties prenantes, il doit également offrir ainsi les garantis d’une concurrence saine et un équilibre des relations entre les secteurs public et privé.
A cet effet, le Maroc a élaboré une loi n°86-12 relatif aux contrats PPP [20] qui va contribuer, à coté des autres textes existants, à développer davantage l’attractivité des investissements étrangers du pays et constituera en un outil important dans l’amélioration du climat des affaires au Maroc.
B- Les innovations apportées par la loi n° 86-12 relatif au partenariat public privé :
La loi n° 86-12 relatif au partenariat public privé, a été établie sur la base des enseignements tirés de l’expérience marocaine acquise dans le cadre des projets de partenariat et de concession déjà réalisés, ainsi que sur la base des meilleures pratiques internationales en la matière.
La loi est basée dans sa philosophie sur les principes de la bonne gouvernance consacrés par la nouvelle Constitution, il a pour objectif de renforcer les principes de concurrence, de transparence et d’introduire de nouveaux procédés dans la gestion de la commande publique, notamment l’évaluation préalable des projets, le dialogue compétitif pour le montage des projets complexes, la rémunération sur la base de la performance, le partage optimisé des risques et le contrôle strict des engagements contractuels.
Le Partenariat Public-Privé est défini par ladite loi comme une forme de coopération par laquelle l’Etat, les établissements publics de l’Etat et les entreprises publiques confient à des partenaires de droit privé dit « partenaire privé », à travers un contrat de durée déterminée dénommé «contrat de partenariat public-privé», la responsabilité de réaliser une mission globale de conception, de financement de tout ou partie, de construction ou de réhabilitation, de maintenance et/ou d’exploitation d’un ouvrage ou infrastructure nécessaire à la fourniture d’un service public.
On dégage une différence par rapport à la définition apportée par la législation française, ce que le cocontractant de la personne public n’est qu’un « tiers », cela implique toute personne physique ou morale relevant de droit privé ou même de droit public. En revanche, La loi marocaine en matière de partenariat public privé, tranche dés le départ cette question en prévoyant que le contrat PPP est un contrat entre un partenaire public et un partenaire privé.
En ce qui concerne le champ d’application de la loi sur les contrats PPP, on remarque une volonté du législateur d’impliquer tous les acteurs publics dans cette approche partenariale, chose qui n’est pas remarqué dans la loi sur la gestion déléguée dont le champ n’intègre pas les contrats conclus par l’Etat[21]. Cependant, les collectivités locales ne peuvent entrer dans le champ d’application du projet de loi sur les contrats PPP, qu’après l’entrée en vigueur de la loi organique qui régit le régime financier des régions et des autres collectivités locales[22].
Ainsi selon la loi, tout projet PPP doit assurer un partage optimal des risques, dans la mesure où c’est à la partie la mieux à même de les assumer efficacement et avec le moindre coût de les prendre en charge. En outre, la rémunération des services rendus dépend de leur effectivité et en fonction de performance du partenaire privé[23].
Ainsi, le recours à un contrat PPP au terme des dispositions de la loi, doit répondre à un besoin dûment défini par la personne publique concernée, et exige également une évaluation préalable ayant pour objet notamment de démontrer dans quelle mesure serait-elle opportune pour l’organisme public la réalisation du projet en mode PPP par rapport aux autres modes classiques de réalisation des projets, le rapport d’évaluation devra selon certaine doctrine être approuvé par une commission de haut niveau placée sous l’autorité du Chef du Gouvernement et représenté dans les ministères de tutelle[24].
Dans ce schéma, le Ministère de l’Economie et des Finances joue un rôle déterminant dans l’approbation des projets et les pouvoirs adjudicateurs doivent lui soumettre des modèles économiques détaillés, convaincants et bien argumentés inciteront ledit Ministère à approuver le rapport d’évaluation préalable en toute confiance et lui permettront d’en évaluer précisément les conséquences futures pour les finances nationales[25].
Ainsi, la passation d’un contrat PPP s’effectue soit par le dialogue compétitif, soit par l’appel d’offres avec ou sans pré-selection ou exceptionnellement par la procédure négociée[26]. Ce classement suit le même ordre prévu par la législation française[27], qui commence par le dialogue compétitif, vue l’importance de ce mode de passation qui encourage l’initiative privé à présenter des idées innovantes au profit de la personne publique[28].
L’un aussi des aspects innovants de la loi, c’est l’obligation faite à la personne publique initiatrice du projet, d’attribuer le contrat qu’au candidat ayant présenté l’offre économiquement la plus avantageuse[29], sachant que les conditions et les modalités de préparation et d’attribution du contrat font l’objet d’audit[30], qui se chargera donc de cet audit on en trouve pas de réponse dans la loi, on en déduit donc que cette opération peut s’effectuer par tout organisme habilité dans le cadre de ses attributions stipulées dans son texte de création ca peut être la Cour des Comptes ou même l’Inspection Générale des Finances relevant du Ministère de l’Economie et des Finances.
La loi cite à titre indicatif mais obligatoire certaines clauses relatives notamment à la durée du contrat, aux objectifs de performance, au partage des risques, à la cession, à la sous-traitance, au contrôle des obligations du partenaire privé, aux sûretés, au personnel et à la fin du contrat, et ce afin de mettre un minimum standard des clauses de même que les autres législations qui se dirigent vers la standardisation des contrats, cela n’empêche que le législateur a laissé plus de flexibilité aux parties d’ajouter d’autres clauses ayant rapport avec les caractéristiques du projet et de secteur concerné[31].
Selon la loi, les contrats PPP font l’objet d’une approbation, pour les contrats passés par l’Etat, l’approbation est faite par décret, pour les contrats passés par les Etablissements Publics de l’Etat, l’approbation est faite par leur conseil d’administration et validés par les autorités de tutelle, et pour les contrats passés par les Entreprises Publiques ils sont approuvés conformément à leurs statuts.
La loi fixe la durée du contrat PPP de 5 à 30 ans, elle tient compte de la période nécessaire pour assurer l’amortissement des investissements réalisés, cela permet donc de distinguer les PPP des marchés publics et de la privatisation[32]. Cependant, la durée maximale peut être portée jusqu’à 50 ans en fonction des besoins du projet et de sa complexité.
On cite également, l’obligation qui incombe à la personne publique selon les dispositions de la loi, de décrire précisément les objectifs de performance dans le contrat, et ce afin de faciliter cette mission de contrôle, à travers la fixation exacte des indicateurs de performance. En cas de manquement du partenaire privé à ses obligations, le contrat prévoit des pénalités dont la mise en application est soumise à des procédures de mise en demeure.
Par ailleurs, dans un souci d’encouragement des PME, le législateur a prévu cette possibilité de sous-traitance des obligations contractuelles de l’opérateur privé. Cependant, il ne peut sous-traiter la totalité de ses obligations car cela remettra en cause le principe de concurrence et les critères sur la base desquels il a été choisi et ayant rapport avec l’objet du contrat, car la sous-traitance totale des obligations rendra certainement le contrat de très couteux, dans tous les cas le partenaire privé reste le seul responsable vis-à-vis la personne publique pour l’ensemble des obligations[33].
La loi, octroi également cette possibilité de modification de certains aspects du contrat, afin de s’adapter avec l’évolution éventuelle des besoins de la personne publique, l’innovation technologique et avec le changement des conditions économiques et financières du contrat.
L’une des principales dispositions innovantes prévues par la loi, et qu’on estime d’une importance considérable, c’est cette possibilité de substituer le partenaire privé défaillant, afin d’assurer la continuité du service public et de rassurer les bailleurs de fonds quant à la certitude de la récupération des dettes. Dans tous les cas, la substitution reste du ressort de la personne publique et elle est appliquée dans les mêmes conditions d’exécution du contrat initial.
La loi prévoit ainsi, qu’à l’expiration du contrat PPP les biens réalisés ou acquis par le partenaire privé dans le cadre et pour l’exécution du contrat, et qui sont nécessaires à l’exploitation et à la continuité du service public, seront systématiquement transférés en pleine propriété à la personne publique.
La loi prévoit également la possibilité d’octroyer des sûretés aux établissements financiers sur les actifs acquis ou réalisés dans le cadre de l’exécution du contrat, afin de faciliter l’accès du partenaire privé au financement.
La loi a prévu aussi la possibilité de résiliation anticipée du contrat, qui permet aux partenaires public et privé de se départir à chaque fois qu’il y a un événement qui nuit à la continuité du contrat, notamment le cas de faute grave ou un cas de force majeure ou pour tout motif qui touche l’intérêt général, dans ce cas la partie lésée peut demander la perception d’une indemnité.
Ainsi, la loi prévoit la possibilité de recourir aux moyens alternatifs de règlement des différends, notamment la conciliation avant tout recours arbitral ou judiciaire, cela permettra un règlement des litiges efficace, rapide et économique.
Conclusion :
Le recours au PPP comme un nouveau mode de réalisation des projets de développement exige, à côté de l’élaboration et la mise en œuvre d’un cadre juridique adéquat, la mise en place d’un cadre institutionnel et se disposer des compétences nécessaires pour la réalisation de projets PPP, ainsi que l’adhésion de tous les acteurs impliqués dans de tels projets.
A ce titre, il serait nécessaire d’adopter une approche programmatique des projets PPP à réaliser dans tous les secteurs d’activité, de créer des centres d’expertise en la matière au niveau des départements ministériels et des établissements et EP et d’instaurer une coordination et une concertation entre les différents intervenants pour donner plus de visibilité aux investisseurs aussi bien sur le plan juridique qu’institutionnel.
[1] « Les opérations de privatisation ont engendré une recette globale d’environ 94 Milliards de DH entre 1993 et 2006. » données publiées par le Ministère de l’Economie et des Finances du Maroc.
[2] Ali KAIROUANI, La corrélation entre développement et partenariat public privé au Maroc, REMALD, n°116, Mai-Juin 2014, p. 157.
[3] Frédéric MARTY, Sylvie TROSA, Arnaud VISION, Les partenariats public privé, éd. La Découverte, Paris, 2006, p. 3.
[4] Ali KAIROUANI, op.cit., p. 163.
[5] OCDE, Les Partenariats Public Privé : Partager les risques et optimiser les ressources, 2008, p. 3.
[6] D’après le Partnerships UK, les projets relatifs au transport recensés comme PFI sont pour la région de Londres notamment:
– Northern Line Trains : un contrat “design, build, finance and maintain” passé en 2000 entre London Underground Limited et Alstom pour le renouvellement du matériel roulant (106 rames) sur une durée de 20 ans et pour un montant de 409 millions de livres.
– Docklands Light Railway extension to City Airport (East London) : un contrat “design, build and maintain” de l’infrastructure passé en 2005 entre DLR et le consortium City Airport Rain Enterprises sur une durée de 30 ans et pour un montant de 165 millions de livres.
– Docklands Light Railway extension to Lewisham (London) : un contrat de conception et construction de l’infrastructure (4,2 km de ligne nouvelle) comprenant un tunnel sous la Tamise, un viaduc et 7 stations, passé en 1999 entre DLR et le consortium City Greenwich Lewisham Rail Link sur une durée de 24,5 ans et pour un montant de 202 millions de livres.
[7] Sylvie WEIL, Véronique BIAU, Comprendre les pratiques européennes : Le développement de la procédurede PPP/PFI en Grande-Bretagne, rapport d’enquête du novembre 2003, p. 7.
[8] Pierre SADRAN, Le partenariat public privé comme outil de modernisation de la gestion publique, Revue Internationale des Sciences Administratives, n° 2, 2004, p.253.
[9] En termes du rapport coût avantage (Value For Money), et ce dans les différentes phases du cycle du projet.
[10] Claudie BOITEAU, Les techniques contractuelles : les partenaires public-privé, Revue Française de Finances Publiques, n° 109, 2010, p. 97.
[11] Voir l’alinéa 1er de l’article 27 de la constitution marocaine.
[12] « l’étude comparative contient, entre autres, la comparaison du coût global du projet selon le scénario PPP avec le coût global du projet si il se réalise selon des modes traditionnels de réalisation, pour la réalisation d’un projet en mode PPP , l’étude comparative doit révéler que c’est le mode le plus intéressant» Sylvie WEIL, Véronique BIAU, Rapport d’enquête : Comprendre les pratiques européennes : le développement de la procédure de PPP/PFI en Grande-Bretagne, Novembre 2003.
[13] En France, la ligne TGV Tours Bordeaux sera construite puis exploitée par Vinci pendant cinquante ans. Un contrat au montant record de 7,8 milliards euros. Moins spectaculaire, Spie Batignolles va construire et gérer trois piscines dans le bassin d’Arcachon. Pour chacune, le groupe touchera une redevance annuelle de 300.000 euros.
[14] Alain rousset, porte parole de François Hollande pour l’industrie, l’innovation et les PME, dans une déclaration avait vivement critiqué les partenariats public-privé (PPP), estimant qu’ils généraient de l’endettement et massacraient les PME.
[15] Raphaël POLLET, Kim MORIC, Manuel pratique des partenariats public-privé constructifs en région Wallonne, Confédération Construction Wallonne, édition 2010, p.27.
[16] Le loyer annuel de 39 millions perçu par Eiffage pour assurer la maintenance et des services annexes à l’hôpital sud Francilien fait polémique. De même, les 154 millions annuels que devrait toucher Bouygues pour construire et gérer le siège du ministère de la défense à Balard, à Paris, font grincer des dents. En tout, le groupe toucherait plus de quatre milliards en ayant investi 1,8 milliard.
[17] Le financement des hôpitaux en PPP coûte plus cher que leur financement à partir de fonds publics.
[18] J-C DOUENCE, La dévolution contractuelle du service public local, Dalloz, Collection locale, 1993, n° 6190-5.
[19] Voir le rapport d’activité de la Direction des Entreprises Publiques et de la Privatisation relavant du Ministère de l’Economie et des Finances, 2010, p.40.
[20] Dahir n° 1-14-192 du 1er rabii I 1436 (24 décembre 2014) portant promulgation de la loi n° 86-12 relative aux contrats de partenariat public privé.
[21] Voir article 1er Dahir n° 1-06-15 du 15 moharrem 1427 (14 février 20 06) portant promulgation de la loi n° 54-05 relative à la gestion déléguée des services publics qui prévoit : « La présente loi s’applique aux contrats de gestion déléguée de services et d’ouvrages publics passés par les collectivités locales ou leurs groupements et par les établissements publics. »
[22] Voir l’article 146 de la constitution marocaine.
[23] Nour-Eddine BOUTAYEB, symposium sur les partenariats public privé, 21 mai 2008 à Rabat.
[24] Abdellatif LAAMRANI, Le partenariat public privé au Maroc, quel avenir ?, REMALD, n°116, Mai-Juin 2014, p.191.
[25] Banque Européenne d’Investissement, Etude sur les cadres juridique et financier des PPP dans les pays partenaires méditerranéennes, volume I, une approche régionale, 2011, p. 37.
[26] La législation française limite le recours à la procédure négociée à un seuil déterminé. Alors que le projet de loi marocain le conditionne à des cas tel que l’urgence ou pour des raisons de défense nationale ou de sécurité publique.
[27] Voir l’article 7 de l’ordonnance n° 2004-559 du 17 juin 2004 sur les contrats de partenariat, la législation française prévoit des dispositions sur les modalités du dialogue compétitif tel que la possibilité de discuter avec les candidats de tous les aspects du contrat, et l’obligation de comparer les différentes solutions etc.…, le projet de loi ne donne pas toutes ces indications car il se contente de tracer les grands principes à respecter inspirés de bonnes pratiques en la matière.
[28] Le recours au dialogue compétitif est initié par la personne publique dans le cas où elle est objectivement dans l’impossibilité de définir seule et à l’avance les moyens techniques pouvant répondre à ses besoins ou d’établir le montage financier ou juridique du projet donnant lieu au service objet du contrat.
[29] Le dossier d’appel d’offres doit mentionner les critères économiques et qualitatifs, portant notamment, sur le coût global de l’offre, les objectifs de performance, les exigences du développement durable, le caractère technique innovant de l’offre et le cas échéant les mesures prises pour la promotion des petites et moyennes entreprises nationales et le taux d’utilisation d’intrants d’origine nationale.
[30] Voir l’article 28 du projet de loi n°86-12 relatif aux contrats de partenariat public privé.
[31] Voir également l’article 11 de l’ordonnance n°2004-559 du 17 juin 2004 sur les contrats de partenariat.
[32] Prévoir une durée maximale a pour objectif de garantir le retour des services et des biens afférents au projet au secteur public à la fin du contrat.
[33] Le partenaire privé reste responsable de la totalité de ses obligations même en cas de sous-traitance, la personne publique n’a qu’un droit d’information sur les activités sous-traitées.